La mémoire effacée des écologistes
Poèmes, musiques, chansons, articles de Hervé le Nestour
Océans (Chansons océanodines et chants à mers)
Il s’appelait Jean Detton
Amazonie
Sauvages
Paria
Les grands arbres noirs
L’orchestre
Etrave de pierre et mât de papier
Wegener
Ce n’est pas l’écologie qui a choisi Lalonde, c’est Lalonde qui a choisi l’écologie (article censuré)
Pierre Fournier est loin d’être le seul acteur de la nouvelle gauche écologiste à avoir été relégué dans l’oubli et remplacé par des personnages aussi falots que stipendiés par le système dominant. Rien n’a été épargné pour gommer les acteurs du mouvement et leur philosophie politique si dérangeante pour l’ordre de la domination anti-sociale et anti-nature.
Après nous être croisés sans nous reconnaître en 68, nous nous sommes enfin rencontrés pendant La Semaine de la Terre en 1971.
Je chante rauque rencontre de roc et de mer
brillante et broyante et bouillonnante éphémère
Flux et reflux, Marées superflues
La côte te dira s’il n’écume plus
Je chante vibrante entente de l’arbre et du vent
froissement de vie frissonne et sème en rêvant
Flux et reflux, Feuilles superflues
et l’hiver te dira s’il ne graine plus
Je chante émouvante attente des airs et des phrases
aux sens multipliés en ondes et en phases
Flux et reflux, Feuilles superflues
L’avenir te dira si je ne chante plus
Y. Hervé cassette REVERBERES années 1980
Hervé le Nestour était musicien, poète et interprète de ses chansons. C’était une grande voix et un esprit inépuisable. Il était aussi anthropologue. Il avait fait ses classes avec Claude Lévi-Strauss, autre remarquable lanceur d’alerte de l’écologisme généralement oublié en tant que tel. En compagnie de Robert Jaulin, une mission l’avait conduit à vivre en Amazonie colombienne parmi les Bari (ou Motilon). Comme Jean Detton auquel il rend hommage ici, il était curieux de tout et semblait se démultiplier pour participer à quantité d’événements. Jean et Hervé ont énormément compté dans la dynamique de la nouvelle gauche* française. Mais ils semblent avoir été effacés des mémoires. Comme c’est curieux…
- c’est ainsi que s’est appelé le mouvement critique et alternatif des années soixante (new left)
1960 1970 – Mouvement écologiste ? Nouvelle gauche ? Contre-culture ? Culture écologiste ?
Comme Serge Grothendieck, comme Jean Detton aussi, Hervé le Nestour avait choisi l’engagement total. La voie la plus difficile. Il avait refusé la carrière et même le compromis d’un travail alimentaire. Entre chansons et action alternative, il vivait entièrement pour le changement de civilisation qui nous aurait sauvé des effondrements d’aujourd’hui. Comme il avait nourri les estomacs et les cervelles de la Sorbonne, de l’Odéon et des Beaux-Arts en 68, il offrait l’essentiel de son énergie au mouvement des idées et des enthousiasmes*. Mais cet effort est ingrat. A la différence des imposteurs passés de l’appel à faire couler le sang des bourgeois à… la bourgeoisie la plus comblée, Hervé le Nestour a beaucoup ramé et a pris beaucoup de coups. Surtout donnés par ceux qu’il avait nourris. Ayant renoncé au confort des institutions, n’ayant pas même sacrifié au salariat, sa vie est devenue de plus en plus difficile. Impécunieuse au point qu’il n’a jamais pu faire soigner sa vue déficiente.
* avec Jean Detton, comme moi à chaque occasion, il avait tenté d’y stimuler la conscience écologiste.
Comme tous les lanceurs de l’alerte, comme tous les sincères, il a récolté le contraire de ce qu’il a semé.
Hervé a beaucoup écrit, des articles, des études, des chansons… Beaucoup. Et beaucoup distribué. Beaucoup donné. Comme tous les acteurs de ce mouvement exceptionnel, il a été peu publié. Surtout censuré. Il est maintenant censuré dans la mort.
Océans (Chansons océanodines et chants à mers)
Voici ce qu’Hervé a écrit après la disparition de Jean au tout début des années 1980 :
IL S’APPELAIT JEAN DETTON
Il est tombé avec sa camionnette dans un ravin d’une centaine de mètres de Haute-Provence, d’avoir roulé seul toute une nuit entre un colloque à Sénanque et un séminaire à Pegreso.
