La Grande Casse écologiste et sociale
La Grande Casse écologiste et sociale
De l’alerte et des alternatives aux effondrements
chapitre 5
Derrière la geste révolutionnaire, la conquête capitaliste
Sous « l’écologie politique« , la culture écologiste et conviviale
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Derrière la geste révolutionnaire, la conquête capitaliste
« Le général de « la bande »« , celui qui découvrait « l’écologie, cette toute nouvelle science« , le « président » des gauchistes-féministes-autogestionnaires saboteurs de la démocratie associative, venait du PSU, mais il ne l’avait pas quitté et on voyait qu’il y avait été formé.
En effet, Brice Lalonde découvrait. Il avait des notions d’écologie si faibles qu’Hervé le Nestour en avait été sidéré. Cela l’avait si bien marqué qu’il me l’a répété plusieurs fois. Un terrain en friche et sans motivation pour l’écologie – inculte comme tous ceux de sa « bande » (au moins une partie de « la génération 68« ). Le témoignage de Lison de Caunes le confirme : c’est seulement au contact des écologistes qu’ils découvrirent « l’importance des biotopes et les potagers biologiques » (!). Les tourtereaux n’étaient qu’en « apprentissage« . Mais pas pour accompagner le mouvement ! Hervé le Nestour avait pu le constater avant même que les deux phénomènes paraissent aux Amis de la Terre sous la protection d’Alain Hervé et de… Michel Bosquet, lui-même précepteur du fils Leclerc.
Car Lalonde avait démarché avant de se présenter chez les écologistes. Il cherchait des informations, mais pas sur l’objet du mouvement. Il voulait savoir qui agissait, quels éventuels rapports de force, quels points faibles… C’était comme une étude de marché, comme une collecte d’informations avant l’offensive. Mais comment avait-il (et ses commanditaires) pu trouver judicieux de rencontrer un esprit aussi critique qu’Hervé le Nestour ?
Le père de Brice Lalonde (Alain-Gauthier Lévy, devenu Lalonde en 1950) était un confortable industriel et sa mère appartenait à la richissime famille Forbes, celle de Boston. Là, il ne s’agissait pas seulement d’un peu d’argent et de bourgeoisie autochtone, mais d’une dynastie de la domination, de l’oligarchie capitaliste mondiale, le coeur du système destructeur des sociétés et des écosystèmes, ceux-là mêmes dont les écologistes dénonçaient les agissements criminels. Quelle coïncidence ! Encore une. Tant de coïncidences… Pourtant, combien s’interrogent sur cette extraordinaire série d’improbabilités ? Et combien s’étonnent de la garde folklorique trostko-maoïste qui accompagnait « le général » *, l’appuiera dans tous les mauvais coups, et le protégera longtemps ? Pourtant, que signifiait cette mascarade ? Que cachait-elle ? Comment un petit prince du capitalisme grimé en gauchiste, puis en « écolo« , a-t-il pu être soutenu de bout en bout par des zélotes en amour avec les pires régimes écocidaires, ethnocidaires, génocidaires ?
* « ses troupes en quelque sorte« , Les jours d’après page 149.
La famille Forbes avait été impliquée dans les Guerres de l’Opium qui amorcèrent la ruine culturelle, sociale et écologique de la Chine et de toute la région. C’était déjà une opération d’entrisme, de déstabilisation et de détournement aux épouvantables conséquences, jusqu’à aujourd’hui et pour longtemps encore. L’une des actions fondatrices de la mondialisation de la spoliation (l’impérialisme), et l’une des plus sombres. C’est ainsi que la civilisation chinoise s’est effondrée, sapée par le trafic de l’opium organisé à l’échelle industrielle par les Occidentaux *. C’est ce qui a fait la fortune des triades chinoises (avant les autres mafias), et, en réaction à tant de décrépitude, servi sur un plateau les maoïstes, plongeant la Chine et le monde dans un cauchemar sans fin. Sans pouvoir en conclure quoi que ce soit, il est remarquable que l’étouffement et le détournement des mouvements critiques de l’impérialisme aient été servis avec zèle par les maoïstes d’ici.
* https://en.wikipedia.org/wiki/Forbes_family
Tout à notre consternation, nous ignorions tout des forces lancées dans la destruction du vivant. Comment aurions-nous pu deviner que la pire réaction avait poussé ses pseudopodes jusqu’à nous ? Tout juste identifiions-nous le capitalisme et l’appétit de pouvoir et de profit comme foncièrement nuisibles. Les gauchistes faisaient tout pour le confirmer. Mais d’où venait que ces autogestionnaires donneurs de leçons partageaient le même dogme expansionniste que les capitalistes bon teint ? De quelle aliénation ? De quelle école de la soumission à l’ordre capitaliste ? De quel handicap glandulaire ? Et comment pouvaient-ils nous tenir un tel langage, à nous qui parlions, des heures durant, de l’absurdité nuisible de l’ »expansion« *, de la production pour la production, de la consommation pour la consommation, en totale rupture avec le métabolisme de la biosphère, ne tenant aucun compte des destructions et des pillages correspondants ?! Se contrefoutaient-ils des carences mensongères de l’économisme officiel ? Prenaient-ils ses légendes pour argent comptant ? Ne voyaient-ils pas les ruines derrière le mirage ? Ne savaient-ils pas que, pour nous qui parlions de réduction de la consommation, d’émancipation de la dictature de ce qu’ils appelaient « croissance marchande« , l’économie devait avant tout être économe ? Comment pouvaient-ils ?!
* comme il était dit à l’époque.
Il faudra des années pour commencer à apprendre un petit quelque chose… La dissimulation dit assez la volonté de nuire. En 1981, Hervé le Nestour écrira : « Lalonde était le fanion idéal pour certaines complicités américaines« . Bien entendu, l’article ne sera pas publié par l’APRE/Écologie qui avait été l’internet des écologistes, mais était tombé sous le contrôle des imposteurs. Il en fut de même de toutes les autres interventions qui, en démasquant la falsification, auraient pu sauver le mouvement des alertes et des alternatives (1).
C’est avec cette connaissance qu’il faut apprécier l’extraordinaire histoire à dormir debout racontée par un spécialiste de la chose – Alain Hervé – dans L’Écologiste n°25, printemps 2008, L’écologie est-elle née en 1968 ? *. Déjà, dès le titre, l’emploi de « écologie » pour mouvement écologiste n’annonce rien de bon. L’insuffisance de l’analyse, sur tous les points, confirme cette première impression. Par exemple : « on pourrait considérer que l’écologie se présentait comme une tentative de faire passer l’humanité à l’âge adulte, tandis que 68 pouvait être analysé comme une régression infantile » (sic). « Faire passer l’humanité à l’âge adulte » ! Depuis le temps… Comme si toute l’humanité était responsable des dégradations. Et « Régression infantile » pour une manifestation de la nouvelle gauche qui, dans les années soixante, a secoué le monde pour résister à ce qui a ruiné la planète depuis ! La suite de cet articulet est encore plus faible et fantaisiste. Alain Hervé, avoue son « incompréhension » de l’époque. Pourtant, cela ne l’empêchait pas de citer Gary Snyder, figure de la nouvelle gauche américaine, mais c’était peut-être une manipulation de plus. Au fond, il semble n’avoir jamais compris ni appris la nouvelle gauche écologiste et laisse paraître son naturel réactionnaire. Il fait étalage de son ignorance et tombe dans les clichés de la propagande et paraît s’y complaire. Sa seule référence reste les « étudiants » faussement gauchistes, mais vrais grands bourgeois ou aspirants à le devenir, qui, déjà, ne s’agitaient que pour étouffer les alertes et les alternatives sous une pantomime permanente. Curieusement, c’est Christophe Bourseiller, rapportant les confidences de Roland Castro, qui a, sans doute, donné l’indice le plus précieux (page 151) : les maoïstes les plus remuants, ceux qui ont fait tant de mal à la nouvelle gauche, « viennent tous de l’UJC (ML) et ont très souvent fréquenté la rue d’Ulm. (…) L’UJC (ML) était dirigé par des énarques. Il y avait chez elle une tradition élitiste française » (UJCML pour Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes, un groupe maoïste constitué en 1966 entre Normale Sup’ et Sorbonne).
* Voir, ici, le chapitre De chiens de garde en chiens de garde.
Tiens donc ! Après la Rue d’Ulm, la Sorbonne et Sciences Po, voici l’ENA… Les meilleurs sicaires avaient été mobilisés contre l’alerte écologiste et le mouvement de l’émancipation. La fièvre élitiste et la prétention à tout dominer, nous avions vu. Mais nous n’avions pas pensé que nos grossiers agresseurs avaient dû faire des « études supérieures » pour en arriver là. Intéressant. Révélateur… Entre culture grand-bourgeoise familiale, influence exercée par les agences de la conquête capitaliste, et formatage dans les écoles de la reproduction de la domination (payées par le contribuable), il n’était pas étonnant qu’ils soient dans cet état !
