des films et des expériences, 2013 – 2023
des films et des expériences, 2013 – 2023
Les algues vertes de Pierre Jolivet et Inès Léraud
La fracture de Catherine Corsini
Les illusions perdues de
Honeyland de Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov
Dark Waters, de Todd Haynes
Adults in the room, un film de Costa Gavras
Ad Astra, de James Gray
Never Grow Old, de Ivan Cavanagh
L’affaire Pasolini
Lazzaro Felice di Alice Rohrwacher
Les âmes mortes, de Wang Bing
Hostiles, de Scott Cooper
La Forme de l’eau – The Shape of Water, de Guillermo del Toro
Il figlio (Manuel), de Dario Albertini
The Ride, de Stéphanie Gillard
L’Empereur, film de Luc Jacquet
Moi, Daniel Blake, de Ken Loach
L’Olivier, de Iciar Bollain
Cavanna, jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai, de Denis et Nina Robert
Le dernier loup, de Jean-Jacques Annaud
Le prix à payer, de Harold Crooks
Loin des hommes, de David Oelhoffen
Le sel de la Terre
A la recherche de Vivian Maier, de Charlie Siskel et John Maloof
Résistance naturelle, de Jonathan Nossiter
La Ligne de partage des eaux, de Dominique Marchais
La grande bellezza
Il était une forêt, de Luc Jacquet
The act of killing, de Joshua Oppenheimer
Hannah Arendt, de Margarethe von Trotta
Promised land, de Gus Van Sant
Searching for Sugar Man, de Malik Bendjelloul
Des abeilles et des hommes, de Markus Imhoof
Le grand retournement de Gérard Mordillat
Après Mai de Olivier Assayas
Khaos film de Ana Dumitrescu
La petite Venise (Io sono Li) de Andrea Segre
Terra ferma de Emanuelle Crialese
Le fossé de Wang Bing
38 témoins de Lucas Belvaux
Bovines
Cheval de guerre de Steven Spielberg
Fengming, chronique d’une femme chinoise, documentaire de Wang Bing
My land de Nabil Ayouch
Félins de Keith Scholey et Alastair Fothergill
juillet août 2023
Les algues vertes
de Pierre Jolivet et Inès Léraud
« Le mécanisme des prix, dans le domaine agricole, comme dans tous les autres, tend à adapter constamment l’offre à la demande. Mais, puisque, dans le secteur agricole, il devra, presque en permanence, repousser vers des activités industrielles les éléments de main-d‘oeuvre agricole en excédent, son action à sens unique tendra constamment à déprimer les revenus agricoles pour les maintenir au-dessous des revenus industriels. »
Intervention de Georges Bonnet citant Jacques Rueff à la tribune de l’Assemblée Nationale, séance du 23 octobre 1959 (Journal Officiel, samedi 24 Octobre 1959, page 1945 du compte-rendu).
Les éléments de main-d’œuvre et les obstacles étant des personnes, des travailleurs, des métiers, des populations ! Sans oublier les écosystèmes. Pour les obtus de la croissance à courte vue, les bosquets, les haies, les talus, les chemins, les cours d’eau et leurs ripisylves, les zones humides… étaient aussi des « obstacles » à l’exploitation industrielle des campagnes, donc à « l’expansion économique« . La prospérité de quelques-uns allait être réalisée sur un charnier. C’est cette planification qui allait entraîner La fin des paysans (Henri Mendras, Armand Colin 1967).
Réalisé au détriment des paysans et des campagnes, le productivisme pour l’exportation sera soutenu par toute la Gauche et sa traîne de gauchistes germanopratins – comme l’essor de la « grande distribution » qui a parachevé la casse. Rocard et le Bureau National du PSU vendront la mèche en interrogeant les écologistes en 1974 : « Nous sommes, je crois, chers camarades d’accord sur l’essentiel d’une perspective commune utile à la croissance marchande« …
La pollution des terres bretonnes, des nappes phréatiques, des cours d’eau, de la mer, et les algues vertes et leurs émanations toxiques, sont l’un des brillants résultats de ces dizaines d’années de politiques méprisantes pour les hommes et le vivant. La perte de toute fierté, du sens du bien commun et la corruption généralisée en sont un autre.
https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=292652.html
nov. déc. 21
La fracture
de Catherine Corsini
Une comédie rythmée qui montre sans fard quelques tares bien de chez nous. La violence de l’affaiblissement de l’hôpital public et la brutalité accrue du pouvoir en réponse aux désarrois. Excellentes interprétations conduites avec humour et sensibilité.
sept 2020
de Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov
Elle marche dans une campagne immense comme elle chemine dans la vie : seule. Au village déserté, il n’y a que sa mère grabataire, un chien, des chats qui l’attendent. La nuit, les loups osent quelques visites. Là-haut passent les avions de ligne.
Elle connaît chaque recoin, chaque habitant, chacune des relations qui construisent le paysage et sont nécessaires à sa vie. Elle connaît particulièrement les abeilles auxquelles elle prélève le miel avec mesure, avec le souci de leur confort durant le long hiver.
Arrive une smala qui s’installe comme en pays conquis. Juste un couple, mais avec une ribambelle d’enfants et un nombreux troupeau. La campagne est vaste, mais les enfants s’ajoutent aux enfants. « Un enfant par an » se vante le père. « Les enfants c’est la richesse » lui répond son interlocuteur. Ces enfants sans contrôle, ce sont surtout des besoins d’argent croissants qui font tomber sous l’emprise d’un spéculateur et pousse à augmenter les productions jusqu’à la rupture écologique et sociale. Comme un condensé de la ruine générale créée par le système de la croissance marchande chérie par tous les irresponsables de la politique et de l’économie.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm-270321/critiques/spectateurs/recentes/
Dark Waters
de Todd Haynes, avec Mark Ruffalo (également producteur)
Parfaite représentation de l’infinie difficulté à défendre le bien commun contre le système mortifère. Un système, en effet, totalement corrompu et structuré par une culture qui n’appréhende le vivant que comme stock de marchandises potentielles et poubelle pour les résidus. A propos du Téflon, le sinistre polluant mis en vedette, un chimiste-chercheur français a tenté de lancer l’alerte en 1973 avec des Amis de la Terre dont j’étais. J’avais réuni une conférence de presse pour que les informations soient divulguées et commencer une action. Les quelques journalistes qui s’étaient déplacés n’ont pas fait beaucoup d’efforts pour soutenir l’alerte et nous nous sommes tous retrouvés impuissants. L’avocat qui a affronté Dupont a eu la chance d’être à peu près soutenu. C’est exceptionnel.
Adults in the room
film de Costa Gavras
avec Christos Loulis, Alexandros Bourdounis, Ullrich Tukur…
C’est le récit détaillé de l’assassinat économique et culturel de la Grèce par l’Europe de l’ultra-capitalisme libéré de toute régulation. On y voit toutes les vedettes connues, sans les masques qu’ils exhibent habituellement. Faux « travaillistes« , comme le président de l’Euro-Groupe (Jeroen Dijsselbloem), faux « socialistes » (comme Sapin et Macron, etc.). Si faux-jetons, si insensibles au bien commun, donc au vivant, voire mal-comprenants, que Wolfgang Schäuble, ministre allemand des finances, en paraît plus humain ! Une bande de prédateurs à la curée.
A voir absolument pour mieux déchiffrer le récit fleuri que l’on nous raconte, et deviner le sens des « réformes » indispensables faites pour notre bien.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Adults_in_the_Room
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=272251.html
Ad Astra
de James Gray
Des incohérences physiques (bruits dans l’espace, pesanteurs variables, etc.) et technologiques (big fusées à l’ancienne partout), sans même s’étendre sur une épouvantable expérimentation « animale » sur grands singes digne du XIXème siècle !
Et puis, surtout, des longueurs, des longueurs… pour peu de choses. Excepté le début, attente toujours déçue et ennui cosmique. La critique a encensé ce film et a totalement négligé, par exemple, Never Grow Old qui, à l’inverse de Ad Astra, est aussi dense que prenant.
Never Grow Old
de Ivan Cavanagh
Un aperçu sur la dégénérescence qui a suivi la colonisation sanglante de l’Amérique. Une action tendue entre brigands et fanatiques religieux encore plus noirs.
Aux origines d’une culture de violence et de prédation.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm-268293/critiques/spectateurs/
L’affaire Pasolini
film de David Grieco
Excellente synthèse qui révèle, corruptions après complicités, toxicités après avilissements, la structure du système où se mêlent et s’entremêlent tous les prédateurs des pouvoirs confisqués et capitalisés. Le film dévoile la longue préparation de l’assassinat de celui qui était un éveilleur, un lanceur d’alerte de la nouvelle gauche des sixties – ce mouvement qui, si on l’avait laissé vivre, nous aurait épargné les effondrements d’aujourd’hui. En effet, Pasolini avait tôt dénoncé le mercantilisme et la “società dei consumi”, c’est-à-dire le système de la croissance marchande qui, après avoir fait disparaître les lucioles sous une intense pollution, réussissait déjà à changer des hommes en zombies défilant au pas derrière des caddies de supermarchés : « (…) quand tous les paysans et les artisans seront morts, quand l’industrie aura fait tourner sans répit le cycle de la production et de la consommation, alors notre histoire sera finie » (La Rabbia, 1963).
Le nouveau fascisme capitaliste ne pouvait pas tolérer cela.
LAZZARO FELICE
di Alice Rohrwacher
C’est un voyage entre songe et réalité, entre beauté et sordide.
Pour ce voyage, le cicérone qui nous accompagne est un jeune homme doux et rêveur, en complet décalage avec la plupart des humains entraînés dans une spirale régressive. Dans la campagne reculée où il vit, tous exploitent sa gentillesse mais ne lui prêtent pas attention. Pour sa petite communauté villageoise (à peu près les seules personnes qu’il connaît), il est comme transparent, sans importance. Heureusement, il y a les loups !
Un seul, un étranger, le fils de la marquise venue en vacances, qui lui aussi est traité avec désinvolture, le trouve intéressant et lui parle.
Mais, d’un coup, la vie de Lazzaro bascule dans l’inconnu. Egalement la vie de sa communauté qui est déportée vers la grande ville. Après ? Ils étaient oubliés à la campagne. Dans la ville, ils sont aussitôt oubliés.
Du début à la fin, le cauchemar le dispute au songe. Mais, comme un bon vin, ce film est riche d’impressions subtiles. On ne l’oublie pas. Il est long en bouche.
Les âmes mortes
de Wang Bing
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19580512&cfilm=268260.html
Wang Bing nous revient avec film-fleuve sur les rescapés des camps de la mort de la Chine maoïste.
Hostiles
film de Scott Cooper
avec Christian Bale, Rosamund Pike, Wes Studi…
Fin du XIXème siècle, après la défaite des résistances autochtones et un saccage du continent déjà très avancé. Entre Nouveau Mexique et Montana, Hostiles nous plonge dans la violence de la colonisation de l’Amérique. Qu’a-t-elle fait des hommes qu’elle a emportés ? Encore n’est-ce qu’une partie de cette violence, car elle a aussi détruit la plupart des animaux et dévasté les écosystèmes. Cependant, la conscience peut réapparaître du milieu de la haine et de la douleur. Alors, la reconnaissance du partage d’une histoire tragique, sans issue, fait naître une nouvelle fraternité. Beaux moments qui sauvent du désespoir.
Mais la violence réduit aussi des têtes pour toujours, tels ces bornés défourailleurs dont on voit plusieurs descendants dans « America », un documentaire sur les Etats-Unis actuels, en ce moment sur les écrans. Combien ceux-là ont-ils détruit de vies, hier comme aujourd’hui où ils sont si nombreux qu’ils ont décidé de la politique du pays ?
Autre film actuel à voir en complément : « The Ride » (ci-dessous). Celui-ci suit le parcours initiatique de dizaines de jeunes cavaliers qui, aujourd’hui, conduisent leurs chevaux sur les traces de leurs ancêtres vers Wounded Knee, lieu du dernier massacre perpétré par l’armée coloniale.