Car il avait compris que l’écologie n’est pas un mot mais une vie et rien d’autre que les relations entre ce qui vit, ce qui existe, ce qui change. Et il se mêlait, avec quelques autres, à tout ce qui pouvait se passer d’intéressant, sans soucis du titre ou de l’étiquette.
Il aidait à ce que cela se passe, de sa tête bouillonnante, de ses mains habiles, de ses pieds infatigables. Il n’appartenait à rien, mais guère d’associations, de sociétés ou de cliques ne lui étaient étrangères, sans soucis de frontières ni de cartes. Il en avait d’ailleurs plein les poches pour pouvoir entrer partout. Et chez lui, vous êtes nombreux à y être passé, manger, dormir, penser, discuter, inventer. Capharnaüm d’objets et d’idées récupérées.
Non seulement la porte était ouverte au hasard, aux besoins, mais il y amenait aussi bien un ministre de rencontre qu’un taulard en cavale, des inventeurs, des zonards, des poètes, des mécanos, des prophètes, des enfants, des raton-laveurs.
Aux dernières nouvelles, il avait une femme, trois gosses, un appartement comme n’importe qui. Il était n’importe qui, mais un drôle de n’importe qui. Pas de métier, de revenus, de parti. Mais les écobiotiques qui mangeaient souvent à l’un de ses cinq ou six services par jour chez lui, savaient-ils qu’ils dégustaient les restes du marché d’Aligre, dont on emplissait sa camionnette aux fins de marchés ? Camionnette qui servait aussi à tout et à tous. Jusqu’au bout.
Il savait pour n’importe quoi où le trouver le moins cher possible et si possible gratuit, pour lui comme pour les autres.
Mais il rêvait aux pétro-dollars pour financer ses inventions du siècle prochain, des appareils à transcrire la parole, des jouets, des capteurs de synergie…
Flic, curé, trafiquant, qui ne l’a cru n’importe quoi pour ficeler l’inficelable dans une étiquette parce qu’il était capable de fréquenter n’importe qui et n’importe quoi, même ceux qui le soupçonnaient ou le dénigraient. Sa couverture était la cybernétique, comme l’écologie aurait pu être la couverture des changements sociaux depuis 68, où l’on travaillait à la Sorbonne, les Beaux-Arts et l’Odéon avec les Halles.
Occasion ratée, compétence gâchée, l’époque préfère les morts, les De Profondis, les Resquiescat, les posthumes, les nécrologiques.
Journalistes qui tendez enfin l’oreille à ce mort, quel pas avez-vous fait vers lui pour lui faire dire la mine d’idées au carrefour de tout ce qui se passe de neuf et que lui n’eut jamais le temps d’écrire ?
Trop tard, il n’en reste que de souvenirs épars. Il est resté seul, perdu plus d’un mois au fond de ce ravin, sans qu’on le sache, avant qu’on ne le retrouve. Quand on n’a pas vécu pareil, on ne meurt pas conformément. On s’évade. Pourtant beaucoup l’ont cherché, sauf les officiels, les institués, les uniformes. Certains le cherchent encore. Ceux qui comprennent que les réponses aux questions que se pose l’époque existent déjà, qu’il en faisait partie. Maintenant, lui aussi est parti.
Voilà Jean DETTON, inconnu et qui mérite de le rester parce que ce qui compte, ce dont nous avons besoin, surtout en ce siècle de spectacles politiques, c’est non des auteurs mais des idées, non des vedettes mais des outils, non de l’ordre mais de l’entropie, non du droit mais de l’accord, non des porte-parole, mais de la parole.
Tout cela est éphémère, et mérite de l’être car on ne peut pas ne pas évoluer. D’autres Jean, gens ou autres existent et agissent. Chacun est unique, sachons les voir vivants.
Hervé le Nestour
http://planetaryecology.com/1971-la-semaine-de-la-terre/
Hervé le Nestour à Montargis en juillet 1974
Devenu presque aveugle, Hervé est lui aussi tombé. C’était dans un escalier du métro Vaugirard au début de l’année 2004. N’ayant pas de papiers d’identité sur lui et n’arborant pas les signes de la réussite sociale, il a été abandonné dans une chambre d’hôpital, sans les soins adaptés. Comme si souvent. Comme d’autres de ma connaissance.
