début des années 70 : la Semaine de la Terre
la Semaine de la Terre (début des années 70)
un moment de grâce pour la nouvelle gauche écologiste
Si La Semaine de la Terre s’était déroulée en Californie, à New York, à Chicago ou à Amsterdam, elle serait encore donnée en exemple de la vitalité de the Ecologist New Left. Enfin, peut-être… Mais elle a eu lieu à Paris sous l’impulsion d’écologistes français, et à une époque qui semble trop lointaine pour les historiens auto-proclamés de l’alerte écologiste. En effet, aucun article, aucune thèse, aucun livre sur l’histoire du mouvement n’en parle. Ni de la Semaine de la Terre, ni, d’ailleurs, d’autres événements remarquables. A croire qu’il existe une consigne du silence. Mais nous allons voir que, parallèlement à La Semaine de la Terre, beaucoup d’agents très spéciaux étaient déjà très agités pour falsifier et récupérer. C’est Pierre Fournier qui, bien involontairement, allait – le premier – nous le révéler dans Charlie-Hebdo (avant même la création de La Gueule Ouverte). La mobilisation des parasites montre, au moins, que l’évènement était pris très au sérieux par des forces réactionnaires déjà en ordre de combat. La suite allait le confirmer amplement. 50 ans après, nous sommes toujours dans la même histoire de dupes qui explique largement les dégradations que nous avons subies depuis.
la Semaine de la Terre* a été la manifestation de lancement de l’un des tout premiers groupes écologistes français – avec Survivre et Vivre, et Pollution-Non.
* Préparation à partir de novembre 1970. Actions du dimanche 2 au dimanche 9 mai 1971
Imaginée à partir de l’automne 1970 comme une série d’opérations, de performances, la Semaine de la Terre est vite devenue un groupe destiné à durer. Elle a existé jusqu’au printemps 1974 en donnant vie aux Amis de la Terre où il n’y avait guère de militants avant sa venue (automne 1971). La Semaine de la Terre a réalisé les premières manifestations écologistes en France.
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sommaire
L’urgence et l’idée
Ont rejoint la Semaine de la Terre
Après la Semaine de la Terre
C’était l’époque du mouvement écologiste
Une expérience révélatrice : le Mouvement Coopératif refuse le bio. Mais était-ce encore le Mouvement Coopératif ?
Une dynamique politique oubliée
Les tracts
Avec le recul
« On est bien récupérés !«
En effet, déjà dans des articles…
Avec quelques dizaines d’années de recul…
Index des personnes
Index des organisations et appellations
« Vous n’êtes qu’une poignée mais cette réunion est un événement plus important que le vol de Monsieur Pompidou demain sur le Concorde ! »
René Barjavel
La Semaine de la Terre est née de l’initiative d’une poignée d’écologistes de Jeunes et Nature et au terme d’une longue préparation facilitée par l’association Études et Chantiers, qui nous avait prêté ses locaux et ses matériels de reproduction. Avec des manifestations, des performances dans les lieux publics (comme la dépollution symbolique de la Fontaine Saint Michel à Paris), des distributions de tracts, des réunions, des rencontres et des débats, la Semaine de la Terre a abordé les principaux aspects de la crise écologique planétaire. Le mouvement critique qui a marqué les années 1960 – la nouvelle gauche – avait eu beaucoup de mal à s’exprimer en France, tant la parole et le spectacle médiatique étaient monopolisés par des groupes et des réseaux qui lui étaient déjà très opposés. Démunie, elle n’avait pas pu se rassembler. En 1971, avec la Semaine de la Terre, c’était donc la première fois que des hippies, des féministes, des écologistes, des pacifistes, etc., bref, des acteurs des différentes sensibilités complémentaires de l’époque, réussissaient à faire une action commune.
Curieusement dédaignés par les historiens *, les écologistes de la Semaine de la Terre ont laissé plus de souvenirs comme auteurs des actions qui ont fait connaître Les Amis de la Terre jusqu’en 1974 (déjà un paradoxe révélateur).
* comme toute la nouvelle gauche écologiste de France et d’ailleurs qui lança l’alerte dès le début des années 1960, au moins.
Après, c’est une autre histoire…
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L’urgence et l’idée
À l’époque, il y avait quelque 2 500 000 Éléphants en Afrique, et 65 000 Rhinocéros. Aujourd’hui, il reste 500 000 Éléphants et moins de 3000 Rhinocéros.
Depuis, le saccage de la forêt primaire et les massacres ont réduit la population des Orangs-outangs d’au moins 120 000 intelligences sensibles.
À l’époque, il y avait encore des commerçants et des artisans dans les villages. Et des cinémas ! Et les jardins n’étaient pas encore transformés en lotissements.
À l’époque, des fermes familiales, avec des productions diversifiées, résistaient encore à la colonisation de la « Révolution Verte« .
À l’époque, à vélo ou en mobylette, on mettait des lunettes de protection pour protéger les yeux des nombreux insectes volants.
À l’époque, il y avait encore des Moineaux et des Hirondelles à Paris. Et des enfants jouaient encore dans les rues.
À l’époque, on produisait encore beaucoup localement. Depuis, dans le sillage de la « grande distribution« , les adeptes de la « croissance marchande » ont délocalisé massivement, même des productions de première nécessité. Et externalisé sur les populations et les écosystèmes les conséquences de leur extraction forcenée du profit. Et le transport maritime a été multiplié par 4 (et la pollution globale par…). Et les glaciers perdent plus de 200 kilomètres cubes chaque année.
À l’époque, Arne Naess ruminait the deep ecology.
À l’époque, il était déjà grand temps de changer de civilisation pour sauver l’essentiel. Aujourd’hui…
Dans les années soixante, après différentes tentatives d’actions, après 68 où, à Paris, je parlais de la crise écologique mondiale dans la Sorbonne occupée, dans les manifs et dans les jardins changés en forums, je m’étais rallié à Jeunes et Nature qui venait d’être créé. La principale activité – guider, par correspondance, des scolaires dans la découverte de la protection de la nature – ne contentait pas tout le monde. Nous étions plusieurs à comprendre de mieux en mieux qu’en poursuivant ainsi, sans développer d’autres actions, il n’était pas possible de produire une alerte à la mesure des dégradations planétaires en plein essor, et que nous resterions impuissants à contempler le désastre. Alors, j’avais proposé de faire des conférences-débats pour diffuser l’information, susciter un éveil et rencontrer d’autres énergies. L’idée avait plu, et j’avais été jusqu’à la proposer au Club Méditerranée qui développait un service culturel concrétisé par des présentations et des débats dans ses villages.
Le Club Méditerranée renouvelle son animation » culturelle «
Au cours d’une conférence de presse tenue dans son » village » de Villars-sur-Ollon (Suisse), le Club Méditerranée a présenté le programme de ses activités culturelles en 1970.
Geneviève Baïlac, responsable culturelle du Club Méditerranée, mais aussi productrice de théâtre et auteure dramatique, fut séduite par l’idée et le thème. Après entretiens et audition, elle m’invita à Cefalù, en Sicile, pour un séjour de trois semaines ponctué de soirées-débats. Large, le Club Med offrait la possibilité qu’une autre personne m’accompagne. Idéal pour moi, qui n’étais pas très assuré, et pour préparer la démultiplication de l’action avec un autre animateur ! Malheureusement, celui qui, pour se joindre à l’expérience, fit une telle scène que les autres candidats lui cédèrent (?), ne négligea rien pour provoquer la perte des conférences-débats. Sous le ciel sicilien, sans qu’on puisse l’arrêter, il épuisa l’auditoire sous un flot de paroles bredouillées en lisant ses notes inépuisables ! Un comportement apparemment irresponsable et absurde. Mais d’autres expériences aussi cuisantes, et avec le même, puis la découverte de coulisses insoupçonnées dans les profondeurs de Jeunes et Nature, allaient donner un autre sens à ce comportement, un sens très singulier ; celui d’un sabotage à bas bruit de toutes nos actions *. À peine initiées, les conférences-débats écologistes étaient mortes assassinées. L’évanouissement de cette perspective qui semblait riche de possibilités et de développements créa beaucoup de frustration. Nous avions donc des fourmis dans les jambes et cherchions d’autres formes d’action pour porter l’alerte écologiste et ses alternatives.
* Une mémoire du mouvement écologiste 1 (chercher Premières conférences-débats écologistes)
L’idée d’appeler à un large rassemblement autour des menaces sur la vie, ici et sur toute la planète, m’était venue après le succès du Earth Day américain d’avril 1970 :
https://en.wikipedia.org/wiki/Earth_Day#Earth_Day_1970
Un succès et une couverture médiatique très étonnants pour une manifestation de la nouvelle gauche.
L’année suivante, c’est avec des moyens beaucoup plus modestes (zéro franc de trésorerie, intégralement bénévole) que la Semaine de la Terre a été préparée et réalisée à Paris. Des moyens d’autant plus modestes que, à la différence de ce qui s’était passé aux Etats-Unis, les associations de la protection de la nature nous avaient claqué la porte au nez. Pourtant, les organisateurs de la Semaine de la Terre étaient membres de Jeunes et Nature, en lien direct avec la FFSPN (Fédération Française des Sociétés de Protection de la Nature, au Museum d’Histoire Naturelle de Paris même) ! « Trop politique » ont décrété tous ces gens avant de nous jeter dehors.
Pourtant, la profession de foi de Jeunes et Nature indiquait clairement la marche à suivre :
« Nous voulons lutter contre les pollutions, contre la destruction du milieu naturel, contre la dégradation de l’environnement urbain, contre le massacre des sites, contre l’empoisonnement massif de notre milieu de vie, les engrais chimiques, les déchets radioactifs…
Nous refusons une planète entièrement urbanisée, laide et croulante d’habitants.
Nous remettons en cause la foi aveugle en un progrès automatique et indéfini.
Nous voulons célébrer la Terre, planète vivante, dénoncer son saccage, montrer que les solutions existent pour sauver et restaurer notre milieu de vie »
printemps 1969
Voyons… Comment appelle-t-on une « profession de foi » que l’on n’applique pas, ou juste à doses homéopathiques ?
