« Faire de la France un pays exemplaire en matière de reconquête de la biodiversité«
Constats et objectifs, 4 décembre 2012 (mis à jour le 18 décembre 2012), Ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie (http://www.developpement-durable.gouv.fr/Constats-et-objectifs,30223.html)
Mais c’est le traitement réservé au bien commun qui dit la vérité de la démocratie et des institutions qui s’en réclament
Voyons un peu…
L’engrenage de la dégradation du bien commun
Saint Gengoux le Royal est devenu le National au XIXème siècle… Le premier nom – « Saint Gengoux le Royal« – a été conservé pour marquer la différence chronologique presque exacte entre le long temps du respect de l’eau et la courte période de son saccage complet (depuis la réduction du ruisseau à un canal dans la traversée de la cité jusqu’au dernier projet de station d’hydrocarbures dans son lit mineur et la nappe phréatique d’accompagnement).
par ACG
Entre la géographie, l’écologie et l’histoire de la spoliation du bien commun
«Dans nos pays de l’Europe civilisée où l’homme intervient partout pour modifier la nature à son gré, le petit cours d’eau cesse d’être libre et devient la chose de ses riverains. Ils (…) l’emprisonnent entre des murailles mal construites que le courant démolit; ils en dérivent les eaux vers des bas-fonds où elles séjournent en flaques pestilentielles; ils l’emplissent d’ordures qui devraient servir d’engrais à leurs champs; ils transforment le gai ruisseau en un immonde égout.»
Histoire d’un ruisseau, Elisée Reclus, 1869
1 siècle après la dénonciation d’Elisée Reclus, la Terre était encore en assez bon état. Il y avait encore place pour l’espoir. Mais de nouvelles agressions massives et les projets d’exploitation mondialisée avaient soulevé l’inquiétude et fait se lever partout le mouvement écologiste et d’autres mouvements critiques et alternatifs. Une cinquantaine d’années plus tard, la situation est dramatique.
Pourquoi les alertes n’ont-elles pas été écoutées ?
Comment l’aveuglement a-t-il pu progresser à ce point ?
Comment les profiteurs-pollueurs-destructeurs ont-ils pu s’affranchir de toute régulation ?
L’exemple d’un petit village, mais de longue histoire et qui avant d’être dégradé a, lui aussi, connu un éveil remarquable il y a 50 ans, peut peut-être nous aider à comprendre.
2017 – Syvain Rotillon, expert de l’eau et de ses milieux :
« Un récit partant du grand Elisée Reclus qui raconte par le menu les atteintes portées aux milieux humides via le développement d’une urbanisation non maîtrisée. Un village construit en lien avec l’eau finit par voir disparaître zones humides et tête de bassin sans que les politiques de protection des milieux soient en capacité de faire quoi que ce soit. L’article est remarquable, clinique dans la démonstration de notre incapacité à agir malgré les discours.
Le cas n’est malheureusement pas isolé, il manque ailleurs les plumes pour le raconter.«
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Le ruisseau des Tanneries (côté gauche de la Rue des Tanneries) : appareillage pouvant appartenir au canal du ruisseau qui était utilisé par les tanneurs.
A gauche de la Rue des Tanneries : une mare
photo ACG 2013
Dans la même Rue des Tanneries, les anciens et un texte* attestent qu’un autre ruisseau – ou une partie détournée de la source de Manon – coulait côté gauche après être passé sous l’ancien Couvent des Ursulines (aujourd’hui Foyer Rural). Dans l’entrée arrière de ce bâtiment, une trappe donnerait accès à un escalier menant à une pièce où coule l’eau. Le ruisseau alimentait ensuite un petit lavoir aujourd’hui disparu et passait sous des maisons – dont au moins un atelier de tanneur (lots n° 551, 526, 527 et 528 du plan NOL_043.JPG). Actuellement, l’eau coulerait toujours sous les maisons, et, plus loin, sous la route.
* sur les obligations de nettoyage liées à l’activité d’un tanneur
L’hostilité presque générale à la cause de l’eau et des biens communs nous a empêché d’en savoir plus.
A une cinquantaine de mètres du Foyer Rural en allant au Sud, dans le grand jardin d’une maison récente (lot 529 du plan précédent), il y a une mare (naturelle ?) et, en contrebas du muret bordant le trottoir, un ancien chemin de larges pierres plates pourrait être un aménagement du bord de l’eau.
Toujours Rue des Tanneries, jusqu’au début des années 1980, au niveau de l’actuel parking de Gammvert, le Nolange traversait pour longer la pente de la Grande Terre où est aujourd’hui construit un lotissement. Les deux ruisseaux devaient probablement se rejoindre à cet endroit. Des anciens se souviennent qu’il y avait des poissons. La présence des poissons juste en aval de la cité, encore dans les années soixante, démontre là encore, que le débit était suffisant pour faire vivre un écosystème assez diversifié.
D’après une carte d’Etat Major du XIXème siècle et, mieux, d’après un plan cadastral du hameau de Nourue datant de 1827 *, la Rue des Tanneries suit le Nolange jusqu’au carrefour avec la Rue de Longemeau et la Rue du 19 mars 1962 en direction de Saint martin de Croix. Ensuite, le tracé du ruisseau correspond au tracé du GR 76, avant de rejoindre le moulin de La Boutière, à hauteur de l’Est du lagunage actuel (moulin aujourd’hui disparu). Le Nolange obliquait, alors, vers l’Ouest et rejoignait le Chirot, le ru de Montvallet et l’Ermite réunis en amont du Moulin de Foulot. Mais ce tracé n’est déjà plus le lit naturel du ruisseau. C’est le bief du moulin.
Sur cette photo prise le 20 septembre 1945, de gauche (au milieu) à droite, entre la sortie sud de la cité médiévale et le moulin de Foulot (milieu du côté droit), comme un Z étiré, la ligne de végétation la plus fournie – qui s’écarte de la route prolongeant le faubourg – est la ripisylve du canal de la Rue des Tanneries et du bief de l’ancien moulin de la Boutière. C’est le cours modifié du ruisseau de Nolange que l’on voit ensuite rejoindre les ruisseaux de Chirot et de l’Ermite, à droite et en bas de la photo avant le moulin de Foulot.
Au-dessous, la ligne de végétation moins fournie, qui rejoint la ripisylve précédente, suit le talweg. C’est le lit naturel du ruisseau de Nolange.
Le début du tracé du bief du moulin de la Boutière et un vestige de la ripisylve de 1 kilomètre détruite en même temps que le ruisseau, en 1983. Le peu qui subsiste permet de se représenter l’ampleur du saccage.
On distingue bien la double rangée d’arbres le long du bief, les haies arborées, les peupliers… Presque tout a disparu.
Un équivalent
Les anciens se souviennent qu’à cet endroit, dès la Rue des Tanneries et tout au long de son cours aval, le Nolange était poissonneux.
Le même endroit en 2020. Même les arbres – derniers survivants de la ripisylve du bief du moulin – ont été jugés gênants !
Aujourd’hui, c’est seulement sur la fin de son parcours, à partir du Hameau de Pontot, que le ruisseau* retrouve une ripisylve
* depuis le Hameau de Nourue jusqu’à la Grosne, le ruisseau se nomme tantôt Nourue, tantôt Mesceau, du nom du moulin de ce tronçon
Le remblai de GammVert (ex-Jardinat) contruit sur le lit du Nolange,
le pré où passe le ruisseau (busé) et où la municipalité voudrait construire un supermarché, un parking et une station-service,
la Tour des Archers (classée),
et le Mont Péjus (classé Natura 2000).
photo ACG 2013
Au-delà du bitume (remblai de l’actuel magasin GammVert), notez la qualité du paysage et la Tour des Archers, qui témoigne de l’histoire de la cité royale fortifiée au XIIIème siècle
Derniers témoins de la tête de bassin versant,
3. Des espèces protégées subsistent à grand peine
Faute de temps et, il faut bien le dire, d’aide*, nous n’avions pu faire un vrai travail d’identification de la faune et de la flore.
* plusieurs refus de ceux qui en savent plus
Heureusement, la SHNA (société d’histoire naturelle et des amis du muséum d’Autun) est venue à notre secours en nous indiquant 2 vaillantes espèces survivantes identifiées dans la tête de bassin versant de Saint Gengoux
– Cuivré des Marais, un papillon
deux espèces caractéristiques des prairies humides, ruisseaux, mares…
Nous les connaissions mais n’avions pas réalisé leur importance.
Autres habitants remarquables de la tête de bassin versant :
– le papillon Bel-argus (Lysandra bellargus), aussi Azuré bleu céleste,
– le Nacré de la Sanguisorbe,
– le Lézard Vert,
– le Hibou Petit Duc,
– la Huppe Fasciée,
– la Pie Grièche écorcheur
le contexte…
Onze espèces de libellules sont menacées de disparition en France
Sur les 89 espèces de libellules présentes en France métropolitaine, onze sont aujourd’hui menacées de disparition, alerte l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), dans sa Liste rouge nationale parue ce 30 mars. Ces nouveaux résultats sont publiés en collaboration avec le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Deux espèces ont déjà disparu (Leste enfant et Leucorrhine rubiconde). Treize autres espèces sont quasi menacées.
« La situation préoccupante rencontrée par bon nombre d’espèces reflète les atteintes faites aux zones humides, qui constituent leurs habitats naturels », préviennent l’UICN et le Museum. Ces zones humides (cours d’eau, étangs, mares, tourbières) forment le milieu de vie de ces espèces et sont « indispensables » au développement de leurs larves. (…)
Et, parmi celles qui sont le plus en danger : l’Agrion bleuissant qui est très proche de l’Agrion de Mercure que l’on trouve encore dans la tête de bassin de St Gengoux.
http://www.pahclunytournus.fr/documents/portal651/pah-diagnostic-indentification-du-vivant.pdf
· La nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l’environnement La rubrique 3.3.1.0. stipule que « l’assèchement, la mise en eau, l’imperméabilisation, le remblais de zones humides ou de marais » :
· La destruction d’espèces protégées
4. Acqua incognita
(de « Aqua Incognita: the unknown headwaters », Bishop and al., 2008)
ou l’escamotage du ruisseau de Nolange aux yeux de tous
Aujourd’hui, on peut visiter Saint Gengoux sans réaliser que l’eau y est abondante et qu’il y coulent des ruisseaux, et même y habiter depuis longtemps sans savoir où passe le Nolange – encore moins où il passait.