L’extase devant les totalitarismes, « la stratégie révolutionnaire » devinée dans les fumées et l’anti-écologisme primaire shakés avec la croissance de la marchandise… Ulm, Sorbonne, ENA, Sciences Po, les sources de « la nouvelle aristocratie » ne brillaient pas par le niveau et l’élégance de leurs étudiants ! Des conditionnés longuement macérés dans la fatuité, gonflés d’importance par leur rôle de seconds couteaux de la conquête capitaliste et l’assurance d’être récompensés à la mesure de leur servilité. Quel hasard qu’ils se retrouvent chez nous… Gâtés nous étions : la caste dirigeante nous avait envoyé sa progéniture – sans doute pour qu’elle se perfectionne tout en prouvant sa capacité de nuisance ! Cela éclaircit l’entrisme pratiqué, tant aux dépens de la CGT que des libertaires, et qui correspond bien au sabotage systématique des critiques et des alternatives irrécupérables par le système. Tel un Jean Chesneaux auquel, depuis, il est fait aussi une réputation particulièrement trompeuse *, les maoïstes de la Gauche Prolétarienne (sic), et d’autres réseaux compatibles, allaient se déverser dans le mouvement écologiste pour l’anéantir ** ; cela avec la participation pleine et entière des énarques mendésistes et bientôt « Deuxième Gauche » de l’entourage de Rocard. En plus des récompenses pour services insignes au capitalisme, l’énarchie explique aussi le saupoudrage ultérieur de ces « maoïstes mondains« *** dans les sinécures du système, et la permanence de leur réseau (l’étiquette « rue d‘Ulm » aussi).
* En plus de sa contribution aux réseaux ennemis de la nouvelle gauche écologiste, il a été l’un des censeurs de toutes les informations sur la dictature maoïste. Maoïste et censeur, deux qualités parfaitement complémentaires. Le parcours de Chesneaux permet de prendre la mesure de l’investissement dans des révolutions minuscules révélé par Bourseiller, également du pouvoir et de la durée de ses appuis : le maoïste-censeur s’infiltrera jusqu’à la direction de Greenpeace-France dans les années 1990 !
** Mais aussi Vive la Révolution qui publiait « Tout » (15 numéros), un groupe associant des maoïstes du Mouvement du 22 mars et d’autres qui avaient pris Mao pour Marcuse (même Hocquenghem en aurait été !). Il tirait sur tout ce qui bougeait (par exemple, dans Tout, on trouve même un « Fournier… t’es un con !« ). Le groupe s’éparpilla en différents entrismes dès avril 1971. En dépit d’une dissimulation toujours actuelle, il semble que plusieurs de ces maoïstes-là aient précocement infiltré les groupes écologistes. Vu la concordance des dates (avril-mai 1971) et quelques remarques imprudentes d’anciens gauchistes, il est vraisemblable que même la Semaine de la Terre ait été gratifiée d’un saupoudrage d’entristes. Entre autres surprises, cela expliquerait plusieurs énigmatiques retournements de veste des années suivantes.
*** c’est l’expression d’un connaisseur : Simon Leys.
Quant à la « régression infantile » à laquelle se résumait 1968 pour Alain Hervé, elle est entrée chez les écologistes et c’est lui, Alain Hervé, qui, courbé, lui a tenu la porte en organisant et couvrant la pantalonnade du 23 juin 1972 dans le Studio Morin ! C’est, en effet, une « régression infantile » qu’il a contribué à substituer à l’alerte écologiste qui voulait développer la conscience des responsabilités individuelles et collectives.
La tartufferie du propos et la débilité de l’analyse – quarante ans après ! – expliquent pourquoi, déjà à l’époque, Alain Hervé évitait toute discussion sur le fond. Cette déficience soigneusement cachée évoque les fadaises sur « l’écologie, cette toute nouvelle science« , énoncées par Lison de Caunes et son cher Lalonde. Évidemment, la compréhension de ce qu’ils piétinaient n’était pas au coeur de leurs préoccupations. Cela leur passait très au-dessus de la tête. Objectif de cette révision complète de l’histoire par Alain Hervé : inventer un passé « écologiste » aux comparses qui l’accompagnaient dans le noyautage, la récupération et l’effacement du mouvement. Style : ces affaires nous dépassent et nous inquiètent, feignons d’en être à l’origine !
En captant la confiance des écologistes, en les entravant, en les censurant pour les dissimuler aux yeux des autres, Hervé et ceux qui l’entouraient ou se tenaient tapis derrière ont servi à opérer la substitution qui semble avoir impressionné Bernard Charbonneau, le précurseur de l’alerte déjà cité. En écrivant « C’est en 1970, année de la protection de la nature, que tout a été brusquement mis en train par la caste dirigeante« *, Charbonneau a paru croire à la propagande distillée par l’exploitation elle-même pour récupérer le mouvement et réorienter la conscience apparue dans le peuple des victimes. Six ans plus tard, dans Le Feu Vert, il réitérera : « En France, le mouvement écologique émerge d’un coup, au signal donné d’en haut« . Vaguement conscient de la contradiction, il évoquera quelques étapes précédentes, mais reviendra toujours à son idée fixe : le feu vert a été donné par la caste dirigeante ! Pourtant, il constatera « la facilité avec laquelle le mouvement écologique s’est laissé coloniser par les récupérateurs professionnels« , opportunistes de l’interprétation de « ce qui fut » nourris par l’espionnage du mouvement social (Morin, Touraine, Mansholt, Dumont et l’INRA, etc., chap. La récupération, p. 132, écho à la p. 26). Toujours en ignorant la résistance de la nouvelle gauche écologiste, donc l’essentiel des efforts de la caste dirigeante pour refouler le mouvement !
* (« Le « mouvement écologiste« , mise en question ou raison sociale« ,La Gueule Ouverte n° 21, juillet 1974).
En 1974, en dévoilant l’opération de la caste dirigeante, Charbonneau a révélé le sens de ce que nous avions naïvement pris pour une prise de conscience. La création juridique de la simili association les Amis de la Terre, un leurre destiné à piéger les écologistes, appartient à cette stratégie. Celle-ci démontre encore aujourd’hui son efficacité : Alain Hervé, celui qui n’avait compris ni 68 ni la nouvelle gauche et avait pris le train écologiste en marche, reste le principal informateur d’apprentis historiens peu regardant sur l’authenticité de leurs sources.
La caste dirigeante… Charbonneau devait en avoir une idée précise, lui qui en côtoyait plusieurs spécimens remarquables et les connaissait comme tels. Mais pour nous qui, par Alain Hervé, savions à peine l’existence d‘un mystérieux comité, c’était encore quelque chose de nébuleux, de lointain. Il faudra attendre longtemps la révélation de la véritable identité de plusieurs qui s’étaient glissés à nos côtés.
Ce n’est pas l’écologie qui a choisi Lalonde, c’est Lalonde qui a choisi l’écologie
Être le rejeton d’une famille d’affairistes de haut vol ne conditionne pas forcément à devenir un accro au pouvoir et à l’argent. Il peut y avoir des exceptions, tel Obie Benz, riche héritier qui fonda the Vanguard Foundation. Cela n’était pas exactement le cas de celui qui nous rendait visite.
The Vanguard Foundation
https://www.k12grants.info/Grant-Details/gid/39574
Cependant, qu’est-ce qui avait attiré ce prince du capitalisme précisément chez les défenseurs de la culture du bien commun ? Et, surtout, pourquoi s’était-il fait gauchiste, ou autogestionnaire, ou libertaire – suivant les publics ! Quand nous commencerons à le deviner, il sera trop tard.
Heureusement, quelqu’un a pu témoigner au-devant de la scène. Il a dit combien il avait été abusé par les faux-culs qui abondaient à l’époque du guet-apens du Pré-aux-Clercs. Et ce quelqu’un était peut-être là, là sur le Pré, juste en face de moi ! C’est Guy Hocquenghem. Dans la grande salle du Studio Morin, comme son amie Françoise d’Eaubonne, il était peut-être mêlé à nos vrais ennemis communs pour mieux tuer ce en quoi il espérait.
Guy Hocquenghem n’a rien dit du saccage de l’assemblée des écologistes. Pourquoi s’est-il privé d’une aussi belle illustration de la fausseté de ses ex-copains ? Car, même s’il n’est pas venu au Pré-aux-Clercs, il n’a pu ignorer l’exploit. Non seulement il animait le FHAR avec Françoise d’Eaubonne, il était, lui aussi, possédé par la transe maoïste germanopratine (après avoir été trotskyste), mais il était aussi bon ami du « chef » de Lison de Caunes, Brice Lalonde. Il lui faudra du temps avant de prendre conscience : « mon vieux copain Lalonde » écrira-t-il dans les années 1980 pour souligner sa stupéfaction devant ce qu’il tenait pour un « tournement« , comme a dit Libération. D’ailleurs, j’ai souvenir qu’il est passé dans notre petit local du Quai Voltaire pour saluer ses amis Lison et Brice. Mais d’où les connaissait-il ? Peut-être du Nouvel Observateur où, lui aussi, avait ses entrées. Ou d’un réseau maoïste partagé entre Pékin et Langley ? Combien de temps lui a-t-il fallu pour réaliser qu’il avait été instrumentalisé ? Alors pourquoi n’a-t-il rien dit ? Même trahies, les vieilles complicités l’ont-elles retenu ? Avait-il honte des actions auxquelles il avait été entraîné ? Il est certain que Guy Hocquenghem n’avait pas encore tout digéré. Il a manqué de temps pour approfondir l’analyse de ces événements renversants, en découvrir les choses cachées, et prendre conscience de leur importance.
Donc, ce fameux soir de juin 72, venus tout spécialement pour nous, il y avait une partie du FHAR et des AMR pas encore PSU. Peut-être des jeunes gens de la Ligue Communiste (ils aidaient le PSU dans ce genre d’opérations coup de poing). Des PSU du Bureau National aussi que je reconnaîtrai lors de la soirée « autogestionnaire » à la Mutualité, ainsi Michel Mousel que, fort ingénument, Brice Lalonde me présentera. Sans oublier les maoïstes* qui allaient particulièrement se distinguer dans l’entrisme anti-écologiste (de la « Gauche Prolétarienne », parait-il). PSU ou maoïstes ? Peut-être les deux puisqu’il existait un courant maoïste dans le PSU : la Gauche Révolutionnaire (GR).