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Ont rejoint la Semaine de la Terre
René Barjavel
l’écrivain sensible, arcadien, le plus proche de la nouvelle gauche.
http://www.ina.fr/audio/PHD99237473/rene-barjavel.fr.html
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Jean Carlier
fondateur, avec Pierre Pellerin, de l’Association des Journalistes et Ecrivains pour la Protection de la Nature, rédacteur en chef à RTL.
A ce moment, il était très enthousiaste et a aidé à faire connaître la Semaine de la Terre.
Pourtant, tout en continuant à nous faire risette, Carlier allait vite changer d’attitude et nous trahir copieusement (manipulations, censure, mensonges). Comment cela s’est-il passé ? Quand ? Pourquoi ? En fait, Jean Carlier participait déjà à un réseau aussi secret qu’étrange (Diogène), un « collège invisible de l’écologisme« . L’expression est de Jacques Grinevald qui participa à ce Diogène et à son nouveau développement (à partir de 1974/1975 : Ecoropa, European Network for Ecological Reflection and Action).
Il est remarquable que ce réseau ait été mis en place dès la fin des années 1960, au lendemain des appels au sabotage de la nouvelle gauche lancés par les néo-conservateurs américains (docilement suivis par Raymond Aron) *. Alarmée par les mouvements néerlandais et nord-américains, la réaction s’était donc organisée avant même que les écologistes français réussissent à se manifester collectivement.
* Intelligence de l’anticommunisme. Le Congrès pour la liberté de la culture à Paris 1950-1975, Fayard 1995
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Henri Charnay
qui était en train d’écrire « Alliance avec la vie » *,
* Plusieurs compagnons de la Semaine de la Terre et moi avons apporté notre petite contribution à cette « Alliance avec la vie » qui se construisait sur les tables et les murs, chez Henri Charnay (148, rue de Lourmel, dans le XVème arrondissement de Paris). Ce livre est un bon témoignage du niveau des remises en cause et de la générosité du mouvement écologiste de l’époque.
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Pierre Fournier
l’écologiste invité à Charlie Hebdo par Cavanna, lui qui allait fonder la Gueule Ouverte en 1972.
Je ne le connaissais même pas de nom, ce qui dit assez le foisonnement de l’époque : on ne savait où donner de la tête !
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Georges Krassovsky
philosophe pacifiste,
rédacteur du journal Combat pour l’Homme et créateur infatigable de manifestations pour la paix et la préservation de la biosphère.
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Aguigui Mouna
l’animateur pataphysicien, pacifiste, écologiste, cycliste de la rue parisienne.
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/hommage-a-aguigui-mouna-poete-de-l-201927
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Pierre Pellerin
entre autres, auteur de Nature, Attention poisons ! (1970),
fondateur de l’Association des Journalistes et Ecrivains pour la Protection de la Nature.
Curieusement, nous avions tout pour nous entendre et avons eu un très bon contact, mais il allait nous tourner le dos sitôt après – comme Jean Carlier et les autres journalistes de la même association. L’identité des comportements et leur simultanéité trahissent une consigne. Probablement une consigne du « collège invisible« Diogène auquel Pellerin, Carlier et leur association de journalistes participaient.
rédacteur en chef du magazine la Vie des Bêtes,
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Lanza del Vasto,
le philosophe gandhien créateur des Communautés de l’Arche,
http://www.dailymotion.com/video/x5ojry_lanza-del-vasto-le-pelerin_webcam
http://www.dailymotion.com/video/xdd6ke_lanza-del-vasto-sur-la-nonviolence_webcam
en italien
http://www.youtube.com/watch?v=h_AlINCiPg0
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Paul-Emile Victor
Enregistrement Radioscopie de Jacques Chancel avec Paul-Émile Victor :
http://www.ina.fr/economie-et-societe/environnement-et-urbanisme/audio/PHD99228166/paul-emile-victor.fr.html
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Alain Bombard, Vincent Ménager (auteur de « Les hommes sont fous« ) et Jean Rostand, qui n’avaient pu être présents, nous avaient encouragés.
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C’était un temps d’éclosion des initiatives alternatives. Le temps des innovations qui pouvaient se développer indépendamment, de façon complémentaire, sans même se connaître. Un temps d’ouverture et de curiosité attentive pour l’autre, aussi, où il était encore facile de communiquer et de rassembler. Ce point mérite que l’on s’attarde un peu… Alors, tout nous intéressait et nous étions en recherche, en découverte permanentes. C’était une chose banale pour tous ceux de ma connaissance, engagés dans tel ou tel courant critique, ou simplement témoins intéressés. Nous étions à l’écoute – à l’écoute des expériences, donc des différents et des anciens, à l’écoute du monde qui paraissait encore inépuisable. On échangeait beaucoup et les conversations tournaient sur tous les sujets avec passion. Il y avait un grand besoin d’information et de compréhension. Comme disent depuis, avec condescendance, ceux qui ne s’aperçoivent pas de l’effondrement, on pouvait « refaire le monde » au coin de la rue.
Entre autres moments précieux, il y eut la conférence-débat du jeudi 6 mai. Elle rassembla presque tout le monde (dans l’amphi F1 de la Faculté des Sciences de Jussieu, rue Cuvier). Elle était le prolongement des conférences-débats que j’avais tenté de développer avec Jeunes et Nature et le Club Méditerranée. Elle fut un moment d’intelligence et de grâce où tout semblait possible, tant chacun était complémentaire des autres. Tout le contraire de l’ambiance actuelle qui résulte du sabotage culturel, politique et social que nous n’allions pas tarder à expérimenter. Pourtant, nous étions déjà sous surveillance depuis plusieurs années. Depuis Jeunes et Nature, nous étions très entourés (!). Pour comble, je m’étais tout naturellement tourné vers les journalistes qui manifestaient un intérêt pour « la nature« . Or, ils étaient membres actifs (ou affiliés) du « collège invisible » qui allait nous étouffer ! Mais, à ce stade, ils devaient penser que nous n’étions pas dangereux ou, plus exactement, ils croyaient que nous étions influençables et contrôlables. Ou ils n’avaient pas pu tout contrôler.
Dès les dernières années 1970, l’ambiance se figea. Elle devint hostile avec les années 1980* et, depuis, c’est la curiosité même qui semble avoir déserté.
* 20 ans après le printemps 68, le couvercle est retombé plus lourd sur la gueule de la société, sur la gueule de chacun.
On n’ose plus. On s’touche plus. On s’aime Pas. On s’fait peur. Rien ne bouge. « La France » est devenue une société froide.
Avons-nous jamais connu pareille inhibition ?
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Alain Bombard
27 octobre 1924 – 19 juillet 2005
http://www.ina.fr/media/entretiens/audio/PHD97016808/alain-bombard.fr.html
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Célèbres ou méconnus, tous étaient associés dans la compréhension de la complémentarité des efforts pour la préservation du bien commun.
Jean Rostand
30 octobre 1894 – 4 septembre 1977
C’était donc une « belle affiche » qui avait été réunie très simplement, avec seulement le sentiment de l’urgence et l’envie de faire bouger les choses. Une réponse rapide et sympathique pour chaque lettre, des contacts faciles et directs, des témoignages d’intérêt et des encouragements… Nous n’avons essuyé aucun refus. Toutes les personnes contactées ont répondu, y compris Jean Rostand qui, déjà très âgé, s’est excusé par lettre de ne pouvoir se déplacer. Et toutes celles qui ont consacré du temps à cette action l’ont fait gracieusement.
Jusqu’à cette époque, la spontanéité, l’ouverture d’esprit et la disponibilité étaient communes. Les différences étaient sources d’enrichissement. Les divergences étaient mises de côté. Ne comptaient vraiment que les complémentarités. Nous étions curieux de toutes les expériences et, excepté avec les gauchistes, c’était réciproque. On se reconnaissait comme parties d’un même ensemble et cela suffisait.
C’était une première et ce fut une dernière. Jamais plus il ne sera possible de réaliser l’équivalent. A partir du moment où les lobbyistes du capitalisme réaliseront que les écologistes ne sont pas de simples protecteurs de la nature un peu plus remuants que les autres, mais des lanceurs d’alerte voulant promouvoir une alternative à leur système de spoliation-capitalisation-destruction, ils s’emploieront à dresser un écran infranchissable entre eux et les autres. Mais, vu la constitution du très secret réseau Diogène – « le collège invisible de l’écologisme » – comme par hasard au lendemain de la secousse de 1968, il est clair que les écologistes étaient attendus de pied ferme et qu’ils ne pourraient s’exprimer longtemps. Pour mieux comprendre, il faut regarder du côté de l’Amérique du Nord où the New Left était infiltrée et étouffée par les agents du capitalisme.
Quelques années après la Semaine de la Terre, le travail d’entrave à la communication entre les savoirs et les énergies complémentaires réussira à empêcher Henri Laborit de rencontrer les acteurs de l’alternative. Dégoûté de n’avoir rencontré que « des gens uniquement préoccupés de pouvoir« , il tourna les talons et en témoignera (au moins sur Radio Libertaire en 1985). Mais sa vigilance sera, néanmoins, déjouée par Michel Rocard qui, des années après nous avoir dévoilé sa passion pour « la croissance marchande« , réussira à l’abuser :
Même chose avec Ivan Illich qui restera longtemps prisonnier des falsificateurs de la « deuxième gauche » (PSU, CFDT, Nouvel Observateur, etc.) qui lui jouaient la même comédie qu’à nous… avant de le censurer à son tour dans les années 1980. Ainsi, même les éditions du Seuil, qui avaient réalisé de belles affaires avec ses livres, lui ont fermé leur porte après une réunion du comité éditorial au cours de laquelle Michel Winock* aurait lancé : « Illich, c’est has been« . Typiquement un de cette « élite » autoproclamée à laquelle nous devons les effondrements.
* un proche de Jacques Julliard, l’anti-écologiste primaire (tiens donc !)