Témoignage de la perte de la mémoire, du désintérêt et, sans doute, d’un autre dysfonctionnement, sur la carte officielle de la cité comme sur la carte hydrographique de l’IGN, le tracé du Nolange est réduit à un pointillé rectiligne tout à fait fantaisiste.
Mieux encore, selon CARMEN, l’outil cartographique du Ministère de l’Environnement sur le site de la DREAL Bourgogne, le Nolange a bien une source, il coule jusqu’aux abords de la cité et… il disparaît mystérieusement. Effacé le ruisseau historique de la « Cité Saint Louis » qui alimentait le fossé de la muraille Ouest, un lavoir, des ateliers de tanneurs et quatre moulins (la Boutière, le Foulot, Pontot, Messeau) !
Il convient de préciser que le ruisseau de Nolange, au niveau de la cité médiévale, est alimenté par 3 sources principales :
- la Fontaine de Nolange et d’autres sources moindres,
- la source du Vernay,
- et la source de Manon depuis son captage il y a plus de sept siècles.
A ces 3 sources abondantes et encore appréciées il y a peu s’ajoutent les sources du Mont Goubot sous la cité. Elles seraient 7 et ce sont elles qui alimentent la Fontaine de Jouvence. Et n’oublions pas le ru qui s’écoule sous l’ex-Couvent des Ursulines et alimentait les ateliers de tanneurs du côté Est de la Rue des tanneries…
Or, aujourd’hui, c’est comme si la cartographie officielle avalisait les destructions de ces dernières cinquante années, même les cartes des organismes dont la fonction est de « concrétiser la mise en oeuvre du principe de non-dégradation des milieux aquatiques« * et d’appliquer la Loi sur l’Eau qui invite à réhabiliter ce qui a été détruit.
* SDAGE du Bassin Rhône Méditerranée : principales dispositions concernant l’urbanisme
L’insuffisance de l’identification des zones humides est connue, au moins par certains :
(…) il n’existe pas de cartographie exhaustive des zones humides malgré quelques inventaires non exhaustifs sur certains bassins versants. Il n’existe pas non plus de cartographie juridique des cours d’eau. Le seul critère de la carte IGN au 1/25 000 ne suffit pas, tout comme la présence ou non d’une toponymie. (…)
La mise en application de la réglementation en Saône-et-Loire
par Bertrand Dury
http://www.agronomie.asso.fr/?id=356
On observe d’autres carences étonnantes en consultant le ROE (Référentiel des Obstacles à l’Ecoulement sur les cours d’eau). Excepté pour un affluent du Ruisseau de Nolange (le Ruisseau de l’Ermite sur la commune de Saint martin de Croix), les obstacles majeurs à l’écoulement des crues et à la continuité écologique sont oubliés.
Tout près des quelques « obstacles » identifiés, des destructions majeures sur des centaines de mètres : 3 kilomètres d’enterrement de cours d’eau, des remblais, des saccages de ripisylves, au moins une décharge brute chargée de produits chimiques, non curée et non analysée, etc. qui ont profondément dégradé toute la tête de bassin versant et pollué son eau.
Comment tout cela peut-il être ignoré par les services officiels ?
On voit, aujourd’hui à Saint Gengoux l’ex-Royal où l’eau coulait abondante, que ces lacunes, qui s’étendent à toutes les formes de l’eau libre – jusqu’au ruisseau principal, pourraient avoir de très graves conséquences si nul ne s’étonne et n’alerte contre les projets trop hâtivement conçus ou malencontreusement inspirés par les erreurs et les destructions d’hier.
Mais comment a-t-on pu perdre la conscience d’un ruisseau qui a façonné une vallée et dont le voisinage a été recherché par les créateurs d’une cité et leurs successeurs pendant des siècles ?
Le cas des rivières « inexistantes » ou oubliées :
Guide méthodologique réalisé par l’agence de l’eau Loire-Bretagne
Des pratiques, souvent communautaires, sont abandonnées. La préoccupation de l’eau, des utilités et des agréments qui l’accompagnent, se dissipe. Les sources avec leurs qualités respectives, les fontaines où l’on puisait l’eau, le cours d’eau avec son cresson et ses écrevisses, la nappe phréatique d’accompagnement* qui mouille les serves dans les jardins… peu à peu, les connaissances élémentaires sont oubliées et l’indifférence grandit jusqu’à l’ignorance, jusqu’à trouver « normal » que l’eau soit polluée par les effluents et les ordures. A propos des destructions spectaculaires de la Rue des Tanneries, nous avons écrit : tout ici témoigne d’une perte complète de la culture du lieu, de sa riche histoire et de la connaissance de son environnement. En effet, peut-être plus encore qu’avec l’eau, de tels ravages du patrimoine légué par les anciens, et toujours nécessaire au plaisir d’habiter et à l’attrait touristique, n’ont pu être commis qu’après une profonde insensibilisation des habitants à leur environnement, jusqu’à la perte de conscience. On le devine, cela ne fut pas un mouvement naturel – une évolution résultant d’une maturation collective. C’est d’une régression imposée, puis devenue familière, qu’il s’agit.
* la nappe phréatique d’accompagnement, c’est aussi le ruisseau !
http://sigessn.brgm.fr/IMG/pdf/generalites_relations_nappe_riviere_expert.pdf
A la perte de la culture locale – déculturation -, correspond la dévalorisation du bien commun et la chosification du vivant. C’est un processus de réification qui libère les appétits nuisibles et rend possible toutes les dégradations. Comme à Saint Gengoux (alors, encore le Royal), un spéculateur est autorisé à s’approprier les douves de la muraille ouest en échange de la canalisation du ruisseau. Puis, il y a soixante ans, la source historique de la cité est directement polluée par les ordures municipales (exprès ?). Pendant la même période, le ruisseau servant d’exutoire aux effluents, la saleté créée par les habitants devient prétexte pour recouvrir le canal – les pollueurs ne supportaient plus leurs propres odeurs ! On enferme le ruisseau dans un long tuyau pour construire au-dessus. Les remblais se succèdent en travers du talweg de la vallée et l’on détruit totalement le ruisseau et un bief de moulin, des maisons historiques, des ponts, des lavoirs, etc. De destruction en destruction, la représentation de l’eau et de la vie qui l’accompagne se dégrade plus encore et la perte de conscience ne cesse de grandir.
Ainsi, presque insensiblement, l’espace de l’eau et de la vie devient un banal « terrain » où l’on peut faire n’importe quoi sans aucun souci des conséquences. Il n’y a plus de limite aux destructions et, bientôt, tout le monde trouve normal de projeter la construction d’une station-service dans le lit du ruisseau et sa nappe phréatique oubliés ! Le plus étonnant, dans cette longue dégradation de la cité, est que les administrations spécialement chargées d’empêcher ces saccages n’ont rien fait. Au contraire ! Pourtant, les compétences ne manquent pas en leur sein, mais elles sont muselées.

http://imaginaction.over-blog.org/10-categorie-10294158.html
5. L’énigmatique saccage de 1983 et la stratégie de la substitution
Au sortir de la Rue des Tanneries, le ruisseau de Nolange, dans son tracé détourné pour alimenter le bief du vieux moulin de la Boutière, a été détruit sur 1 kilomètre. Exceptés deux ou trois petits bouquets d’arbres, la ripisylve a aussi été détruite. C’est donc une destruction paysagère, historique et écologique considérable. Une amputation aux lourdes conséquences. Mais le cours naturel du ruisseau, dans le talweg, là où affleure sa nappe d’accompagnement, n’a pas été rétabli. Bizarrement, le ruisseau de Nolange a été enterré dans son propre lit ! Depuis, sur 200 mètres, le ruisseau est enfermé dans une buse de 1 mètre de diamètre qui traverse en biais le Pré A l’Agasse en direction du Pré de la Tour et débouche exactement dans la continuité de son lit naturel, là où subsiste encore la ripisylve d’origine. Ce joli travail a été réalisé à la même époque que le creusement du lagunage, au début des années 1980. Les photos aériennes de l’époque en témoignent.
Comment une telle destruction a-t-elle pu être réalisée au vu et au su de tous ?
En 1983, la Directive Cadre Européenne sur l’eau était seulement en gestation, mais on ne pouvait faire n’importe quoi. Il y avait des textes législatifs et des administrations veillant à la protection des eaux. Un saccage aussi spectaculaire aurait-il été réalisé sans autorisation et sans que l’administration s’en aperçoive ? Impossible puisque même la cartographie en a été changée, avalisant de la sorte la destruction du ruisseau.
Simultanément, le ruisseau a été nié aussi dans les écritures : il est, tout à coup, devenu « conduite communale d’eaux pluviales« . C’est l’expression mensongère que l’on retrouve en 2013 dans le dossier technique de demande de permis de construire. Donc, c’est depuis le début des années 1980 que l’on tente de faire oublier le relief et l’eau en fond de vallée, d’occulter le ruisseau et sa nappe phréatique d’accompagnement, de faire oublier les inondations, pour ne plus parler que d’égouts et de « débordements des réseaux« .
Sur ce cliché n°178 de la mission aérienne 0600-0421 du 28 septembre 1983, en travers du pré carré situé sous le milieu de la photo, on voit parfaitement la nouvelle tranchée dans laquelle le ruisseau de Nolange vient d’être enterré dans une buse jusqu’au Pré de la Tour, tandis que le bief du moulin de La Boutière a été comblé et sa végétation entièrement détruite.
Même pour qui ne connaîtrait pas le ruisseau de Nolange, la dimension de la canalisation suffirait à révéler son existence : un diamètre de 1 mètre pour les « eaux pluviales » des toits et voiries de la cité en amont de la buse (moins de 0,2 km2)… Le rapport est plus évident avec les plus de 4,5 km2 du bassin versant en amont de l’Agasse ! Pourtant, en 2015 encore, même après avoir reconnu l’existence du ruisseau (mais toujours évoqué comme un vulgaire canal sans vie), tout le monde officiel s’entête à réduire l’eau et son environnement à un banal problème mécanique et à noyer les crues éclairs dans de simples débordements de réseaux – bien entendu sans tenir aucun compte de l’hydrogéomorphologie, de l’écologie, de l’histoire, et de la disproportion des volumes entre les unes et les autres.
Sur ce point extrêmement important, un organisme européen – le CEPRI, Centre Européen de Prévention du Risque d’Inondation – procure un appui officiel précieux. Il a édité un guide qui confirme la grande insuffisance de la prise en compte des crues typiques des têtes de bassin versant. Et il souligne la distinction entre l’inondation par ruissellement (ou crue éclair) et le refoulement des réseaux, distinction qui tombe sous le sens mais nécessaire, nous le voyons avec Saint Gengoux :
Prévision des crues mais… pas des inondations et encore moins du ruissellement !