* des « maoïstes » ! Des admirateurs des colonisateurs du Tibet, exterminateurs d’oiseaux et d’insectes. Un nouveau cauchemar ! Pour le peu que nous en savions à l’époque.
La grande attention, voire la déférence constamment exprimée par l’attitude du couple et de Jean-Luc Fessard vis-à-vis de nos visiteurs du soir, signifiaient clairement qu’il y avait là des gens importants dans des hiérarchies dont ils faisaient partie. Nous avions affaire à une sorte d’élite autoproclamée, une caste bouffie de suffisance en proportion de son ignorance des questions écologiques. Ils se prenaient pour des aigles, mais – on le voit encore mieux avec le recul – ils étaient incroyablement arriérés par rapport au monde de ceux auxquels ils s’attaquaient (un échange avec le Bureau National du PSU et les autres événements de l’année 1974 allaient le confirmer amplement). Juste des pères et des mères Ubu en plein délire.

Derrière Cohn-Bendit et confrères, Maurice Najman
Comme l’indique le parcours de Guy Hocquenghem et comme nous pourrons, nous-mêmes, le déduire, il y avait là une sélection des magouilleurs de la Sorbonne en Mai 68 – ceux qui avaient mission de cacher le mouvement social derrière leur gesticulation permanente, et de le détourner vers les impasses personnalistes et partisanes. Donc une partie de ces étudiants vénérant les communismes totalitaires (ou simulant leur culte) et que Brice Lalonde fréquentait depuis plusieurs années déjà (par exemple, ceux du MAU, Mouvement d’Action Universitaire issu de la FGEL, Fédération des Groupes d’Études de Lettres (de l’UNEF, l’une des nurseries de l’arrivisme politicien). Lalonde y avait été imposé « président » par le PSU (déjà !), après un premier coup de force à l’UNEF en 67 (avec Jacques Sauvageot). Sans doute une partie des vedettes épinglées par Guy Hocquenghem – ou leurs frères en imposture – avait fait le déplacement pour soutenir le « camarade » contre ces réacs d’écologistes. Car la compétition était ouverte de puis longtemps : c’est à qui allait se faire le plus remarquer par les maîtres.
Face à nous (Lalonde compris, mais nous l’ignorions *), un échantillonnage de ceux qui allaient bientôt pouvoir se vanter, se vautrer dans l’autosatisfaction replète des parvenus. Les vociférations contre les bourgeois étaient déjà bien loin : « Tout m’a profité » (Serge July dans le texte en 1978). C’était donc une sélection de ceux qui allaient s’esbaudir devant la profondeur des tapis des salons du pouvoir mitterrandien, s’enorgueillir de côtoyer des puissants, tout en ripaillant à tous les rateliers. Une sélection qui allait faire des petits au point de devenir cortège jusqu’à aujourd’hui. Fidèles à l’impression qu’ils allaient nous laisser – capables de toutes les prédations – ils ne décevront jamais, ne rateront jamais une occasion d’accroître le divorce entre eux et les vivants **. « (…) Fidélité apparente, reniement et beurre étaient du même côté de la tartine. Quelle chance ! », Guy Hocquenghem encore.
* Lalonde avait même sorti un petit canard du chapeau du PSU en octobre 68 : L’Agitateur Sorbonne.
** Et, depuis, certains s’étonnent qu’il y ait rupture entre ça et la majeure partie de la population. Oh là là, ces Gilets Jaunes ! Mais d’où sortent-ils ? Et ces soupçons de « complots »… Mais où vont-ils chercher tout ça ? Comment avons-nous pu mériter cela ? Les étonnés ont dû rater quelques épisodes, ou rater une auto-critique. Pourtant, les prédateurs n’ont pas été avares en illustrations de leurs aptitudes multiples ! Alors que le mouvement de l’émancipation ployait sous les coups, même la pédophilie a joué un rôle dans son élimination, devenant revendication et objet de réseaux actifs ne cessant d’accroître la confusion :
La liberté démasquée
https://planetaryecology.com/2001-la-liberte-demasquee-par-acg/
Un accès de sincérité précoce nous éclaire plus encore : « Je suis communiste et Rastignac. Paradoxe ? Détrompez-vous : le mélange n’est pas détonant. Il est même étonnamment efficace. Vous riez ? Je vous attends (…) Peut-être nous rencontrerons-nous dans vingt ans, au coin d’une cheminée, un verre de whisky à la main, avec un sourire entendu qui fera dans ce salon fort bel effet, car on y goûte les mauvais sujets repentis. Enfin, pour le moment nous nous en défendons (…) ». C’est intitulé : Lettre à un moderne Rastignac. Il est rapporté par Hervé Hamon et Patrick Rotman qui ajoutent que l’auteur « donne aux jeunes gens de 1963 quelques conseils pour « arriver ». Rastignac, s’il entend parvenir à ses fins doit décrier la société – il n’est pas de réussite sans contestation« . Sauf, bien entendu, quand il s’agit d’une contestation écologiste, auraient-ils dû préciser ; et, plus précisément, de l’ouverture écologiste comme voie alternative à celle du système dominant. Irrécupérable ! Le morceau remarquable est paru dans Clarté (en effet), l’organe de l’Union des Étudiants Communistes. C’était donc en 1963 ! L’auteur ? Bernard Kouchner. Sans doute un bon ami de Borloo et Kessler. Cela me fait irrésistiblement penser à l’arrogance de « la « bande » » à Lalonde (surtout des maoïstes mondains). Aussi au cynisme de l’Actuel des années 1980 dévoilant la supercherie à laquelle il avait pleinement participé : « Tu ne comprenais pas qu’on te provoquait, qu’il fallait réviser les valeurs des marginaux… » *. En effet, c’était bien l’un des principaux objectifs de la CIA au service du grand capitalisme en conquête planétaire de « l’esprit des hommes » depuis les lendemains de la Seconde Guerre Mondiale. Et 1963 correspond à la période où la gauche française a été retournée. Tout cela coïncide si bien…
* Le Rastignac de 1963 faisait partie de ce bel équipage.
On ne peut, donc, s’étonner des résultats catastrophiques des quarante années qui ont suivi. D’autant qu’il y en avait d’autres encore, moins connus mais tout aussi déterminés et efficaces dans la censure du mouvement écologiste jusqu’à aujourd’hui. L’un d’eux, Jean-Pierre Duteuil du Mouvement du 22 mars (à droite sur la photo ci-dessous), toujours très proche de Daniel Cohn-Bendit, a, plus de quarante ans après, contribué à la censure d’un article sur… Denis de Rougemont, l’agent de l’oligarchie capitaliste, l’un des plus importants acteurs de la propagande anticommuniste et, nous le verrons, du soutien international à la conquête capitaliste : la guerre froide culturelle *. Encore un hasard, probablement.
* Qui mène la danse ? La CIA et la Guerre Froide Culturelle, Frances Stonor Saunders, Denoël 2003 (Who Paid the Piper ?, Granta Books 1999).
Je n’ai pas vu, ou pas reconnu Cohn-Bendit ce soir de juin 1972. Cependant, il ne pouvait être étranger au merdier. Mais, la circonstance ne se prêtait pas à l’examen détaillé des membres du troupeau qui nous provoquait. Dans la grande salle de danse du Studio Morin, contre les écologistes, il y avait essentiellement les copains de Cohn-Bendit – depuis Nanterre et la Sorbonne 68 où, déjà, ils avaient réussi, à force de magouilles, de réunions prises d’assaut et de folklore pseudo-révolutionnaire, à masquer l’esprit des grèves et de la nouvelle gauche. Quelle chance nous avions ! Quel insigne honneur ! Les énergumènes de « la gauche radicale » nous offraient une nouvelle démonstration de leur naturel totalitaire, rien que pour nous.
Des dizaines d’années plus tard – Cohn-Bendit sert encore à empêcher l’émergence d’une pleine conscience des causes de l’effondrement.

Cohn-Bendit et Duteuil
Peut-être même étaient-ils tous là sur la piste de danse, car les ex-amis de Hocquenghem formaient une coterie dont les liens indéfectibles me seront involontairement révélés une quarantaine d’années plus tard par un « camarade » de l’époque. Sa maladresse me dévoilera d’un coup l’étendue de ce qui reste dissimulé (en 2015, 16, 17, etc. !) et me confirmera la permanence des complicités mobilisées pour l’effacement des mouvements critiques de l’impérialisme aient été servis avec zèle par les maoïstes de salon.

manifestation du Comité Vietnam en mai 1967 (photo Gérard-Aimé)
On y voit Jacques Bleibtreu, Henri Maler, Jean-Louis Péninou, Claude Chisserey, Alain Krivine et… Brice Lalonde qui tient élégamment la banderole
« La « bande » » est déjà réunie ! Les mêmes que la nouvelle gauche écologiste allait découvrir mêlés à ses ennemis les plus déterminés.
Comme dans d’autres photos, comme Hervé le Nestour et Jean Detton en avaient été témoins, Lalonde est mêlé aux trotskystes et futurs (ou déjà) maoïstes qui allaient le soutenir contre les écologistes. Plus précisément, ces curieux « gauchistes » allaient se déchaîner dans les opérations d’éviction et de remplacement des écologistes. Pour des gens qui prétendaient se dresser contre l’impérialisme américain et le capitalisme, partager son temps avec un héritier du « grand capital » et le soutenir dans toutes ses opérations de sabotage du mouvement social, c’est original* ! Trotskystes et maoïstes, des spécialistes de la ruse du Cheval de Troie, eux-mêmes infiltrés par plus pervers qu’eux ? Cependant, après l’avoir longtemps soupçonnée, la présence de maoïstes au Nouvel Observateur, dès le tout début des années 1970, sera confirmée par Franz-Olivier Giesbert, proche de Alain Hervé, soutien de Rocard et de Lalonde (un de plus), un homme très au fait de ces grenouillages de coulisses. La participation du Nouvel Observateur à la campagne de propagande menée par Maria Antonietta Macciocchi achèvera de le démontrer. Des maoïstes soutenus par Claude Perdriel. Des maoïstes comme ceux qui allaient chasser les écologistes, sous la houlette de Alain Hervé, Michel Bosquet, Lalonde et leurs amis ? Sans doute.