Il est resté seul, perdu plus d’un mois au fond de ce ravin, sans qu’on le sache, avant qu’on ne le retrouve. Quand on n’a pas vécu pareil, on ne meurt pas conformément. On s’évade. Pourtant beaucoup l’ont cherché, sauf les officiels, les institués, les uniformes. Certains le cherchent encore. Ceux qui comprennent que les réponses aux questions que se pose l’époque existent déjà, qu’il en faisait partie.
Sa famille ne l’a retrouvé qu’en faisant elle-même les recherches. Trop tard. Personne ne s’était posé de questions sur ce grand corps qui, pourtant, témoignait d’une vitalité peu commune. Aucune intelligence sensible ne s’était penchée sur lui. Hervé est mort en février 2004 par absence d’empathie, lui qui avait passé le plus clair de son temps à prendre soin de la vie en cherchant le chemin vers une société inspirée par l’ouverture sur la vie.
AMAZONIE
Vous qui de la forêt ne connaissez que chêne, hêtre, saule ou sapin
Châtaigner, orme ou frêne, bouleau, cèdre ou pin
Jamais vous ne saurez l’océan de forêt de l’Amazonie
Pourtant déjà la hache, déjà la cognée
En tache comme une lèpre l’ont rognée
Plutôt que la terre du riche partager
On envoie le pauvre ronger la forêt
Et vous qui de rivières ne connaissez que Seine, Rhône, Garonne ou Rhin
Loire, Dordogne, Saône, fleuves par trop sereins
Chacun d’eux se perdrait
Ensemble se noieraient dans l’Amazonie
Pourtant le Putumayo, l’Ucayali
Xingu, Tapajoz, Madeira
Javari, Vaupes, Urubamba, Jurua
Bientôt seront aussi souillés que ceux-là
Et vous qui oubliez vos peuples que l’on force à perdre leur élan
Basques, Bretons ou Corses, Gitans ou Catalans
On ne vous pas dit les peuples anéantis de l’Amazonie
Guato, Bakairi, Kayainawa
Monde, Kurina, Oti, Poyanara
Wari, Moyuruna, Ofayé
Et comme eux tant d’autres dans l’oubli noyés
Vous qui de l’Amazonie ne savez qu’Amazone vous qui ne savez rien
Sachez qu’on y massacre arbres, fleuves, indiens
Le meurtre est quotidien, il ne restera rien de l’Amazonie.
Hervé LE NESTOUR 1967
à propos de ce qu’est devenu l’Amazonie…
La terre des hommes rouges (BirdWatchers)
film de Marco Becchis (2008). Superbe musique de Domenico Zipoli (XVII et XVIIIème siècles)
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=138422.html
L’action se déroule au Brésil, ce même Brésil vanté par moult économistes et politiques éclairés qui le décrivent comme région « émergente » (a). En fait d’émergence, le succès du Brésil auprès de ces experts est proportionnel à la destruction de ses vraies richesses, c’est à dire à la régression sociale, culturelle et écologique.
Une minorité brésilienne qui rêve de réitérer la conquête nord-américaine et la réduction des grands écosystèmes en valeurs boursières, est en train de massacrer le Brésil, cet ensemble de pays extraordinairement riches, mais d’une richesse à laquelle ils ne comprennent rien. Ils sont comme ces embourgeoisés par le détournement de la révolution qui, entre le Directoire et la Restauration, dépeçaient abbayes, basiliques et châteaux par milliers, les richesses d’au moins dix siècles de création, pour vendre les pierres comme matériaux de construction.
Marina Silva avait voulu croire aux promesses de Lula. Ecologiste que l’on n’achète pas, elle vient de démissionner du poste de ministre de l’environnement où, comme tant d’autres, elle était cantonnée au rôle de potiche. Après avoir beaucoup tenté, elle a enfin réalisé que ses collègues, gagnés aux intérêts de la mégamachine spéculative, se servaient d’elle comme d’une caution leur permettant d’affaiblir les résistances et le mouvement alternatif.