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/094000166/0000.pdf
Rien, pas même la création du lagunage, ne semble pouvoir justifier la suppression du canal et du bief de l’ancien moulin, la destruction de la ripisylve et, presque plus stupéfiant encore, le busage du ruisseau dans son propre lit naturel.
Alors, pourquoi ces travaux ? Qui a décidé d’un tel chantier ?
Ces deux extraits de comptes-rendus du Conseil Municipal de l’été 1984 (30 août et 24 septembre) parlent d’un « déversoir d’orage » dans le Pré de la Tour et démontrent l’implication de la DDA (c) dans le saccage du ruisseau (avec attribution de généreuses subventions !).
Sous le bitume, le bief du moulin de la Boutière effacé avec le ruisseau et sa ripisylve. A gauche le début du chemin réalisé en comblant le bief. Aujourd’hui, on peine à imaginer tout ce qui a été perdu – la qualité de l’eau, la biodiversité, une partie de l’histoire de la cité médiévale, le paysage…
Comment la DDA, sous autorité du Ministère de l’Environnement, qui avait charge de « mettre en œuvre, au niveau départemental, les politiques publiques relatives (…) à la gestion de l’eau et de l’environnement (et à) la protection de la nature » a-t-elle pu commettre cette action en contradiction exacte avec sa mission ? Se pourrait-il qu’il s’agisse d’une erreur d’appréciation (mais qui n’expliquerait pas la destruction du bief) ? Une très malheureuse décision du Conseil Municipal prise deux ans auparavant pourrait faire pencher pour l’erreur (augmentation de la surface de la décharge brute qui pollue la source de Manon). Mais la DDA…
Après la « conduite communale d’eaux pluviales« , le « déversoir d’orage » ne manque pas d’étonner car, même en supposant que le bief de l’ancien moulin ait comporté un quelconque obstacle au bon écoulement des crues, cela n’explique guère l’inondation de la Rue des Tanneries plusieurs mètres au-dessus, et surtout pas la destruction du cours d’eau et de sa biocénose sur 1 kilomètre.
D’autre part, la buse substituée au canal et au bief* ne ressemble en rien à un déversoir. Elle ne fait que conduire le ruisseau dans son propre lit, mais plus loin, réduisant d’autant son espace d’expansion des crues ! Un déversoir d’orage pour le ruisseau lui-même ? Un ruisseau déversé en lui-même ?! C’était sans doute un nouveau concept (mais il n’a pas fait école).
* le canal et le bief qui, eux, devaient comporter un déversoir libérant l’eau excédentaire dans les lits mineur et majeur du Nolange avant qu’elle ne fasse déborder le bief, donc dans le Pré A l’Agasse. Et, d’ailleurs, sur les photos aériennes, on devine le tracé de cet écoulement.
« Conduite communale d’eaux pluviales« , « déversoir d’orage« … Le langage employé révèle soit une invraisemblable erreur doublée d’un saccage gratuit, soit l’intention de tromper : le ruisseau a été précautionneusement déversé après le Pré A l’Agasse. Pourquoi pas avant, dès qu’au sortir du canal de la Rue des Tanneries il pouvait retrouver son lit naturel (mineur et majeur), donc sa zone d’expansion des crues ? Vu l’ampleur du chantier et l’importance des dégâts, on n’ose imaginer que ce soit pour faire l’économie d’un pont permettant le passage du ruisseau (et l’écoulement des crues) sous la Rue du 19 mars 1962.
Evidemment, pour l’hydromorphologie, la qualité de l’eau, la diversité des populations animales et végétales, et la continuité écologique, tout cela est parfaitement fantaisiste et nuisible, dramatique même. Pas étonnant, donc, que cette campagne soit si pauvre en animaux et en diversité végétale (d) ! D’ailleurs, chacun peut, à Saint Gengoux et alentour, constater un appauvrissement spectaculaire des populations d’insectes, d’oiseaux, de mammifères (d bis).
Les travaux de 1983 sont, même, nuisibles jusqu’à l’absurdité puisque, si la buse de 1 mètre est surdimensionnée pour les « eaux pluviales » de la cité, elle ne l’est pas pour le ruisseau et son bassin versant pentu de plus de 4 km2 * (en amont du Pré A l’Agasse pour le seul Ruisseau de Nolange) – sans compter le bassin de la Source de Manon détournée. Là encore, un seul orage (le 10 juin 2008) en a fait la démonstration. Si bien que, dans l’hypothèse où, seul, le soucis de prévenir de nouvelles inondations, comme en décembre et en mai de ces années 82 et 83, a inspiré ce chantier, cela n’explique pas le busage du ruisseau jusqu’au Pré de la Tour. D’autant que la nouvelle buse constitue un obstacle à l’écoulement !
* Cette buse est, d’ailleurs, inférieure à la buse qui, en amont (à partir du Bourg Hameau), est destinée à recevoir un débit moindre.
Remarquons que c’est là une configuration idéale pour les crues-éclair. Ci-dessous, le relief de la vallée en amont de la cité :
Le 10 juin 2008, l’eau d’un seul orage recueillie par la vallée du Nolange, par le vallon du Vernay, par le vallon de la source toujours captée-polluée de Manon et par le chevelu des rus torrentueux, a déferlé en quelques minutes sur la cité *. Même chose à l’ouest avec le Chirot. Et tous les désordres créés depuis les années cinquante-soixante ont été mis en évidence.
* un ruissellement d’autant plus rapide que : la vallée a été débocagée, le ruisseau recalibré, sa ripisylve largement détruite, les zones humides drainées.
6. La loi de « la grande dsitribution »
Le chantier de 1983 qui a escamoté le ruisseau de Nolange n’était peut-être pas une erreur. Rien, à l’époque ne peut l’expliquer, aucune nécessité, pas même une mauvaise perception des habitants vis-à-vis du bief du moulin, bien au contraire, mais la suite des événements jette une lumière douteuse sur cette déraison. Ce saccage semble bien avoir été le premier acte d’un projet plus destructeur encore.
Une volonté délibérée d’effacer le ruisseau dans le Pré A l’Agasse, pour donner l’illusion que cette partie du fond de vallée, cette portion du lit mineur et majeur peut être urbanisée, peut expliquer la destruction du cours du ruisseau via le bief du moulin et son enterrement. Par exemple, une volonté concrétisée par le projet commercial étranger à l’économie locale qui se succède à lui-même depuis le début des années 1980.
Le saccage du ruisseau de Nolange laisse interdit. Comment une destruction aussi dommageable pour la cité, pour la région et la continuité écologique jusqu’à la mer, pour chacun, n’a-t-elle pas soulevé l’indignation et réveillé la conscience du bien commun ? Cela renvoie encore à la spectaculaire pollution, suivie d’un étrange abandon définitif, de la source historique de Manon.
Une malédiction pèserait-elle sur les biens communs de Saint Gengoux le National ?
On peut se le demander en voyant l’ancienneté des désordres créés. Déjà en 1839, au Bourg-Hameau, « (…) les barrages qui ont été faits par divers propriétaires et encore à cause des matériaux et immondices qui depuis longtemps ont été déposés dans le dit Reuil-Bertrand, qui se trouve par ce motif obstrué dans toute sa longueur. » (Conseil Municipal du 4 novembre 1839). Résultat : des inondations d’habitations à répétition.
Mais, si importantes que soient les destructions, la réalité hydrogéomorphologique ne change pas. La source de Manon coule toujours. Et, effacé en surface, busé, après cinquante ans de négation, le Nolange est toujours un ruisseau au regard du Droit. Cela, les promoteurs-destructeurs ne l’avaient pas prévu.
Dans le Pré A l’Agasse, le lit naturel du ruisseau est toujours parfaitement visible. C’est naturellement le talweg, lequel est, d’ailleurs, mouillé par la nappe phréatique en période pluvieuse. Le Nolange coulait là avant d’être une première fois détourné pour alimenter l’ancien moulin de la Boutière. Le Pré A l’Agasse est donc traversé par le lit naturel du Nolange – exactement là où le projet ATAC avait prévu d’enterrer (on devrait dire : immerger) les cuves de la station-service ! Même observation pour le remblai de GammVert.
Sur cette carte IGN de 1978 (2927E_25K), les courbes de niveau dessinent avec précision le talweg où coule naturellement le Nolange. Exactement à l’emplacement envisagé pour une station-service !
Extrait d’un plan du XVIIIème siècle où, l’on voit clairement le Ruisseau de Nolange à la sortie sud de la cité médiévale.
Le ruisseau passe entre les maisons de tanneurs* et les bâtiments du couvent des Ursulines (la plupart ont été détruits). Puis il s’écarte du tracé de la Rue des Tanneries, traverse le lieu dit A l’Agasse pour, peu après, rejoindre le Ruisseau de Chirot qui descend de La Rochette.
* les belles maisons qui figurent sur les cartes postales de la Rue des Tanneries
Il est facile de constater que, sur ce plan du XVIIIème siècle, le Ruisseau de Nolange suit bien le talweg dessiné sur la carte IGN de 1978.
Ce plan fait partie du descriptif de la Route n° 34 de la limite de la généralité de Franche-Comté à la limite de la généralité du Bourbonnais, portion de Joncy à Tournus
http://www.archives71.fr/_depot_cg71_imgs/AD71EAD/CSUPPC1_7.pdf
Carte IGN 2014
le tracé du Ruisseau de Nolange n’est guère exact dans sa traversée de la cité médiévale mais, à partir de la Rue des Tanneries, on retrouve son lit naturel dessiné sur les plans anciens
Toutes ces dégradations ont tué le Nolange et réduit la tête de bassin versant à sa plus simple expression. Drainée, évacuée sans pouvoir s’infiltrer, « conduite » le plus vite possible, dans les égouts et les buses des « aménageurs » (ils appellent cela « l’assainissement« ), l’eau qui jaillissait et courait partout ne profite plus aux sols, aux plantes, aux animaux, aux humains. Elle ne baigne plus des milieux diversifiés, n’entretient plus aucune vie, ne génère plus de biomasse, n’alimente plus aucune évapotranspiration pour alimenter d’autres pluies plus loin, ne contribue donc plus à la régulation climatique – en particulier, à la limitation des sécheresses. L’eau est morte et, de surcroît, polluée. Elle ne contribue plus qu’à stériliser les milieux de l’aval qu’elle ensemençait hier, Méditerranée comprise.