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19576475&cfilm=245241.html
La Forme de l’eau – The Shape of Water
de Guillermo del Toro
Un être original, sorte d’humanoïde amphibien, est capturé en Amazonie par une brute étasunienne qui le jette dans un laboratoire militaire. L’être méritait un meilleur traitement. Dans son pays, les populations autochtones le considèrent comme un dieu. Il apparaît, en effet, comme une expression de la nature amazonienne, complexe, sensible et profonde. Trop pour ses geôliers.
Dans cet univers étriqué et obtus, totalitaire, l’arrivée de l’être étrange provoque des réactions révélatrices des caractères et des cultures. Une délicate et coquette femme de ménage muette, excellemment jouée, prête attention au prisonnier et entreprend de communiquer avec lui. Et s’éveillent les intelligences sensibles qui étouffaient sous la contrainte et le mépris. Les décors sont magnifiques.
Il figlio (Manuel)
film de Dario Albertini
avec Andrea Lattanzi, Francesca Antonelli, Giulia Gorietti
Pour un jeune élevé en centre d’éducation surveillée en semi-autonomie (1), la sortie est une grande aventure. Surtout quand il doit aider sa mère à reprendre pied. Un excellent acteur au service d’une histoire très sensible.
http://www.allocine.fr/recherche/?q=La+Repubblica+dei+ragazzi+
Manuel è un grande ragazzo che è cresciuto in un istituzione particolare : un centro dove bambini e ragassi sono insieme. Piu grandi sono responsabili di più piccoli. Tutti sono orfani, sono statti abandonnati o sono stati tolti dai loro genitori. Per Manuel l’uscita è una grande avventura, une avventura tanto più difficile perchè deve aiutare sua madre a ritrovare una vita normale.
(1) La Repubblica dei Ragazzi è una realtà multiforme che trova le sue origini nel 1945, nell’immediato dopo guerra, e che mantiene da sempre come primo obiettivo l’assistenza, la formazione e l’educazione della gioventù bisognosa attraverso il metodo educativo dell’autogoverno.
http://www.repubblicadeiragazzi.it/
The Ride
film de Stéphanie Gillard réalisé en 2016
film de Stéphanie Gillard réalisé en 2016
C’était à la fin du XIX siècle. Les colons européens avaient déjà dévasté l’Amérique du Nord au point de faire disparaître la plus grande partie des forêts et les espèces les plus nombreuses : bison, perruche des Carolines, pigeon migrateur, grand Pingouin, antilope américaine (Pronghorn), caribou… (1). Les peuples autochtones en étaient d’autant plus affaiblis.
Quatre ans et demi après la bataille de Little Bighorn, le 29 décembre 1890 à Wounded Knee, le pire de la civilisation occidentale massacre le clan Minneconjou Sioux conduit par Si Tanka (Big Foot). C’est une catastrophe pour la résistance amérindienne à l’occupant. La civilisation de ces peuples fiers allait être presque anéantie par les déracinements, les répressions, les conditions misérables de survie et le vol des enfants pour les reconditionner dans des lieux de torture morale et physique (2).
Aujourd’hui, dans les plaines glacées du South Dakota découpées par les barbelés de la colonisation et les routes goudronnées, des dizaines de jeunes cavaliers refont le dernier parcours de leurs ancêtres vers Wounded Knee. Avec la découverte des chevaux – magnifiques, c’est un chemin de la mémoire et de la culture ancestrale que les anciens leur ouvrent et commentent. Cette longue chevauchée méditative fait voyager dans l’histoire et retrouver le sens du bien commun. Comme la résistance au projet d’oléoduc des Grandes Plaines (3), elle témoigne d’une renaissance émouvante et prometteuse.
(1) L’anéantissement du Pigeon migrateur américain (Ectopiste Migratorius, ou Passenger Pigeon)
(…) Des parties de chasse dotées de nombreux prix furent organisées afin d’en éliminer le plus grand nombre possible, le règlement stipulant souvent que le candidat ne pouvait prétendre à une récompense s’il n’abattait pas un nombre minimum de 30.000 oiseaux.
Un seul coup de fusil tiré dans un passage de pigeons, ou dans un arbre servant de nichoir, faisait plusieurs dizaines de victimes. Mais ce n’était pas assez. Des « canons à mitraille » ont été mis au point et abondamment utilisés lors de compétitions entre équipes ou de joutes, au cours desquelles les arbres étaient aussi entourés de soufre et mis à feu. Surtout la nuit, moment où les pigeons s’y réfugiaient pour dormir. Selon les nombreux témoins de l’époque, les cris des animaux, des pigeons mais aussi des chiens rendus littéralement fous par cette manne tombée du ciel, était assourdissant. Et lorsque les hommes recouverts de fiente et épuisés rentraient chez eux, c’était pour faire place aux coyotes, couguars, renards et ours noirs.
Le coup fatal fut porté par la construction des premiers chemins de fer transcontinentaux. Les exploitants comprirent vite le bénéfice qu’ils pourraient tirer de l’exploitation de cette ressource s’ils pouvaient envoyer le produit de leur chasse par voie ferrée vers les villes de l’est. Les armes avaient entre-temps évolué, mais c’est par l’utilisation d’énormes filets que les pigeons ont été capturés et massacrés, tandis que leurs dépouilles étaient embarquées par trains entiers. (…)
« (…) Spectaculaire et presque emblématique, la destruction jusqu’au dernier du pigeon migrateur n’est pas un cas unique. Sur les cinq cents espèces et sous-espèces (d’oiseaux) recensées en Amérique du Nord au début de la Conquête de l’Ouest, huit ont disparu en effet , une dizaine sont en voie d’extinction avancée, quatre-vingt-dix autres sérieusement menacées, deux cents de plus en déclin caractérisé (…) »
http://www.audubon.fr/oiseaux-disparus.htm
From Billions to None: The Passenger Pigeon’s Flight to Extinction
Ancient DNA Could Return Passenger Pigeons to the Sky
https://www.scientificamerican.com/article/ancient-dna-could-return-passenger-pigeons-to-the-sky/
Le mépris absolu pour le vivant, surtout ce vivant complexe et dense, foisonnant, que les colons européens ont découvert en n’y voyant qu’un gisement à épuiser, est fondateur de l’Amérique dominatrice qui écrase tout avant de réfléchir aux conséquences.
(2) De 1870 à 1996, le gouvernement canadien a arraché des milliers d’enfants amérindiens à leurs familles pour en faire de «bons petits Blancs».
(3) Behind Standing Rock: Native N. America vs. Capitalist Ecocide
Sur la piste de Big Foot
Guy Le Querrec, Jim Harrison
http://www.editionstextuel.com/index.php?cat=020410&id=126
Why was deadly force used at Wounded Knee?
https://indiancountrymedianetwork.com/history/events/the-truth-about-the-wounded-knee-massacre/
L’EMPEREUR
film de Luc Jacquet
Superbe aperçu de l’intelligence de la vie et de ses capacités d’adaptation. Il est très émouvant – et c’est captivant – de se retrouver dans l’intimité de ces êtres extraordinaires. Une belle leçon d’écologie.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=247548.html
Moi, Daniel Blake
film de Ken Loach
La machinerie de l’exploitation à outrance de la biosphère – donc des hommes – s’est subdivisée. Elle a créé des machines à exclure doublées de machines à broyer toute résistance individuelle et collective.
Que survienne un accident de la vie, une perte d’autonomie même temporaire, et le plus tranquille des citoyens peut glisser entre les mâchoires d’une bureaucratie sans fond. Les questionnaires, les formulaires, les procédures, les règlements abusivement appliqués à ceux qui n’ont signé aucun contrat les engageant, les tracasseries poussées jusqu’au sadisme, le tout servi par des bataillons de kapos décérébrés… le harcèlement révèle le projet totalitaire.
Le harcèlement est devenu « méthode managériale ». et pas seulement dans les « sales boites ». Il a été étendu même à l’administration d’État pour « gérer » ceux qui osent demander leurs droits, plus encore ceux qui lèvent le petit doigt pour informer et protester (les lanceurs d’alerte en savent quelque chose). Rien ne manque pour fragiliser, humilier, réduire, anéantir la fierté construite par toute une vie, démolir la personne et sa respectabilité. Au-delà de la personne, c’est la communauté sociale qui est visée, ce qui la structure et la fait résistante aux agressions, voire créative. C’est pourquoi, comme Daniel Blake, ce sont les empathiques, les solidaires, ceux qui font société (des « honnêtes » comme dit à Blake la seule employée encore vivante), qui sont frappés le plus durement. Parce qu’ils sont les plus sensibles et, surtout, parce qu’ils entretiennent et tissent les interrelations constitutives de la société, donc ce qui résiste au système prédateur qui a initié l’ensemble du programme.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=241697.html
juillet 2016
L’Olivier
film de Iciar Bollain
à laquelle nous devons l’excellent Même la pluie*
Malgré l’opposition du père, un spectaculaire olivier vieux de deux millénaires est vendu par les fils pour prendre part à la fièvre spéculative des années 2000. Avec l’argent du trafic, les fils ne parviendront qu’à graisser la patte de l’élu local et à participer à la ruine de l’immobilier.
Le père, qui défendait l’appartenance de l’arbre à l’histoire, à la Terre, au continuum du travail des générations, au bien commun, reste inconsolable.
L’arbre échoue comme emblème écolo d’une multinationale coupable de destructions et d’exactions tout autour de la planète.
Film sensible qui montre l’impuissance et le désarroi de tous face au totalitarisme impudent et méprisant du capitalisme mondialisé.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=237226.html
juillet 2015
Tout ça pour ça…
Cavanna, jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai
documentaire de Denis et Nina Robert
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=237497.html
Dommage. Les Robert seraient-ils trop jeunes – Nina, sans doute, mais son père ? Ou anti-écologistes ? Ils ont complètement gommé l’une des principales dimensions de Cavanna : son rôle dans l’alerte écologiste depuis les débuts (les années soixante). Je dis bien écologiste comme écologisme, le mouvement originel de culture communautaire et conviviale, naturellement libertaire et non-électoraliste (1).
C’est Cavanna et Choron (Georges Bernier) qui ont publié les dessins de Pierre Fournier et l’ont invité à s’exprimer. Et c’est encore Cavanna – avec Choron pas loin – qui a aidé à la création de La Gueule Ouverte. Cavanna mérite encore d’être salué pour plusieurs années de participation à Ecologie-Infos jusqu’au début des années 1990 (2).
Excepté cette grosse lacune, on a plaisir à revoir la belle équipe, celle des années soixante et du premier Charlie Hebdo disparu en 81. Tiens ! comme par hasard… En fait ce Charlie Hebdo a disparu en même temps que le mouvement écologiste alternatif des années 1960-70 : la nouvelle gauche dont Fournier était un digne représentant. Fournier qui, décidément, n’apparaît pas dans les images d’archives qui nous sont proposées.
Cependant, le doc de Denis et Nina Robert a le mérite de révéler la grande différence de nature entre la première époque et le Charlie Hebdo contrôlé par Philippe Val. On y entend Cavanna dire : « Fallait pas y aller ! » dans le coup manigancé par Val contre Choron, père du premier Charlie. Il est utilement rappelé que la magouille a été poussée jusqu’à instrumentaliser Cabu et Wolinski, et même Siné et Cavanna, pour qu’ils témoignent contre Choron pour le déposséder de sa propriété – avant qu’ils ne soient eux-mêmes bernés et se retrouvent sans rien ! Choron n’y survivra pas.
Cavanna, jusqu’à l’ultime seconde… laisse un goût amer. Mais c’est inévitable. Cavanna, l’inspirateur et le pourfendeur, « la force de la nature« , a fini « mis à part » dans l’équipe du simili-Charlie. De plus en plus défait Cavanna. Muselé ! N’était-ce pas l’un des buts de la manoeuvre ?
C’est sans doute une coïncidence. C’est en 91/92 que la belle équipe a commencé à être dissociée pour récupérer de force le titre. Juste une première étape avant la création de tensions de plus en plus grandes. 91/92… époque de l’une des offensives anti-culture alternative les plus remarquables.