Dans la région du Mato-Grosso, le peuple Guarani est chassé de ses terres par la spéculation mondialisée (voir « Vandalisme planétaire » et « Des paradis dans l’enfer du développement »). Après le Rondônia voisin, le Mato Grosso a été crucifié par deux routes transamazoniennes qui sont les moyens de la colonisation industrielle. Lourdement subventionnées avec l’argent public des USA, du Japon et de l’Europe, elle ont permis la pénétration des engins de terrassement qui ont démoli les écosystèmes denses (b).
Des guaranis jouent leur propre rôle dans ce film fidèle à la réalité qui exalte nos dirigeants.
On y voit le Mato-Grosso désertifié par l’agro-alimentaire d’exportation : boeufs, canne à sucre, soja (surtout transgénique et, donc, copieusement arrosé d’herbicides)… pour approvisionner les fast-foods, les élevages intensifs d’animaux misérables et des voitures « vertes » au bilan écologique beaucoup plus désastreux que les plus polluantes d’hier. Il n’y subsiste plus que des lambeaux de la grande forêt d’il y a encore trente ans.
« La terre des hommes rouges » est l’un des très rares films à montrer les peuples confrontés à la destruction de leurs écosystèmes et de leur civilisation. Il est curieux, et sans doute révélateur, que si peu de créations « occidentales » soient inspirées par la destruction des forêts essentielles à la biosphère, par la spoliation des populations, par la condamnation à mort des hommes et des cultures.
C’est pourtant là, entre multinationales, subventions de partout, grands « propriétaires » voleurs de terres et de vies, leurs tueurs, les écosystèmes qui furent les plus riches de l’évolution et les peuples auxquels il ne reste que le suicide (c), que se joue le sort du monde. Morts individuelles et collectives en masse, extinction d’espèces comme on n’en avait jamais vu, structures et cultures complexes balayées par les simplismes les plus rudimentaires jamais produits, réduction drastique de la diversité biologique, bouleversements climatiques aux conséquences planétaires, désertifications, etc., la matière n’est-elle pas assez riche ?
Survival International a créé un fonds spécial pour aider les Guarani-Kaiowa à récupérer leurs territoires : www.guarani-survival.org
(a) Volée aux écologistes, l’idée d’évolution émergente remplace désormais en « voie de développement ». Lloyd Morgan est le père de la théorie des émergences : l’évolution procède par sauts de complexité croissante, de niveau d’organisation en niveau d’organisation.
(b) Curieux que ces pays aident aux dérèglements climatiques dont, pourtant, ils subissent déjà durement les effets ! Mais que ne ferait-on pas pour gagner de l’argent facile au détriment de tous, depuis les massacrés, les expropriés, les ruinés, les empoisonnés, jusqu’au consommateur occidental berné ? L’Union Européenne importe massivement ces produits sales. C’est pourquoi elle subventionne la destruction là-bas. Voir les informations réunies par Les Amis de la Terre (www.amisdelaterre.org/soja).
(c) 517 guaranis se sont suicidés ces vingt dernières années. Tous les peuples autochtones du Brésil sont frappés de désespoir.
décembre 2013
Le chef indien guarani et acteur de cinéma Ambrósio Vilhalva a été assassiné dimanche dernier, après avoir lutté pendant des décennies pour les droits territoriaux de son peuple
SAUVAGES
par Hervé Le Nestour 1967
Quand on vint en Amérique il y avait déjà des gens
Qui vivaient là bucoliques sans TV et sans argent
Ils pêchaient dans les rivières et chassaient dans les forêts
Faisaient des enfants aux mères, heureux sans le faire exprès
Refrain :
Tout le long de la rivière
Les petits sauvages étaient couchés par terre
Sans dessus dessous sans devant derrière
Il y en avait même sur le dos de leurs mères
On se dit c’est pas pratique de n’être pas les premiers
On va leur couper la chique les jeter tous au panier
On leur « foutit » la vérole l’alcool et la religion
On en tua ma parole peut-être quelques millions
Refrain
Puis on se dit merde alors qui va labourer la terre
Qui va aller chercher l’or et « plucher » les pommes de terre
On se pointa en Afrique où il y avait encore des gens
Et plein de ferveur biblique on les enchaîna par cents
Refrain
Maintenant y a un programme pour pas que tous ces gens chôment
On les envoie au Vietnam pour aller tuer les jaunes
Comme çà sans en avoir l’air on fait d’une pierre deux coups
Çà fait marcher les affaires et puis on en tue beaucoup
Refrain
Maintenant en Amérique c’est au sud qu’on continue
À coups de feu à coups de trique on vide l’Amazonie
Pour pouvoir prendre leur terre et ce qui peut y avoir en dessous
Au nom du fils au nom du père on tue l’indien au nom des sous
Refrain
La morale de cette histoire c’est justement qu’y en a pas
On se fout de notre poire à coup de bible à coup de croix
Pour la paix ou pour la guerre on tue ceux qui vivent bien
Comme çà le long des rivières il ne restera plus rien
Refrain
PARIA
Qu’ils se payent des républiques
Hommes libres carcans au cou
Et peuplent leur nid domestique
Et s’y enlisent jusqu’au cou
Par leur étiquette écartés
De ce qui sur les ondes vibre
Que me chante leur liberté
À moi toujours seul toujours libre.