Enterré dans des tuyaux sur 1 kilomètre, son bassin versant saccagé, sa ripisylve détruite de bout en bout *, le Nolange n’est plus le lieu de vie et de passage (continuité écologique, tant pour la faune que pour la flore) qui reliait les écosystèmes désormais protégés du Mâconnais et du Chalonnais. C’est un appauvrissement considérable, non seulement pour Saint Gengoux, mais aussi pour toute la région et les eaux de l’aval.
* Au pays de Lamartine, un homme qui savait voir l’arbre, ces destructions de ripisylves et de bocages semblent d’autant plus absurdes.
Présentation du permis de construire un supermarché, un parking et une station d’hydrocarbures dans le lit du ruisseau de Nolange et sa nappe d’accompagnement
Le dossier technique de la demande de permis de construire affirme : « le terrain n’est pas traversé par un ruisseau« . Il a cependant été signé par le maire soutenu par tous les élus ! Cela démontre que, pour tous, une fois l’eau de sa partie aérienne cachée dans un tuyau, le ruisseau n’existait plus. Tout bonnement. Et sa nappe phréatique ? Ignorée comme si elle n’était pas une partie du ruisseau.
Menace pour l’économie locale
Comme pour compléter la nuisibilité écologique, paysagère et historique du projet, le lieu envisagé pour le supermarché est seulement à 350 mètres du barycentre des commerces locaux qui résistent encore aux implantations de la grande distribution (la Saône et Loire détient le triste record des grandes surfaces et, à Saint Gengoux le National, 40 commerces ont fermé en 20 ans). C’est, d’ailleurs, cette proximité qui fait le malheur de cette campagne depuis 1983 : la grande distribution veut évidemment s’implanter au plus près du centre bourg pour conquérir la totalité du marché local et, ici, aucune des régulations démocratiques et administratives en usage partout ailleurs ne fonctionne.
Cependant
Quelque chose qui ressemble à une évolution se dessine…
Partout ailleurs : Centres-villes sinistrés – Faut-il interdire les zones commerciales ?
Juste à côté, à 23km :
Le projet de nouveau centre commercial cause la perte de ses promoteurs
Révolution en Saône et Loire :
les idolâtres des grandes surfaces sont chassés de la mairie de Tournus par les défenseurs des centres villes animés
Un petit rappel : la Saône et Loire est le territoire où il y a la plus grande densité de supermarchés et la plus grande perte d’artisans et de commerçants. Stérilisation des centres villes, désertification des villages, dégradation de la campagne alentour en banlieue, bétonnisation des terres agricoles, destruction des sources, des ruisseaux, de leurs nappes phréatiques, pollutions diverses et variées… Jusqu’à présent, rien n’arrêtait les promoteurs, leurs élus affiliés et les fonctionnaires détournés.
Serait-ce l’amorce d’un changement ?
Un seul tour aura donc suffi pour élire le nouveau maire de Tournus (Sâone-et-Loire). Bertrand Veau, à la tête de la liste citoyenne d’opposition, a obtenu 61,63% des voix. Juste derrière, arrive le maire sortant, Claude Roche avec 23,07% des voix.
https://www.youtube.com/watch?v=d3l8Sd3AtNk
Sur la destruction des campagnes, etc.
7. Le ruisseau en termes de Droit
Après cinquante ans de négation et d’effacement, le Nolange est-il toujours un ruisseau au regard du Droit ?
Le commentaire de Carl Enckell :
« Définition d’un « cours d’eau » : la réponse du Conseil d’État vaut-elle pour le domaine public ?«
nous a beaucoup aidé pour convaincre l’administration de reconnaître l’existence du ruisseau. Ci-dessous :
Dans un arrêt du 21 octobre 2011, Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement C/ EARL CINTRAT (requête n° 334-322 publiée au Lebon), le Conseil d’Etat précise la définition d’un « cours d’eau »…
Le « cours d’eau » est une expression fréquente en droit de l’Environnement, non seulement au titre des activités dites « IOTA » (soumises à la loi sur l’eau) mais aussi s’agissant des installations classées. En effet, plusieurs rubriques de la nomenclature des ICPE imposent aux équipements industriels des précautions vis-à-vis de « cours d’eau » (une distance minimale).
Encore faut-il savoir ce qu’il convient d’entendre par cours d’eau : peut-il s’agir d’un canal artificiel, d’un ruisseau ?
rappel :
La Circulaire DE / SDAGF / BDE n°3 du 2 mars 2005 relative à la définition de la notion de cour d’eau
(…)
La qualification de cours d’eau donnée par la jurisprudence repose essentiellement sur les deux critères suivants :
- la présence et la permanence d’un lit naturel à l’origine, distinguant ainsi un cours d’eau d’un canal ou d’un fossé creusé par la main de l’homme mais incluant dans la définition un cours d’eau naturel à l’origine mais rendu artificiel par la suite, sous réserve d’en apporter la preuve – ce qui n’est pas forcément aisé – ;
- la permanence d’un débit suffisant une majeure partie de l’année apprécié au cas par cas par le juge en fonction des données climatiques et hydrologiques locales (1) et à partir de présomptions au nombre desquelles par exemple l’indication du « cours d’eau » sur une carte IGN (2) ou la mention de sa dénomination sur le cadastre.
(…) il demeure toutefois essentiel de prendre en compte de façon circonstanciée ces deux critères majeurs avant de considérer que l’on ne se trouve pas en présence d’un cours d’eau (…)
La clarification du Conseil d’Etat
Saisi de la légalité d’un arrêté préfectoral qualifiant un ruisseau de « cours d’eau » non domanial et soumettant à autorisation des prélèvements effectués par un particulier, le Conseil d’Etat indique que constitue un « cours d’eau » un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année.
En revanche, si la richesse biologique du milieu peut constituer un indice à l’appui de la qualification de « cours d’eau », l’absence de vie piscicole ne fait pas, par elle-même, obstacle à cette qualification.
C’est pourquoi un canal artificiel peut être un cours d’eau, lorsqu’il est affecté à l’écoulement des eaux d’une rivière principale (CE, 26 janvier 1972, req. n° 76.893, sieur X).
En l’espèce, le Conseil d’état relève que le ruisseau en question s’écoule depuis une source située en amont d’un plan d’eau et captée par un busage. Il n’est pas seulement alimenté par des eaux de ruissellement et de drainage. Si l’eau s’écoule dans des fosses aménagées dans un talweg, le ruisseau présentait bien, antérieurement à son réaménagement, un lit naturel comme en attestent des données cartographiques.
L’arrêt EARL Cintrat du 21 octobre 2011confère une force juridique à la circulaire du ministère de l’Écologie et du Développement durable du 2 mars 2005 (Circ. min. Écologie, 2 mars 2005 relative à la définition de la notion de cours d’eau), selon laquelle la qualification de cours d’eau repose essentiellement sur les deux critères vus plus haut.
(…) Les conditions de définition d’un cours d’eau sont donc cumulatives :
- i. Un écoulement d’eau courante originellement naturel, et alimenté par une source,
- ii. Un débit suffisant la majeure partie de l’année.
Toute autre considération n’est pas essentielle à la définition d’un cours d’eau, notamment la richesse du milieu, le caractère artificialisé du cours d’eau (busé ou canalisé), ou la circonstance que celui-ci soit domanial ou pas (domaine public ou domaine privé).
Il convient également de retenir de cette décision que la qualification de cours d’eau peut dépendre d’une recherche d’antériorité impliquant de déterminer si un cours d’eau artificialisé a antérieurement été naturel (canal artificialisé ou busé par exemple).
Carl Enckell « Définition d’un « cours d’eau » : la réponse du Conseil d’État vaut-elle pour le domaine public ?«
A Saint Gengoux le désormais National, les outrages infligés au « ruisseau de Nolange » ne lui ont pas ôté la qualité de ruisseau, même au regard du Droit. D’autant que, comme nous l’avons déjà vu, là où les promoteurs voudraient ne voir qu’une « conduite d’eaux pluviales« , le ruisseau rassemble plusieurs rus et sources. Par conséquent, le Code de l’Environnement s’applique pleinement à la situation. Que dit-il ?
L’article R.214-1 stipule les règles à respecter en matière d’aménagements envisagés dans le lit mineur d’un cours d’eau, comme à Saint Gengoux le National.
L’observation du Code de l’Environnement aurait entraîné l’application de la Directive-Cadre européenne sur l’Eau (2000/60/CE) et de la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques de décembre 2006 (LEMA).
C’est probablement ce que le gros mensonge sur la réalité du terrain convoité devait permettre d’éviter… Un trop gros mensonge qui, à lui seul, doit frapper de nullité toute la procédure.
Après la reconnaissance géomorphologique et historique du ruisseau, il faut encore souligner que le projet d’urbanisation de son lit ne s’appuie que sur le Code de l’Urbanisme, ainsi que le souligne le Préfet de Saône et Loire dans une lettre le 9 janvier 2014 :
(…) Le dossier a été instruit sur la base du document d’urbanisme en vigueur et de la réglementation du Code de l’urbanisme. (…)
Et il souligne : « Un permis de construire ne pourrait être refusé en raison d’une illégalité relative à la loi sur l’eau » (?!)
Or, le Diagnostic du Schéma Régional de Cohérence Ecologique précise clairement page 14, article 1.5.3.1, que le Code de l’Urbanisme doit « prendre en compte » le SRCE :
la nouvelle rédaction des principes fondateurs des documents d’urbanisme (article L121-1 du code de l’urbanisme) ajoute au nombre des objectifs de développement durable « la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques »
C’est la logique même et, à Saint Gengoux le National, elle est bafouée de manière flagrante.
Cependant, une mise en garde s’impose :
8. Contournements et détournements de la législation sur l’eau
et insuffisance de celle-ci
Les rédacteurs de l’arrêt EARL Cintra devaient être de bonne volonté et animés par le soucis du bien commun. Leur texte a bien embarrassé ceux qu’un déficit d’ouverture sur le vivant – ou trop d’ouverture sur les intérêts qui lui sont nuisibles – conduit à réduire tout ce qui coule et bouge à sa plus simple expression. Bien à regret, ils doivent reconnaître – pourvu que quelqu’un les y contraigne – l’existence de ce qu’ils niaient éhontément, ainsi un ruisseau récemment enterré comme le Nolange.