En annexe du contrat de cession de ses droits d’auteur sur le titre « Charlie Hebdo » (subtilisés à Choron pour être attribués à Philippe Val !), Cavanna avait écrit un « codicille à mon testament » où il définissait l’esprit du journal… Extraits :
Combat pour une démocratie effective (…)
Promotion d’une écologie active, totale, et non plus seulement « environnementale », considérée comme le nouveau « socialisme » en ce qu’elle prendrait en compte l’ensemble des problèmes de la vie en société sur une planète aux ressources limitées ainsi que la répartition équitable des ressources entre tous les êtres vivants (…)
« Je me suis fait avoir !« , confie Cavanna à la caméra de Denis et Nina Robert. L’affaire des « dividendes » discrètement partagés entre Val, Cabu, Maris et Portheault en 2006, et que les autres découvriront en lisant Le Monde deux ans plus tard, en est une belle illustration.
Cavanna s’est « fait avoir« , comme l’aurait été Fournier s’il avait vécu. Comme nous tous. Comme toute la planète.
ACG
(1) donc non-capitaliste, arcadienne comme l’a baptisée l’historien des sciences Donald Worster, à l’image de la communauté des communautés : la biosphère.
(2) Les articles parus sont rassemblés dans La belle fille sur le tas d’ordures, édit. L’Archipel 1991.
Plus d’information sur cette histoire dans Fournier précurseur de l’écologie, édit. Les Cahiers dessinés 2011.
Aussi dans la présentation de ce livre :
février 2015
Le dernier loup
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=171577.htmlLa Chine au temps de la (fausse) « Révolution Culturelle », le temps de la poursuite des grandes destructions commencées avec le « Grand Bond en Avant » (guerre à la poussière, aux rongeurs, aux oiseaux, aux insectes…) qui a laissé le pays sinistré jusqu’à aujourd’hui (il n’y a plus d’abeilles) :http://www.animauxcontact.be/chinemoineaux.html Choc de la négation de toute culture contre la culture et la vie, de l’abrutissement totalitaire contre une connaissance immémoriale du vivant, du fantasme dominateur contre la biosphère.Où l’on voit que les loups n’ont pas échappé au délire totalitaire prétendant améliorer le monde. Les Chinois, les Tibétains et les autres peuples non plus !
Le Prix à payer
documentaire de Harold Crooks
d’après le livre de Brigitte Alepin (1)
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=232221.html
Ou comment tourne la pompe à phynance mondiale. Elle tourne depuis pas mal de temps déjà, et de plus en plus efficacement pour fabriquer des profits faramineux en détournant l’argent public pour mieux exploiter chacun et l’ensemble. A mort.
L’entreprise est restée longtemps discrète, très très discrète. Par exemple, qui, après l’arrivée de Charles de Gaulle à l’Elysée, dès les premiers pas de la Cinquième République, a su la réunion des financiers qui allaient rapidement accoucher du mémorable Plan Pinay-Rueff (dès septembre 1958) ?
Le souci constant des organisateurs de la financiarisation a été d’améliorer constamment leurs camouflages pour mieux dissimuler la casse systématique de toutes les régulations et les profits qu’ils en retirent. Comme dans un jeu de bonneteau, ils ont externalisé et déplacé sans cesse leurs activités, leurs sièges sociaux, multiplié les adresses fictives, dématérialisé les opérations, informatisé les transactions jusqu’à les confier entièrement aux programmes automatiques de calcul, inventé les darks pools pour tout opacifier davantage (2). La pompe à phynance a développé sur le monde un univers parallèle qui échappe même au contrôle des organismes d’état censés superviser les opérations financières, tout en ayant – on l’a vu dès le début – la mainmise sur les représentations politiques.
Idéologiquement déconnectés des réalités (leur culture s’affiche « anti-nature« ), parfaitement indifférents aux conséquences catastrophiques de leur entreprise, les acteurs de la finance mondialisée ruinent partout l’économie et l’écologie, et se soucient surtout d’échapper à l’impôt et aux coûts exorbitants de leur course aux profits. Truster les profits en écrasant tout autour d’eux et socialiser les pertes est, plus que jamais, leur idéal. C’est parfaitement réussi ! Les petits – y compris les « classes moyennes » – sont de plus en plus imposés et contrôlés *, tandis que les riches se sont complètement libérés de la contribution au bien commun.
* exemple ci-dessous avec le sort réservé à un couple de retraités jardiniers
La finance avait été créée pour aider aux échanges et les sécuriser. Elle est devenue le premier des périls.
Comme le rappelle utilement Bernard Nadoulek (3), pour faire fonctionner sa pompe à phynance, Ubu Roi l’avait couplée à une machine à décerveler. C’est bien ainsi que le système s’est installé et a prospéré. L’un des témoins que nous présente Harold Crooks le dit : le grand détournement est le projet des plus riches. Grandes familles du capitalisme et leurs fondations et autres groupes de pression, banques, grandes compagnies, places financières (telle la City de Londres)… toutes ces forces réunies n’ont cessé de développer un programme de confiscation du bien commun (les communaux) dont même l’histoire officielle rapporte quelques hauts faits – un peu trop oubliés, cependant (4). Ce que l’histoire officielle ne dit pas, c’est ce qui s’est passé plus récemment. Ainsi « la bataille pour conquérir l’esprit des hommes » (CIA 1948) qui a été développée sitôt achevée la Seconde Guerre Mondiale. Des fonds sans limites (au dire même de ceux qui y ont contribué et en ont largement profité) y ont été alloués. Sans limites. Pour en savoir davantage, il faut, par exemple, suivre la piste du pharaonique Congrès pour la Liberté de la Culture et de ses excroissances et descendances (par exemple, la Fondation Saint Simon). Les plus curieux suivront la trajectoire fascinante de Denis de Rougemont et en apprendront beaucoup sur les coulisses de la machine à décerveler. Ils apprendront, du même coup, la valeur de ceux qui, maintenant, tentent de faire passer le sieur de Rougemont pour « un penseur de l’écologie« . Si !
La guerre des communaux bat son plein comme jamais. Grâce à l’effondrement programmé de la culture critique et de la démocratie.
ACG
(1) Ces riches qui ne paient pas d’impôts
http://www.renaud-bray.com/Livres_Produit.aspx?id=38683&def=Ces+riches+qui+ne+paient+pas+d%27imp%C3%B4ts%2cALEPIN%2c+BRIGITTE%2c9782894152966
La crise fiscale qui vient
http://www.edvlb.com/medias/3/7/ext_9782896492909.pdf
(2) Dark pools, le côté obscur de la finance
http://www.morningstar.fr/fr/news/94836/dark-pools-le-c%C3%B4t%C3%A9-obscur-de-la-finance.aspx
(3) La pompe à phynance
http://www.economiematin.fr/news-la-pompe-a-phynance
(4) L’entr’aide par Pierre Kropotkine
Révoltes et révolutions dans l’europe moderne (XVIe-XVIIIe siècles) par Yves-Marie Bercé, Presses Universitaires de France.
Small is beautiful, Big is subsidised par Steven Gorelick – en français : Les gros raflent la mise aux éditions Ecosociété
Essentiel, sur l’organisation de la machine à décerveler :
Qui mène la danse. La CIA et la guerre froide culturelle par Frances Stonor Saunders, Denoël 2003
Charlie’s Country
film de Rolf de Heer
(…) le comédien, David Gulpilil, qui a coécrit le scénario et interprète un personnage qui lui ressemble comme un frère, un bohème rigolo et alcoolo, ex-guerrier désarmé, est coincé entre deux impossibilités : vivre dans le bush de ses rêves ou survivre dans un pays régi par les Blancs. L’idée que suggère habilement et cruellement le cinéaste, c’est que Charlie n’est que toléré sur la terre de ses ancêtres. On le supporte tant qu’il s’écrase ou fait le clown. Mais, à la moindre incartade, il est humilié, dépouillé, emprisonné. Le racisme, tout juste dissimulé, resurgit de plus belle. Et la haine, toujours plus forte… Entre l’alcool et le désespoir, la vie de tous les Charlie ne peut, alors, dans l’Australie d’aujourd’hui, que finir en cul-de-sac. — Pierre Murat
http://www.telerama.fr/cinema/films/charlie-s-country,491948.php#pyz5qOYRqOsK1HP8.99
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=224733.html
La colonisation continue, implacable, souvent inconsciente mais toujours totalitaire. Au Mato Grosso (ci-dessous les résistants Guaranis assassinés), en Papouasie (ci-dessous le fascisme ordinaire de l’occupation indonésienne), la spoliation des San au Botswana, des Pygmées en Afrique équatoriale, des Tibétains, des Ouighours, etc. Grâce au sabotage permanent des alternatives, partout progresse le même système fondé sur l’ignorance de la biosphère, et qui nourrit un mépris illimité pour tous les autres vivants. Même ici, tandis que les efforts de cinquante ans pour reprendre conscience commencent à accoucher de nouvelles législations, les représentations réductionnistes et les opérations mortifères prospèrent toujours dans les campagnes et jusqu’au plus haut de l’Etat.
Et nous ne nous étendrons pas sur la spoliation-destruction-anéantissement des autres êtres, des autres espèces. Dernier exemple français : l’ »arrêté préfectoral autorisant la destruction d’espèces protégées et de leurs habitats » (sic) qui vient d’être validé par le Tribunal Administratif de Grenoble (la violation d’une loi explicite est considérée comme légitime !).
C’est un suicide collectif.
C’était en 1999 dans la Vendée martyrisée deux siècles auparavant pour avoir osé se soulever contre les dictateurs d’une Convention qui, à la suite de l’Assemblée Législative, a livré les biens communaux à ses amis spéculateurs.
Dans la patrie des désolidarités actives, rien n’est changé.
C’était un petit jardin
A cette époque de vaches folles, de poulets empoisonnés, de dioxine et autres bouffes de merde, quand MacDo et Coca-Cola nous préparent des générations d’obèses, il y avait encore quelques privilégiés dans la petite bourgade où j’habite qui avaient fait le choix d’une alimentation disons plus naturelle.
A plus de 75 ans, M. et Mme T., retraités, partagent le même plaisir: un magnifique potager. Plutôt que d’aller bêtement remplir mon Caddie de légumes et de fruits de supermarché en quelques minutes, j’aimais prendre le temps, j’allais dire le luxe, d’aller voir Mme T. cueillir pour moi et ma famille, tout doucement, au fond de son jardin, salades, petits pois, carottes qu’elle lave elle-même de ses vieilles mains agiles et me vend à tout petit prix. Un délice, un luxe vous dis-je, que je partage avec tous ceux et celles qui préfèrent attendre un peu pour avoir le plaisir et le bonheur de rentrer chez soi avec un joli panier de légumes frais.
La semaine dernière, surprise; le jardin des T. est barré, comme on dit en Vendée, par une chaîne «arrêt des ventes de plants et de légumes pour concurrence». J’entre quand même dans le potager pour découvrir le couple de jardiniers en train d’arracher, le coeur lourd, tout leur travail des allées de leur jardin.
Pourquoi? Dénoncés !
Un jaloux, un crétin, un être malfaisant s’en est allé dénoncer à la gendarmerie cette «concurrence déloyale» et M. T. a passé la journée avec les gendarmes. Contraints d’arracher leur jardin, ils vont maintenant «se reposer».
«Mon seul plaisir, c’était mon jardin», me dit Mme T.
Dans la journée, les gendarmes sont passés deux fois pour vérifier qu’ils arrachaient bien leur potager.
J’en ai eu les larmes aux yeux, comme elle.
Ne pourrait-on pas foutre la paix aux gens qui vivent tranquilles et dont le simple travail faisait le bonheur des autres ?
C’est vraiment trop nul.
Corinne Pilastre-Vandewalle, Mareuil-sur-Lay (85)
http://www.liberation.fr/tribune/1999/06/16/c-etait-un-petit-jardin_276090
Loin des hommes
film de David Oelhoffen
avec Vigo Mortensen et Reda Kateb
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=221570.html
Superbe et émouvante révélation de l’histoire et de la profondeur des hommes entraînés dans une spirale de situations critiques
novembre 2014
Le sel de la Terre
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=220717.html
Le film réunit les intelligences sensibles de Sebastião Salgado et de Wim Wenders.
C’est, de toute évidence, trop intelligent et sensible pour beaucoup de critiques français confits dans l’aigreur et le dénigrement – surtout quand ose se montrer à nouveau la culture alternative à l’idéologie anti-nature du système impérialiste.