Combien d’autres ? Le sabotage systématique de l’alerte écologiste réussira pleinement à éteindre le sentiment de l’urgence chez la plupart; et, avec lui, la curiosité pour l’autre et le besoin d’échanger. Sans oublier la solidarité, une nécessité devenue exotique. Toutes les relations en seront dégradées. Tout en sera stérilisé. C’était bien l’objectif recherché.
Une quarantaine d’années plus tard, la comparaison est saisissante avec l’extrême difficulté qui marque la moindre action. Et cela ne date pas de la veille ! Pour chaque point du constat précédent, nous expérimentons aujourd’hui le contraire. Sans compter une faiblesse critique et une proximité déconcertantes avec la domination, ou une soumission à n’importe quelle autorité. Sans parler de l’inconstance dans la pensée et l’action : ceux qui s’investissent plus de quelques mois semblent devenus une denrée rare. Il est même devenu commun d’être sollicité par des personnes ou des groupes impatients de passer à l’action, puis de ne plus jamais en entendre parler (sans réponse aux relances faites par curiosité) ! C’est d’autant plus étonnant dans un temps où les cauchemars que nous voulions éviter sont devenus réalité et ne cessent de s’aggraver.
La responsabilité de ceux qui ont initié ou contribué à l’élimination des lanceurs d’alerte et à l’étouffement du mouvement social est acquise. Ils ont même réussi à provoquer un spectaculaire effondrement de la conscience et des capacités de réaction – le « recul des forces vives » comme allait l’appeler Jean Baudrillard. Cela faisait-il partie du plan ? Probablement, car cela correspond bien à l’objectif affiché dès la fin des années quarante : la « conquête de l’esprit des hommes« .
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Moins connus et gommés par les auteurs d’histoires sur le mouvement écologiste – comme la Semaine de la Terre elle-même et le groupe qui s’était constitué à partir de cette action, également gommés – , voici ceux qui ont contribué à l’information, à la réflexion et à l’action préparatoires…
Venaient de Jeunes et Nature :
François Feer
Alain-Claude Galtié
Daniel Louradour
Yann et Isabelle Messiez
Chantal Messiez
Jean et Hélène Monteil
Michel Séné
Nous ont rejoints après distributions de tracts et appels dans les médias :
Jean-Luc Fessard
Michel Gresse
Michel Mahulot
Jean Meningand
Igor Muchins
André Naegelen
Hervé le Nestour (un bousculeur d’idées venu de l’anthropologie sociale, poète, compositeur, chanteur, philosophe critique, rôdé aux quatre coins de la nouvelle gauche écologiste européenne)
Max Tourtois
Michel Weber
Jean Detton, un ouvreur et un passeur passionné de connaissances et de technologies. Il était un animateur de la Société Internationale de Cybernétique et participait aussi au jeune Survivre et Vivre créé par
Alexandre Grothendieck.
Et d’autres dont je recherche les noms.
« Jean DETTON était à lui tout seul « INTERNET avant INTERNET », la « boîte aux lettres et aux idées» de la France et de l’Europe. Jean DETTON était partout. Il ne se passait pas un seul événement culturel en France sans que Jean ne le sache, n’y soit et qu’il ne cherche à mettre en contact- dans une relation de rencontre en réseaux- les hommes et les femmes susceptibles d’être enrichis par l’éclosion d’une voie nouvelle, d’un carrefour d’idées, indépendamment – structuralement- de toute ambition ou vanité académique.«
Christian Bertaux
http://www.bertaux-glah.fr/clastres.php
Jean Detton est mort en voiture sur une route de montagne en 1980.
Il avait 50 ans.
Témoignage de Hervé le Nestour
« Moi je me souviens de tout, entre autres de ce que l’on voulait faire ensemble (…) »
dans le dossier Jean Detton sur ce site : https://planetaryecology.com/jean-detton-lun-des-lanceurs-du-mouvement-ecologiste/
et sur Hervé le Nestour :
Grothendieck est mort le 13 novembre 2014
Sur Alexandre Grothendieck, voir « Le trésor oublié du génie des maths » par Philippe Douroux, Libération du 1er juillet 2012.
http://www.liberation.fr/sciences/2012/07/01/le-tresor-oublie-du-genie-des-maths_830399
« (…) à la fin des années 60, une déchirure se produit. Sa rencontre avec les «enragés» de Mai 1968, à la fac d’Orsay, le fait basculer dans l’écologie la plus radicale. Il pensait être un va-nu-pieds céleste, on le traite de «mandarin». A quoi bon triturer les X et Y si le monde court à sa perte ? Alexandre Grothendieck quitte l’IHES, en protestation contre la présence d’une dose infinitésimale de crédits militaires dans le budget. Sa culture politique est inexistante, mais ses convictions anarchistes indéfectibles. Il plaide pour l’arrêt de toute recherche, estimant que la science a perdu toute conscience. (…) »
On appréciera « l’écologie la plus radicale« … Comme si la connaissance du vivant pouvait se décliner comme les tendances politiciennes. Ce dérapage est évidemment dû à l’ignorance de l’histoire du mouvement et à la confusion entre celui-ci et les fac-similés qui lui ont été substitués pour que le système capitaliste ne soit plus inquiété.
Grothendieck reste un maître des interrelations dans l’univers des mathématiques et de la géométrie. Mais pas seulement…
Toujours surfant sur les interrelations et leurs dynamiques, sa perception des constructions holistiques l’avait naturellement amené à être l’un des écologistes de la nouvelle gauche – le mouvement des années soixante et soixante-dix qui portait la culture du vivant (alternative à la culture dominante « anti-nature« ). Le groupe qu’il avait lancé et animait s’appelait Survivre et Vivre. Grothendieck a très mal survécu au sabordage du mouvement écologiste par toutes les obédiences réactionnaires, des néo-capitalistes aux gauchistes (tous également totalitaires). Dès 1971, pour l’avoir rencontré en compagnie de quelques beaux spécimens de faux-écologistes, vrais entristes qui travaillaient à plein temps à étouffer le mouvement, j’ai pu constaté qu’il était abusé au point d’être détourné de celles et ceux avec lesquels il voulait construire. Sans doute a-t-il fini par le comprendre et cela a-t-il beaucoup compté dans son choix de l’isolement.
Comme les alternatifs de l’époque et leurs continuateurs, Grothendieck a été profondément incompris par la plupart de ses collègues, et bien au-delà – comme Henri Laborit, bien sûr un de la nouvelle gauche, autre découvreur des interrelations et des dynamiques holistiques. Car, pour la plupart, la force d’attraction du système impérialiste (la culture et la carrière), que, logiquement, Grothendieck abhorrait, a été irrésistible.
Très intéressante évolution parallèle entre la recherche fondamentale et le mouvement social d’il y a 40 à 50 ans : à l’ouverture, au foisonnement et à l’enthousiasme ont succédé une extinction et un racornissement généralisés des idées et des comportements. Un effondrement parallèle au triomphe de l’ultra-capitalisme et de sa culture mécaniste impérialiste. Les alternatifs d’alors ont eu tout le temps voulu pour constater combien la compréhension des interrelations, donc de l’écologie du vivant a régressé depuis l’élimination de la nouvelle gauche écologiste ! Par exemple, voulant lui rendre hommage, un journaliste n’a pu s’empêcher de juger que Grothendieck s’était engagé « dans des causes très particulières« .
Son amertume a été à la mesure de son engagement et de la défaite de la vie.
Quelques articles à l’occasion de sa disparition :
http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2014/11/14/le-mathematicien-alexandre-grothendieck-est-mort_4523482_3382.html
http://www.liberation.fr/sciences/2014/11/13/alexandre-grothendieck-ou-la-mort-d-un-genie-qui-voulait-se-faire-oublier_1142614
http://www.leparisien.fr/sciences/alexandre-grothendieck-mathematicien-de-genie-est-mort-14-11-2014-4291661.php
Un voyage à la poursuite des choses évidentes
http://images.math.cnrs.fr/Alexandre-Grothendieck.html
Très bon article, mais on y trouve ça : « Trop gauchiste pour le Collège de France« . « Gauchiste« , Grothendieck ! Erreur majeure de classification qui ne peut être due à l’appellation « nouvelle gauche » couramment appliquée au mouvement alternatif de l’époque. Ce serait une insulte si elle n’était due à l’oeuvre de désinformation systématique qui s’efforce d’effacer toute trace de la culture arcadienne* du mouvement écologiste – la culture directement inspirée par le vivant, comme aurait pu dire Darwin ; et de réduire le mouvement lui-même à une simple contestation assimilable par le système dominant. Notons que cet effort constant de désinformation est partagé entre ultra-libéraux et ex-gauchistes (toujours la même alliance depuis plus de 40 ans). Leur ciment ? La même culture impérialiste « anti-nature », donc leur aversion viscérale pour l’évolution que nous proposions.
* Donald Worster 1977 : « Nature’s Economy : A History of Ecological Ideas«
Alexandre Grothendieck : ce qu’il écrivait dans « Récoltes et Semailles«
http://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/20141114.OBS5055/alexandre-grothendieck-ce-qu-il-ecrivait-dans-recoltes-et-semailles.html
Le trésor oublié du génie des maths
par Philippe Douroux, Libération du 1er juillet 2012.
http://www.liberation.fr/sciences/2012/07/01/le-tresor-oublie-du-genie-des-maths_830399
Alexander Grothendieck, sur les routes d’un génie
un documentaire de Catherine Aira et Yves le Pestipon :
https://www.youtube.com/watch?v=UO5KgnTY_fU
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Après la Semaine de la Terre
Comme Alexandre Grothendieck, Jean Detton et Hervé le Nestour n’avaient pas choisi le confort. Ils étaient de ceux qui avaient fait les choix les plus difficiles, les plus courageux. Ils s’étaient détournés de carrières confortables pour tout miser sur un changement de civilisation. Et ils se mêlaient, avec quelques autres, à tout ce qui pouvait se passer d’intéressant, sans soucis du titre ou de l’étiquette (formule de Hervé le Nestour).
Et c’est bien pourquoi, parce qu’ils étaient les acteurs du mouvement le plus menaçant pour l’ordre de la domination, que Jean, Hervé et les autres ont été gommés des histoires officielles sur le mouvement social. Leur effacement est à la mesure de leur importance.