* Après s’être illustré dans la Salle du Studio de Yvette Morin en juin 1972, dans les réunions gauchistes d’après Dumont, Jacques Bleibtreu participera même à une campagne électorale de Lalonde en 1977; une nouvelle opération propagandiste pour détourner du mouvement écologiste opposé à l’électoralisme. Nous dûmes plusieurs fois affronter celui-ci. En particulier, quand il tenait le crachoir du groupe gauchiste « Mouvement Écologique » (pas moins !).
À l’époque, il nous était impossible de distinguer entre ces répliques aussi faux-culs les unes que les autres. Mais aux exceptions bourgeoises près (nombreuses, tout de même), celles qui sont passées du lancer de pavé à la caresse voluptueuse du velours des institutions, c’est ce que nous avons cru comprendre, depuis. Combien ont été bernés et, à la différence de Guy Hocquenghem, n’ont jamais compris (ou voulu comprendre) ? Quoi qu’il en soit, ils ont magnifiquement servi la globalisation capitaliste, surtout à partir de « la Campagne Dumont« . Celle-ci ayant permis l’élimination des écologistes, il fallait conserver l’attention de tous ceux qui avaient cru dans l’image nouvelle gauche habilement transmise par René Dumont en se servant de nous. Donc, après la mystification « Amis de la Terre » qui avait réussi à fixer et à fragiliser une partie des premiers lanceurs d’alerte, il fallait un piège de deuxième génération : ce « Mouvement Écologique« , plus étroitement contrôlé encore, pour réinstaller les hiérarchies de pouvoir – leurs si chères « structures » réductrices qu’ils feignaient de confondre avec l’organisation. C’était le moyen de capter l’attention des novices remplis d’attentes, pour les réorienter vers la capitalisation et l’électoralisme. Sur ce « ME », voir la note 17 et le témoignage d’Aline et Raymond Bayard de Maisons Paysannes de France (l’un des courants du mouvement écologiste ciblés par les imposteurs).
D’autres photos trahissent la proximité de ces « révolutionnaires » qui, pour faire place à la globalisation capitaliste, allaient consacrer beaucoup d’énergie à l’élimination des écologistes. C’est là qu’ils ont gagné leurs galons et leurs carrières.
Physiquement, par délégation, par la magie de la cooptation ou de la contamination, on peut considérer que, dans la grande salle de danse du Studio Morin, il y avait toute la ribambelle d’arrivistes et d’illusionnistes à venir, accouchés par les premiers. Ainsi tel grand ami de Lalonde et maoïste fanatique au point de faire un pèlerinage de plusieurs mois à Pékin avant de pousser Bernard Tapie dans les affaires les plus juteuses, puis de, lui aussi, devenir « ministre de l’écologie » (belle démonstration du remplacement des écologistes par des faux-semblants). D’ailleurs, peut-être Serge July était-il là sur le Pré-aux-Clercs ; lui, le « loup gauchiste mal élevé » (Hocquenghem), bientôt béat, mais un peu surpris qu’en dépit de ses gesticulations tout lui ait profité. Lui, le maoïste halluciné devenu patron suffisant du journal libéral-libertaire (sic)* Libération, lequel offrira longtemps une tribune aux plus perfides saboteurs de la nouvelle gauche et de ses espoirs de changements écologiques et démocratiques. Peu après, c’est Jean-François Bizot qui allait donner des raisons supplémentaires d’associer tel et tel à l’infamie du 23 juin 1972 et à celles qui allaient suivre : « Imagineriez-vous à quel point la destinée d’une série de jeunes notables d’aujour’hui s’est croisée et entrecroisée ? Glucksmann et Roland Castro, Serge July et Bernard Kouchner, Brice Lalonde et Régine Desforges« , Actuel n°55, juin 1975. En 1975… Cet émoi complète l’aveu sur la révision des valeurs vomit quelques années plus tard. Ça yoyotait dur dans les salons enfumés où l’on se congratulait en récoltant les dividendes de ses sabotages. De là venait leur arrogance. Quel dommage que Bizot n’ait pas dit par quels subterfuges et par quels réseaux les « ennemis résolus de ce qu’il y avait de plus neuf et de plus profond dans 68 » (Quadruppani) avaient été catapultés aux postes de nuisance !
* la formule serait de July. Un aveu de plus.
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Sous « l’écologie politique« , la culture écologiste et conviviale
Dès le début, la violence prédatrice, l’ostracisme et la censure se montraient en filigrane. Le guet-apens du Pré-aux-Clercs n’était qu’un amuse-bouche. Il préfigurait tout ce qui allait suivre. Car, depuis Nanterre et la Sorbonne 68, c’est toujours la même tromperie, toujours la même coterie d’imposteurs et le même système oligarchique qui détourne les néophytes et agglomère des bataillons de nouveaux arrivistes à chaque génération. Un fonctionnement qui interdit efficacement tout renouvellement et, même, toute relativisation des dogmes à la lumière des évolutions du monde. Guy Hocquenghem a bien documenté l’un des réseaux de cette grande entreprise qui « enterre tout possible et tout futur » – la fameuse « génération » de July et Bizot. Hocquenghem avait si bien vu que, plus de trois dizaines d’années après sa disparition, la situation n’a guère évolué. Mais savait-il que, derrière les postures révolutionnaires, nombre de ses ex-amis avaient choisi d’appuyer la social-démocratie dans sa conquête du pouvoir ? D’où, probablement, l’agression du studio Morin et l’installation de deux des leurs dans une nouvelle hiérarchie d’opérette, cela pour contrôler et fragiliser ce mouvement si gênant pour les Mendès France-Rocard-Mitterrand-Delors and Co, et les intérêts qu’ils servaient. Hocquenghem avait-il su que ses amis partageaient beaucoup avec ceux-là ? Savait-il l’étrange proximité entre certains et cette « Deuxième Gauche » ? Savait-il, comme Michel Schneider, les connivences de caste et les salons mondains ?
En juin 1972, nous manquions d’éléments pour étayer les soupçons naissants et, plus encore, pour prendre la mesure de l’imposture qui poussait ses pseudopodes jusque dans nos groupes. Ce n’est qu’en février 1974 que Michel Rocard et ses proches du Bureau National du PSU allaient nous révéler l’essence de la supercherie et son étendue : « Nous sommes, je crois, chers camarades d’accord sur l’essentiel d’une perspective commune utile à la croissance marchande (…) » : Une mémoire du mouvement écologiste 3 : 1974, des « camarades » pleinement réactionnaires
https://planetaryecology.com/histoire-contemporaine-une-memoire-du-mouvement-ecologiste-3/.


« Croissance marchande » ? L’objectif hors-sol, hors-biosphère, sans relation avec le vivant, par excellence ? Et un objectif sur lequel tout devrait s’aligner ? Vouloir nous vendre la croissance marchande, donc la culture de la consommation – le consumérisme, miroir aux alouettes du capitalisme ! À nous qui ne cessions de souligner l’aberration nuisible de l’idéologie de la croissance dans un monde fini et façonné par la vie ?! Une « croissance » sœur de ce « progrès » confondu avec la faisabilité technique : on peut faire, donc on fait sans se poser de questions sur les conséquences. « Croissance » et « progrès« , géniteurs de l’idéologie de la production maximale de « biens » survalorisés au détriment du vivant ; celui-ci réifié et sacrifié à tous les stades de cet économisme par le petit bout de la lorgnette. Nos « chers camarades » d’extrême-gauche tenaient le langage même des exploiteurs des peuples et de la biosphère. Avec la défense surprise du nucléaire proclamée à la tribune de la Mutualité et réitérée dans la lettre de leur chef, cela faisait beaucoup ! La planète, enfin, la pellicule de vie à sa surface, était en train de vaciller sous les coups du système marchand, et ces gens-là prétendaient nous donner des leçons en invitant à appuyer plus fort sur l’accélérateur !
(…) l’histoire de l’écologie peut très facilement s’interpréter comme une lutte entre deux factions rivales s’opposant sur leur vision des rapports entre l’homme et la nature : l’une a pour premier objectif de découvrir les valeurs fondamentales et de les préserver, l’autre vise à créer un monde instrumentalisé et à l’exploiter.
Donald Worster

Et pourquoi pas nous vanter directement l’impérialisme, les lois du marché, l’exploitation, le profit, et leurs principales productions : les pollutions généralisées, les destructions irréversibles et l’accumulation des déchets ? Car, comme Paul Virilio allait le souligner pour les techniques et leurs accidents, il était déjà bien clair que la crise planétaire en développement était consubstantielle au système économico-politique que nos « chers camarades » voulaient nous vendre. Essayaient-ils de nous faire prendre un consommer sans limites pour le « jouir sans entraves » situationniste ? Ou d’insinuer une subtile confusion entre bien commun, « progrès » et mercantilisme ? Ces autogestionnaires nous avaient déjà semblé très bizarres. Ils l’étaient. En plein fétichisme de la marchandise, comme avait dit Karl ! Ils ne prônaient la rupture avec le capitalisme que pour mieux le servir en trompant leurs ouailles *. Des socialistes en peau de lapin ! Il avait suffi de les secouer un peu pour faire glisser leur cape de mensonges, et découvrir leur mépris pour la sensibilité écologiste et leur vision réduite à un seul critère. Et quel critère… Une croyance, un dogme gros de la réification du vivant : l’argent-roi au-dessus de tout. Entre formatage jusqu’à l’inconscience, et cynisme, ces gens étaient dangereux. Des idolâtres du Veau d’Or ne voyant dans les merveilles terrestres que des matières premières à valoriser. Nos « chers camarades » faisaient pleinement partie des contributeurs aux désastres à venir. Les saccageurs de la biosphère étaient encore plus nombreux que nous le croyions, et rien ne pouvait les détourner. Trop peu d’information et trop d’inconscience ! Trop de corruptibilité, surtout.