Ma patrie elle est par le monde
Et puisque la planète est ronde
Je ne crains pas d’en voir le bout
Ma patrie est où je la plante
Terre ou mer elle est sous la plante
De mes pieds quand je suis debout.
L’idéal à moi c’est un songe
Creux mon horizon l’imprévu
Et le mal du pays me ronge
Du pays que je n’ai pas vu
Que les moutons suivent leur route
De Carcassonne à Tombouctou
Moi ma route me suit sans doute
Elle me suivra n’importe où.
Mon passé c’est ce que j’oublie
La seule chose qui me lie
C’est ma main dans une autre main
Mon souvenir rien c’est ma trace
Mon présent c’est tout ce qui passe
Mon avenir demain demain.
Demain peut n’être pas semblable
Si d’autres font ce que je fais
Refuser l’or choisir le sable
Et dire tout ce que l’on tait
Ma pensée est un souffle aride
Comme l’air elle brûle partout
Et ma parole est l’écho vide
Et le vide renverse tout
Puisque la vie est une fille
Je la préfère nue qu’en guenille
Et lui mettre feu quelque part
Puisque par hasard j’ai pu naître
Celles qui veulent me connaître
Me trouveront bien par hasard.
Hervé le Nestour
Les grands arbres noirs
Regarde le long des côtes ces grands arbres noirs
Plus leurs branches sont hautes et plus ils ont d’histoire
La mer qui les guette va et vient à leurs pieds
Tentant par ses tempêtes de saper le sentier
La la la la la la
Aucune herbe ne pousse au lit de leur mémoire
Ni de fleurs ni de mousse au rocher de Penmarch
L’écueil et le récif sont plus hospitaliers
Que le sous-bois des ifs et des grands pins voiliers
La la la la la la
La terre devient mousse où tombent leurs brindilles
Le fil des jours se rompt où jonchent leurs aiguilles
Tempêtes des Rameaux de Pâques ou de Toussaint
Faites battre au hameau la hache et le tocsin
La la la la la la
Les forêts riveraines sont toutes parties en mer
En des vagues lointaines, naufragées, éphémères
Et il ne reste au bord que les grands pins dressés
Dressant dessus le port leurs têtes menacées
La la la la la la
On en fera des barques des cotres des thoniers
Vogueront à leurs marques les plus grands des voiliers
Ils iront magnifiques cercueils et ambulants
Faire du Pacifique gueuler les goélands
La la la la la la
Ailleurs les gens sont noirs ailleurs la mer est grise
Entre l’aube et le soir les vents aux pins se grisent
Le paysan de loin repère leurs silhouettes
Et le marin au coin de l’horizon les guette
La la la la la la
Regarde le long des côtes ces grands arbres noirs
Plus leurs branches sont hautes et plus ils ont d’histoire…
Hervé le Nestour années 1980
L’orchestre
Le rideau du jour se prélude
par un concert de multitude
d’oiseaux tous encore invisibles
aux orchestrations indicibles
qui envahissent le silence
de modulations
de stridences
Parfois de ses lueurs l’aurore
apporte à ces couleurs sonores
de l’orchestre indéfinissable
des tentures inimitables
de teintes aussi transitoires
que ces harmonies migratoires
Au creux de leurs cités énormes
des gens indéfiniment dorment
privés de ces plaisirs précoces
quand le concert devient négoce
le droit de cité se dérobe
aux musiciens distraits de l’aube
Quand le jour installe ses frasques
là où il reste des arbres parc’que
il suffit que le bois existe
pour laisser les hautbois et fifres
aux ailes de tous ces artistes
Entre les feuilles ils déchiffrent
Si le soir laisse que se reposent
ces verts ces jaunes et ces roses
sur les accords des champs incultes
la quotidienneté exulte
chaque oiseau cherche en auditoire
l’étendue de son territoire
Doucement les teintes s’estompent
peu à peu les voix s’interrompent
ne laissant en seule insomnie