Sebastião Salgado a parcouru longuement les enfers de cette époque de haine et de destructions fanatiques, avant de partir à la découverte amoureuse de la biosphère qui l’a aidé à retrouver la confiance et l’espoir.
Salgado doit grandement sa carrière à sa compagne, Lelia Wanick, qui a, la première, acheté un appareil photographique et l’a toujours soutenu et appuyé. Sebastião et Leila sont indissociables. C’est encore elle qui a eu l’idée de tenter la restauration de la Mata Atlântica, la forêt orientale brésilienne dévastée par des dizaines d’années d’exploitation à blanc. Pour mesurer la folie industrielle des trois dernières générations et l’ampleur du désastre, souvenons-nous que cet écosystème était considéré comme l’un des plus diversifiés de la biosphère.
Dans le Minas Gerais désertifié, les 700 hectares de la fazenda des parents de Sebastião n’étaient plus que désolation. Lelia y a vu une invitation à ressusciter les paysages verdoyants de l’enfance. La ferme familiale est devenue l’Instituto Terra où, maintenant, la vie renaît. C’est maintenant l’une des démonstrations alternatives qui montrent le chemin pour sortir du crépuscule créé par quelques dizaines d’années de politiques stupides. Une restauration spectaculaire qui rappelle celle menée par des paysans du Rajasthan depuis près de 30 ans :
Restauration des écosystèmes, restauration des sociétés http://www.planetaryecology.com/index.php?option=com_content&view=article&id=90:8-restauration-des-ecosystemes-restauration-des-societes&catid=9&Itemid=470
Des sixties de la révolte au nouvel espoir écologiste, l’aventure est aussi émouvante que singulière. Merci à Wim Wenders de nous avoir entraînés à la suite des Salgado.
ACG
sur l’Instituto Terra :
http://www.institutoterra.org/eng/conteudosLinks.php?id=22&tl=V2hvIGFyZSB3ZT8=&sb=Mjk=#.VG7zXY80nhc
Reforestation : l’expérience d’Instituto Terra au Brésil
http://positiveeconomy.co/fr/video/sebastiao-salgado-lh-forum-2012/
Instituto Terra – Institutional Video
https://www.youtube.com/watch?v=p0Aw3JEtQoU
la fazenda de Bulcão avant 2001
depuis 2011
juillet 2014
A la recherche de Vivian Maier
Film de Charlie Siskel et John Maloof
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=224105.html
Vivian Maier est morte inconnue il y cinq ans, le 21 avril 2009. Deux ans auparavant, John Maloof avait acheté quelques tirages et un lot de 30 000 négatifs vendus aux enchères. 30 000… Juste une partie de l’oeuvre de Vivian !
John Maloof est l’homme de la situation. Le temps de la prise de conscience et c’est le choc : l’auteur est un photographe extraordinaire, un génie de la photo ! Alors, il recherche les autres acheteurs de cette désormais fameuse vente aux enchères et entreprend de récupérer une grande partie du trésor égaré (il y a d’autres heureux détenteurs). Ce n’est que plus d’une année après son aventure en salle des ventes, en découvrant l’enveloppe d’un labo photo dans l’un des nombreux cartons récupérés qu’il apprend enfin le nom de celle qui bouleverse déjà sa vie : Vivian Maier.
En 2009, la découverte d’un faire-part sur internet lui apprend la toute récente disparition accidentelle de celle qu’il recherche :
“Vivian Maier, proud native of France and Chicago resident for the last 50 years died peacefully on Monday. Second mother to John, Lane and Matthew. A free and kindred spirit who magically touched the lives of all who knew her. Always ready to give her advice, opinion or a helping hand. Movie critic and photographer extraordinaire. A truly special person who will be sorely missed but whose long and wonderful life we all celebrate and will always remember.
John, Lane et Matthew”
John, Lane et Matthew, les frères Gensburg, avaient été élevés et émerveillés par la nounou Vivian Maier pendant 17 ans – c’était le métier alimentaire qu’elle exerçait – et ils avaient veillé sur elle durant ses dernières années.
Mais comment n’ont-ils pas hérité des affaires de Vivian Maier ? Pourquoi ont-ils laissé partir le trésor aux enchères alors qu’elle était encore en vie ? Comment, avec ces anges gardiens attentionnés, tout un stock d’affaires de Vivian Maier entreposé dans un garde-meubles a-t-il failli être jeté ? D’après certaines sources, la famille Gensburg serait restée dans l’ignorance des cachettes de Vivian Maier… Mais, alors, comment savaient-ils la qualité de l’artiste ? Le film n’y répond pas et le mystère semble grandir au fur et à mesure que l’on en découvre plus.
Et… et pourquoi la famille Gensburg n’apparaît-elle pas dans le film ?
Vivian Maier prenait des photos de rue, des photos des autres, avec passion, avec une sensibilité exacerbée et un sens exceptionnel de l’image – sans retouche : elle n’a pas vu la plupart de ses photos parce qu’elle n’avait pas les moyens de les développer, de les classer, de les exploiter… Mais elle ne se livrait guère, ou n’en avait pas l’occasion, n’a pas trouvé les bonnes personnes avec qui partager, et est restée énigmatique pour presque tous ceux qui l’ont connue.
En dépit de l’extraordinaire personnalité de Vivian Maier, sa situation de nounou doit expliquer beaucoup de son mystère. Le film nous montre des témoins qui, en plusieurs moments, trahissent leur inattention, voire leur condescendance, sinon plus vis à vis de Vivian Maier, de sa « condition sociale » et de son travail. Il est manifeste que, pour plusieurs, Vivian était un « petit personnel« , certes original, mais à peu près transparent.
Faut-il le préciser ? La plupart du temps, Vivian Maier était en situation de dépendance – nounou, elle était objectivement dominée – c’est à dire en inhibition de l’action malgré une créativité qui ne pouvait tout compenser. Cela doit expliquer assez largement pourquoi elle n’a jamais trouvé l’occasion, et, plus encore, la force de montrer son travail. Peut-être l’a-t-elle désiré, projeté… Sans jamais pouvoir. Mais peut-être l’a-elle fait et n’a-t-elle pas été encouragée.
Peut-être a-t-elle espéré jusqu’au bout (pour avoir soigneusement entreposé ses affaires dans des box, il fallait qu’elle ait encore le projet de rebondir)…
Justement, un fait rapporté par l’une des témoins prend de plus en plus d’importance et finit par obséder. Celle-ci est la mère d’enfants amis avec ceux qui étaient aux bons soins de Vivian (les frères Gensburg ?). Elle croit maintenant avoir été la seule amie que Vivian Maier ait eu et avoue l’avoir rencontré, au hasard d’une promenade, trente ans après l’avoir perdue de vue. Et, là, parce qu’elle est avec des gosses qui ne tiennent pas en place, parce qu’il fait chaud, parce que le programme de la journée… pour des motifs futiles, des prétextes auxquels elle se raccroche aujourd’hui, elle s’éloigne tandis que Vivian Maier la supplie de lui prêter attention en invoquant leur amitié.
Cette curieuse « amie » ne reverra jamais Vivian Maier. Car elle n’a même pas proposé un rendez-vous, même pas pris son adresse, puis elle ne l’a pas recherchée, rien ! Pourtant, elle avait perçu que Vivian Maier devait être dans la difficulté. Peut-être cela explique-t-il l’attitude de cette « amie« … Aurait-elle agi de même avec une personne épanouie – avec une autre personne de « sa condition » ?
Vivian Maier a été très seule, comme effacée dans un monde qu’elle observait avidement. L’attachement de la famille Gensburg n’a pas suffit à vaincre les inhibitions de toute une vie sans soutien. Elle était trop isolée pour pouvoir se réaliser tout à fait. Mais cette solitaire nous a fait le cadeau d’un amour immense pour le monde !
Comme avec Séraphine Louis Maillard *, dite Séraphine de Senlis (1864–1942), qui fut bergère puis bonne à faire les travaux les plus durs, et négligée voire méprisée par son environnement social, une interrogation s’impose :
– combien d’autres qui ne sont jamais découverts, dont l’oeuvre est jetée aux ordures et la mémoire effacée ?
ACG
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=224105.html
le site créé par John Maloof pour retrouver l’artiste inconnu :
http://www.vivianmaier.com/gallery/street-1/#slide-21
le site de Jeff Goldstein, autre collectionneur des oeuvres de Vivian Maier :
http://vivianmaierprints.com/
* à propos de Séraphine :
Film de Martin Provost présenté en 2008
avec Yolande Moreau (Séraphine) et Ulrich Tukur dans le rôle de Wilhelm Uhde.
(présentation au-dessous)
juin/juillet 2014
Résistance naturelle
de Jonathan Nossiter
Avec : Stefano Bellotti, Elena Pantaleoni, Gian Luca Farinelli, Giovanna Tiezzi, Stefano Borsa, Valéria Bochi
Jonathan Nossiter nous convie à partager une partie de belle campagne italienne ponctuée de moments de mémoire cinématographique, et enluminée par la philosophie de résistants au formatage du vin et de la pensée. Ce sont des faiseurs de vins naturels harcelés par les lobbies qui tiennent toutes les administrations, de l’AOC à l’Europe du commerce financiarisé. Mais, à la grande différence des spéculateurs et des technocrates réductionnistes, les dissidents ont une philosophie aussi profonde, foisonnante et ramifiée que les racines de leurs vignes – couramment plusieurs mètres pour une vigne naturelle, quelques dizaines de centimètres pour une vigne abreuvée de chimie. Comme ils le soulignent, c’est sans doute un effet de leurs breuvages riches en minéraux puisés profond dans des sols vivants. Justement, l’un d’eux nous montre la différence entre sa terre chouchoutée depuis trente ans et celle d’un voisin adepte de la violence chimique : la sienne est souple, aérée, tissée de systèmes racinaires. Elle fleure bon le champignon. Elle ravirait Claude et Lydia Bourguignon, nos pédologues préférés. L’autre est desséchée, compacte et dure, vide de vie. « Elle sent la lessive ». Comment ne pas croire ces amoureux et connaisseurs de la vie quand ils disent que boire les jajas issus des sols morts de l’agriculture subventionnée (et manger les farines des blés appauvris) n’a pas que des effets néfastes sur la santé, mais aussi sur l’être, sur sa pensée, sur sa vigilance et sa capacité de résistance ? Surtout quand on pense aux additifs ! Serait-ce là l’une des causes de l’effondrement de la conscience et de la probité, de la pensée critique et des « forces vives » depuis une trentaine d’années ?
Les vignerons présentés par Nossiter ont échappé au désastre. Bien vivants, en empathie avec les animaux et tout ce qui les entoure et les construit, ils nous abreuvent de paroles longues en bouche et en tête. A peu près :
Le paysage est un bien commun et, dessous, les 40 premiers centimètres de terre contiennent la majeure partie de la vie.
L’agriculture, c’est reconstruire l’humus que l’on exploite pour faire pousser,
Par les racines, la plante dialogue avec la terre, avec le terroir (donc, la réduction du système racinaire par l’agrochimie…).
Et beaucoup d’autres du même tonneau.
En complète rupture avec la réduction industrielle de l’agriculture et du vin (et de « la culture » officielle qui méprise ses racines), en rupture aussi avec les AOC qui « ne sont plus un bien commun » et protègent les pollueurs et les intérêts des industriels plutôt que les paysans honnêtes et les terroirs, ces vignerons parlent un langage qui réjouit autant l’oreille que leurs vins semblent réjouir le palais. Un régal.
ACG
extraits
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19545857&cfilm=228063.html
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19545854&cfilm=228063.html
à propos :
La terre vue du sol
http://www.lemonde.fr/style/article/2012/01/27/la-terre-vue-du-sol_1634713_1575563.html
Retrouvailles avec le vivant : une révolution
Résistance naturelle
film de Jonathan Nossiter
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=228063.html
Il y a quelques 42 années, j’étais viré séance tenante du mouvement coopératif pour avoir osé proposer que les coopératives agricoles développent les productions bios que vendraient les coopératives de consommation (les COOP).