* Mitterrand lui-même, à l’époque : « la révolution, c’est d’abord une rupture avec l’ordre établi. Celui-qui n’accepte pas cette rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là ne peut pas être adhérent du Parti Socialiste » (congrès d’Épinay, juin 1971). Changer la vie était le titre du programme du Parti socialiste au début des années 1970.
En une phrase, Michel Rocard et son PSU avaient dévoilé leur totale artificialité, révélant la duplicité de la plupart de ceux qui nous entouraient tout en roulant des yeux énamourés vers le PSU. Mais – éternelle question – combien savaient ? Par exemple, une de la « bande » du général Lalonde, Françoise d’Eaubonne, savait-elle qu’elle soutenait les adversaires les plus résolus des idées qu’elle affichait ? Peu probable qu’elle ait compris.
Toutes les couches de maquillage avaient fondu d’un coup. Nos « chers camarades » ne se dissimulaient plus (enfin, moins). Ils n’éprouvaient même pas le besoin de préciser le contenu de cette croissance marchande, son orientation, les critères. Une croissance sans distinction, comme une évidence, par principe. Produire, produire, produire en exploitant plus, et qu’importe ce que l’on produit, pour croître dans un monde fini… Pour plus de destructions écologiques et sociales, en avant !
Nous avions tout de même un peu cru que les PSU avaient évolué avec leur époque. Erreur, ils étaient si bien tombés « amoureux d’un taux de croissance » que nous les découvrions frappés par une déficience culturelle hors d’âge. La vie n’était pas au programme. Elle n’avait aucune place dans les représentations de ceux qui se prenaient déjà pour des « élites« . Les chiffres et les courbes devaient les avoir coupés du monde – leurs chiffres ignorants de la biosphère, volontairement oublieux du gaspillage de vies, de matière et d‘énergie, oublieux du passif écologique, culturel et social de leur croissance. Cela les renvoyait 30 ans en arrière, à l’époque des privations et des pénuries de la guerre.
Jusqu’où avaient-ils dissimulé ?
Même à gauche de la gauche, il n’y avait donc vraiment aucune amorce de voie alternative ! Et même plus de simulacre démocratique. L’heure était au commerce mondialisé et à la finance – sans partage.
Comme les amis et amies d’Alain Hervé and Co. – et du PSU – ceux de la fameuse « bande » venue tout exprès pour nous insulter un an et demi auparavant, Rocard et sa procession de croyants étaient dans le déni des dégradations planétaires et de leurs conséquences. Ils étaient comme un Michel Fouchet voyant dans l’Amazonie lacérée par les routes de la colonisation « un espace complémentaire de la croissance économique » *. Pauvre planète tombée sous la coupe des plus simplistes et des plus nuisibles. Nous étions stupéfaits. D’autant que, avec leurs satellites gauchistes, les PSU aimaient à se faire passer pour les héritiers de 68, et, pour mieux tromper, poussaient le culot jusqu’à cultiver une coquetterie nouvelle gauche. Facilitée par la censure des alternatifs, leur pantomime faisait illusion auprès des néophytes. On en trouve toujours trace dans les écrits des laudateurs du PSU rocardien : il n’est pas rare que ceux-ci confondent leur chère « Deuxième Gauche » mendésiste, celle du Club Jean Moulin, avec la nouvelle gauche !
* La mise en valeur de l’Amazonie brésilienne – Les routes transamazoniennes, Michel Foucher, 25 pages, La Documentation française. Déjà cité chapitre 3, note 2.
Ne reculant devant aucune énormité, accompagné de Jacques Delors et Laurent Fabius, Rocard allait bientôt discourir sur un « réalisme économique » coupé du monde vivant, proportionnellement à sa connexion aux lobbies. En plein accord avec la ligne politique de Georges Pompidou et du patronat. Cela n’est que plus tard que nous commencerons à découvrir que ce « réalisme économique » à la sauce capitaliste était cultivé par les pairs sociaux-démocrates de ces gens, tous « hommes de gauche » encore célébrés ! Il y avait longtemps que leur « démocratie » n’était qu’une loque mise à genoux par la dictature du profit marchand et financier. Plus tard encore, bien plus tard, bien trop tard, Rocard osera confesser : « J’estime aujourd’hui que l’économie est allée sur de fausses pistes. La science s’est tout entière trompée. Cela faisait longtemps que j’en avais l’intuition, mais Emmanuel l’a compris si vite !« … « La science » !? Comme si la science était pour quelque chose dans l’ouvrage des lobbies et des ambitions arrivistes auquel il contribuait. Dommage que Rocard n’ait pas cultivé davantage l’intuition de tout le mal qu’il avait commis. Quant à cet Emmanuel (L’ambigu Monsieur Macron, Marc Endeweld, Flammarion 2015)…
« Nous sommes, je crois, chers camarades d’accord…« , était-ce encore un produit de l’hypocrisie ou un égarement de l’isolement élitiste ? Quelle manoeuvre cela dissimulait-il ? Depuis quand se consacraient-ils à tromper le monde – surtout « le peuple de gauche » ?
« Sait-on quel long travail de sape idéologique fut nécessaire pour que la gauche se convertisse, après le choc des années 1970, aux idées les plus libérales et à la dérégulation des marchés financiers dans les années 1980 ? A-t-on idée de l’emprise du monde patronal sur la sphère médiatique ? » (Benoît Collombat, David Servenay, Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, La Découverte 2009, Introduction page 13). Ce constat fait écho à la description de la démocratie selon Edward Bernays : « Nous ne réalisons pas d’ordinaire à quel point ces chefs invisibles sont indispensables à la marche bien réglée de la vie collective (…) Pour éviter que la confusion ne s’installe, la société consent à ce que son choix se réduise aux idées et aux objets portés à son attention par la propagande de toute sorte. Un effort immense s’exerce donc en permanence pour capter les esprits en faveur d’une politique, d’un produit ou d’une idée« , Propaganda page 32.
La sortie de Michel Rocard et confrères sur la primeur de la croissance marchande donnait sens aux agressions dont étaient gratifiés les écologistes. Elle précisait l’appartenance et l’orientation politique, définitivement capitalistes, de nos agresseurs du 23 juin 1972 : « la génération 68 » où prospéraient bon nombre de proches de Rocard. Ils étaient de la même famille, de la même oligarchie, et avaient pour mission d’effacer tous les obstacles à l’essor d’un capitalisme démagogique ; celui qui allait donner le Capitalisme Vert (Natural Capitalism).
Fin du monde et petits fours – Les ultra-riches face à la crise climatique, Edouard Morena, La Découverte.
Pour nous, la sortie de Rocard bouleversait définitivement le paysage politique. Cette gauche qui faisait des manières était donc l’exact contraire de ce qu’elle affichait. Nous avions trouvé surprenant qu’elle fasse ami-ami avec nous. La crainte était fondée : nos nouveaux amis étaient nos plus redoutables adversaires. L’étrange comportement des prétendus « héritiers » de 68 et des journalistes à leur suite s’en trouvait éclairé. Nous croyions entendre à nouveau le rire gras de nos visiteurs du soir du 23 juin 1972, amis de Hocquenghem et PSU mêlés. Et pour cause ! C’était les mêmes, ou leurs frères, et cela laissait soupçonner d’autres extensions encore. Jusqu’aux austères trotskystes de LO qui, peu avant, en mai 73, avaient ouvert leur journal à un Pierre Vernant reprochant aux écologistes d’être « partisans d’une limitation et même de la suppression de toute croissance économique » !

La croissance marchande et, donc, la liberté du commerce, quel que soit celui-ci, étaient donc un impératif largement partagé à gauche et à l’extrême gauche. La croissance démographique aussi, assurément. Hier, les populationnistes voulaient produire de la chair à canon. Maintenant, leurs descendants réclamaient des consommateurs sans cervelle. Toutes ces dispositions les rangeaient au côté des réseaux capitalistes pour combattre les écologistes. Tous se soutenaient. Tous agissaient de concert (2). Ils faisaient pleinement partie du système mortifère ! Qu’il s’agisse de nucléaire, de sauvegarde des eaux et de leurs milieux, de biodiversités, de forêts tropicales, de climat, d’amiante, d’extinction du vivant, etc., nous entendrons encore très longtemps ce rire, de la part des mêmes et de beaucoup d’autres encore, tous mobilisés pour soutenir le productivisme, la croissance, le « progrès économique » – celui capable de tout résoudre, y compris ses propres contradictions et nuisibilités ! Pour ces gens fermés à la vie, qui ne voulaient rien savoir de ses souffrances et de ses limites, pour ces stérilisateurs, nous n’étions que des doux rêveurs, des faibles, des idéalistes nécessairement réactionnaires, puisque leurs idoles pouvaient tout résoudre. Sous prétexte de « niveau de vie » et de « pouvoir d’achat » censés être mesurés par un « PNB » à la fois déficient et orienté, ils étaient très nombreux à se prosterner devant la marchandise, d’autant plus bas qu’ils ignoraient et méprisaient le vivant (on l’a vu avec l’exemple de La mise en valeur de l’Amazonie brésilienne, par Michel Fouchet). Juste bon à être réduit en marchandises, le vivant. Pour comble, toute cette gauche, extrême, première ou deuxième, n’était pas loin d’y voir la voie de… l’émancipation ! Étaient-ils victimes de l’intense propagande développée depuis le Plan Marshall, ou complices ?