Le Nolange en amont
Rappelons-nous la dénonciation d’Elisée Reclus :
«Dans nos pays de l’Europe civilisée où l’homme intervient partout pour modifier la nature à son gré, le petit cours d’eau cesse d’être libre et devient la chose de ses riverains. Ils (…) l’emprisonnent entre des murailles mal construites que le courant démolit; ils en dérivent les eaux vers des bas-fonds où elles séjournent en flaques pestilentielles; ils l’emplissent d’ordures qui devraient servir d’engrais à leurs champs; ils transforment le gai ruisseau en un immonde égout. (…) le ruisseau, devenu cloaque, entre dans la cité, où son premier affluent est un hideux égout (…) Le ruisseau que j’ai vu jaillir à la lumière, si limpide et si joyeux, hors de la source natale, n’est plus désormais qu’un égout dans lequel toute une ville déverse ses ordures »
L’eau dans la cité
Histoire d’un ruisseau, ER 1869
La récente reconnaissance de la qualité de « cours d’eau » n’a pas été faite pour laisser l’heureux élu en son état dégradé par trop longtemps d’ignorance et de malfaisance. Encore moins pour permettre de nouveaux travaux destructeurs qui condamneraient à jamais le ruisseau redécouvert et la tête de bassin versant dont il fait partie ! La reconnaissance implique aussi que soient mentionnés le lit mineur, le lit majeur, la nappe phréatique d’accompagnement (!) et tout (plantes, animaux, qualité de l’eau d’amont en aval, etc.) ce qui en fait un ruisseau – c’est à dire, non pas seulement un flux d’H2O, stricto sensu un « cours d’eau« , mais une unité de vie complexe, un écosystème. C’est une première mesure de sauvegarde en attendant la libération et la restauration.
Cependant, les rédacteurs de l’arrêt EARL Cintra semblent n’avoir pas vu que la reconnaissance qu‘ils amorçaient est loin d’être suffisante. Par exemple, cette phrase :
« Si la richesse biologique du milieu peut constituer un indice à l’appui de la qualification de cours d’eau, l’absence d’une vie piscicole ne fait pas, par elle-même, obstacle à cette qualification.«
fait dire à Carl Enckell :
« Toute autre considération n’est pas essentielle à la définition d’un cours d’eau, notamment la richesse du milieu (…) »
(« Définition d’un « cours d’eau » : la réponse du Conseil d’État vaut-elle pour le domaine public ?« http://www.carlenckell.com/archive/2011/11/03/definition-d-un-cours-d-eau-la-reponse-du-conseil-d-etat-vau.html)
Dans une situation d’oubli et de dégradation souvent complète, il est logique qu’il ne soit pas nécessaire que subsiste tout ou partie de l’écosystème d’origine pour qu’il y ait reconnaissance*. Ponctuellement, c’est très utile pour préserver ce qui a été oublié, maltraité et qui est toujours menacé, même s’il ne reste guère plus que le talweg, le profil du lit majeur et la nappe phréatique d’accompagnement; laquelle semble complètement oubliée ! C’est très utile afin de prévenir les inondations et de pouvoir restaurer. Mais il n’aurait pas été inutile de souligner l’importance de la morphologie du lit mineur et du lit majeur, la nécessité de ne pas modifier celle-ci, et de rappeler l’existence de la nappe d’accompagnement comme partie essentielle du ruisseau. Plus grave : parce qu’elle ne dit rien de ce qu’est un ruisseau en « bon état écologique« , rien de l’écosystème et de son environnement, et rien de son devenir, on devine déjà que la meilleure intention peut être retournée. Et, en effet, même après la reconnaissance officielle de ce qui reste du ruisseau martyrisé, rien n’empêche les ex-négationnistes de poursuivre leurs projets de saccage et d’assassiner définitivement le « cours d’eau » reconnu en interdisant toute restauration (a). Puisque le ruisseau n’est plus qu’un « cours d’eau« … Enfin « protégé« , mais sous un parking ou une station-service, ou les deux !
*Reconnaissance, pas « définition » comme le Conseil d’Etat l’écrit dès le titre de son arrêt (également la circulaire de mars 2005 du Ministère de l’Environnement)… On ne peut prétendre « définir » quelque chose, surtout un ensemble complexe, à partir d’un état dégradé ! Ce « définition » semble avoir été choisi pour servir les plus sombres projets.
Exemple :
Penchés sur la tête de bassin versant de Saint Gengoux le National, les services officiels, ceux qui ont mission de protéger et de stimuler la restauration, ont été contraints de reconnaître le Ruisseau de Nolange nié par l’ensemble de la procédure de permis de construire. Mais, s’appuyant sur l’insuffisance de la législation, ils se sont contentés de changer leur vocabulaire, escamotant tout « le ruisseau« dans le tuyau. Ils sont simplement passés de la négation de l’existence du ruisseau à la négation de sa géomorphologie et de son écologie. Et d’écrire : « la buse où s’écoule le cours d’eau« . Et d’affirmer sans ciller que « le projet initial* ne prévoyait pas d’intervention sur le ruisseau, il n’était donc pas soumis à la loi sur l’eau.« , déclaration de l’ONEMA rapportée dans le compte rendu officiel du Comité de Rivière du 9 mars 2015 (page 14 : http://www.eptb-saone-doubs.).
* avant une modification de détail
Notons la glissade du « cours d’eau » au ruisseau.
Pourtant, dans toutes ses versions depuis une trentaine d’années seulement, le projet prévoit de bétonner, bitumer et diéséliser une section entière des lits mineur et majeur en laissant l’eau de l’ex-ruisseau (morte et polluée) dans son tuyau. Presque mieux : cet endroit fait partie de la tête de bassin versant qu’il serait encore facile de restaurer (rang de Strahler égal à 2 avec une pente supérieure à 1%). Mais même les fonctionnaires qui doivent servir le bien commun, ceux dont les collègues font la promotion de la protection et de la restauration des ruisseaux et des têtes de bassin versant (http://www.colloque-tete-de-bassin.oieau.fr/), semblent vouloir faire abstraction de l’histoire, du contexte architectural, et considérer que la ripisylve, la faune, la flore aquatique, toute la vie, même l’hydrogéomorphologie du lieu et la tête de bassin, accessoirement la nappe d’accompagnement (!), peuvent être dissociés de l’eau (et celle-ci enfermée dans du béton), anéantis sans soucis pour le village et la campagne, la région et tout l’aval.
Hier, le ruisseau n’existait plus. Il est maintenant réduit à un trait sur les plans. Un trait que, bien sûr, les cuves de gaz oil éviteraient soigneusement pour laisser intact le tuyau, désormais « ruisseau« , en total respect avec la législation par le petit bout de la lorgnette. Après la reconnaissance juridique, l’anéantissement écologique.
Comment est-ce possible ?
A y mieux regarder, c’est la législation française qui permet ces dérives.
Qu’il s’agisse de l’Arrêt Earl Cintra ou de la circulaire du ministère de l’Écologie et du Développement durable du 2 mars 2005 (Circ. min. Écologie, 2 mars 2005 relative à la définition de la notion de cours d’eau), l’emploi très répandu de la formule « cours d’eau » – littéralement : mouvement d’eau, flux d’eau, constitue le premier problème.
« Cours d’eau » appartient au langage de l’hydrologue, pas au langage de celui qui s’intéresse aussi à la vie : l’écologiste. Si l’on avait voulu rendre compte de la vie qui accompagne l’eau, à « cours d’eau« , on aurait préféré ruisseau qui, au moins depuis Elisée Reclus (1830-1905) parle de l’écosystème en son entier. Au contraire, « cours d’eau » fait d’un réseau dense d’interrelations – l’écosystème aquatique – un objet simple, trop simple…
« La monstrueuse pathologie atomiste que l’on rencontre aux niveaux individuel, familial, national et international – la pathologie du mode de pensée erroné dans lequel nous vivons tous – ne pourra être corrigée, en fin de compte, que par l’extraordinaire découverte des relations qui font la beauté de la nature.«
« Vers une écologie de l’esprit«
Gregory Bateson 1972
La formule « cours d’eau » efface la dimension transversale du système aquatique et, donc, toute la vie qu’elle comprend ; en fait, toute la vie du ruisseau. Cette seule formule réduit la problématique écologique à une simple question de dynamique des fluides. Elle favorise la restriction des interprétations et les solutions simplistes – par conséquent : destructrices.
Certes, l’Arrêt EARL Cintra évoque une « vie piscicole« , mais rien n’est dit des autres formes de vie indissociables qui, avec l’élément physique eau, constituent un ruisseau. Et, là encore, « piscicole » semble restreindre la vie qui accompagne ce « cours d’eau » aux poissons « utiles« , ceux qui sont élevés ou entretenus pour notre consommation.
Certes, « la présence d’une végétation hydrophile et d’invertébrés d’eau douce » est aussi évoquée, mais pour souligner que celle-ci n’est pas nécessaire pour identifier, non pas un ruisseau, mais ce qu’il en reste : son fantôme. Malheureusement, la description reste figée dans le temps de la dégradation, et on en revient au « cours d’eau » rudimentaire…
A ce jour, en dépit d’une évolution sensible, les tentatives d’écologisation du droit restent sans effet positif pour les têtes de bassin versant et bien d’autres lieux saccagés et encore menacés. En particulier, elles échouent à convaincre les politiques et l’administration de revenir sur le morcellement du bien commun pour protéger les écosystèmes aquatiques.
Cette grande insuffisance du droit est aussi soulignée par Aude Farinetti dans « La protection juridique des cours d’eau – Contribution à une réflexion sur l’appréhension des objets complexes » (éditions Johanet 2012).
Aude Farinetti souligne « l’incohérence de l’attribution de statuts différents au lit et à l’eau des cours d’eau » (page 164). Incohérence encore avec les statuts différents du lit mineur et du lit majeur des cours d’eau domaniaux (page 165). Incohérence toujours avec « l’attribution de statuts différents à l’eau des cours d’eau et de la nappe alluviale d’accompagnement » (!) (page 168).
Page 487 : « (…) Si une telle solidarité (la solidarité hydraulique qui unit les Etats situés sur un même bassin versant) peut être considérée comme un aspect de la solidarité écologique, elle est beaucoup plus pauvre que cette dernière. Elle n’envisage pas les relations entre les milieux et les espèces et ne s’empare que de façon très incomplète des relations qui unissent les espaces aquatiques et les espaces terrestre. Une telle lacune est d’autant plus regrettable que la solidarité hydraulique est simplement envisagée du point de vue anthropique (…) ».