Depuis, avec l’Europe de l’argent roi, le système totalitaire obligeant les paysans à se soumettre (ou à céder le terrain) aux pratiques rentables pour la finance et l’industrie n’a cessé d’être renforcé. Les prédateurs locaux et les j’m’en-foutistes toujours prêts à commettre le pire ont été lourdement encouragés (subventionnés de tous côtés avec l’argent public !), tandis que, comme les lanceurs d’alerte, les résistants ont été mis sous pression constante (ci-dessous les exemples d’Olivier Cousin et celui d’Emmanuel Giboulot).
Aujourd’hui, la plupart des productions de qualité qui, alors, nous ravissaient encore ont été écrasées, laminées par l’agriculture industrielle du capitalisme ultra, et les sols ont été stérilisés jusqu’à mettre en péril même les productions les plus médiocres, voire les plus dangereuses pour la santé – celle des consommateurs, mais aussi celle des campagnes où presque plus rien ne bouge.
Mais, mais la réaction salutaire tant désirée prend enfin quelque ampleur et, surtout, elle est maintenant soutenue par une compréhension et une demande croissantes (1).
Après Mondovino (ci-dessous), Jonathan Nossiter franchit un degré supplémentaire dans la dénonciation du système mortifère en donnant la parole à d’autres combattants de la vie et du goût.
ACG
(1) Il y a 40 ans, nous étions tout seuls, et pour très longtemps.
A propos de Mondovino…
http://www.cepdivin.org/evenements/mondovino.html
http://www.filmdeculte.com/cinema/film/Mondovino-900.html
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=49413.html
Un viticulteur bio devant la justice pour un AOC
(…) Olivier Cousin est une figure à part dans le milieu viticole. La preuve: mardi, le viticulteur de Martigné-Briand, dans le Maine-et-Loire, a choisi de se rendre au tribunal correctionnel d’Angers à bord d’une petite carriole tractée par un cheval. Avant le début du procès, il a organisé un pique-nique devant le palais de justice en compagnie d’une centaine de partisans. Olivier Cousin est poursuivi par la répression des fraudes pour «pratique commerciale trompeuse». Il utilisait sur ses étiquettes la mention Anjou, qui est une appellation d’origine contrôlée (AOC). Le litige porte sur quelque 2800 bouteilles. Le vigneron risque une amende de 37.500 euros et jusqu’à deux ans de prison.
Les bouteilles d’Olivier Cousin se retrouvent aux quatre coins du monde et même sur plusieurs tables étoilées. «C’est plutôt ironique quand on sait qu’il est accusé de dénigrer l’appellation», s’étonne son avocat, Me Éric Morain. Les vignes en question sont bien situées au cœur de l’Anjou, dans les limites définies par l’AOC. Olivier Cousin y cultive une petite exploitation de 15 hectares depuis 1987. Le vin est d’ailleurs une longue tradition chez lui. «Je tiens ce terrain de ma grand-mère, raconte Olivier Cousin. Les Leduc faisaient du vin avant même l’existence de l’appellation d’origine contrôlée.» Seulement, en 2005, il décide de quitter l’AOC et de produire un vin de table, ce qui lui interdit de spécifier l’origine de son raisin, le cépage ou encore le millésime. (…)
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/10/02/01016-20131002ARTFIG00380-un-viticulteur-bio-devant-la-justice-pour-un-aoc.php
Vin d’Anjou : Olivier cousin défend la viticulture paysanne
http://www.larvf.com/,vin-olivier-cousin-biodynamie-aoc-anjou-viticulture-paysanne,10337,4024533.asp
La justice poursuit un viticulteur bio qui dit non aux pesticides
« Je ne voulais pas utiliser de produits chimiques dans mes parcelles, que ma famille cultive en bio depuis 1970», poursuit Emmanuel Giboulot, soulignant le dilemme auquel sont confrontés nombre d’exploitants.Pour les viticulteurs bio, un seul insecticide permet de lutter contre la cicadelle tout en conservant leur label : le Pyrevert, à base de pyrèthre naturel – extrait des fleurs séchées du chrysanthème.
« Mais cet insecticide n’est pas sélectif : il tue non seulement la cicadelle mais aussi la faune auxiliaire nécessaire aux équilibres naturels dans le vignoble, dénonce le viticulteur. Il détruit par exemple le typhlodrome, un acarien prédateur naturel des araignées rouges qui se nourrissent de la sève de la vigne. »
« Le Pyrevert, même s’il est d’origine naturelle, est nuisible pour l’environnement : c’est un neurotoxique qui peut affecter les insectes, mais aussi les oiseaux, les animaux et même les viticulteurs selon les doses utilisées », affirme Denis Thiery, directeur de l’unité santé et agroécologie du vignoble à l’Institut national de la recherche agronomique.
«En réalité, l’efficacité des traitements, qu’ils soient naturels ou conventionnels, contre la flavescence dorée n’est pas optimale : tous les insectes ne sont pas tués et l’épidémie continue de progresser vite, poursuit-il. Mais comme pour toutes les épidémies, on ne sait pas si la situation serait pire sans traitement. »
http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/11/27/la-justice-poursuit-un-viticulteur-bio-qui-dit-non-aux-pesticides_3520557_3244.html
Emmanuel Giboulot, viticulteur bio : « Il y a une pensée unique sur les pesticides »
http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/04/07/emmanuel-giboulot-viticulteur-bio-il-y-a-une-pensee-unique-sur-les-pesticides_4397105_3244.html
En procès pour avoir refusé… de polluer !
http://www.reporterre.net/spip.php?article5433
Jean-Baptiste Besse, le regretté caviste de la Montagne Sainte Geneviève
sur ce site :
La pollution du vin
http://www.planetaryecology.com/index.php?option=com_content&view=article&id=83:la-pollution-du-vin&catid=9&Itemid=470
L’article date un peu (2002) et je n’ai pas eu le temps de le peaufiner, mais il informe sur l’une des pollutions les plus nocives – surtout avant les années 1990. Bientôt, bientôt une remise à jour.
mai 2014
La Ligne de partage des eaux
film de Dominique Marchais
qui nous avait proposé Le temps des grâces en février 2010 (présentation sur ce site dans la rubrique Cinéma)
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=227319.html
(…) ce que le documentaire peut proposer de plus passionnant et pertinent dans l’intelligence, à la fois sociologique, scientifique, subjective et politique, d’un enjeu vital de notre temps avec La Ligne de partage des eaux.
Dominique Marchais, son auteur, est coutumier du fait, puisque déjà son premier long-métrage documentaire, Le Temps des grâces (2009), avait été salué, parmi la bordée de films qui sont désormais consacrés à la question écologique, comme l’un des plus admirablement composés.
C’est encore le cas cette fois, et en vertu de la même philosophie. Absence de visée polémique. Désir de comprendre. Pari sur l’intelligence du spectateur. Préparation au long cours. Richesse synthétique des approches, des sources, des personnages. Souci de raccorder l’enjeu du film à une conception globale de l’homme dans son environnement. Last but not least, caractère écologique de l’œuvre elle-même, qui adopte la forme d’un cheminement naturel, déterminé par son propre écosystème.
On ne saurait ici mieux dire, puisque le film nous invite à pérégriner dans une partie du bassin-versant de la Loire (étendue qui comprend la totalité du territoire irrigué par les eaux entre le fleuve et la mer) depuis la Vienne jusqu’à l’estuaire. Tout commence dans le parc naturel de Millevaches, dans le Limousin, où l’on constate dans la rivière locale la disparition des saumons et des moules perlières, conséquence de la création des barrages dont les eaux mortes rompent la continuité des eaux vives. Cette atteinte à la biodiversité fait l’objet d’un dialogue tendu entre un policier des eaux et un couple d’agriculteurs.
LA FIGURE DU DIALOGUE ESSENTIELLE AU FILM
De fait, la figure du dialogue est essentielle au film. Mené au fil de l’eau entre des acteurs aux intérêts divergents dont on mesure mal a priori la diversité (représentants de l’Etat, maires, responsables associatifs, paysans…), on sent bien que c’est entre sa possibilité et sa mise en échec que se joue le dénouement du désastre écologique en cours. Extinction des espèces, pollution des rivières, uniformisation du paysage, privatisation de l’aménagement du territoire, politique destructrice de la rentabilité immédiate : les maux sont connus. L’intérêt du film est de nous à la puissance aveugle d’une certaine logique économique, la résistance s’organise à pas comptés, par des entreprises modestes mais néanmoins dispensatrices de joie. Ici, un collectif de citoyens engagés dans la construction d’un écoquartier à Faux-la-Montagne. Là, un éleveur de Saint-Nazaire collaborant avec le Conservatoire du littoral pour faire paître ses bêtes sur un pâturage collectif.
De petites choses, dont le film parvient pourtant à nous faire saisir l’importance en relevant l’enjeu plastique de son sujet. Travellings miroitants au fil de l’eau avec contre-plongée sur la ramure, panoramiques sensuels de l’onde caressée par le vent : le mouvement suggère que la beauté s’entend dans la solidarité et la continuité entre les choses. Il répond à la figure du puzzle qui ouvre le film, un paysage bucolique rassemblé par des mains enfantines.
Tout est là et tout se tient : la responsabilité, la préservation, la transmission. C’est bien de la suite du monde qu’il s’agit ici.
critique de Jacques Mandelbaum parue dans Le Monde :
http://www.lemonde.fr/culture/article/2014/04/22/la-ligne-de-partage-des-eaux-sain-dialogue-au-fil-des-eaux-polluees_4405058_3246.html
Dominique marchais nous convie à une promenade au fil de l’eau, depuis les sources et le chevelu des ruisseaux débutants jusqu’aux abords de la mer.
Tout commence avec une visite aux sources de la Vienne sur le Plateau de Millevaches. Des techniciens de l’environnement examinent l’état – en voie de dégradation – de la tête de bassin. Images rassurantes cependant : nous avons des fonctionnaires compétents et amoureux de leurs métiers qui veillent partout sur l’eau. Mais images trompeuses car l’on sait aussi que, paradoxalement, les têtes de bassin sont les parentes très pauvres de la politique de l’eau en France. Et, dans au moins une autre région, il est des têtes de bassin équivalentes où l’on échoue à mobiliser les mêmes services pour empêcher de nouvelles destructions.
La suite immédiate est plus conforme à la situation générale. Des paysans, éleveurs du Plateau de Millevaches, sans doute des braves gens, ont néanmoins consciencieusement saccagé les rives boisées du cours d’eau sous le prétexte de… les « entretenir ». Un « entretien » destructeur de la ripisylve, donc du ruisseau. Un « entretien » dévastateur comme on en rencontre tant d’exemples du fait d’exploitants et d’élus amoureux de l’exploitation à blanc de la campagne, probablement « pour faire propre » – la campagne avec des herbes, des buissons, des arbres, des animaux, c’est si sale ! D’où vient cette ignorance de leur pays, cette incompréhension de leur propre bien commun ? Du formatage par les notices d’emploi des marchands d’herbicides ? De plus loin encore, nous l’avions vu avec Le temps des grâces, le précédent film de Dominique Marchais.
Puis, nous découvrons des gens qui joignent leurs compétences, leurs motivations, leurs enthousiasmes pour réaliser un lotissement à Faux La Montagne. Encore un lotissement… Mais un lotissement intégré au paysage, un lotissement avec des maisons qui forment rue, ou faubourg, des maisons et des jardins protégés comme construisaient les anciens et comme on devraient construire en développement des villages – donc, un quartier.
Puis nous continuons à descendre les rivières jusqu’à la Loire, et, très vite, ça se gâte avec la présence de plus en plus massive du système de la marchandise financiarisée. Une belle figure d’élu qui débite la propagande apprise par coeur. Des camions géants sur des routes comme des autoroutes. De plus en plus de camions. Des zones industrielles, des zones d’activité, des plates-formes logistiques gagnées sur la terre et la vie – mais avec label environnemental… Et puis des maisons plantées sans idée au milieu de terrains gaspillés ; des réseaux étendus, étendus, étendus, et leur traduction lisible en déstructuration écologique et sociale, et en gaspillage croissant d’énergie fossile. Des kilomètres carrés et des kilomètres carrés de terre et de campagne recouverts de bitume et de béton. La colonisation des esprits et de l’espace par un système totalement dérégulé qui dévore tout et étend partout des banlieues vouées à l’échec écologique, social et énergétique ; mais un système nourri par l’argent public massivement détourné pour servir la dérégulation, le système prédateur de toute vie qui impose partout ses monopoles radicaux créateurs de dépendances, de servitudes et de nouvelles pénuries.