Tous ces braves gens devaient cheminer ensemble depuis 68, en tout cas bien avant le choc des années 1970. Avant même le choc de 1968. La suite n’allait cesser d’en apporter de nouvelles preuves. Tous ces personnages ne nous entouraient que pour mieux nous fragiliser, tout en se faisant passer pour nous à l’extérieur, auprès des militants désinformés. Aussi auprès des sympathisants et des simples curieux. Nous aurons maintes fois l’occasion de vérifier que la mystification et la simulation sont des constantes de la manipulation politicienne. C’est, d’ailleurs, en partie pourquoi, encore des dizaines d’années plus tard, les « penseurs de l’écologie » supportés par les media se trompent (ou peuvent faire mine de se tromper) en disant que l’alerte et l’indignation viennent tout juste de naître, ajoutant la confusion à la confusion. Et de remplacer les lanceurs d’alerte par les réactionnaires qui les ont éliminés. Certains en arrivent même à faire croire qu’ils sont en train d’inventer ce que les écologistes disaient il y a 50 ans et plus !
Productivistes de tout ce qui peut faire grimper le taux de croissance, à commencer par leur consommation débridée, ces gens avaient été mobilisés spécialement pour conforter les conditionnements culturels bousculés par les écologistes et les autres composantes du mouvement de l’émancipation. Ainsi, les oppositions-exclusions simplistes (dualismes) qui déforment les perceptions et les motivations pour amener la plupart à accepter la domination et l’exploitation : hommes/animaux, corps/esprit, nature/culture, société/écosystème, économie/écologie, civilisés/sauvages, etc. Et les associations menteuses comme progrès–productivisme industriel–expansion… Objectif final : effacer la culture du bien commun qui s’opposait à la croissance marchande, donc à la libre entreprise du laisser-faire n’importe quoi sans souci du contexte (leur « progrès« ) ; en particulier la captation du bien commun et sa destruction. La « grande distribution » en a été un levier d’autant plus puissant que la fausse gauche l’appuyait de toutes ses forces en échange du soutien financier du PSU (et spécialement du journal Tribune Socialiste), du Nouvel Observateur, du PS… Pape de la « grande distribution », Henry Hermand était l’un des bienfaiteurs. On doit beaucoup à cette duperie. Entre autres le remplacement de l’ouverture sur le vivant – l’écologie – par « l’environnement » utilitariste, borné et inféodé aux « priorités économiques« .

La croissance marchande vue par Ron Cobb en 1968 (ce dessin et beaucoup d’autres, qui avaient fait le tour de la planète, témoignent que Ron était l’un des acteurs de la nouvelle gauche écologiste) :
https://www.worthpoint.com/worthopedia/ron-cobb-original-comic-art-1967-1923826670
https://www.lambiek.net/artists/c/cobb_ron.htm
Nos faux frères de la croissance marchande auraient pu tout aussi bien dire : « loi du marché« , « compétitivité« , « dérégulation« , mais cela ne devait pas être encore à la mode. D’où tiraient-ils leur jactance ? Cela puait le dominateur borné par l’anthropocentrisme, la morgue de caste dominante et le mercantilisme triomphant. Derrière la façade « autogestionnaire » et les postures engagées copiées de la nouvelle gauche, ils étaient mécanistes et imperméables à tout rappel de la primauté du vivant, pleins d’ignorance, d’insensibilité et de mépris pour celui-ci. Ils étaient hors du monde, excluant volontairement l’économie de la nature, sa complémentarité, son interdépendance, sa coopération, ses dynamiques holistiques. Ils étaient indifférents pour les sommes de souffrances et de morts des retraits productivistes ! Ils ne pensaient que subordination des écosystèmes et de la société à un « haut » (eux, sans doute), et distribution des fruits de leur « croissance » calculée sur des bases fausses : ils croyaient – ou feignaient de croire – que la croissance marchande signifiait développement social et humain, et ne voulaient rien voir d’autre. Surtout pas les crimes de leur système.
Alors, nous n’étions pas encore prévenus contre le parler technocratique. Bien sûr, à la différence de coopération et écologie qui, d’emblée, découvrent l’essentiel, autogestion n’était pas très explicite. Cela ne disait rien du système de référence. Mais, rassurés par la prétention anticapitaliste, nous voulions, ou nous croyions entendre intérêt général, et voir la promesse d’une restauration de la démocratie. Encouragés par ce qu’il convient d’appeler une propagande, nous ne nous étions pas beaucoup questionnés sur l’absence de sens. « Autogestion« … mais de quoi ? L’emballage était si séduisant que nous n’avions pas assez fait attention à l’aspect « gestion« . Très grosse négligence ! Dans autogestion, nous voulions entendre auto-organisation et y voir une résurgence de la coopération. Nous nous abusions nous-mêmes autant que nous l’étions. Le remplacement de coopération et le choix de la composition du mot « autogestion » avaient été bien pesés. C’était encore un produit des laboratoires de la novlangue. Loin, très loin de la coopération, il ne s’agissait que de gestion, à la façon des écoles du commerce. Éclairé par la croissance marchande, leur programme apparaissait enfin : « gérer » le système établi. Aux antipodes du programme de la coopération. Comme leur « croissance marchande« , leur « autogestion » se mariait avec le fétichisme de la hiérarchie de pouvoir. Aussi, plutôt qu’une poursuite de la prise de conscience accompagnant la restauration du politique, plutôt qu’un nouvel élan coopératif, une reprise en mains par tous, facilitée et guidée par une écologisation générale, cette « autogestion » annonçait d’autres offensives comptables, spéculatives et technocratiques. Elle annonçait le triomphe de la finance et de ses marchés. Cette autogestion n’était qu’une feinte, un ersatz destiné à tromper, pour mieux supplanter le produit d’origine : la Coopération. Une manœuvre de substitution soigneusement calculée, comme celle qui était en train d’effacer l’alerte et les alternatives écologistes derrière l’environnementalisme du retour dans le rang (l’écologisation écrasée par « l’écologie politique« ).
Insensibles au bien commun et d’autant mieux conditionnés par le laisser-faire consumériste et l’obsession des bilans hors-sol, des cargaisons de gestionnaires incapables de lire le monde, donc de concevoir les régulations nécessaires, pas même d‘entrevoir leur nécessité, allaient être déversées partout. Cette « croissance marchande » mitonnée aussi à gauche annonçait donc une multiplication des apprentis sorciers du capitalisme* et une démocratie limitée aux affairistes. Elle était la promesse de plus d’artificialisation, de nouvelles servitudes, spoliations et destructions massives ; et d’une propagande renforcée destinée à éloigner la plupart de la conscience des limites et des solutions.
* dont plusieurs seront façonnés par Michel Rocard, comme par hasard – tel Emmanuel Macron, son préféré (suivant les principes de la fameuse « science économique »).
Le conditionnement tissé d’idéologie progressiste des autogestionnaires, et leurs ambitions personnelles, leur interdisaient absolument de reconnaître les conséquences écologiques et sanitaires de la croissance marchande – conséquences dont, de toute façon, la plupart se foutaient absolument. Voire, même, des conséquences pour leur cher système économique, comme quelques crises allaient le démontrer. Ces « autogestionnaires » auraient-ils pris conscience et voulu évoluer qu’ils n’auraient pas pu. L’influence des lobbies du système contre lequel le mouvement écologiste s’était levé était plus que palpable. À défaut de tout voir, on en sentait le fumet. Nous avons déjà vu que le lobby de la « grande distribution » les avait infiltrés depuis très longtemps (avec la famille Leclerc introduite par Michel Bosquet).
Cela n’était pas tout. Après l’étonnante soirée « autogestionnaire » de la Mutualité, nous étions quelques-uns à ruminer sur le sens du discours de Michel Rocard. Alors, j’ai proposé de lui demander des éclaircissements et mon projet de lettre a été accepté. Rocard a répondu, ou son équipe, et cela soulevait plus de questions encore, renforçant les soupçons sur la vraie nature du PSU. Bien sûr, nous ignorions que Rocard cumulait déjà beaucoup d’heures de vol dans des milieux fort peu « autogestionnaires« . Son exploit le plus récent était la participation à un « Institut de Recherches et d‘Information Socio-économiques » (IRIS), un cercle confidentiel qui voulait « ouvrir la gauche à l’économie« . Ah, qu’en termes galants ces choses-là sont mises ! Fondée un an auparavant par Jacques Attali, venue des confins du néocapitalisme, « cette Fondation Saint-Simon avant l’heure » rassemblait des universitaires, des journalistes, des grands patrons et des élus *. Sans même aborder les saccages écologistes sous-jacents, toujours en opposition à l’intérêt général, ce club de la croissance marchande allait développer une galaxie de relations hautement rémunératrices. Cela va de soi, Jacques Delors en était. Comme il sera au gouvernement en 1983 pour rompre officiellement avec le bien commun en réalisant le basculement néolibéral joliment baptisé « tournant de la rigueur » (la rigueur pour ses victimes, évidemment). Outre Delors, cette mutation Reagan-Thatcher-Kohl a été soufflée à Mitterrand par Jacques Attali, et soutenue par… Michel Rocard.
* (Jacques Attali, dans les affaires du Prince, prince des « affaires », par Benoît Collombat).