Un point de vue anthropique dont le droit français et les services officiels de Saône et Loire font une démonstration permanente. Comme le souligne Aude Farinetti, les exigences de la vie biologique sont passées sous silence. Certes, la directive-cadre européenne sur l’eau du 23 octobre 2000 « s’inscrit dans une démarche résolument écologique, puisqu’elle poursuit l’atteinte de bon état écologique et chimique des masses d’eau de surface ou, lorsqu’elles sont fortement modifiées, de leur bon potentiel (…) » (page 515).
Sur le bon état écologique et le bon potentiel :
« Le bon état écologique est donc d’une certaine façon la résultante de compromis entre un certain niveau d’exigence environnementale (maintien des fonctionnalités écologiques et des communautés biologiques caractéristiques du type de milieu considéré) et le développement des activités humaines (…) »
« Le bon état chimique est acquis par le respect des engagements européens en matière de réduction ou de suppression des contaminants qui sont identifiés comme des substances prioritaires et substances prioritaires dangereuses en raison de leur caractère fortement toxique, rémanent (c’est-à-dire persistant) et bioaccumulable (c’est-à-dire que leur concentration augmente tout au long des chaînes/réseaux alimentaires dans les écosystèmes) »
Même pour les masses d’eau fortement modifiées, « un bon potentiel écologique doit être recherché de manière à minimiser autant que faire se peut les incidences écologiques sur ces milieux et ceux sur lesquels ils sont susceptibles d’avoir des incidences environnementales. Les contraintes liées aux rejets polluants doivent être réduites ou supprimées dans tous les cas, sans différence avec les situations où le bon état écologique est recherché. »
http://www.corse.eaufrance.fr/dce-sdage-2010-2015/documents/bon-etat-eaux-mars2011.pdf
Sur le terrain, la « démarche résolument écologique » de la nouvelle législation semble avoir complètement échappé aux administrations. Celles-ci paraissent toujours soucieuses de ménager les propriétés privées qui, en dépit de toute logique vitale, ont morcelé l’unité du bien commun. Car, en effet, beaucoup de propriétés font toujours obstacle à la réunion des différentes parties des hydrosystèmes et à la restauration de la vie et de la qualité des eaux (maintenant, certaines propriétés communales aussi). Le dépeçage du bien commun – les communaux – a connu son plus grand essor à la fin du XVIIIème siècle, quand, au détriment des dynamiques écologiques et sociales, la propriété privée a été sacralisée.
Elisée Reclus le dénonçait à la mi-temps du XIXème siècle : « (…) Actuellement, l’exploitation de ces richesses se fait dans le plus grand désordre et presque au hasard, suivant les caprices des propriétaires riverains, et les résultat de ces disparates est trop souvent le désastre pour tous. L’un égoutte le sol de son domaine en le drainant par des canaux souterrains,et par ces apports grossit ainsi le volume du ruisseau : un autre l’appauvrit au contraire en faisant des saignées à droite et à gauche pour arroser ses champs ; un autre encore abaisse le niveau moyen des eaux en nettoyant le fond et en détruisant les arêtes des rapides et des cascades, tandis qu’ailleurs des usiniers relèvent la surface du courant en construisant des barrages. Ce sont des fantaisies contradictoires, des avidités en conflit, qui prétendent régler la marche du ruisseau. Que deviendrait un pauvre arbre, à quelles maladies monstrueuses ne serait pas condamné, qui, vivant encore, il était partagé entre plusieurs propriétaires, si des maîtres nombreux pouvaient exercer le droit d’us et d’abus, qui sur les racines, qui sur le tronc, les branches, les feuilles ou les fleurs ? Le ruisseau dans son ensemble peut être comparé à un organisme vivant comme celui de l’arbre. Lui aussi, de ses sources nombreuses à son embouchure, forme un tout harmonique avec ses fontaines, ses méandres, les oscillations régulières de ses eaux, et c’est un malheur public lorsque la série naturelle de ses phénomènes est troublée par l’exploitation capricieuse de riverains ignares (…) ». Rien n’a encore vraiment changé ! Reclus décrit l’état dégradé qui perdure à Saint Gengoux le National et en beaucoup d’autres lieux.
Elisée Reclus fait un constat qui témoigne d’une dégradation rapide depuis la fin du XVIIIème, époque à laquelle où, justement,
dans la traversée de la cité médiévale, la majeure partie du lit mineur du Ruisseau de Nolange (les fossés du rempart ouest) a été privatisée et détruite par le « sieur Baudement« . Depuis, en dépit d’un début d’évolution récente sous la pression d’une prise de conscience des saccages réalisés, rien n’a changé dans les faits : les priorités demeurent inversées. Le droit français échoue toujours à restaurer l’unité écologique des ruisseaux et des têtes de bassin versant. La propriété individuelle est encore privilégiée et, entre autres dégradations, l’eau reste un élément physique sans vie, malléable à merci, sans souci du bien commun, juste un flux sans écosystème : le « cours d‘eau« . Insuffisance de la description et silence sur les obligations qui résultent de la reconnaissance… Même le meilleur de la législation française semble dire que, là où s’épanouissait la vie du ruisseau, un flux d’eau résiduel, quel que soit son état, même s’il coule dans un égout, suffit, et que peu importe le devenir de l’ex-ruisseau ! Et, c’est ainsi, du choix d’un vocabulaire inapproprié au glissement de sens et à la réduction du sujet, que le ruisseau, la vie, l’écologie peuvent être escamotés à vue par les mal intentionnés.
Là encore, nous voyons que le cas du Ruisseau de Nolange et de la tête de bassin de Saint Gengoux le National est exemplaire de l’histoire des destructions écologiques et de l’impuissance actuelle à réparer.
Devant ce que, pudiquement, on peut appeler un déficit de connaissance en matière d’écologie et une faiblesse culturelle et législative, une question vient naturellement à l’esprit :
– la carence de l’identification du bien commun et de son contexte, ici un ruisseau et sa tête de bassin versant, cette carence qui favorise tous les tours d’escamotage exécutés par les promoteurs et l’administration, ne serait-elle pas intentionnelle ?
En prenant de la hauteur et du recul pour embrasser l’ensemble de l’opération réductionniste – « La monstrueuse pathologie atomiste« dénoncée par Bateson – on peut dire que la vision utilitariste a rétréci le droit de l’environnement en lui cachant la vie (surtout quand elle n’est pas « piscicole« ), toute la vie qui accompagne le « cours d’eau« , dans l’eau et alentour.
La redéfinition claire du bien commun, en tous lieux et en soulignant la relation avec le bien commun des biens communs : la biosphère, devrait être le premier souci de qui doit tendre vers l’objectif de « bon état écologique » et s’efforcer de limiter le changement climatique. Alors que l’on constate l’effondrement de la biodiversité et le bouleversement climatique, la reconstitution des ruisseaux, des têtes de bassin versant, des écosystèmes démembrés par la cupidité (et la cécité vis à vis des conséquences) devrait être une priorité absolue.
Devrait…
L’expérience de la défense de la tête de bassin versant de Saint Gengoux le National démontre que nous en sommes loin.
Le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité ont encore un bel avenir (d’autant que l’un et l’autre sont étroitement liés via la biomasse) !
(a) Et, c’est très curieux, les mensonges énoncés dans la demande de permis de construire (« le terrain n’est pas traversé par un ruisseau« ), qui frappent automatiquement de nullité la procédure, semblent ne frapper personne dans les services !
Le ruisseau de Nolange appartient au patrimoine commun
Code de l’Environnement
Article L110-1
Modifié parLOI n°2012-1460 du 27 décembre 2012 – art. 1
I. – Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.
II. – Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :
1° Le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ; (…)
9. Une pluie… et le ruisseau de Nolange réapparaît
Enfin, plus exactement, sa nappe phréatique d’accompagnement
Dimanche 28 juillet 2013, après une période de sécheresse et de baisse de la nappe phréatique, il a plu toute la journée, de pluies abondantes et pluies régulières alternées sans discontinuer. Après quelques heures, la nappe phréatique avait suffisamment monté pour mouiller le Pré A l’Agasse et révéler, sinon le talweg où coulait le Nolange avant qu’il ne soit réduit à un égout, du moins le creux correspondant sans doute à la tranchée de la buse où il est enfermé – bref, le talweg actuel. Les photos prises l’après-midi montrent ce qui semble être un cours d’eau étendu sur une bonne trentaine de mètres, comme un fantôme du Nolange non loin de son tracé initial. Cet affleurement spectaculaire de la nappe d’accompagnement du ruisseau démontre, s’il en était besoin (il s’agit du fond de vallée et, justement là, du talweg), que le pré où la municipalité voudrait implanter un supermarché et une station-service est, au moins, traversé par une « zone humide longitudinale » correspondant au lit mineur du ruisseau historique de la cité. L’ensemble du pré est le lit majeur, entre la pente de La Grande Terre à l’Est et le petit relief séparant la vallée du Chirot de celle du Nolange.
Saint Gengoux le National – son eau perdue
Après quelques heures de pluies abondantes le 28 juillet 2013, la nappe phréatique affleure dans le Pré A l’Agasse, au point le plus bas du fond de vallée.
TAN_054
photo ACG 2013
C’est là que la municipalité veut faire construire un supermarché, un parking et une station-service. Exactement dans le lit du ruisseau historique de la cité, au mépris de la Loi sur l’Eau et des programmes de protection (Natura 2000, Trame Verte et Bleue*…) !
* Correspondant évidemment à la situation, une définition de la TVB, la Trame Verte et Bleue :
« (…) Cette trame (Trame Verte et Bleue) doit permettre de limiter la diminution de la biodiversité, y compris pour les espèces ordinaires, de permettre aux écosystèmes de continuer à rendre des services écologiques indispensables à notre vie et ce dans un contexte de changement climatique. La trame verte et bleue nationale doit constituer une infrastructure écologique du territoire sur laquelle doit s’inventer un aménagement durable et qui contribuera à l’amélioration du cadre de vie aussi bien dans les paysages urbains que ruraux.
Les changements très rapides1 des conditions climatiques prédits vont nécessiter des déplacements d’espèces car elles n’auront pas le temps pour évoluer et s’adapter localement.(…) »
1 Pour 22 papillons non-migrateurs européens (sur 35 étudiés), leur limite Nord de distribution a progressé de 35 à 240 km vers le Nord au cours du XXème siècle.
« Prise en compte de la TVB dans les infrastructures linéaires de transport (ILT) »
http://www.oree.org/docs/grenelle/ch7grenelle2tvb3.pdf
le 20 novembre 2013, l’eau monte à nouveau dans le talweg du Nolange
Le 4 novembre 2014 après un épisode pluvieux. On voit distinctement le lit mineur du Nolange venant de la Rue des Tanneries via le remblai-parking de GammVert (la cité médiévale est maintenant cachée par les hangars et les pavillons du nouveau lotissement).