Peu à peu, d’initiatives inspirées en problèmes en expansion, tantôt en positif, souvent en négatif, nous découvrons les grandes lignes d’un rapport de forces exacerbé autour du bien commun. Le bien commun ?, les communaux – comme on devrait dire encore… Ils sont presque partout détournés, privatisés, détruits, et leurs trop rares défenseurs ont fort à faire pour en sauver des miettes. Après Nantes, près du Lac de Grand-Lieu, nous contemplons l’expansion vertigineuse du béton et du bitume qui, en plein accroissement de la crise climatique, et alors qu’il faut économiser les déplacements et l’énergie, nous précipite vers de plus grandes difficultés encore. A peine le temps d’une pause sur les eaux du lac et nous apprenons la perte de beaucoup de chemins communaux « mis en vente par les maires ». Ce petit détail dit tout des stratagèmes « démocratiques » de la prédation radicale qui bat son plein sur toute la planète.
Comme souvent, le fil de l’eau nous a naturellement conduit vers un autre fil précieux devenu aujourd’hui aussi fragile : celui du bien commun. Celui-ci nous guide pour décrypter les stratégies du grand détournement toujours en cours depuis des siècles. L’histoire nous l’apprend, c’est une guerre : la guerre des communaux ; une guerre toujours perdue par les peuples et la vie jusqu’à aujourd’hui. La guerre qui est cause de la crise écologique et sociale planétaire. Mais, comme l’ont compris les bâtisseurs de l’éco-quartier à Faux la Montagne, le fil du bien commun montre aussi le chemin pour rompre avec le système des monopoles radicaux et inverser le cours des choses…
Pourvu que beaucoup plus s’intéressent au fil de l’eau !
ACG
janvier 2014
Long en bouche
La grande bellezza
Une promenade romaine mélancolique entre raffinement, beauté, distinction et décadence, maintien et abandon, désabusement et émerveillement, futilité et profondeur, sacré et profanation. Tout se croise, se superpose, se combine dans le sillage étonné de Jep Gambardella, un mondain contemplatif sensible sous l’élégance et la distance affichée, et toujours en attente.
Où la vacuité apparente est pleine d’émotions.
Une poésie d’images, de musiques et de voix magnifiques.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=210804.html
http://www.youtube.com/watch?v=zkm_h-SWTUM
novembre/décembre 2013
Il était une forêt
Un film de Luc Jacquet (auquel nous devons La marche de l’Empereur), avec la participation de Francis Hallé
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19537422&cfilm=209348.html
Pour la première fois, une forêt tropicale va naître sous nos yeux. De la première pousse à l’épanouissement des arbres géants, de la canopée en passant par le développement des liens cachés entre plantes et animaux, ce ne sont pas moins de sept siècles qui vont s’écouler sous nos yeux. Depuis des années, Luc Jacquet filme la nature, pour émouvoir et émerveiller les spectateurs à travers des histoires uniques et passionnantes. Sa rencontre avec le botaniste Francis Hallé a donné naissance à ce film patrimonial sur les ultimes grandes forêts primaires des tropiques, au confluent de la transmission, de la poésie et de la magie visuelle. « Il était une forêt » offre une plongée exceptionnelle dans ce monde sauvage resté dans son état originel, en parfait équilibre, où chaque organisme – du plus petit au plus grand – connecté à tous les autres, joue un rôle essentiel.
« Qui sait refabriquer une forêt ? » demande Francis Hallé.
Oui, qui ? Même une forêt simplifiée, surtout parmi tous les décideurs de dévastations d’écosystèmes complexes ? Combien savent encore la vie ?
Il était une forêt commence sur une visite désolée de Francis Hallé, l’amour et la connaissance de l’arbre incarnés, sur le site immense d’une déforestation industrielle. La dévastation de l’écosystème dense et infiniment diversifié est totale. Même le sol n’est plus qu’un substrat moribond défoncé par des engins qui semblent sortis de l’enfer futuriste de Terminator. Mais le film nous conduit vers l’espoir.
Guidés par l’oeil et les crayons habiles de Francis Hallé, nous faisons un voyage dans le cycle du réenchantement du monde : la renaissance de la vie pas à pas et le redéploiement de la forêt.
Notre guide est résolument optimiste, comme il faut l’être pour avoir quelque efficacité. Il faudra quelques siècles pour reproduire une complexité équivalente à celle qui vient d’être détruite d’un coup.
Mais nous avons tous une inquiétude qui grandit depuis l’éveil écologiste d’il y a quelques dizaines d’années : combien sont encore les sociétés de la forêt non acculturées, non polluées par le capitalisme productiviste – celles qui savent et peuvent aider à la renaissance ? Si peu et si peu respectées !
Film sensible et magnifique, Il était une forêt nous plonge dans le foisonnement des interrelations et nous découvrons, à chaque image, matière à un nouvel émerveillement et à l’éveil d’une nouvelle curiosité.
Un petit regret, toutefois, un regret paradoxalement stimulé par l’excellente visualisation de l’appel de la pluie par la forêt. Dommage que le recyclage de l’eau de proche en proche (pluie, évapotranspiration, pluie…) depuis l’océan jusqu’à la forêt la plus éloignée des rivages, n’ait pas été même évoqué.
Un étonnement encore à propos de la dernière phrase prononcée par Francis Hallé : « Nous souffrons aujourd’hui de notre propre puissance ». Elle n’aurait pas dû être conservée au montage ! Le « nous » inspiré par la seule appartenance à la même espèce établit une solidarité incongrue entre les victimes (humaines également) et les organisateurs de la dévastation.
Mais ces réserves sont à la mesure de l’exigence qui a conduit les auteurs du film. C’est la grande qualité de Il était une forêt qui nous les inspire.
« Les arbres sont nos meilleurs alliés »
Botaniste et biologiste mondialement reconnu pour ses travaux sur les forêts tropicales, Francis Hallé est, à 75 ans, à la fois un chercheur engagé contre la déforestation, l’auteur de nombreux livres de référence et l’un des inventeurs du Radeau des cimes, objet volant permettant d’explorer les canopées. Mais aussi l’inspirateur et la vedette du dernier film de Luc Jacquet -Il était une forêt-,
(…) Au début de ma carrière, en 1960, on en trouvait partout sur la bande équatoriale. Et si quelqu’un avait annoncé qu’elles allaient disparaître en l’espace d’une vie d’homme, ça aurait fait rigoler du monde. Et pourtant, ça y est, nous y sommes! La rapidité avec laquelle ces merveilles sont parties est monstrueuse. La fin de mon existence coïncide avec la fin des grandes forêts.
(…) les humains ont perdu le contact avec la forêt. A aucun moment ils n’imaginent, par exemple, que les océans, sur lesquels sont tournés des milliers de documentaires, n’abritent que 15 % de la biodiversité mondiale. Mais la mer appartient à tout le monde, et chacun est libre d’y aller, d’y faire ses recherches. Les forêts équatoriales, elles, appartiennent à des Etats, ce qui complique tout. C’est un problème politique, mais aussi financier. Quand un bateau de recherche océanographique coûte 30 millions d’euros, personne ne discute, et c’est très bien. Seulement, moi, on m’explique que le Radeau des cimes, unique au monde, et qui a coûté en trente ans l’équivalent de 1 kilomètre d’autoroute, est trop cher! Le gouvernement du Laos, l’un des pays les plus pauvres du monde, nous a invités à mener des missions d’études sur ses canopées et je cherche en vain l’argent pour financer cela (…)
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/cinema/francis-halle-les-arbres-sont-nos-meilleurs-allies_1298839.html#qj3TwkW82lTWgxwm.99
http://www.lexpress.fr/culture/cinema/francis-halle-les-arbres-sont-nos-meilleurs-allies_1298839.html
Sur les conséquences climatiques des déforestations :
Destruction des forêts primaires, El Niño, et autres bascules écologiques et climatiques
https://planetaryecology.com/le-feu-a-la-planete/(ouvre%20un%20nouvel%20onglet
La destruction frénétique des arbres atteste de l’égarement de la civilisation – de son renversement en son contraire, même; car, toujours, ils avaient été source d’inspiration* et respectés. Aujourd’hui, même les plus remarquables, comme le Moabi africain, ont failli déjà disparaître sous les coups des industriels de la planche. Un écosystème à lui seul… Anéanti pour faire des planches !
* par les bâtisseurs de mosquées, d’églises et de cathédrales, par exemple.
« La douceur de l’ombre – L’arbre, source d’émotions de l’antiquité à nos jours » par Alain Corbin, Edit. Fayard 3013.
« Ils ont été sidérés par la présence de l’arbre. Ils ont éprouvé l’admiration, mais aussi l’horreur, inspirées par ce végétal souverain. Presque tous ont guetté, écouté, la parole de l’arbre. Certains ont espéré profiter de ses messages, en faire leur mentor. D’autres, plus rares lui ont déclaré leur amour.
L’objet de ce livre est de suivre depuis l’Antiquité gréco-romaine ceux qui ont su « voir l’arbre » : Horace et Virgile, mais aussi Ronsard et La Fontaine. Par la suite, Rousseau, Goethe, Novalis et, en France, Chateaubriand, Hugo, Proust et Yves Bonnefoy, entre autres. Bien entendu, il y eut aussi des peintres. S’étendre sous les ombrages, s’y délasser, y méditer, s’enfouir dans le végétal, s’y réfugier, y grimper… À l’époque contemporaine, certains ont tenté d’incruster leur corps dans l’écorce, en espérant que le végétal ferait croître l’empreinte. À l’extrême, des moribonds ont souhaité que leur ADN soit transmis à l’arbre planté sur leur tombe.(…) »
juin 2013
The act of killing
film de Joshua Oppenheimer
Lorsque Joshua Oppenheimer se rend en Indonésie pour réaliser un documentaire sur le massacre de plus d’un million d’opposants politiques en 1965, il n’imagine pas que, 45 ans après les faits, les survivants terrorisés hésiteraient à s’exprimer. Les bourreaux, eux, protégés par un pouvoir corrompu, s’épanchent librement et proposent même de rejouer les scènes d’exactions qu’ils ont commises. Joshua Oppenheimer s’empare de cette proposition dans un exercice de cinéma vérité inédit où les bourreaux revivent fièrement leurs crimes devant la caméra, en célébrant avec entrain leur rôle dans cette tuerie de masse. « Comme si Hitler et ses complices avaient survécu, puis se seraient réunis pour reconstituer leurs scènes favorites de l’Holocauste devant une caméra », affirme le journaliste Brian D. Johnson.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=217002.html
http://theactofkilling.com/
à Paris : au MK2 Beaubourg et La Clef
Exceptionnel document sur les bourreaux. Mieux encore : sur le plus bas du plus bas niveau imaginable du vivant, celui atteint au sein même de l’espèce où certains aiment à se croire « au sommet de l’évolution ». Un niveau où les descendants des martyrs tremblent encore et se taisent 45 ans plus tard. Un niveau où des individus et des groupes fermés aux autres, réduits et monstrueusement déformés et dépravés ont tout détruit autour d’eux et en sont fiers, si fiers qu’ils veulent témoigner et montrer pour la postérité, n’hésitant pas à se mettre en scène pour tout déballer des horreurs commises et de leurs fantasmes tantôt obscènes tantôt immatures. Le vertige s’accentue quand on voit la parenté, la collusion et la ressemblance des dominants d’aujourd’hui avec les bourreaux d’hier. N’importe quelle séquence du film permet de se rendre compte de l’abîme où est tombé l’Indonésie à partir de 1965, à partir du coup d’Etat de Suharto : le système mis en place à l’époque est toujours en place. C’est toujours un fascisme de la pire espèce. Une dégénérescence accomplie.
Le film se concentre sur les anciens bourreaux et sur ceux qui, à l’évidence, n’aspirent qu’à le devenir, mais n’oublions surtout pas le contexte, les coulisses historiques de la monstruosité et ceux qui ont guidé son action.