Ils ont été ostracisés en proportion de leur générosité.
Sur un sourire éclatant, Jean Detton était coiffé à la Yul Brynner. Hervé le Nestour avait tous les cheveux que Jean n’avait plus. Il était de haute stature avec des mains comme des battoirs. Ils étaient partout, ils avaient la parole facile et forte, et la pensée drue. Nul ne pouvait les ignorer. Mais – c’est bizarre – plus aucun de ceux qui se piquent de faire de l’histoire ne se souvient d’eux et des autres de la nouvelle gauche écologiste.
La Semaine de la Terre a été effacée des mémoires par des dizaines d’années d’une omerta sans faille. Celle-ci est toujours entretenue aujourd’hui par des folliculaires récompensés par le système. C’est à leur silence obstiné sur les manifestations de la nouvelle gauche, comme la Semaine de la Terre, qu’on les reconnaît. Tout ce qui s’est passé avant, comme tout ce qui s’est passé après a été effacé ou métamorphosé pour crédibiliser l’imposture à force de mensonges. Ce faisant, les stratèges de l’instauration de l’ultra-libéralisme ont stimulé une spectaculaire croissance de la corruption – à l’égal de leur chère « croissance marchande » (PSU 1974).
ACG
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C’était l’époque du mouvement écologiste
Nous écoutions
Jean Ferrat (La Montagne) depuis plusieurs années déjà
Graeme Allwright
Léo Ferré chantait « Avec le temps » et « La solitude ».
Cat Stevens chantait « Changes IV » (album « Teaser and the Firecat »).
Joan Baez chantait la balade de Sacco e Vanzetti sur la musique de Ennio Morricone :
http://www.youtube.com/watch?v=gcgYwTnBIIQ
C’était après les disparitions de Jimi Hendrix (septembre 1970)
http://www.youtube.com/watch?v=TKPzj3xcWO4
http://www.dailymotion.com/video/x5sx5h_jimi-hendrix-killing-floor-live-mon_music
de Janis Joplin (octobre 1970)
http://www.dailymotion.com/video/x18yzj_janis-joplinball-and-chain-live_music
http://www.youtube.com/watch?v=mzNEgcqWDG4
http://www.telerama.fr/cinema/pennebaker,47426.php#xtor=RSS-18
et avant celle de Jim Morrison (juillet 1971)
http://www.youtube.com/watch?v=QHFK1yKfiGo
http://www.dailymotion.com/video/xvznl_the-doors-hello-i-love-you_music
La mort des chanteurs annonçait la fin du mouvement de la contre-culture. Leur disparition des écrans radars aussi…
En 1970, Sixto Diaz Rodriguez sortait l’album « Cold Fact », puis « Coming from reality » en 1972. Sa carrière fut rapidement étouffée aux USA. Pourtant, le voyage d’une seule cassette déclencha un succès foudroyant en Afrique du Sud. Il y devint aussitôt un catalyseur de la remise en cause du système d’oppression, un symbole du mouvement qui remuait l’Afrique du Sud comme presque tout le monde : « the new left », la nouvelle gauche alternative, le mouvement de la révulsion devant la domination et son avatar capitaliste en pleine croissance. Mais Rodriguez n’en a rien su. Rodriguez qui était retourné sur les chantiers du bâtiments pour continuer à vivre. Rodriguez dont une rumeur a bientôt prétendu qu’il s’était suicidé en scène, comme pour éteindre la curiosité croissante de ses fans et limiter la contagion de sa popularité.
Son succès s’est poursuivi en Australie puis en Nouvelle Zélande sans relancer sa carrière, comme à l’insu de l’auteur. Il faut voir le film : Searching for Sugar Man
de Malik Bendjelloul
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=200631.html
http://www.imdb.com/title/tt2125608/
This Is Not a Song, It’s an Outburst: Or, The Establishment Blues
http://www.youtube.com/watch?v=c_7u06P3ebU
Johnny lui-même n’avait pas échappé à l’influence de la nouvelle gauche écologiste :
Johnny Hallyday 1970 : La pollution (album VIE)
paroles de Jacques Lanzmann
Les lapins se meurent dans les champs pollués
Les poissons crevés dans les mers polluées, hé
Les hommes sont asphyxiés par l’air pollué
Les oiseaux muets dans les arbres pollués, hé
Le muguet fané au printemps pollué, hé
Les hommes sont usés dans ce siècle pollué
Mais dites-moi ce qu’il faut faire pour exister, hé
Quand la terre tout entière est polluée, hé
Les couleurs n’ont plus de vivacité, hé
Le soleil lui-même est dénaturé, hé
Les hommes sont complètement dépassés, hé
Mais dites-moi ce qu’il faut faire pour exister, hé, hé, hé
Quand la terre tout entière est polluée, hé, hé, hé, hé, hé
Les esprits vont finir par s’égarer, hé
La raison commence à vaciller, hé
Car les hommes s’évertuent à tout polluer, hé, hé, hé, hé, hé, hé
Les usines ne s’arrêtent pas de fumer
Les fumées ne s’arrêtent pas de polluer, hé, hé
Et les hommes continuent à fabriquer, hé, hé, hé, hé
Je sais moi ce qu’il faut faire pour exister
Il suffit d’arrêter de nous polluer, hé, hé, hé, hé
Hé, hé, polluer
Hé, hé, polluer
Ha, polluer
Hé, hé, polluer
Pour exister arrêtez de nous polluer, hé, hé
Read more: https://muzikum.eu/en/123-6179-201333/johnny-hallyday/la-pollution-lyrics.html#ixzz6jBSeRPDZ
“Les fumées ne s’arrêtent pas de polluer” : Quand Johnny chantait le péril écologique
Qui a couru sur cette plage ?
Elle a dû être très belle
Est-ce que son sable était blanc ?
Est-ce qu’il y avait des fleurs jaunes
Dans le creux de chaque dune ?
J’aurais bien aimé toucher du sable
Un seule fois entre mes doigts
Qui a nagé dans cette rivière ?
Vous prétendez qu’elle était fraîche
Et descendait de la montagne
Est-ce qu’il y avait des galets dans le creux de chaque cascade ?
J’aurais bien aimé plonger mon corps
Une seule fois dans une rivière
Dites, ne me racontez pas d’histoire
Montrez-moi des photos pour voir
Si tout cela a vraiment existé
Vous m’affirmez qu’il y avait du sable
Et de l’herbe
Et des fleurs
Et de l’eau
Et des pierres
Et des arbres
Et des oiseaux ?
Allons, Ne vous moquez pas de moi !
Qui a marché dans ce chemin ?
Vous dites qu’il menait à une maison
Et qu’il y avait des enfants qui jouent autour
Vous êtes sûr que la photo n’est pas truquée ?
Vous pouvez m’assurer que cela a vraiment existé ?
Dites moi !
Allons, ne me racontez plus d’histoire !
J’ai besoin de toucher et de voir pour y croire
Vraiment, c’est vrai ?
Le sable était blanc ?
Vraiment c’est vrai ?
Il y avait des enfants ?
Des rivières ?
Des chemins ?
Des cailloux ?
Des maisons ?
C’est vrai ?
Ça a vraiment existé ?
Ça a vraiment existé ?
Vraiment ?
texte de Glen Powell (1901 – 1992) et Gus Derse
L’idole des jeunes au top de l’affiche qui interprète ce texte, et quelques autres, dit assez sur l’ambiance de l’époque et les ouvertures et les évolutions qui paraissaient évidentes.
En 1971, Don McLean créait Vincent (sur Vincent Van Gogh)
http://www.youtube.com/watch?v=dipFMJckZOM
et aussi American Pie
http://www.youtube.com/watch?v=pwUXHI_VJ5A&feature=endscreen&NR=1
About The day the music dead :
http://fr.wikipedia.org/wiki/The_Day_the_Music_Died
« Il était beaucoup plus facile de se mobiliser il y a quarante ans. Les enjeux étaient clairs. Pour moi, cela a d’abord été la lutte pour les droits civiques, puis le combat contre la guerre du Vietnam. Je n’avais pas beaucoup à réfléchir, c’était une évidence.
(…)
On écrit encore de bonnes chansons, mais en ordre dispersé. De toute façon, une décennie comme celle des années 1960 ne sera jamais répétée. Tout était réuni pour créer cet extraordinaire tourbillon.«
Joan Baez 2011
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Une expérience très révélatrice : le Mouvement Coopératif refuse le bio
Mais était-ce encore le Mouvement Coopératif ?
A l’époque, je n’allais pas tarder à être viré du Mouvement Coopératif pour avoir proposé que les coopératives agricoles et les coopératives de consommation coopèrent à la production et à la distribution de produits bio. Le Mouvement Coopératif avait déjà été largement infiltré par les agents du capitalisme, surtout la Coopération Agricole et la Coopération de Consommation, et il était en train d’être vidé de sa substance. Le remplacement du système capitaliste par une civilisation de l’entraide et du bien commun – un objectif premier du Mouvement Coopératif – n’était plus du tout à l’ordre du jour. Alors, le bio…
Cette expérience était démoralisante. Menée au coeur même d’un mouvement social historique, le plus capable d’aider à la transformation nécessaire pour éviter un désastre, elle révélait une situation déjà fortement compromise. Cela aurait mérité un examen approfondi et une réflexion collective. Je n’en avais ni les moyens ni la stimulation. En effet, à l’extérieur, aucun écologiste n’a prêté attention à cette aventure exemplaire, ne serait-ce que pour m’aider à surmonter la déception. Plus curieux encore, personne ne s’y est intéressé depuis !
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Une dynamique politique oubliée
Ce groupe de la Semaine de la Terre, était-ce les premiers pas de ce qui est nommé maintenant : « écologie politique » ?
- Pas du tout ! Tout d’abord, les premiers pas avaient été faits bien avant nous par ceux dont on a une trace historique, et encore bien avant, car l’élan qui nous animait est au moins aussi ancien que notre famille biologique étendue, aussi ancien que la formation des premiers sentiments.