D’après le recoupement des observations en différents endroits (Bourg Hameau, rues du bas de la cité médiévale, Rue des Tanneries, Route de Saint Martin de Croix), cette montée des eaux était moindre que celle, plus soudaine, survenue le 10 juin 2008 pendant un orage.
Le Ruisseau de Nolange reprend son cours naturel, exactement comme sur les plans anciens : revoir, par exemple, le descriptif de la Route n° 34 de la limite de la généralité de Franche-Comté à la limite de la généralité du Bourbonnais, portion de Joncy à Tournus
http://www.archives71.fr/_depot_cg71_imgs/AD71EAD/CSUPPC1_7.pdf
C’est là, c’est bien là, droit devant, qu’il est prévu d’implanter cette station-service (autorisée par toutes les autorités)
En aval, un ruisseau encore en bon état, un important captage, la Rivière Grosne (protégée), la Saône, le Rhône, la Camargue, la Méditerranée
Ces deux submersions remarquables que nous avons eu l’occasion d’observer en 8 ans* démontrent, s’il en était besoin, qu’il ne s’agit pas d’un événement exceptionnel. D’ailleurs, les deux crues sont très loin d’avoir l’ampleur des crues classées « catastrophes naturelles » de 1982 et 1983, très loin des crues de 1867 et 1875 (ci-dessous).
* Vu l’omerta très efficace sur les inondations, et leur négation, il a pu y en avoir d’autres
10. L’observation géomorphologique est confirmée par l’historique des inondations…
« (…) Considérant que ce danger de grande crue n’est pas un danger illusoire et que la population de Saint Gengoux le National, a parfaitement conservé le souvenir de la crue de 1867, où les eaux se sont élevées à plus d’un mètre sur la route et ont envahi les maisons voisines (…) »
Il s’agit d’un extrait des c.r. du Conseil Municipal de St Gengoux, 11 septembre 1902.
« la route » est la Route des Tanneries qui longe le Pré A l’Agasse, et « le ruisseau des Tanneries » est décrit comme étant « d’une grande largeur et assez grande profondeur« .
(…) En 1867, une poche d’eau creva dans la montagne. En quelques heures, l’inondation envahit l’école. L’eau monta dans les classes presque jusqu’au plafond (…) ».
Extrait de « Trois siècles d’enseignement libre » par J.D.M. Dutroncy, bulletin La Paroisse, juillet 1938.
L’école était, alors, dans le couvent des Ursulines, l’actuel Foyer Rural, Rue des Tanneries.
Et, en juin 1875, d’après le « Registre d’ordre. Notes diverses 1889-1865« , à la rubrique « Sinistres de 1875 » (pages 75-76), ce sont 150 hectares qui ont été inondés. 150 hectares représentent presque 1/6ème du territoire de la commune (936 ha). Schématiquement, cela correspond à une large part des lits majeurs du Nourue ***, du Nolange et du Chirot.
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***Il est curieux que, vers la Grosne, après sa réunion avec le Chirot, l’Ermite et, d’une manière ou d’une autre*, avec la source de Montvallet (sans oublier la source de Manon qui coule toujours à perte), les cartes récentes donnent au Nolange le nom de Nourue. Cette appellation et la qualification de « ruisseau principal » appliquée à la réunion des ruisseaux vers la Grosne, plus un tronçon de l’Hermite, semble témoigner d’une faiblesse des récentes identifications qui pourraient avoir été influencées par les transformations et les destructions plutôt que de tenir compte de l’histoire et de la géomorphologie
C’est d’autant plus étonnant que ce tronçon était il n’y a pas si longtemps – au moins jusqu’aux années 1930, appelé Mesceau – ruisseau de Mesceau, du nom du moulin dont le nom actuel s’écrit : Messeau. Il apparaît, donc, que le même ruisseau – de Nolange, à son origine – change de nom plusieurs fois en descendant vers la Grosne, suivant l’usage qui est fait de son eau (Tanneries, Nourue, Mesceau).
*ru de l’eau non captée ou retour en eaux usées via le lagunage
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Un détour éclairant par la définition du lit majeur :
Lit * maximum qu’occupe un cours d’eau * dans lequel l’écoulement ne s’effectue que temporairement lors du débordement des eaux hors du lit mineur* en période de très hautes eaux (en particulier lors de la plus grande crue* historique). Ses limites externes sont déterminées par la plus grande crue historique. Le lit majeur du cours d’eau permet le stockage des eaux de crues débordantes. Il constitue également une mosaïque d’habitats pour de nombreuses espèces. Cet ensemble d’habitats est aussi appelé « annexe hydraulique* ».
c’est là : http://www.glossaire.eaufrance.fr/concept/lit-majeur
Jusqu’au début de l’année 2013 – date à laquelle nous en avons retrouvé trace, ces crues centennales semblaient avoir été complètement oubliées. Plusieurs autres aussi, par exemple les inondations de mai 1983 :
Catastrophe naturelle | Date début | Date fin | Date arrêté reconnaissance | Date publication au JO |
---|---|---|---|---|
Inondations et coulées de boue | 12/05/1983 | 13/05/1983 | 21/06/1983 | 24/06/1983 |
Inondations et coulées de boue | 08/12/1982 | 31/12/1982 | 11/01/1983 | 13/01/1983 |
Tempête | 06/11/1982 | 10/11/1982 | 18/11/1982 | 19/11/1982 |
Dans la nuit du 12 au 13 mai 1983, l’eau d’un orage a déferlé dans le fond de vallée, donc sur le bas de la cité. Rue des Tanneries, dans ce faubourg où certains veulent implanter une station d’hydrocarbures et un supermarché dans le lit du ruisseau, l’eau est montée très vite et des habitants piégés chez eux appelaient Au secours dans la nuit. Ils sont peu nombreux à se souvenir et ne semblent pas réaliser l’importance de cette mémoire. Les brèves du journal régional révèlent bien cette perte de la connaissance de l’environnement et de l’histoire.
En dépit des antécédents (autres crues centennales) et des avertissements des anciens, rien n’avait été préparé, les dégradations (artificialisations) du lit du ruisseau n’avaient pas été effacées, et la suite allait être pire.
… Il est donc d’autant plus étrange qu’aucun repérage des espaces submergés n’ait été fait et que la seule zone inondable déclarée soit cantonnée aux abords de la Grosne, à 3,6 kilomètres en aval.
Plus récemment, le 10 juin 2008, l’orage déjà évoqué aurait dû réveiller les consciences…
Au nord de la cité, vers l’amont du ruisseau de Nolange, le remblais de la DDE (submergé) faisait obstacle à l’écoulement des eaux. Du fait de l’enterrement du Nolange dans sa traversée de la cité, le Bourg-Hameau était inondé : l’atelier de la menuiserie était sous 30cm d’eau (conséquence de la restriction à l’écoulement constitué par la première buse) et l’eau passait par-dessus le pont du ruisseau de Nolange (départ de la mise en égout du ruisseau) et s’écoulait dans les rues.
En aval de la cité, la Rue des Tanneries était inondée – avant le fameux « déversoir d’orage« et sa remarquable buse de 1 mètre de diamètre qui interdit l’écoulement des crues dans le lit majeur encore libre de constructions : le Pré A l’Agasse ! Juste après, en allant vers Saint Martin de Croix, le centre des pompiers et la route étaient inondés – comme d’habitude : c’est le lit majeur du Ruisseau de Chirot.
Deux brèves du Journal de Saône et Loire ont immortalisé l’événement :
Remarquons particulièrement :
« La rue des Tanneries était submergée ainsi que la route de Burnand avec un violent courant et le carrefour du centre de secours« . En effet, à la sortie sud de la cité, il n’était pas possible de passer sur plusieurs tronçons de route tant le débit était impressionnant.
Aussi :
« Les champs étaient transformés en rivières« … Rien de plus normal : c’est le fond de vallée, le lit majeur du Ruisseau de Nolange, sa zone d’expansion des crues, et c’est au niveau du centre de secours (remarquablement situé !) qu’il est rejoint par le lit majeur du Ruisseau de Chirot *.
* le lit majeur du Chirot et le Pré A l’Agasse (lit majeur du Nolange) ne sont séparés que par une bande de terre étroite et basse qui s’achève juste avant la route transversale (c’est parfaitement visible sur la carte d’état-major du XIXème siècle).
Le Journal de Saône et Loire nous fait découvrir une inondation comparable en 1968 – ce qui nous a été caché durant l’enquête. Mais… et les submersions de décembre 1982 et mai 1983 ?
L’orage de juin 2008 aurait dû rappeler que l’ignorance de l’hydrogéomorphologie la plus élémentaire (entre autres), à laquelle sont dues les destructions successives infligées au ruisseau de Nolange, a déjà coûté très cher – surtout avec les « catastrophes naturelles » de 1982/83… « Naturelles » mais largement aggravées, donc, par les mauvais traitements infligés à la campagne et aux ruisseaux en amont, et par les busages et les nouveaux remblais de la cité. A ce propos, il faut noter que l’écoulement du ruisseau de Nolange, dont le bassin versant a été débocagé, qui a été privé de sa ripisylve, de ses zones humides, de ses méandres, etc., est plus rapide qu’il ne l’a jamais été et que cela accroît les submersions du Bourg-Hameau et du bas de la cité lors des gros orages. Même observation pour le Vernay, le Chirot et l’Ermite.
Entre juin 2008 et novembre 2014, date de la dernière submersion que chacun a pu constater au matin d’un grand marché, la mémoire semble avoir été perdue par les défenseurs du projet de station-service les pieds dans l’eau puisque ceux-ci ont osé affirmer que l’inondation la plus récente était de « fréquence centennale » *! Gommées les inondations de 2008, de 1983, de 1982, de 1968, etc. (et toutes celles que nous ignorons encore car nous n’avons pu mener une recherche exhaustive).
* article du JSL du vendredi 18 déc 2015 signé par Thierry Dromard : « Supermarché : le site fait débat« .
C’est toute la connaissance de l’eau et la mémoire du risque qui ont été perdues à Saint Gengoux le National – volontairement perdues. Tout aussi étonnant : les services officiels de prévention et de protection de l’eau (?) ont également perdu la mémoire !