Plus importance force agissante : la machine de guerre du lobby capitaliste – la mégamachine – en lutte contre les communismes totalitaires et, surtout, pour imposer la globalisation en éliminant tous les hommes, toutes les collectifs aspirant à la justice et à la paix. Avant le Chili, avant l’Argentine, l’ambassade des Etats-Unis livrait déjà des listes de « communistes » aux commandos de la mort – essentiellement des truands devenus les meilleurs amis du nouveau régime. Communistes, c’est à dire tous ceux qui avaient eu l’audace de manifester une résistance à la menace totalitaire et prédatrice, ou simplement une espérance, ou dont, tout bonnement, un gangster local convoitait les terres ou le commerce. Mondialisation capitaliste… Localement, en Indonésie, comme à l’échelle planétaire, c’était la poursuite du vol et de la destruction des biens communs – les communaux, une guerre de nombreux siècles devenue un effort mondial depuis 1945. Au moins 1 000 000 de personnes massacrées (2 000 000 dit l’un) ? La néo-colonisation des peuples autochtones privés de toute reconnaissance, de tout droit, l’éviction – souvent l’élimination – des petits paysans, la destruction frénétique des écosystèmes les plus diversifiés – les meilleurs fruits de l’évolution, l’ouverture en grand au capitalisme le plus ravageur : les mines, les coupes rases des forêts, les plantations, etc. Puis le génocide au Timor Oriental (1975-1999) déclenché au lendemain du feu vert de Ford et Kissinger. Et la néo-colonisation génocidaire en Papouasie Occidentale (depuis 1952), mais aussi à Aceh, au nord de Sumatra où ont sévi les tueurs que l’ont voit parader… …Tout ensemble, c’est une partie du cauchemar mondial dont le développement avait fait se lever la nouvelle gauche alternative. Mouvement lui-même balayé par les mêmes forces réactionnaires. Avec les cupides et les rudimentaires, le pire n’est jamais loin, surtout quand la plupart sont démobilisés (comme aujourd’hui).
L’excellente critique de Mathilde Blottière parue dans Télérama :
On est d’abord frappé de stupeur. Tout paraît choquant, effarant, obscène. Est-ce un canular de mauvais goût ? Une farce kitsch et trash dans l’archipel indonésien ? Une chose est sûre : ces presque deux heures passées en compagnie de tortionnaires relèvent de l’expérience extrême… Octobre 1965. L’armée prend le pouvoir à Jakarta. Pendant plus d’un an, la junte extermine les membres et sympathisants du Parti communiste local : entre cinq cent mille et un million de personnes, selon les estimations.
Pour raconter ce génocide oublié, le documentariste américain Joshua Oppenheimer se tourne vers les rares survivants, qui refusent de parler, trop dangereux. Ce diplômé de Harvard part alors à la rencontre des tueurs eux-mêmes, toujours bien en cour dans l’Indonésie d’aujourd’hui : une poignée de mafieux psychopathes, ravis de se vautrer dans leurs souvenirs sanglants. Il leur propose de rejouer leurs crimes dans des mises en scène de leur choix. Le dispositif enthousiasme le leader des sadiques, un certain Anwar Congo, crinière chenue et silhouette juvénile dans ses costumes en lin, soucieux de son élégance jusque sur les lieux de supplice où il évoque, comme d’autres le bon vieux temps, sa méthode pour tuer sans « tacher ». Il s’agit, dit-il, de « montrer la vérité ». Quitte à l’habiller de chimères pour divertir le public.
Au dépouillement des scènes de torture ou d’exécution répondent ainsi d’extravagantes séquences musicales et dansées — sommet de bouffonnerie exotique — où des danseuses emplumées se dandinent sur fond de jungle luxuriante. Très dérangeante, cette collusion-collision entre le réel et la fiction ne stylise pourtant pas l’horreur. Elle en révèle au contraire la face la plus crue, en donnant accès, via leur imaginaire, au point de vue des assassins. Et à leur sentiment d’impunité. A mesure que ses « personnages » fanfaronnent, exposent leur abjection comme un trophée, se glissent même dans la peau de leurs victimes, on sent croître la stupéfaction de l’Américain. Il ira cependant au bout de la noirceur, pour découvrir ce que cache l’exhibition du mal.
Dans cet exercice de cinéma-vérité, il n’y a pas plus de voix off (pour nous dire quand il convient de s’indigner) que de complaisance. Fallait-il filmer la reconstitution de la mise à sac d’un village, à laquelle sont « conviés » des enfants terrifiés ? Dans S21, La Machine de mort khmère rouge, Rithy Panh avait choisi l’épure pour confronter bourreaux et rescapés du génocide cambodgien. En laissant les assassins recourir au sensationnalisme, Joshua Oppenheimer vise paradoxalement le même but : faire remonter le massacre des profondeurs de l’Histoire. Comme de la bile.
Descente sans filet dans les bas-fonds de l’âme humaine, The Act of killing est aussi une réflexion sur l’image et l’usage que l’on en fait. A l’instar des terrifiants troufions de la prison d’Abou Ghraib prenant la pose tels des adolescents fiers du bon tour qu’ils ont joué, Congo et sa clique se prennent pour des « gangsters » de films, homologues asiatiques des héros de Martin Scorsese ou de Francis Coppola. Entre leurs mains, le cinéma est une plaisante façon de tenir le réel (et ses fantômes) à distance. Pour Joshua Oppenheimer, c’est au contraire un instrument cathartique qui démasque et met à nu.
En creux, il y a aussi le portrait de l’Indonésie d’aujourd’hui. Un pays gangrené jusqu’à l’os par des groupes paramilitaires fascisants, ressemblant étrangement à ceux qui, il y a près d’un demi-siècle, se sont chargés du carnage. Voir The Act of killing est une entreprise à risque. Celui de désespérer du genre humain. — M.B.
http://www.telerama.fr/cinema/films/the-act-of-killing-l-acte-de-tuer,438334.php
À propos de The Act of Killing,
le compte Facebook du réalisateur :
https://www.facebook.com/pages/The-Act-of-Killing/411723945542448?nr#
autres sources sur la dictature indonésienne et ses protecteurs :
Suharto, le dictateur canonisé
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-01-29-Suharto
L’Amérique, « Etat voyou »
http://www.monde-diplomatique.fr/2000/08/CHOMSKY/14129
Timor-Oriental, l’horreur et l’amnésie
http://www.monde-diplomatique.fr/1999/10/CHOMSKY/12527
L’Indonésie, atout maître du jeu américain
http://www.noam-chomsky.fr/indonesie-atout-maitre-du-jeu-americain/
à revoir, ou à voir :
L’année de tous les dangers
film de Peter Weir, 1982
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19455680&cfilm=30720.html
d’autres films :
Green, de Patrick Rouxel (visible sur Internet)
http://www.greenthefilm.com/
http://www.metacafe.com/watch/1142239/forest_destruction_and_wildlife_in_kalimantan_indonesia/
http://www.youtube.com/watch?v=cg5rfX1W0bA
http://www.youtube.com/watch?v=G4g0nGN6Ugc
http://www.youtube.com/watch?v=733owHYcMf0
d’autres infos sur les conséquences :
Le massacre des communistes indonésiens de 1965 : retour sur un des plus grands crimes contre l’Humanité
http://www.legrandsoir.info/le-massacre-des-communistes-indonesiens-de-1965-retour-sur-un-des-plus-grands-crimes-contre-l-humanite-du-xx-eme-siecle.html
« Papouasie Occidentale Nouvelle Guinée, honte mondiale »
http://www.planetaryecology.com/index.php?option=com_content&view=article&id=123:papousie-occidentale-nouvelle-guinee-honte-mondiale&catid=9&Itemid=470
L’huile de Palme industrielle : un crime contre le vivant
http://www.planetaryecology.com/index.php?option=com_content&view=article&id=121:un-crime-contre-le-vivant-l-huile-de-palme-industrielle&catid=9&Itemid=470
L’Indonésie à feu et à sang
Ecologie Infos n°404, 31 janvier 1992 (d’autres articles sur le cauchemar indonésien dans les collections de cette revue)
mai 2013
Hannah Arendt
film de Margarethe von Trotta
avec Barbara Sukowa
« (…) il est dans la nature même du totalitarisme, et peut-être de la bureaucratie, de transformer les hommes en fonctionnaires, en “rouages” administratifs, et ainsi de les déshumaniser (…) »
« (…) Eichmann n’est pas une figure démoniaque, mais plutôt l’incarnation de l’“absence de pensée” chez l’être humain (…) »
Il peut s’agir aussi d’une pensée formatée par un conditionnement, par une déculturation programmée accompagnée par l’imposition d’une autre culture, d’une culture réductrice des têtes et des coeurs… Car la soumission à l’autorité des expériences de Stanley Milgram ou de la vie quotidienne ne fonctionne pas avec tout le monde, heureusement. Pour en arriver à abandonner tout libre arbitre, il faut déjà avoir été préparé à cela, affaibli par une déformation des perceptions, des compréhensions et des représentations. C’est ce que nous vivons. La déstructuration culturelle et sensible qui coupe les individus de la nature, des autres vivants et de leur nature pour les déboussoler et les amener plus ou moins à leur insu à servir des intérêts étranges, un système nuisible, voire un totalitarisme, est devenue assez commune. Plus commune encore aujourd’hui qu’à l’époque d’Hannah Arendt.
Quelques années avant Hannah Arendt, après avoir fait l’expérience du nazisme et l’avoir fui, Theodor Adorno et Max Horkheimer ont mené une autre recherche éclairante sur les origines du totalitarisme : La Dialectique de la Raison. Donald Worster condense leur critique :
« Depuis le dix-huitième siècle, la pensée occidentale s’est trouvée confrontée à un choix contradictoire entre deux façons de raisonner, deux positions, deux écoles différentes. La première préconise de libérer l’esprit humain du carcan mental dans lequel il s’est lui-même emprisonné, dans l’espoir de parvenir aux valeurs intrinsèques de l’ordre, aux fins dernières, au but ultime de la vie. C’est le côté critique des Lumières : la raison consacrée à la libération, à la transcendance. Sur le rivage opposé de cette dialectique, on trouve la deuxième école, qui propose une domination de la nature. Cette dernière position, devenue la branche la plus active de l’héritage des Lumières, présuppose une désacralisation du monde, une réduction quantitative et mécaniste de l’univers en une masse informe d’objets hétéroclites. La raison devient un simple instrument au service des moyens et non des fins. Cette façon de voir conduit à l’aliénation spirituelle de l’homme, à sa coupure d’avec la nature, puis à l’industrialisation et à la mercantilisation du monde vivant. Toute l’histoire de la science ainsi que toutes les autres dimensions de la vie intellectuelle depuis le dix-huitième siècle sont empreintes de cette dialectique »
Theodor Adorno et Max Horkheimer avaient, d’ailleurs, précisé :
« Aujourd’hui, au moment où l’Utopie de Bacon, la « domination de la nature dans la pratique », est réalisée à une échelle tellurique, l’essence de la contrainte qu’il attribuait à la nature non dominée apparaît clairement. C’était la domination elle-même. Et le savoir, dans lequel Bacon voyait la « supériorité de l’homme« , peut désormais entreprendre de la détruire. Mais en regard d’une telle possibilité, la Raison, au service du présent, devient une imposture totale pour les masses » car « Toute tentative ayant pour but de briser la contrainte exercée par la nature en brisant cette nature n’aboutit qu’à une soumission plus grande au joug de celle-ci ».
Le nazisme a poussé très loin la réduction quantitative et mécaniste qui se traduit par le mépris, l’appropriation et la réification du vivant. Il n’est malheureusement pas le seul et sa science de la propagande et de la manipulation de masse a fait beaucoup d’émules.
Quelques dizaines d’années après Adorno, Horkheimer et Harendt, la « culture anti-nature » est largement revendiquée, les serviteurs zélés du nouveau totalitarisme mondialisé défilent en foules, plus vides de pensée critique, dépersonnalisés, soumis et médiocres les uns que les autres, incapables de combattre le mal, voire de distinguer le bien – ou simplement le bon du mauvais, incapables de vivre dans la société et l’écosystème sans les dégrader ; au pied de la lettre : abrutis. Et l’effondrement des résistances et des alternatives est devenu une banalité.