- Non, encore, parce que l’expression « écologie politique » recouvre des formes dévoyées et dégénérées, politiciennes et non politiques, que nous voulions prévenir (la confiscation et la capitalisation des pouvoirs d’être et de faire), et dont nous allions devoir combattre les prémices.
- Non parce que nous (et ceux qui nous ont précédé) voulions voir s’épanouir une conscience en mouvement pour accoucher une civilisation conviviale – une dynamique comparable à celle voulue par les acteurs du Mouvement Coopératif*. J’allais l’appeler écologisation (le Courrier de la Baleine n°6, mars 1974).
* « (…) tous ceux qui ont donné l’impulsion au mouvement coopératif et tous ceux qui à cette heure encore le soutiennent de leurs efforts et de leurs sympathies, sont des hommes qui ont vu dans la coopération une transformation, progressive sans doute, pacifique, cela va sans dire, mais radicale aussi de l’ordre social actuel. Pour tous ceux qui l’ont étudiée de près, la coopération est une nouvelle forme d’organisation industrielle tendant à se substituer à l’organisation actuelle : – Si elle n’est pas cela, elle n’est rien. », Charles Gide, L’Emancipation, octobre 1887.
- Non, enfin, parce que cette réduction – « l’écologie politique » – a été créée par le lobby de la globalisation capitaliste, justement pour amollir, tromper et détourner la conscience qui grandissait. Dans notre révolte et nos projets, pas de spoliation-capitalisation des pouvoirs des hiérarchies politiciennes, mais beaucoup beaucoup de politique – le politique entre les mains de chacun et de tous, ensemble, comme une dynamique holistique.
Après la Semaine de la Terre, le groupe est devenu plus nombreux et a continué à informer et à débattre en se réunissant au moins chaque semaine dans un local prêté par Études et Chantiers. C’est vraiment là que, à la faveur des multiples apports d’information et débats, nous sommes passés d’une version incisive de la protection de la nature au projet alternatif au système capitaliste dominant. En particulier avec Hervé le Nestour, Jean Detton, Henri Charnay… ensemble, en contribuant chacun et en débattant passionnément, nous découvrîmes la nouvelle grille de lecture du monde avant même que Henri Laborit ne la dévoile. Joints aux connaissances sensibles acquises durant les années de protection de la nature, ces éclairages confirmèrent et radicalisèrent la philosophie politique et le projet alternatifs à ceux du système dominant. Quarante ans plus tard, en écoutant ceux qui, ayant accès aux media, se présentent comme écologistes, j’ai l’impression de rajeunir d’un coup et de revenir à l’époque de la Semaine de la Terre ! Beaucoup, et pas des moindres, semblent découvrir ce dont nous débattions dans les années 1970. Au tout début des années 1970. Témoignage de la régression due à la censure qui a été appliquée aux anciens.
Période fertile où un appel à la dénonciation des menaces contre la vie, et à la mutation de la civilisation, faisait pleuvoir des bonnes volontés et des compétences.
Période heureuse où tout était encore possible.
Malheureusement, tous ceux qui vinrent à nous ne furent pas aussi intéressants. A la rentrée 1971, un journaliste du Nouvel Observateur, Alain Hervé, nous invita à rejoindre la toute jeune structure – Les Amis de la Terre – qu’il venait de créer en extension de l’association étatsunienne Friends of the Earth. Nous n’aurions pas dû l’écouter.
37 ans après la Semaine de la Terre à laquelle il avait assisté, Alain Hervé semble avoir perdu la mémoire puisque, dans un papier paru au printemps 2008, il invente une autre histoire, avec d’autres personnages. Une histoire qui, comme par hasard, oublie complètement le mouvement social pour lui substituer un salon mondain tout à fait en phase avec les réseaux dominants qui ont grandement facilité le renforcement du capitalisme. Il est vrai que, dans les papiers à l’en-tête des Amis de la Terre de l’époque, la Semaine de la Terre n’apparaissait pas, et la plupart des personnes auxquelles il est attribué une fonction dans l’association nous étaient inconnues (?).
Parmi les curiosités, la revendication d’avoir fait, en 1973, la première publication écologiste, « avant La Gueule ouverte de Fournier« . Sauf que cette dernière est née durant le quatrième trimestre 1972, comme l’Agence de Presse Réhabilitation Ecologique avec son bulletin et la revue Ecologie. Au moins. De même, la pensée écologiste était beaucoup mieux représentée, et depuis plus longtemps, par Fournier et Cavanna dans Charlie Hebdo que par un Nouvel Observateur tout acquis au réformisme dans le cadre capitaliste, et au productivisme depuis 1964 (il s’inscrivait dans la « troisième voie » qui allait donner la « deuxième gauche« , avant quelques autres avatars ouvertement pro-capitalistes).
(L’écologie est-elle née en 1968 ?, L’Ecologiste n°25, printemps 2008).
Mais nous avons déjà vu, avec la présentation de Jean Carlier, que Alain Hervé participait à un obscur réseau d’influence organisé par le capitalisme pour « réguler » les écologistes… Obscur ? Plus précisément, aussi dissimulé que puissant.
Pierre Fournier avait parlé de la Semaine de la Terre dans Charlie Hebdo (La Gueule Ouverte n’était pas encore née). On en trouve trace dans Fournier précurseur de l’écologie, de Patrick Gominet et Danielle Fournier, Les Cahiers dessinés, page 149 et 150.
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Les tracts
Un tract annonçant la Semaine de la Terre commençait, en première page, par les encouragements d’un diable rigolard :
C’EST BIEN,
C’EST TRÈS BIEN…
VOUS ÊTES DANS LA BONNE VOIE !
IL FAUT PERSÉVÉRER :
Continuez à couvrir la Terre de votre progéniture, il y a encore de la place et quand, demain, il n’y en aura plus, on en fera…
Continuez à multiplier les tas d’ordures, êtes-vous sûr d’avoir tout souillé ?
Continuez à détruire, il reste des animaux libres, des plantes non piétinées, des hommes « primitifs », des paysages intacts…
Continuez à polluer, peut-être y a-t-il encore des ruisseaux, de lopins de terre, des aliments non corrompus…
Continuez à vous abrutir dans les mille joies de la « vie moderne »
ENCORE UN PETIT EFFORT
Consommez le plus possible
Encouragez le gaspillage des ressources naturelles
Construisez, construisez n’importe quoi : des clapiers à citadins, des résidences secondaires, des autoroutes, par exemple
Arrachez la végétation, détruisez les tourbières, recouvrez la mer de pétrole, il y a trop d’oxygène
Déboisez, comblez les marécages, stabilisez les berges des rivières, il n’y a pas assez d’inondations
etc.
Travaillez à la PROSPÉRITÉ et à l’AVENIR
avec un dessin de François Feer
l’autre côté du tract était plus sérieux :
Êtes-vous fous ?
Tout croule autour de nous : le raz de marée démographique dévore l’espace et charrie la violence, l’économie de la civilisation industrielle dilapide les ressources naturelles, les pollutions se multiplient et leurs effets se conjuguent, les mauvaises pratiques agricoles dégradent les sols, la Vie sauvage s’éteint, les régions les plus lointaines sont bouffées par le béton et le macadam, les rivages de vos vacances se couvrent de pétrole et d’emballages en plastique, vos villes deviennent des centres d’élevage industriel, la « vie moderne » abrutit les âmes et broie les corps…
Sortez de votre torpeur
Citadins, regardez le ciel quand aucun nuage ne le trouble, il est crasseux, tout gris de poussières et de fumées, c’est le ciel que vous trouverez bientôt à la campagne et même au bord de mer…
refusez le cauchemar
IL N’Y A PAS DE PLANÈTE DE RECHANGE
ce que nous voulons :
une population stable
une économie de recyclage des produits usés
le développement de l’exploitation de l’énergie solaire
le remplacement des pesticides chimiques par les moyens biologiques de lutte contre les parasites
des produits agricoles de qualité
la protection intégrale des espèces animales et végétales
la disparition des moteurs à combustion
l’arrêt de l’urbanisation désordonnée
une architecture de qualité et un urbanisme à la mesure de l’homme
du 2 au 9 mai 1971
SEMAINE DE LA TERRE
Joignez-vous au Comité d’Organisation de la Semaine de la Terre
Venez le mardi soir 19H : 63, rue de Sèvres – Paris VIème – métro Sèvres Babylone
Adresse postale : 63, rue de Sèvres – Paris Vième (Etudes et Chantiers)
POUR MENER A BIEN CETTE ENTREPRISE, VOS DONS SERONT LES BIENVENUS, MERCI
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36 ans plus tard, en 2017, Let’s Pollute nous rajeunit
C’est étonnant que nous en soyons toujours là ! Dans une situation comparable à celle de nos pires cauchemars de l’époque.
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Dans un autre tract, un patron grassouillet, lunettes design et gros cigare, avertissait :
NE VOUS LAISSEZ PAS ABUSER PAR LES RÉTROGRADES
Les pollutions existent, c’est vrai, mais il ne faut pas exagérer leur importance. En fait, ce n’est pas un problème grave, on s’en accommode fort bien, mais si ! Et puis ce sont des signes de prospérité, les sous-développés voudraient bien vivre dans un environnement pollué !
La surpopulation est un faux problème : il y a assez de sols inexploités pour nourrir 20 à 30 milliards d’hommes, peut-être plus… Les guerres ? Tout le monde sait qu’elles ont des origines exclusivement idéologiques.
Le massacre des indiens, la clochardisation des peuples primitifs, la disparition des animaux et végétaux sauvages sont des signes du recul de la barbarie devant la civilisation.
Ne vous inquiétez pas si les matières premières s’épuisent, on les remplacera par d’autres produits.
Qui ne se réjouirait de voir les mal-logés dans de luxueux appartements HLM grâce à « l’urbanisation désordonnée » ?
Toutes ces histoires autour de la qualité des aliments, des résidus de produits chimiques, ne sont que billevesées… La preuve : on vit plus vieux que jamais.
Aliénation ? Contraintes ? Angoisse ? Peuh !