On voit donc que, comme entremetteur, cet IRIS allait faire merveille en augmentant le niveau de la connivence entre pouvoir politique et milieux d’affaires, et l’intense circulation d’argent correspondante, réussissant même à « renflouer des entreprises » avec l’argent public « avant de les rendre au secteur privé, tels Péchiney ou Rhône-Poulenc.« . Un rôle dans le sabordage de la nouvelle technologie des transports : la sustentation par coussin d’air avec l’Aérotrain ?
Donc, Rocard était un authentique agent double. Triple, même. Une face souriant aux gauchistes qui n’attendaient que cela, l’autre au pire du patronat, tout en exécutant une imitation de la nouvelle gauche. Un Danseur-Visage ! Il allait nous fournir une preuve supplémentaire de sa duplicité, mais, là encore, nous serons incapables de la décrypter avant longtemps.
Pierre Samuel et moi fîmes une réponse argumentée à Michel Rocard. Mais, cette fois, c’est un certain Bernard Jaumont qui se répandit en affichant son mépris. J’ai longtemps cherché à identifier ce Bernard Jaumont. Pas de trace jusqu’au jour où, quarante ans plus tard, je découvrirai que BJ n’était qu’un pseudonyme, le faux-nez de Georges le Guelte, « chargé des Relations Internationales du CEA » depuis 1964 !
N’est-ce pas admirable ? Le lobby nucléaire siégeait, lui aussi, au Bureau national du PSU. Et, comme par hasard, c’est son représentant qui avait été chargé de répondre aux demandes d’éclaircissement adressées à Michel Rocard par les écologistes. Dissimulé sous son faux-nom, Jaumont était au Bureau depuis 1971 (7ème congrès de Lille), au moins. Et, subtilité à l’usage des militants de base, il faisait également partie de la « Direction politique » (motion Rocard), mais sous son vrai nom : Georges le Guelte. Cette mystification illustrait la profondeur de la rupture entre nucléaire et démocratie. Le tout-nucléaire était bien une affaire de technocrates coupés des populations et des écosystèmes (voire plus). Nous aurons plus tard, bien plus tard, confirmation de l‘importance de la dissimulation et de la manipulation de masse dans la genèse du nucléaire français.
* https://planetaryecology.com/histoire-contemporaine-une-memoire-du-mouvement-ecologiste-3/
** Le nucléaire et le complexe militaro-industriel, par Jean Guisnel, Renaud Lecadre et Roger Faligot – dans Histoire secrète de la Ve République, La découverte 2006.

Le biberonnage du PSU et de toute la « Deuxième Gauche » par les lobbies, et l’exaltation des mêmes pour la déesse Croissance, ne laissaient plus de place au doute. Leur autogestion n’était donc pas la promesse d’un changement d’orientation, encore moins de paradigme, mais plutôt un chemin glissant vers la participation au système dominateur et mortifère. Juste un appât ! Nos curieux interlocuteurs de gauche, les Quarante Voleurs du 23 juin 72, et les infiltrés qu’ils nous dépêchaient, étaient des autogestionnaires du pire capitalisme : celui qui avait choisi de poursuivre les destructions en toute connaissance de cause. La tartufferie jouée en compagnie de la « grande distribution », dans le Mouvement Coopératif, avec les simulacres d’alternative syndicale et politique, avec le lobby nucléaire, etc., vaut démonstration de l’activité fébrile des lobbies du désastre annoncé. Elle montre aussi la valeur de la démocratie réalisée. À tous les niveaux, dans le dos du premier regroupement de lanceurs d’alerte, de la plus ancienne coopérative, de la grève ou de la critique ouvrière trop imaginative, grouillaient les arrivistes et les affairistes. Agents, intrigants et affidés, tous participaient à l’effort de la guerre froide culturelle visant à affaiblir chaque résistance pour imposer la mondialisation du capitalisme. Nous allions en voir défiler de plus en plus, et de plus en plus arrogants, gagneurs et petits marquis sortant en rang serrés des écoles de l’arrivisme politicien et de l’organisation du désastre.
Les places déjà confortables de ces autogestionnaires de la marchandisation, et celles qu’ils guignaient encore, dépendaient de leur docilité. Pertes de densité et de diversités, effondrement des écosystèmes, dérives climatiques, cancers et maladies dégénératives… Même le drame de Minamata n’avait rien bougé en eux. Ils affecteront d’en rire jusqu’à Fukushima, jusqu’aux reportages sur les mers de plastique, jusqu’aux démonstrations cuisantes du réchauffement général, jusqu’aux incendies hors de tout contrôle, jusqu’aux inondations, jusqu’à… Ils riront beaucoup moins avec la Covid-19 – l’un des fruits de leurs œuvres, qu’elle ait pour origine la réification du vivant (esclavage, torture et commerce d’animaux, destruction d’écosystèmes) ou une sortie de labo propagée par le même système marchand. Mais, entre-temps, toujours imperturbables, toujours écrasant traîtreusement les alertes, les alternatives, les résistances, ces « gestionnaires » commettront :
– nouvelle expansion spectaculaire de la « grande distribution »,
– intensification et extension de la mise en coupe réglée des producteurs, des ouvriers, des transporteurs tout autour de la planète,
– multiplication des pollutions, écocides, ethnocides, et autres ravages aux conséquences inestimables,
– et, à force de dérégulations, une crise financière mondiale en 2008.
Et toujours béats d’auto-satisfaction, ignorant superbement le passif enflant de façon exponentielle, ils assureront que le bilan est très positif puisque le « niveau de vie » mesuré selon leurs critères ne cessera d’augmenter. Encore une fois, l’inculture de l’écologie sera déterminante dans le triomphe de l’idéologie de la croissance et le maintien des politiques les plus destructrices. Tout autant dans l’incapacité des personnels politiques et administratifs à percevoir les crises et les effondrements, donc à s’en émouvoir et à réagir.
Avec les autogestionnaires passés à la gestion du capitalisme, ou qui en étaient dès le début, tout était positif. C’était déjà la « théorie du ruissellement« . Les bilans qui les fascinaient ne comportaient pas de passifs ! Tout était bon dans leur croissance ! Par principe, par foi et par intérêt – surtout par intérêt. Même les polluants, même les destructions, même la maladie et la mort. Tout allait ruisseler. Même le contentement des exploités déracinés, acculturés, méprisés, récompensés par une « hausse sans précédent » de leur « niveau de vie » dans un milieu en constante dégradation. Plus ces autogestionnaires draguaient la nouvelle gauche, plus ils avaient du mal à cacher leur mépris vis-à-vis de l’alerte écologiste ; et plus nous les découvrions indifférents à la fragilité de la vie face aux attaques de leur système chéri, et hostiles au réveil de la sensibilité – de l’intelligence sensible. C’était donc cela ! Chez eux, la culture mécaniste propice à la domination et à… la surconsommation matérielle prévalait sur tout. Ils étaient matérialistes et mécanistes, obnubilés par des chiffres déformant les réalités de la vie, fermés aux autres êtres et aux autres cultures, ancrés dans l’anthropocentrisme et le patriarcat, et intéressés, très intéressés par le pouvoir et ses à-côtés. Ces gens-là étaient prêts à tout sacrifier, capables de réifier tout ce qu’ils approchaient. Des brutes imperméables à toute information ne confortant pas leurs préjugés, et inaccessibles aux démonstrations.
Le dévoilement de leur amour pour la « croissance marchande » montrait qu’ils étaient opposés à toute régulation de la production, de la consommation et du commerce. Par exemple, pas question de ne pas faire venir d’ailleurs ce qui peut être produit localement. L’idée d’une régulation de leurs activités profitables, qu’il s’agisse de pouvoir ou d’avoir, les rendait hystériques, et nous découvrions que l’hostilité à l’éveil d’une conscience écologiste rassemblait déjà tout l’éventail politicien. « Croissance » était déjà le cri de ralliement de la droite à la gauche et à cette extrême gauche qui nous poussait sur le côté. Primauté des affaires sur tout le reste, et oubli du reste ! L’argent qui abondait en proportion de leur nuisibilité leur montrait le chemin. Cela annonçait la réduction de la gratuité sous la pression du tout-marchand – et, à la suite, la régression radicale de la confiance. Avec ces têtes réduites par l’ignorance du vivant, l’obsession de la consommation et du pouvoir avait de beaux jours devant elle – et l’amenuisement proportionnel de la conscience du vivant. Cela révélait leur mépris complet des conséquences de leur « rentabilisation« , et annonçait la sanctification de l’exploitation de la biosphère, donc des sociétés humaines d’ici et d’ailleurs, donc d’autant plus de la biosphère… dans un engrenage généralisé des déstructurations qui, déjà, nous épouvantaient. Cela annonçait plus de « prix bas » ruineux pour les producteurs, les pêcheurs, les artisans… Et la création d’autres nouveaux « besoins » et d’obligations d’achat de gadgets enchaînant toujours plus à la bureaucratie du système – comme dans les fictions totalitaires. Cela annonçait la libéralisation financière, les « externalisations » et les pertes de compétences, les sous-traitances en chaîne, en mille-feuilles, les délocalisations, les stratégies de conquête entravant même la sacro-sainte concurrence (« l’intégration horizontale« , par exemple), les acrobaties bancaires et boursières purement spéculatives ; bref, le capitalisme financier hors sol, hors biosphère et hors sociétés humaines. Sur Terre, cela annonçait l’affaiblissement des services publics qui avaient été substitués aux entraides communautaires – avant leur démantèlement. Cela annonçait un accroissement prodigieux de l’exploitation, donc toutes les dérives gestionnaires, technologiques et commerciales les plus nuisibles *. Sans oublier l’explosion des transports longue distance, en particulier maritimes, avec des pollutions intenses. Et puis l’accroissement prodigieux de l’extraction de matières, toujours plus de réification et d’exploitation des vies, la réduction des écosystèmes les plus diversifiés en stocks à dépouiller, en zones urbanisées et monocultures désertées par la vie **. Comme dans les descriptions enfiévrées des Michel Fouchet et autres Charles Vanhecke « encombrés » par les conditionnements de la culture anti-nature. Vanhecke étant très proche de la « Deuxième Gauche« , on peut parier que sa production donnait une idée de ce qu’il y avait dans la tête de Rocard et ses frères (ci-dessus page 68).