Pour se faire une petite idée du phénomène auquel Saint Gengoux est exposé, voici une petite crue éclair du Vidourle à l’échelle de la crue des ruisseaux de Saint Gengoux en juin 2008 :
https://www.youtube.com/watch?v=X-qnkehqj0Y
Et encore, à propos de la relation avec le climat…
Evidemment, les destructions constatées sont très loin d’avoir l’ampleur de la destruction des forêts primaires qui bouleverse les climats régionaux, déstabilise profondément les échanges atmosphériques et océaniques (par exemple, avec l’oscillation El Niño/La Niña) et participe pleinement à la dégradation climatique planétaire. Cependant, elle est loin d’être un détail à l’échelle de la région et, même, du bassin Rhône Méditerranée. Enfin, tout étant important quand il s’agit de l’eau, de la vie, du climat, on peut avancer que les destructions des têtes de bassin versant, comme à Saint Gengoux le National, ont contribué aussi, entre autres régressions, aux changements en cours. Cela, le stade de gravité où en est la dérive climatique et, simplement, la nature agricole du terrain, auraient dû imposer une étude d’impact qui aurait vite révélé l’absurdité et la nuisibilité du projet. Mais d’étude préalable, point *. Ni d’écoute et de concertation depuis !
* Seule une « notice paysagère et environnementale » qui, dans le dossier d’instruction du permis de construire, affirme : « Le terrain n’est pas traversé par un ruisseau » !
Il ne serait pas bête de réparer !
L’architecture parle aussi
Il est assez révélateur que, les maisons anciennes du bas de la cité et des faubourgs du fond de vallée, près du ruisseau, ont des espaces d’habitation nettement surélevés. Ils sont « hors d’eau« .
et, tout d’abord, toutes celles qui ont été détruites, comme pour effacer l’histoire et, du même coup, la mémoire du risque et la connaissance du lieu
les espaces d’habitation sont hors d’eau dans le Bourg-Hameau et tout le long du Nolange
y compris en allant vers le Pré à l’Agasse, après les arbres à droite
11. L’oubli officiel de l’eau et des têtes de bassin versant
Pour comble, ce colloque s’est déroulé à Saint Gengoux le National, là même où plusieurs ruisseaux sont enterrés (au total, environ 3 km)
- au plus bas du fond de vallée,
- très près de la nappe phréatique d’accompagnement du Nolange,
- exactement au-dessus d’un ru enterré,
- à 70 mètres du Ruisseau de Nolange pollué depuis les sources, enterré dans un égout, stérilisé,
- à 800 mètres de la source de Manon, la source historique de la cité médiévale, gravement polluée depuis une cinquantaine d’années par une décharge brute toujours non curée,
- et à 250 mètres du Pré A l’Agasse où est programmée la destruction définitive du ruisseau principal de cette petite tête de bassin saccagée d’étape en étape depuis les années cinquante.
Aucun des organisateurs ne pouvait ignorer ces petits détails, mais il n’a pas été question des sources, des ruisseaux et des ripisylves de Saint Gengoux !
Autre curiosité : parfois à quelques encâblures seulement des 3 kilomètres de cours d’eau enterrés de Saint Gengoux le National, des techniciens des administrations de la protection des eaux et de l’environnement et des élus du Comité de Rivière mobilisent des subventions et font des plans pour effacer des ouvrages de faible impact écologique, tels des seuils de moulins multi-centenaires. Or, ce sont les mêmes qui refusent de voir le saccage de la tête de bassin versant,
12. L’importance de la perte et ses conséquences
Parce que l’eau est l’un des premiers biens communs et, qui plus est, la manne qui a décidé les hommes à s’installer là, la perte de l’eau et de sa culture développée siècle après siècle est très significative. Car, de réduction du ruisseau en canal, en pollution de la source principale, en dégradation de tous les ruisseaux dans les pâturages, en enterrement du ruisseau historique et de plusieurs autres dans des égouts, etc., c’est aussi tout le savoir des anciens qui a été perdu. Pour beaucoup, l’eau est même devenue une gène, voire un sujet de mépris. Cela témoigne d’une rupture radicale avec l’histoire et le pays, donc d’une rupture avec le bien commun et tout ce qui fonde et structure une société adaptée à son environnement. De ce fait, la plupart sont tombés sous l’emprise des industries financiarisées en conquête du marché local et n’ont plus pour ambition que d’ouvrir le plus possible leur village et leur économie aux prédateurs les plus boulimiques. Le processus est mortifère et il est loin d’être rare, mais, là, il est poussé à son paroxysme. Evidemment, il est aussi un grand handicap pour l’évolution nécessitée par la crise écologique et climatique.
notes
(a)
Insalubrité ? La pauvreté de l’argumentaire montre la mauvaise foi puisque les pollueurs appartenaient, évidemment, à la population ! L’insalubrité évoquée avait créée de toutes pièces avec une décharge municipale précisément installée dans le lit du ruisseau, en amont *, avec d’autres dégradations au niveau du Bourg Hameau, la diminution du débit du fait de captages excessifs, et de probables déversements d’eaux usées, etc.
* Le déversement de la collecte des fosses septiques dans la nouvelle décharge brute du vallon de la source de Manon nous renseigne sur les pratiques qui polluaient le Nolange.
(b)
Pas seulement à Saint Gengoux, hélas. C’est une époque où l’on a beaucoup détruit inutilement. Cependant, à Saint Gengoux, la destruction du patrimoine s’est poursuivie à grande échelle jusqu’aux années 1980-90 (réalisation de l’îlot HLM de l’Abondance au détriment des maisons médiévales, par exemple).
(c)
Sous l’autorité du préfet de département, la DDA (direction départementale de l’agriculture) était un Service public de proximité effectuant des missions relevant d’abord du ministère de l’Agriculture et de la Pêche mais aussi du Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire.
(…) la DDAF adoptait et mettait en œuvre, au niveau départemental, les politiques publiques relatives aux productions agricoles et forestières, à la protection et à la gestion de l’eau et de l’environnement, à l’aménagement et au développement de l’espace rural.
Les principales missions des DDAF étaient les suivantes :
- l’économie agricole et agroalimentaire départementale avec notamment le soutien aux exploitations agricoles et aux industries agroalimentaires ;
- l’aménagement rural et le développement local avec notamment l’appui aux collectivités ;
- la forêt et le bois ;
- l’eau et l’environnement avec notamment la gestion et la police des eaux, la protection de la nature, l’organisation et l’exercice de la chasse et de la pêche ;
- la politique sociale agricole ;
- les statistiques agricoles. (…)
. . . On pouvait s’en douter, la DDA, un service public, donc au service du bien commun, n’était pas chargée de dévaster les ruisseaux, les ripisylves, les continuités écologiques, etc., comme à Saint Gengoux le National, mais, tout au contraire, de les protéger.
(d)
La décroissance de la diversité biologique est connue…
« (…) Cependant, on constate que cette biodiversité régresse, plus ou moins fortement selon les territoires. Parmi les écosystèmes les plus menacés figurent les vallées alluviales et les zones humides. Ainsi, plus du tiers des prairies inondables de Saône-et-Loire et de Côte-d’Or ont disparu au cours des 40 dernières années. Dans les espaces agricoles où les haies ont été réduites de près de moitié en 50 ans, la biodiversité s’est fortement appauvrie.
(…)
la Bourgogne s’est dotée d’un plan régional en faveur de la biodiversité en 2006 visant à améliorer la connaissance du patrimoine naturel régional, préserver la biodiversité, développer le tourisme de nature et favoriser les activités agricoles et forestières respectueuses de l’environnement. Enfin, une étude d’identification, de préservation et de restauration de la trame écologique bourguignonne a été lancée en 2009 et une stratégie régionale de la biodiversité sera prochainement élaborée. »
(La biodiversité en Bourgogne : une richesse pour l’avenir, enjeux et perspectives)
Et l’on a vu apparaître, en effet, cette « stratégie régionale pour la biodiversité » dans des textes purement théoriques.
Quelle traduction pratique ? Une seule indication :
« Pour vous associer à la démarche : tenez-vous informé(e), consultez le site internet : http://www.strategiebiodiversite.bourgogne.fr
Faites entendre votre voix auprès de vos représentants, membres du Comité Régional Biodiversité…«
Mais, en plusieurs endroits (comme à Saint Gengoux le National), l’opération semble ne pas exister puisque personne ne s’est, jusqu’à présent, intéressé aux réalités de terrain et n’a daigné répondre aux associations, à commencer par ces « représentants, membres du Comité Régional Biodiversité« .
(d bis) La raréfaction des oiseaux est partout constatée. Parmi ses causes : la destruction des écosystèmes et l’abus des pesticides, comme à Saint Gengoux.
La sixième extinction de masse est en cours
un livre :
Biodiversité : vers une sixième extinction de masse, par R. Billé, P. Cury, M. Loreau et V. Maris, La Ville Brûle 2014
Accelerated modern human–induced species losses: Entering the sixth mass extinction
http://advances.sciencemag.org/content/advances/1/5/e1400253.full.pdf
Common European birds are declining rapidly while less abundant species’ numbers are rising
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ele.12387/full
Dramatique déclin des papillons en Europe
http://www.actu-environnement.com/ae/news/papillons-declin-rapport-AEE-habitats-19135.php4
Biodiversité : disparition de la moitié de la population des papillons de prairie en seulement 20 ans
http://www.actu-environnement.com/ae/news/papillons-declin-rapport-AEE-habitats-19135.php4
13. Les articles parus sur les mauvais traitements infligés à cette tête de bassin versant
L’eau perdue de Saint Gengoux… et la dégradation de la qualité des eaux de l’aval
N°29 ACE ARCONCE (2ème semestre 2014)
(Association des usagers de l’eau et de l’assainissement et pour l’environnement)
site de l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée juillet 2015
http://www.sauvonsleau.fr/jcms/c_7716/un-ruisseau-a-sauver-d-urgence–le-nolange#.U7qqE6uqD_M
site de l’Agence Rhône Méditerranée juin 2015
St Gengoux : un exemple national
sur le site de l’OCE en mai 2014 :
http://oce2015.wordpress.com/2014/05/27/st-gengoux-un-exemple-national/
On achève bien les rivières, ou l’histoire désolante d’une destruction ordinaire
ST GENGOUX LE NATIONAL : un centre commercial et une station service sur un ruisseau ?
publié en février 2014 sur le site de la Confédération des Associations de Protection de l’Environnement et de la Nature
http://www.capen71.org/dossiers-particuliers/super-marche-de-saint-gengoux-le-national-1-41.htm
On achève bien les rivières
sur Les Eaux glacées du calcul égoïste
en janvier 2014
http://www.eauxglacees.com/On-acheve-bien-les-rivieres-par
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