Croyez-moi, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, l’opulence est pour demain
Changement de ton au verso :
IL N’Y A PAS DE PLANÈTE DE RECHANGE
Depuis quelques décennies, par son goût pour le jeu de l’apprenti sorcier, l’Homme prépare l’Apocalypse selon Saint Jean :
« Et il y eut de la grêle et du feu mêlés de sang, qui furent jetés sur la Terre ; et le tiers de laTerre fut brûlé, et le tiers des arbres fut brûlé, et toute herbe verte fut brûlée (…) le tiers des créatures qui étaient dans la mer et qui avaient vie mourut (…) le tiers des eaux fut changé en absinthe, et beaucoup d’hommes moururent par les eaux, parce qu’elles étaient devenues amères (…) le jour perdit un tiers de sa clarté, et la nuit de même (…) En ces jours-là, les hommes chercheront la mort, et ils la trouveront pas ; ils désireront mourir, et la mort fuira loin d’eux. »
Exagération ?
Non, les recherches scientifiques les plus récentes prouvent le bien-fondé des craintes que nous exprimons. Nous ne sommes qu’au B-A BA de l’étude de la Terre mais notre petit savoir nous permet de condamner la civilisation industrielle actuelle et la croissance démographique.
IL FAUT :
Enrayer la croissance de la population
Supprimer les déchets grâce à une économie de recyclage
Tendre vers la stabilité économique
Réduire la consommation d’énergie
Utiliser l’énergie solaire en remplacement de l’énergie atomique
Organiser l’urbanisation et opter pour une architecture de qualité
Une agriculture de qualité adaptée au milieu naturel
Substituer aux pesticides chimiques les méthodes biologiques de lutte contre les animaux et les végétaux indésirables en forts peuplements
Reboiser et, d’une manière générale, reconstituer les milieux naturels détruits et abandonnés
Encourager les agriculteurs à entretenir le patrimoine campagnard, les conseiller et les rémunérer en conséquence
Veiller à la conservation de toutes les formes animales et végétales
Respecter les peuples de civilisations « primitives » et leurs traditions. Ne pas chercher à tout prix à les « intégrer »
Parce que vous êtes conscient de vos responsabilités et que vous n’avez ni l’intention de vous suicider ni le désir de croupir sur un tas d’ordures, vous participerez à l’action de la Semaine de la Terre
du 2 au 9 mai 1971
SEMAINE DE LA TERRE
Joignez-vous au comité d’organisation de la Semaine de la Terre
Venez 33, rue Linné, Paris Vème – métro Jussieu – le mercredi soir 19 H
dessin de François Feer
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Avec le recul
A l’époque, dire simplement qu’entre les autres animaux et nous il n’y avait pas de rupture et que nous appartenions à la même évolution, provoquait sursauts, réactions de rejet et indignations. Souligner que les pollutions étaient dangereuses, et les destructions écologiques une menace pour tous, étonnait. Il faudra attendre plus de 40 ans pour que la pollution atmosphérique soit simplement reconnue dangereuse pour la santé !
« Les experts ont conclu qu’il existe des preuves suffisantes pour dire que l’exposition à la pollution de l’air extérieur provoque le cancer du poumon. Ils ont également noté une association positive avec un risque accru de cancer de la vessie » affirme le Centre International de Recherche sur le Cancer. Selon cet organisme qui dépend de l’OMS, 223.000 personnes sont décédées d’un cancer du poumon en lien avec la pollution de l’air en 2010. Ce sont les dernières données disponibles.
http://www.franceinfo.fr/monde/l-oms-classe-la-pollution-de-l-air-exterieur-comme-cancerigene-1180003-2013-10-17
Dans ces tracts, la figure d’un démon tiré d’un imaginaire ancien et l’évocation de l’Apocalypse selon Saint Jean peuvent, aujourd’hui, surprendre. Ils m’avaient été suggérés par la lecture de « La Danse avec le Diable » de Günther Schwab, fondateur de l’Union Mondiale pour la Protection de la Vie en 1958. Ce livre avait eu un grand retentissement dans les années soixante.
Présentation :
Le diable est un homme d’affaires prospère qui dirige le ministère de l’Extermination. Son programme ? Empoisonnement de l’air, pollution et gaspillage des eaux, dégénérescence de l’homme par l’alimentation dénaturée, le bruit, la course au standard de vie, l’abus de la chimie en médecine, en agriculture, l’augmentation de la radioactivité, et l’empoisonnement progressif des âmes par les images, etc.
Un journaliste américain, un technicien allemand, une jeune Française médecin et un poète suédois décident d’interviewer le « Prince de ce monde ».
Ce livre de Günther Schwab a été réédité par le Courrier du Livre en 2010
dessin de François Feer
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« On est bien récupérés !«
En effet, déjà dans des articles…
Pierre Fournier avait rendu compte de l’événement dans Charlie Hebdo et avait même repris le texte d’un autre tract de la Semaine de la Terre :
Charlie Hebdo n°26, 17 mai 1971
« On me paye pour que je m’exprime, alors je m’exprime«
Monsieur Jean-Paul Sartre sort avec un groupe d’amis du café le Saint Séverin, boulevard Saint Michel, et s’engouffre dans un taxi. Le feu est au rouge et le taxi bloqué, Mouna se précipite et s’agrippe à la portière.
« Monsieur Jean-Paul Sartre, que pensez-vous de la pollution ?«
Monsieur Jean-Paul Sartre baisse le nez et ne dit rien.
« Monsieur Jean-Paul Sartre, je vous cause ! Que pensez-vous de la pollution ?«
Monsieur Jean-Paul Sartre ne dit toujours rien. Le taxi démarre. « J’ai 15 témoins ! Dit Mouna, Monsieur Jean-Paul Sartre n’a rien à dire sur la pollution ! »
Monsieur Jean-Paul Sartre est un spécialiste des attitudes courageuses. Une attitude n’est courageuse qu’à la condition qu’il existe déjà un public suffisant, et suffisamment averti, pour constater ce courage. Sinon, elle est simplement conne ou dingue. Monsieur Jean-Paul Sartre ne veut avoir l’air ni d’un con, ni d’un dingue. Il a choisi son public et, depuis, lui court après. Monsieur Jean-Paul Sartre a consacré sa vie à n’avoir pas l’air d’un vieux con. Le malheur est que plus il avance en âge, plus il a l’air d’un vieux con. Il n’a pas encore compris pourquoi.
(…)
Ils ne prient pas tous dans la rue. La plupart, même, ne prient jamais nulle part, ce qui est regrettable. Mais ils ont tous quelque chose d’inquiétant dans le regard. Et dès qu’ils l’ouvrent on a compris. « Ma fille Catherine a 8 ans, dit Krassowsky, je lui ai imposé de vivre dans un monde qui va disparaître, si je ne me battais pas de toutes mes forces pour que ce monde survive je n’oserais pas la regarder dans les yeux. – Et moi, dit Mouna, j’ai pas d’enfant ! Et j’ai 60 berges… Vous parlez si je m’en branle de l’avenir ! Ça m’empêche pas de gueuler ! » Des fanatiques. Il y a des établissements où ça se soigne, ce genre d’obsession, où ça se soigne même très bien. Et c’est entièrement remboursé par la Sécurité sociale.
J’ai assisté à une « conférence » organisée par mes potes de la « Semaine de la Terre » à la Fac des Sciences [Jussieu], pauvre Fac des Sciences ! où ces deux-là faisaient rire un public complaisant. Ce qui est navrant c’est que des types sérieux s’y laissent prendre, un mec comme Paul-Emile Victor qu’est même gaulliste paraît-il, c’est dire, n’avait pas craint de venir s’asseoir à côté d’eux, raconter lui aussi des sornettes, expliquer comment et pourquoi il nous reste 25 ans pour agir, pas plus, avant que la situation devienne irréversible et que nous ne crevions comme des rats. Un mec comme Barjavel qu’écrit dans France-Soir pourtant, cherchant sans doute à flatter son auditoire, a dit aux quatre pelés et un tondu présents ce soir-là : « Vous n’êtes qu’une poignée mais cette réunion est un événement plus important que le vol de Monsieur Pompidou demain sur le Concorde !« . Enorme. Et ça marche. Lucien Barnier devait venir, il est pas venu, il a dû bien peser le pour et le contre, ça vaut le coup de se mouiller ou pas ? Finalement ça vaut pas le coup. Depuis quelque temps ce chantre patenté du progrès salvateur et rédempteur sent que le vent tourne, il prépare sa reconversion, il donne des gages à droite et à gauche (…)
Mouna n’a pas interrogé qu’un philosophe de réputation mondiale, il a aussi interrogé les gens de la rue. Une dame a cru qu’il travaillait pour Monsieur Poujade : « Oh ! Moi je ne me plains pas, je suis très bien logée !« . Un monsieur a tout de suite vu à qui il avait affaire : « Con mystique !« .
Ils m’ont fait venir à la tribune, les vaches, et même ils m’ont posé une question, ya bien fallu que je réponde : « Monsieur Fournier de Charlie Hebdo, voyez-vous des possibilités d’actions concrètes ?« , c’était une perche, je l’ai saisie, j’ai enfourché mon dada, j’ai bafouillé qu’il fallait gueuler contre les centrales nucléaires, j’ai dit que j’étais pas l’obsédé de l’atome mais que j’avais choisi plus précisément ce thème-là parce que c’est le truc le plus énorme, le plus évident, le plus ignoré du public et le moins soupçonnable, sauf de la part du plus borné des marxistes et encore (quoiqu’il faille s’attendre à tout de la part du mec qui a reçu une bonne formation dialectique), d’être un moyen de récupération, de diversion, de mystification, merde, de tout ce que vous voudrez. Mourir c’est pas grave, mais ce qu’on voudrait pas c’est avoir l’air idiot, hein, c’est ça votre problème jeunomme ? J’ai regretté qu’il suffise de deux jours pour envoyer 40 000 connards jeter des oeillets sur une tombe oùsqu’on a chié dessus, et qu’il faille six mois de travail acharné pour en réunir 1 100 afin de protester contre une installation industrielle qui nous chiera directement dans la gueule à tous. Et puis, j’ai plus rien dit, j’ai même pas fini ma phrase, c’est Krassowsky qu’est venu à mon secours, qu’a trouvé le mot que je cherchais. J’aime pas causer. Ca m’emmerde encore plus que d’écrire.