* Comme les emballages jetables et l’écrasement des prix sous les profits du transfert des coûts sur la société et les écosystèmes. Mais aussi, au sein même du système, le sabotage des innovations les plus économes en espace, en énergie et en matières, au profit des plus impactantes, meilleures sources de profit (comme le TGV). Donc, avec le nucléaire comme « solution« .
** Cette réduction de tout sous l’impératif de la recherche d’un profit immédiat évoque les destructions commises par les pilleurs du patrimoine archéologique. Tel Giuseppe Ferlini qui détruisit des pyramides de l’ancienne Nubie pour en piller les tombeaux.
Cette exaltation colonialiste et productiviste annonçait toujours plus de grande distribution *, d’expansion de l’automobile individuelle (donc, de dispersion urbaine et d’enchaînement à la voiture), et des voitures plus grosses, toujours plus grosses, climatisées (!), et plus chargées de matières de plus en plus rares extraites d’écosystèmes ravagés. Cela annonçait toujours plus de productions superflues et destructrices (donc profitables), toujours plus de pollutions, des marées de poisons tartinés partout par les industriels de l’après moi le déluge ** et de déchets en route vers les océans, et plus de destruction des patrimoines et de la biosphère, et plus de maladies, etc. Et puis des norias de camions sur toujours plus d’autoroutes, de parkings, d’entrepôts et de « plates-formes logistiques » partout sur des campagnes imperméabilisées et minéralisées ; avec réduction de l’évapotranspiration des végétaux et des sols morts, dégradations climatiques et garanties de sécheresses, etc. Et puis, sous les coups de la croissance des relations capitalistes, des ruptures massives, des arrachements et des souffrances sans nombre, un abaissement culturel, un abrutissement sous injonctions à la seule consommation, et la régression – voire la dégradation – des interrelations qui forment des personnes responsables et font la société. Et puis le chômage, la vague d’exclusions des années 1980 avec nos visiteurs du soir de juin 1972 arrivés aux manettes, les neuroleptiques, des marées d’esclaves et d’exclus, les Restos du Coeur et les EHPAD pour palier les défaillances d’une société déstructurée. Cela annonçait aussi un bourrage de crâne complet pour supporter pareilles dégradations, et les changer en progrès ou en nécessités de « la société de demain » ; car, pour réussir un si séduisant programme, il fallait priver les victimes des éléments leur permettant de comprendre la manœuvre. Mieux : il fallait les amener à la résignation, les changer en clients, en électeurs sans connaissance, en soutiens, en reproducteurs du système (d’où l’indispensable censure des écologistes). Et, sans doute, était-ce déjà appliqué depuis plus longtemps que nous ne commencions à le soupçonner ! De toutes façons, il était certain qu’un aussi joli programme allait se traduire par des dégradations profondes affectant même les motivations et les comportements ; par exemple, une accoutumance des nouvelles générations à la surconsommation énergétique et une nouvelle chute de l’attention portée aux autres et à l’ensemble – exactement le contraire de ce que la prise de conscience écologiste (l’écologisation des esprits) devait accroître. Le Nouvel Ordre Mondial était en gestation et avait programmé la perte de conscience. On n’allait bientôt plus pouvoir compter les naufragés, et encore moins les aider.
* et pour cause, vu leurs relations intimes avec ce vecteur de déstructurations sociales et écologiques.
** Bientôt les néonicotinoïdes, et, déjà, le chlordécone dont l’usage venait d‘être autorisé, allaient contribuer à illustrer, des dizaines d’années plus tard, l’une des conséquences du rejet du bio et de la primauté de la croissance marchande : l’effondrement de la biodiversité.
Leur croissance marchande, c’était la perpétuation des razzias, des colonisations, de la servitude, des saccages et des massacres par d’autres moyens. C’était l’intensification de la guerre économique. Une guerre… ils n’étaient pas à cela près ! Du nucléaire civil au nucléaire militaire, le pas n’était pas grand. Dix ans plus tard, Rocard trouvera « embêtant de voir Greenpeace essayer d’empêcher le déroulement des essais nucléaires » et regrettera, non pas le sabotage du Rainbow Warrior, mais la maladresse des saboteurs (confidences faites à Bruno Fay, « Complocratie, un pavé dans la mare conspirationniste et autres reopenistes« , éditions du Moment 2011… 2011 !). Remarquons encore le temps qu’il faut, en France, pour apprendre.
Mais, déjà, pour apaiser les craintes, on entendait entonner la nouvelle chanson du progrès :
(…) toutes les pollutions autres que les déchets sont aujourd’hui évitables techniquement, sous condition de prendre et de payer les précautions nécessaires (…), Michel Rocard en réponse à mes interrogations, le 6 février 1974.
Devant cette langue de bois maintes fois entendue, les écologistes savaient parfaitement bien à quoi s’en tenir. La ficelle était très grosse, mais la puissance propagandiste mise au service du mensonge écrasait toutes les démonstrations contraires.
Rocard n’était pas loin de promettre de « produire plus en polluant moins« , comme un autre délégué de la caste dirigeante, et formé par lui, allait l’oser en 2021 depuis l’Élysée. Rocard qui défendra l’exploitation du gaz de schiste dont chacun sait l’innocuité pour les écosystèmes : pour ses réserves en gaz de schiste, « la France est bénie des dieux » dira-t-il. Nous avions raison de redouter un accroissement des mensonges, de la corruption et des destructions.
ACG
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notes
(1) À propos de l’équipe de l’Agence de Presse Réhabilitation Écologiste, éditrice du Bulletin de l’APRE et de la revue Écologie (à l’origine le groupe Pollution-Non), Jean-Luc Burgunder m’avouera beaucoup plus tard qu’ils s’étaient demandés qui, de moi et de Lalonde, remporterait… le leadership ! Cela laisse rêveur. C’était l’époque où l’incompatibilité de l’engagement écologiste, pour une démocratie du bien commun, et briguer un pouvoir confisqué aux autres était constamment rappelée. Alors que la nouvelle gauche était menacée par les manœuvres capitalistes, ils regardaient cela comme une course sportive. D’où, sans doute, leur totale inertie face au sabotage mené par Alain Hervé, Brice Lalonde and Co; puis, longtemps, la majeure partie des années 1980, leur suivisme docile vis-à-vis des imposteurs verts.
Justement, connaître ceux-ci est devenu facile : ce sont à peu près les seuls à avoir été publiés et, encore aujourd’hui, à être cités comme des références ; grosso modo en proportion de leur nuisibilité, donc de leur utilité pour le système mortifère. La méthode est élémentaire. Probablement accompagnés par l’omniprésent Congrès pour la Liberté de la Culture ou l’un de ses pseudopodes, les premiers se sont attribués l’action, la pensée et l’image (récupérables) de la nouvelle gauche, et les propagandistes ont suivi en gommant tout ce qui ne cadre pas avec la mythologie à l’usage du maintien de l’ordre dominant. L’imposture produit à gros bouillons. Des dizaines d’années après, élevés dans l’ignorance des fourberies parentales, même les enfants des illusionnistes d’hier et d’avant-hier entretiennent la mythologie ! Guy Hocquenghem aurait bu du petit lait.
Un exemple parmi les moins graves :
« Ce qu’on appellera la nouvelle culture ou la nouvelle gauche dans la France des années soixante-dix regroupait les adeptes de ce « gauchisme existentiel », plus culturel que politique, aux contours mal définis. Les écologistes (les Amis de la Terre), les antinucléaires, les militants pour une alternative non-violente (1974), une fraction du PSU, en constituaient les éléments les plus actifs et les plus organisés. Cette gauche, dite encore « alternative », anti-autoritaire et anti-étatiste, hostile au « capitalisme des monopoles » comme au capitalisme d’Etat, ayant cessé de croire au rôle privilégié de la classe ouvrière, rappelle étrangement la nouvelle gauche américaine des années 1960-1968 (avant la brève poussée ouvriériste et tiers-mondiste en 1969-1970) et son prolongement, l’activisme protestataire des années 1970 et 1980 ».
« Gauchisme existentiel » (sic) ! Comment peut-on concentrer tant de contresens ? Un modèle d’oxymore. Étonnamment, l’auteure, Marie-Christine Granjon, écrit sur la nouvelle gauche américaine (Révolte des campus et nouvelle gauche américaine (1960-1988). Elle a le mérite, assez rare, de reconnaître un mouvement équivalent en France ; mais sans l’identifier. Elle ne lui accorde qu’un : « rappelle étrangement la nouvelle gauche américaine des années 1960-1968« . Probablement abusée par l’avalanche des écrits révisionnistes, MC Granjon mêle les acteurs de la nouvelle gauche aux ennemis de celle-ci, allant jusqu’à inverser les rôles entre les écologistes et leurs censeurs-naufrageurs. Comment est-ce possible ? Toutes les sources auxquelles elle a accès seraient-elles polluées ?
(2) Marchandise, croissance, puissance… tous ceux que l’on nous a fait croire proches étaient adversaires de la nouvelle gauche écologiste. Faux révolutionnaires, faux autogestionnaires, faux démocrates, faux en tout : de la même famille que les vociférateurs du Pré-aux-Clercs.
https://planetaryecology.com/histoire-contemporaine-une-memoire-du-mouvement-ecologiste-3/