aux nuits chaudes que l’harmonie
de quelques solistes virtuoses
qui sur les silences se posent
Alors la nuit devient mystère
chaque son se fait solitaire
la nuit se met en embuscade
l’angoisse crie à l’estocade
de quelque coupable rapace
remplaçant par le son l’espace
Le rideau du jour se prélude
par un concert de multitude
d’oiseaux tous encore invisibles
aux orchestrations indicibles
qui envahissent le silence
de modulations
de stridences
Hervé le Nestour, début des années 1980
aujourd’hui
Le grand orchestre de la nature est peu à peu réduit au silence
https://www.youtube.com/watch?v=hs-UVUQNHNY
https://www.youtube.com/watch?v=uXQBnFK-zYc
Selon le bioacousticien Bernie Krause, la moitié des sons de la nature a disparu depuis les années 1960. En raison des activités humaines, les bruits de la vie sont devenus inaudibles. Alors, les animaux se taisent.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/03/30/l-orchestre-de-la-nature-se-tait-peu-a-peu_3150765_3244.html
juin 2019
Let nature sing fait un tabac en Grande Bretagne
Ce morceau a fait son entrée le 9 mai dernier dans le TOP 20 entre Taylor Swift et Lady Gaga. Attention aux décibels.
En 50 ans, seulement plus de 40 millions d’oiseaux ont disparu du ciel britannique. Et les sondages ont montré que très peu de citoyens anglais étaient conscients de la crise actuelle.
Comme en France où l’on ne peut bouger personne !
La vie s’éteint sans éveiller.
Etrave de pierre et mât de papier (Océanodines)
Wegener (Océanodines)
Ce n’est pas l’écologie qui a choisi Lalonde, c’est Lalonde qui a choisi l’écologie
par Hervé le Nestour 1981
Lalonde voulait faire de la politique, donc l’écologie a dû faire de la politique.
La concurrence était trop forte dans le militantisme étudiant ou le PSU, par lesquels il est passé, pour qu’il puisse y réussir.
Par contre l’écologie et les écologistes étaient une proie facile puisque ceux qui la pensaient ou la vivaient la trouvaient antagoniste à la politique.
Le champ était donc libre avec la complicité de tous les politiques peu soucieux de se voir débordés par un mouvement de foule non dupe, et de tous les transfuges ex-politiques assez conditionnés aux pratiques et ambitions politiques pour se contenter de miettes.
L’illusion et le vide associatif étaient des outils d’autant plus maniables que Lalonde était le fanion idéal pour certaines complicités américaines.
En fait, tout concordait pour un résultat nul sauf pour lui, y compris le besoin d’une tribune pour une écologie ayant quelque chose à dire, et quelques ouvertures à proposer pour sortir la société de l’impasse.
Et le créneau électoral était tentant, si rares sont les créneaux. Un peu d’insistance, facile quand on a le temps et les moyens personnels et relationnels, et « on » se retrouve permanent, délégué, candidat, porte-parole … quitte alors à ne pas « porter la parole » de ceux qui ont quelque chose à dire, mais pour occuper la place pour que des choses ne soient pas dites, et à l’occasion dire que l’on n’a rien à dire.
Il y a de la place en politique pour ce genre de rôle.
Et une fois l’association faite dans l’esprit public (et les médias), Ecologie = Lalonde (par renvoi de l’ascenseur Dumont), peu importe les mécontents, les contestataires, les groupes et les… écologistes.
Le potentiel de l’écologie ainsi soigneusement neutralisé ne peut plus guère déranger puisqu’on a aussi soigneusement découragé des générations successives de volontaires et de compétences. Comme disait Peter, le seuil d’incompétence lalondiste est atteint.