(…)
On va révolutionner la révolution. Afin de ne plus mourir pour la révolution, on fera la révolution pour vivre, on vivra la révolution, on vivra. Ya plus que ça qui soit encore révolutionnaire. Vivre. Vivre. Enfin, on essaiera sans trop d’illusions. Avant que suffisamment de tous ces cons aient un peu compris ça qu’on leur explique, et la portée du truc, on a le temps de crever cent fois. Pour freiner la dégradation de l’environnement, il faudrait passer par un bouleversement fondamental et radical des mentalités. Or, il faut plusieurs siècles pour changer les bases de réflexion des hommes, et 25 ans suffiront pour que la dégradation de l’environnement devienne irréversible. C’est foutu. Mes petits potes du Comité d’Organisation de la Semaine de la Terre le savent bien mais, disent-ils, « On s’en fout ! Nous, on veut vivre ! Vivre !« . « Je veux vivre et que ça leur fasse envie ! » écrit un lecteur (…)
La « Fête de la Terre » fut un four total, Charlie Hebdo y a bien drainé le tiers des participants, « On vous fait vachement confiance, à vous les mecs de l’Hebdo, c’est comme quand Delfeil conseille un spectacle, on y fonce. Ca te fout la trouille, hein ? – Oui, j’avoue…« . J’en causerai peut-être la semaine prochaine, ça m’a inspiré de salutaires réflexions sur, non pas les limites de la non-violence, mais ses difficultés. Il me semble aussi que Lanza del Vasto nous a silencieusement donné une bonne leçon de non-violence véritable. C’est un art, et pas facile. Mouna aussi, dans un autre style. Si vous y étiez, dites-moi ce que vous en pensez.
Le 22 avril 70, les campus américains avaient organisé, dans tous les Etats-Unis, l’Earth Day, mouvement de protestation et de réflexion sur la survie de l’homme et de la nature.
Pour affirmer que la crise de l’environnement est au moins aussi grave en Europe, la Fédération Internationale de la Jeunesse pour l’Etude et la Conservation de l’Environnement a pris l’initiative de promouvoir du 1er au 6 juin 1971 la Semaine Internationale de la Terre. La Suède, la Finlande, les Pays-Bas, le Danemark et la Suisse sont en train de la préparer. Il y aura quelque chose en France le 6 juin paraît-il.
« Tu peux dire qu’on est un groupe informel de jeunes en liaison avec cette Fédération. On a voulu profiter de la Quinzaine de l’Environnement pour gueuler, avec un mois d’avance contre la technocratie, la connerie, le profit. Essayer surtout de faire comprendre que, sans remise en cause des structures, toute protection de l’environnement est condamnée à l’échec à long terme. Tu peux dire qu’on bosse avec Jeunes et Nature et Les Amis de la terre.«
« On est bien récupérés ! » France-Soir les a montrés curant la Fontaine Saint-Michel mais a laissé croire qu’ils le faisaient sur la « recommandation de la Préfecture de Paris« , sur ordre de Poujade en somme, des sortes de CDR, quoi. La télé régionale alsacienne a bien montré, le 13 avril, le défilé de Fessenheim sans préciser que les mecs avaient manifesté CONTRE la Centrale ! Lisez Charlie Hebdo, la seule télé qui vous prenne pas pour des cons.
« Je vois que des bourgeois ici ! C’est avec ceux-là que tu veux faire la révolution ? » Oui, en attendant que d’autres les rejoignent. Les « révolutionnaires » sont trop occupés, ils font caca sur la tombe à Momo, on peut pas tout faire.
C’est parce qu’il est con de laisser leur monopole aux boys-scouts en ce domaine qu’on peut sans déchoir adhérer par exemple à « Jeunes et Nature », émanation de la Société nationale pour la protection de la Nature, qui tend à conquérir son indépendance dans le cadre de la Fédération nationale des sociétés pour la protection de la Nature.
« Les Amis de la Terre » sont la branche française des « Friends of the Earth » qui ont obtenu, aux Etats-Unis, la suspension du projet S.S.T., ainsi que du projet de pipe-line à pétrole à travers l’Alaska, qui aurait démoli tout l’écosystème du Grand Nord, et de quelques projets de centrales nucléaires. C’est de leur exemple qu’est né le CSFR.
Pierre Fournier
« Jeunes et Nature », 129, boulevard Saint Germain (6è).
« Les Amis de la Terre », 25, Quai Voltaire (7è).
Il n’y a pas de planète de rechange.
dessin de François Feer
MAIS PLUS POUR LONGTEMPS
Nous cédons la parole à nos camarades du Comité d’Organisation de la Semaine de la Terre. C’est un tract.
Recto.
Quelques ballons à dégonfler
Le mythe que la nature sauvage n’est nécessaire qu’à quelques rustres originaux.
Le mythe que les ingénieurs peuvent calculer, planifier et imposer le bien-être de chacun à tout le monde.
Le mythe que la nature est faite pour être dominée, maîtrisée, conquise et asservie par l’Homme et pour l’Homme.
Le mythe que la nature est inépuisable et infiniment prodigue pour les caprices d’une exploitation économique forcenée.
Le mythe que la nature pourra être protégée efficacement dans un système économique basé sur le profit, l’expansion et la concurrence.
Le mythe que l’homme sera plus heureux et plus libre dans un monde entièrement gadgétisé, robotisé et artificiel.
Le mythe que les mesures anodines et timorées des gouvernements contre les pollutions suffiront à enrayer la crise mondiale de la dégradation de la biosphère.
Le mythe que la France avec ses 50 millions d’habitants est sous-peuplée alors que la saturation des zones urbaines est déjà cause de maladies mentales.
Le mythe que la réalisation d’un couloir urbain continu dans toute la Basse Vallée de la Seine, de Paris au Havre, sera un progrès réel dans nos conditions de vie.
Le mythe que la construction de logements et de moyens de transports résoudra la crise urbaine dans un monde déjà surpeuplé.
Le mythe que la solution miracle des problèmes énergétiques est dans le développement des centrales nucléaires, et l’utilisation « pacifique » de l’énergie nucléaire (pollution radioactive de l’air, de l’eau, du sol et des chaînes alimentaires).
Le mythe que l’individu ne peut rien faire contre les pollutions et contre les destructions du milieu naturel.
Le mythe que la Planète Terre peut supporter une croissance démographique illimitée sans le saccage et l’épuisement définitif de ses ressources naturelles.
Le mythe que la gloire suprême pour une nation et le secret du bonheur sont dans la prospérité économique, dans les autoroutes à 24 voies, les métro express régionaux, les steppes culturales de la Beauce, les aérotrains et le confort-air-conditionné de tout un peuple d’automates en complets-vestons.
Le mythe que la lutte contre les pollutions et pour la protection de l’environnement est une réforme du système capitaliste alors qu’elle exige, bien au-delà, une transformation radicale de la civilisation industrielle sur des bases de non-expansion et de survie.
Au verso :
Quelques petits trucs à savoir
La population mondiale augmente de 200 000 individus par jour.
Autrement dit, de 70 millions d’individus par an.
Les 3,8 milliards seront 7 milliards dans trente ans.
Chaque année dans le monde une espèce animale disparaît définitivement.
Les terres érodées couvrent 700 millions d’hectares à travers le monde, soit la moitié des terres cultivées.
En France, 5 millions d’hectares de terres cultivées sont sous la menace de l’érosion.
Il suffit de quelques mois pour détruire un sol arable mais il faut 500 ans pour le créer.
Un quotidien tirant à 100 000 exemplaires nécessite un accroissement annuel de deux hectares de forêt.
Chaque année, en France, les incendies détruisent 30 000 hectares de forêt.
A Paris, 1 m2 d’espace vert par habitant. Avec les nouveaux parkings moins encore.
Par an, le béton dévore en France le cinquième d’un département.
Chaque année, la quantité de déchets augmente dans le monde de de 13%.
(…)
Chaque année, il y a 300 000 épaves de voitures en plus.
Et ainsi de suite.
Merci de votre attention.
Fournier
mai 1971 dans Charlie Hebdo
dessin de François Feer
« (…) et puis après il y a eu un autre phénomène qui s’est mis en place un certain camarade Alain Claude a fait une manifestation Bd St Michel avec un masque à gaz, c’était la première manifestation avec un masque à gaz… c’était la première fois qu’on manifestait dans la rue avec un masque à gaz et après…« , Pierre Merejkowsky, film « Il était une fois l’écologie« , 2010.
.
Avec quelques dizaines d’années de recul…
Mouna m’avait lui-même raconté l’histoire de son interpellation de Jean-Paul Sartre, et l’esquive péteuse du grand philosophe engagé devant une question toute simple sur l’un des problèmes majeurs de son époque. Si, parallèlement, Sartre n’avait pas frayé avec des gauchistes tout à fait totalitaires qui n’allaient pas tarder à cogner les alternatifs que nous étions, j’aurais sans doute oublié l’épisode, Mais, voilà, il s’était rangé aux côtés de quelques-uns des plus remarquables ennemis de l’alternative. À moins qu’il en ait été otage.
Fournier était souvent clairvoyant, mais pourquoi a-t-il écrit qu’il n’y avait que « quatre pelés et un tondu » par ci, que « la Fête de la Terre fut un four total » par là, et encore : « La Semaine de la Terre, improvisée sans moyens par des francs-tireurs, ne pouvait pas ne pas foirer » (dans le n°28 du 31 mai). Très étonnant. Sûr que nous n’avions pas les moyens du Earth Day 1970, ni une parcelle de ses puissants soutiens (car il n’avait pas été organisé par « les campus américains« ) ! Comme si une telle expression sans concession avait pu être générée par des gens installés dans le système dont les déprédations nous alarmaient ! Heureusement qu’il nous considérait comme ses « potes« … Pourquoi ce goût du dénigrement, surtout chez un supposé proche ? Pour nous qui étions partis de rien et avions dû ramer et surpasser beaucoup de difficultés, les rassemblements de la Semaine de la Terre, qui avaient réuni tant de gens différents dans un même espoir, c’était, tout au contraire, le début d’une histoire prometteuse qui s’affirmait avec chaque nouvelle rencontre. Les premiers pas d’un mouvement de fond. Mais, cela, Fournier ne pouvait pas le savoir puisqu’il n’a pas communiqué avec nous. Il est venu et il est parti très vite, sans même que l’on puisse lui parler directement. Cela avait été une grande déception.