Les écologistes néophytes ou naïfs attirés à l’écologie par le sourire crispé de Brice et sa juvénilité archaïque seront choqués par cette « attaque personnelle« .
En écologie, tout il doit être beau et gentil, et harmonieux et pacifiste, et non violent et petite fleur et tout et tout parce que vive la « Nature » et le respect du chef … naturel.
Or, l’écologie, contrairement à la politique, s’occupe des réalités vivantes et autres, et ça, ça n’est ni beau, ni gentil, ni harmonieux et pacifique, ni non violent, et la « Nature » c’était une vieille notion déjà au XIXème siècle, et l’écologie, en tout cas celle qui ne veut pas reproduire le système qu’elle critique, veut et doit se passer de chef ; les fonctionnements inédits pour cela sont connus.
Cette écologie existe et refuse de se soumettre au conformisme ; on a vu à quoi mène le conformisme, y compris en écologisme.
Cette écologie ne se contente pas de refuser, elle a été dans les origines le moteur, avec d’autres, de la plupart des actions, elle est porteuse de la plupart des idées intéressantes apportées aux changements sociaux, elle défie n’importe qui, chef compris, sur n’importe quel sujet que l’écologie concerne.
Et qu’est-ce que l’écologie ne concerne pas ?
Et surtout les inter-relations et les interactions entre les sujets.
Ces confrontations seraient nécessaires pour amplifier enfin l’envergure de l’écologie qui, jusqu’ici, s’est enfermée dans des monopoles grâce à une absence quasi totale de débats, malgré les apparences.
Vous arrive-t-il d’évaluer quelles idées sont associées à l’écologie ?
Si par exemple on mentionne pacifisme, tiermondisme, démocratisme, naturalisme, politisme, militantisme, associatisme et régionalisme, cela ne choquera personne.
Sans même préciser le contenu, on voit à peu près de quoi il peut s’agir et cela paraît bien compatible avec ce qu’exprime l’écologie, ou plutôt l’idée unique qu’on en a fait se faire l’opinion publique.
Pourtant, cette énumération n’est pas prise au hasard :
Il s’agit de notions qui, parmi d’autres, sont, selon une certaine démarche écologique, incompatibles et antagonistes avec cette écologie qui vaut bien n’importe quelle autre.
Est-ce à dire que l’écologie peut être n’importe quoi ?
Mais reste à démontrer la cohérence et l’éco-logique de chaque « option ».
Ce que nous sommes prêts à faire.
Et de confronter cette cohérence aux autres, défi pour lequel nous sommes aussi prêts.
Ces confrontations menées à fond décanteraient certainement la situation confuse de l’écologie, en obligeant à lever les équivoques et à combler les carences, ne serait-ce qu’en rendant évident qu’il n’y a pas une écologie monopolisante pour qui que ce soit, mais que l’écologie est diverse, donc diversitaire comme l’est la vie ou la société, et c’est cela, surtout cela qui peut en faire un outil d’avenir, de changement.
Hervé le Nestour
novembre 1981 pour la revue Ecologie
Cela n’était que le début de la découverte des « complicités américaines » et des autres, toutes liguées pour effacer la nouvelle gauche écologiste. A chaque nouvelle émergence du mouvement, pour chaque frémissement des alertes et des alternatives politiques, nous nous heurterons aux mêmes complicités, à la même réaction désormais partie dévoilée du système mortifère.
pour plus d’informations :
Merci, c’est un très beau texte.
Je suis très triste d’apprendre cette nouvelle, c’est effectivement quelqu’un d’important qui est parti, comme çà, bêtement.
Hervé fut un grand copain dans les années 70. Nous avons fait beaucoup de musique ensemble. Ses textes de chansons sont tout à fait extraordinaires.Les connaissez-vous ?
Savez-vous ce qu’est devenue Sandra, sa fille ?
J’attendrai une réponse avant d’en dire plus.
Peut-être à bientôt.
Alain BERTRAND
« Vous qui de l’Amazonie ne savez qu’Amazone vous qui ne savez rien
Sachez qu’on y massacre arbres, fleuves, indiens
Le meurtre est quotidien, il ne restera rien de l’Amazonie. »
Hervé LE NESTOUR 1967
Hélas comme cette prédiction se réalise aujourd’hui avec le nouveau pouvoir brésilien et ses alliés.