Fournier avait bien vu la manipulation de l’information, passée par France-Soir, pour nous effacer en attribuant la paternité de l’une de nos performances à la Préfecture de Paris ! Mais il n’avait pas compris qu’il était lui-même utilisé pour propager de fausses informations allant dans le même sens. Ainsi quand il attribue à Georges Krassovsky le texte du tract de la Semaine de la Terre « Ne vous laissez pas abuser par les rétrogrades » *, qu’il cite dans « Concierges de tous les pays, unissez-vous » (Charlie n°28 du 31 mai) : Krassovsky n’y était pour rien. Georges n’avait pas participé à la préparation de la Semaine de la Terre. Et pour cause, nous ne nous sommes rencontrés que lors de la première manifestation (au Bois de Boulogne, celle de la photo).
* j’étais pour beaucoup dans l’élaboration des tracts
De même, en contradiction avec le manque de « moyens« , souligné comme un lourd handicap, et le compliment sur les « francs-tireurs » (en effet), il fait curieusement le lien entre nous et une très énigmatique « Fédération internationale de la Jeunesse pour l’étude et la conservation de l’environnement » que nous ne connaissions pas. De même, le « Tu peux dire qu’on bosse avec Jeunes et Nature et Les Amis de la terre » est très étonnant. Jeunes et Nature venait de nous exclure pour engagement trop politique (on osait sortir dans la rue pour faire des remises en cause culturelles et politiques). À JeN, on pouvait être naturaliste, mais pas écologiste ! Quant aux « Amis de la terre« , nous n’en connaissions que le nom. D’où Fournier tenait-il cela ? Qui lui avait soufflé ces fausses informations ? C’était évidemment pour minimiser la Semaine de la Terre, pour masquer le mouvement qui réussissait enfin à s’exprimer. Et cette énigmatique « fédération de la jeunesse » était à la manoeuvre pour nous dissimuler derrière Jeunes et Nature et les Amis de la Terre… Nous découvrions déjà la stratégie de l’effacement et de la substitution qui se prolonge aujourd’hui encore.
Fournier était abusé. Même lui ! Qui lui avait raconté ces fables ? Peut-être ceux qui avaient invité Fournier sans que je le sache (moi et quelques autres)… Ces sympathiques et coopératifs compagnons avaient même dîné avec lui avant de l’amener à la soirée ! Peut-être est-ce à cette occasion qu’ils lui avaient raconté tous ces bobards. Ils manipulaient celui-ci, complotaient contre les autres et le mouvement, sans rien laisser paraître. Il me faudra attendre 20 ans avant de découvrir leurs liens étroits avec des membres du « collège invisible » peuplé des « têtes pensantes de l’écologisme« (sic), un réseau stay-behind constitué spécialement pour stopper l’élan écologiste !
Beaucoup plus tard, la découverte de la participation d’au moins un membre de Jeunes et Nature à des rencontres organisées, en 1971, par une International Youth Federation for Environmental Studies and Conservation (IYF) – tiens donc ! – au Canada et en Suisse, permettra de commencer à lever le voile sur une si discrète organisation. Celle-ci ne devait pas rôder dans les coulisses pour stimuler les alertes et les alternatives. Il devait bien plutôt s’agir de contrôle et de malfaisance. D’ailleurs, le coureur de « rencontres » internationales n’était autre que celui qui avait définitivement gâché les conférences-débats écologistes commencées durant l’été 70* ! Amateur des unes et gâcheur des autres, comme c’est bizarre. Donc, vu la familiarité du personnage avec cette fédération « de la jeunesse » inconnue de nous, il était probablement l’un de ceux qui avaient soufflé des informations toxiques à Fournier. Comme dans un drame florentin !
* Voir plus haut, le saccage des conférences-débat au Club Méditerranée.
Nous avions réussi à sortir de l’anonymat pour tendre la main aux éveillés, aux informés, aux indignés, aux bonnes volontés. Alors, pourquoi Fournier ne l’a-t-il pas saisie, ni les autres de l’équipe de Charlie Hebdo ? Nous espérions beaucoup de la bande de Charlie Hebdo – Fournier en témoigne lui-même – comme de toutes les nouvelles connaissances. Pas de l’argent, bien sûr. Nous espérions de l’échange d’information, du débat, de l’appui mutuel… seulement une participation au mouvement qu’ils disaient souhaiter. Quelques contacts auraient suffit pour entretenir la dynamique et prévenir les manipulations qui nous visaient. Et… Eh bien, rien. Pas de retour d’ascenseur : en retour, Fournier ne nous a pas donné la parole. Il n’allait même pas nous inviter aux événements dont il allait prendre l’initiative. Pas une rencontre. Pas d’écoute. Pas le moindre coup de main. Pas même une poignée de main ! Pas d’interaction. Les Charlie ont fait de la copie pour leur journal et ne nous ont rien apporté. Ni curiosité ni empathie. Ils (Fournier compris) paraissaient ne pas se situer dans l’esprit de complémentarité et d’interrelation constructive, de réciprocité, qui était le nôtre. C’est d’autant plus curieux que lui, Fournier, bénéficiait de l’appui sans faille de Cavanna et Choron.
Si quelque chose a « foiré« , c’est bien cela : le coup de main entre complémentaires. Manque de temps, peut-être… Devant faire face de tous côtés, à la différence des entristes qui exerçaient là leur métier à plein temps, nous manquions tous de temps. A peine esquissée, la relation s’est éteinte, à notre grand regret. Comme avec Grothendieck, cette non-communication opposée par ceux avec lesquels nous avions le plus de culture et d’intelligence commune a lourdement pesé dans la suite des événements. C’est ce qui a laissé le champ libre aux ennemis de l’alerte écologiste – très précisément : de toute alternative au néo-capitalisme en conquête mondiale. Car ceux-là, très aimables, se précipitaient pour – disaient-ils – nous aider ! Fournier, qui avait été abusé sur l’origine de la Semaine de la Terre, a sans doute été manipulé par ces gens-là (comme nous). Ces ratages en chaîne témoignent de l’efficacité de leurs manoeuvres de dissociation. Quelques dizaines d’années plus tard, la découverte du « collège invisible de l’écologisme » rassemblant tous ces beaux personnages permettra d’étayer les soupçons de l’époque en donnant chair aux indications contenues dans l’article de Bernard Charbonneau paru en juillet 1974 dans La Gueule Ouverte :
L’association Études et Chantiers, qui a beaucoup aidé le mouvement alternatif débutant de façon désintéressée, existe toujours. Son site national :
http://www.unarec.org/index.php
http://www.youtube.com/watch?v=sGEwR1yt5kQ
Index des personnes
Raymond Aron
Joan Baez (Sacco e Vanzetti sur la musique de Ennio Morricone)
Geneviève Baïlac
René Barjavel
Lucien Barnier
Malik Bendjelloul
Christian Bertaux
Alain Bombard
Jean Carlier
Cavanna
Bernard Charbonneau
Henri Charnay
Choron
Darwin
Delfeil de Ton
Philippe Douroux
Jacques Delors
Jean Detton
François Feer
Léo Ferré
Solange Fernex
Jean-Luc Fessard
Danielle Fournier
Pierre Fournier
Alain-Claude Galtié
Charles Gide
Patrick Gominet
Pierre Grémion
Michel Gresse
Jacques Grinevald
Alexandre Grothendieck
Robert Hainard
Johnny Hallyday
Jimi Hendrix
Alain Hervé
Ivan Illich
Janis Joplin
Georges Krassovsky
Edouard Kressmann
Henri Laborit
Brice Lalonde
Jacques Lanzmann
Philippe Lebreton
Daniel Louradour
Don McLean
Yann et Isabelle Messiez
Chantal Messiez
Igor Muchins
Michel Mahulot
Vincent Ménager
Jean Meningand
Pierre Merejkowsky
Roland de Miller
Jean et Hélène Monteil
Jim Morrison
Aguigui Mouna
André Naegelen
Arne Naess
Hervé le Nestour
Pierre Pellerin
Armand Petitjean
Catherine Aira et Yves le Pestipon
Poujade
Sixto Diaz Rodriguez
Jean Rostand
Denis de Rougemont (Congrès pour la Liberté de la Culture)
Günther Schwab
Michel Séné
Cat Stevens
Jean-Paul Sartre
Max Tourtois
Lanza del Vasto
Paul-Emile Victor
Antoine Waechter
Michel Weber
Donald Worster
.
Index des organisations et appellations
Jeunes et Nature
Etudes et Chantiers
la nouvelle gauche écologiste
Les Amis de la Terre
Earth Day d’avril 1970
FFSPN (Fédération Française des Sociétés de Protection de la Nature)
Museum d’Histoire Naturelle
Association des Journalistes et Ecrivains pour la Protection de la Nature
RTL
Diogène (« collège invisible de l’écologisme »)
Ecoropa
Congrès pour la Liberté de la Culture (CCF)
Charlie Hebdo
La Gueule Ouverte
Combat pour l’Homme
La Vie des Bêtes,
Communautés de l’Arche
the New Left
Société Internationale de Cybernétique
Survivre et Vivre
« croissance marchande » (PSU)
Friends of the Earth
Agence de Presse Réhabilitation Ecologique
revue Ecologie
Nouvel Observateur
la « troisième voie »
la « deuxième gauche »
the deep ecology
« écologie politique »
Let’s Pollute
Union Mondiale pour la Protection de la Vie
Fédération Internationale de la Jeunesse pour l’Etude et la Conservation de l’Environnement
Quinzaine de l’Environnement