Promised land
film de Gus Van Sant
avec Matt Damon, Frances McDormand, Hal Holbrook…
C’est une belle campagne nord-américaine où l’on voit des boutiques et un bar très vivants. Un village américain, certes, mais un village dont le dynamisme et l’animation peuvent faire pâlir de jalousie la plupart de ceux d’ici.
Arrivent les agents dépêchés par l’une des grandes compagnies d’exploitation du gaz de schiste – « grandes compagnies« , comme celles des brigands d’autrefois qui pressuraient les campagnes. Ici, les méthodes sont plus subtiles, mais elles n’en sont que plus efficaces : mensonge, séduction, tromperie … Il s’agit d’embobeliner les autochtones pour qu’ils abandonnent tous leurs droits, le bien commun et l’héritage de leurs anciens au profit du tout-capitalisme à rentabilité immédiate. Grandes compagnies d’hier et d’aujourd’hui, même combat : la spoliation et la destruction de la vie.
Les différents caractères se révèlent sous la pression, à commencer par ceux qui ont perdu toute culture et ne sont plus reliés à la terre et aux autres. Par exemple, le politicard local qui sollicite sa part du gâteau avant même d’y avoir été invité. Il y a heureusement ceux qui se souviennent du monde vivant, se comprennent encore comme parties d’un ensemble et pensent au lendemain.
Il ne manque pas un moment au développement, pas un bouton de guêtre au déploiement de l’opération de manipulation. Pas même la feinte dissidence. Je vous laisse découvrir la chose…
Ceux qui connaissent des manoeuvres équivalentes dans le mouvement social, le syndicalisme, l’action culturelle et politique, apprécieront. Les autres ne doivent pas penser que c’est exagéré, paranoïaque ou manichéen. Ils auraient bien tort.
Un petit conseil de lecture :
Voyage en feinte-dissidence, par Louis Janover, édit. Paris Méditerranée
mars 2013
Searching for Sugar Man
film de Malik Bendjelloul
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=200631.html
http://www.imdb.com/title/tt2125608/
Il s’agit de Rodriguez,Sixto Diaz Rodriguez, auteur-compositeur-interprète dont la carrière fut curieusement étouffée aux USA. Par contre, le voyage d’une seule cassette déclencha un succès foudroyant en Afrique du Sud. Il y devint aussitôt un catalyseur de la remise en cause du système d’oppression, un symbole du mouvement qui remuait l’Afrique du Sud comme presque tout le monde : « the new left », la nouvelle gauche alternative, le mouvement de la révulsion devant la domination et son avatar capitaliste en pleine croissance. Le succès s’est poursuivi en Australie puis en Nouvelle Zélande, mais toujours à l’insu de l’auteur. Rodriguez dont une rumeur a bientôt prétendu qu’il s’était suicidé en scène, comme pour éteindre la curiosité croissante de ses fans et limiter la contagion de sa popularité.
Dans l’album de Sixto Diaz Rodriguez « Cold Fact » paru en 1970), il y a, par exemple, cela :
This Is Not a Song, It’s an Outburst: Or, The Establishment Blues
The mayor hides the crime rate
council woman hesitates
Public gets irate but forget the vote date
Weatherman complaining, predicted sun, it’s raining
Everyone’s protesting, boyfriend keeps suggesting
you’re not like all of the rest.
Garbage ain’t collected, women ain’t protected
Politicians using people, they’ve been abusing
The mafia’s getting bigger, like pollution in the river
And you tell me that this is where it’s at.
Woke up this moming with an ache in my head
Splashed on my clothes as I spilled out of bed
Opened the window to listen to the news
But all I heard was the Establishment’s Blues.
Gun sales are soaring, housewives find life boring
Divorce the only answer smoking causes cancer
This system’s gonna fall soon, to an angry young tune
And that’s a concrete cold fact.
The pope digs population, freedom from taxation
Teeny Bops are up tight, drinking at a stoplight
Miniskirt is flirting I can’t stop so I’m hurting
Spinster sells her hopeless chest.
Adultery plays the kitchen, bigot cops non-fiction
The little man gets shafted, sons and monies drafted
Living by a time piece, new war in the far east.
Can you pass the Rorschach test?
It’s a hassle is an educated guess.
Well, frankly I couldn’t care less.
février 2013
Des abeilles et des hommes
film de Markus Imhoof
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=209900.html
La santé des abeilles est indicative de l’état de la région et de la culture de ses habitants.
Avec Markus Imhoof, nous voyons des abeilles – et les autres vivants – entre l’enfer et le paradis. Plus souvent en enfer !
Elles sont en enfer aux Etats-Unis entre les mains d’un… on ne peut dire apiculteur… d’un mercanti qui loue leurs services d’Ouest en Est à des producteurs de fruits dévastateurs d’immenses territoires à coup de pesticides et autres techniques de réduction drastique de la diversité. Pas une abeille autochtone à l’horizon. Il ne reste que les parasites de la monoculture qui sont copieusement et régulièrement arrosés – comme les abeilles de location, d’ailleurs. C’est pour nous l’occasion de découvrir les horreurs de l’amande californienne (environ 90% de la production mondiale). Une dévastation totale. Cela met en appétit pour les produits obtenus ainsi. Tout est délirant dans ce système : l’industriel qui stérilise une région sous sa monoculture justifie celle-ci par l’obligation du recours à quantité de matériels, d’énergie et de chimie… semblant ne pas comprendre que celles-ci sont des conséquences de celle-là.
L’esclavagiste des abeilles transporte celles-ci sur des camions ordinaires pour économiser encore quelques précieux dollars. Entassées comme des sacs de pommes de terre, elles sont brinquebalées sur des milliers de kilomètres vers d’autres enfers, pendant des dizaines d’heures de torture. A l’arrivée, 20% de pertes… et la multiplication des maladies et des parasites – un joli cadeau pour la région d’accueil. Chaque manipulation des abeilles est réalisée avec une violence inouïe. De mauvais traitements en violences qui témoignent d’une ignorance crasse, toute la vie de ces abeilles est un calvaire qui contribue à semer la désolation dans tout le pays. Chaque instant de ce reportage sur l’industrialisation à outrance de l’agriculture parle de la réification du vivant et de ses conséquences catastrophiques. Très satisfait de lui, en imaginant déjà les dollars que son commerce immonde va lui rapporter, l’homme nous délivre gracieusement la quintessence de la philosophie qu’il veut croire largement partagée : « On est des capitalistes. On veut se développer et dominer le monde ». Un authentique moteur de croissance. Le seul spectacle de ce prédateur triomphant mérite le détour.
L’autre enfer est la Chine. Une Chine privée d’abeilles depuis les coups de génie de la fin des années cinquante, les années du Grand Bond dans la folie furieuse maoïste – « guerre à la poussière », « guerre aux oiseaux », « guerre aux insectes » (1) -, au temps de la grande famine organisée et des déportations massives dans les camps de la mort.
Heureusement quelques coins de paradis peuplés d’humains dignes des abeilles nous sauvent du désespoir.
Entre enfer et paradis, les abeilles nous révèlent les pires et les meilleurs des hommes. Elles montrent le chemin.
(1) dans les épisodes précédents de cette rubrique (http://naufrageplanetaire.blogspot.fr/2011/03/revolution-arabe.html)
le 28 novembre 2012 : La grande famine de Mao
en mars 2012 : Fengming, chronique d’une femme chinoise
et aussi le film de Wang Bing : Le Fossé (présenté ci-dessous)
voir :http://fr.wikipedia.org/wiki/Campagne_des_quatre_nuisibles
Après l’invasion du Tibet, ces horreurs débiles ont définitivement prémuni les futurs écologistes (je parle de ceux de la nouvelle gauche alternative, pas des falsificateurs) contre le maoïsme et quelques autres totalitarismes – anti-nature par définition.
Méditons un peu sur l’infiltration de la nouvelle gauche écologiste des premières années 1970 par des maoïstes orphelins de la Gauche Prolétarienne et leur contribution à l’élimination des écologistes – pour le plus grand profit de la globalisation capitaliste…
2013
La finance en folie nous revient dans la gueule…
Un peu comme un égout qui,
d’un coup, fait un coude
et revient au WC
Le grand retournement
film de Gérard Mordillat
C’est la crise, la bourse dégringole, les banques sont au bord de la faillite, le crédit est mort, l’économie se meurt… Pour sauver leurs mises les banquiers font appel à l’État. L’État haï est soudain le sauveur ! Les citoyens paieront pour que le système perdure, que les riches restent riches, les pauvres pauvres.
Adapté d’une pièce de Frédéric Lordon, cette histoire d’aujourd’hui se raconte en alexandrins. C’est tragique comme du Racine, comique comme du Molière…
Frédéric Lordon : « D’un retournement l’autre – Comédie sérieuse sur la crise financière », 2011.
Économiste, Frédéric Lordon est notamment l’auteur de Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières (Raison d’agir, 2008), La Crise de trop (Fayard, 2009), Capitalisme, désir et servitude (La Fabrique, 2010).
Le choix de l’alexandrin ne doit pas rebuter ceux qui le craignent depuis l’étude scolaire des textes classiques. Il souligne la farce tragi-comique qui nous est servie par les financiers, les politiques, les experts, les journalistes… C’est presque jouissif quand, entraîné par le rythme, on s’essaye à deviner la chute des vers.
Les mécanismes de l’escroquerie globalisée sont habilement démontés et, si l’on ne saisit pas tout, on en apprend davantage.
Il manque, cependant, un acteur ou plusieurs : celui ou ceux qui représenterait(ent) la coordination supranationale qui, de théorie en stratégie et en manipulation de tous, pilote toute l’affaire. Pas l’ombre d’un représentant de l’une de ces sociétés, de ces clubs et autres cercles élitistes pourtant bien connus des personnages représentés. Même la très française Fondation Saint Simon, relais du néo-capitalisme mondial, est absente. Enfin, elle est là, dans chaque institution représentée, mais le spectateur non averti, s’il l’entend, ne la voit pas. C’est bien dommage car, de ce fait, les banquiers-investisseurs-décideurs du film semblent ballotés par des événements qu’ils ne maîtrisent pas. Dans la réalité, malheureusement, leur maîtrise est bien plus grande et elle s’étend même à ce peuple dont Gérard Mordillat semble attendre beaucoup de conscience et de capacité d’action, voire un « retournement ». On aimerait qu’il en soit ainsi, mais l’effondrement de la pensée critique, de la solidarité, du mouvement social enfin, a depuis longtemps précédé l’effondrement économique.
Il manque aussi tout un étage à l’analyse, son fondement même : la dimension écologique – l’économie de la nature, comme on disait bien avant qu’économie ne soit réduit qu’aux logiques du profit. Car, bien avant de se traduire par une destruction économique et le pillage de l’argent public, la grande escroquerie a commencé une destruction massive de la biosphère. Cela a été constaté il y a longtemps déjà, bien longtemps avant que ne se réveillent les victimes de la baisse du pouvoir d’achat et du chômage. Il est assez inquiétant que cela n’apparaisse toujours pas.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=215366.html
Cette corporation est devenue experte
à garder les profits et nous laisser les pertes
Après Mai
de Olivier Assayas
Le film est long, long, long, et on s’en rend compte en cherchant à comprendre ce qui rattache les juvéniles héros à Mai et aux grands mouvements des années soixante et soixante-dix.
Certes, les filles sont nombreuses à porter des robes longues inspirées de la culture hippie, on voit des journaux et des affiches gauchistes, on entend parler de Max Stirner mais on n’a pas le temps de se réveiller et d’en comprendre le sens, on voit une caricature de manif, on capte quelques bribes alternatives perdues au milieu de slogans simplistes, il y a même un zeste d’antinucléaire, une timide évocation du féminisme, et le livre de Simon Leys, « Les habits neufs du président Mao », qui, heureusement, captive un peu le personnage principal… Mais, comme ces jeunes qui ne savent que faire et grappillent de tous côtés en se laissant porter par le premier courant d’air, on flotte on ne sait où en ne trouvant rien de consistant à se mettre sous la dent.
Il y a de la violence aussi soudaine que gratuite qui succède à des longueurs apathiques, sans transition, des filles et des garçons qui se jettent les uns sur les autres, sans motivation, sans gaîté, des fumées et des cocktails bizarres qui circulent pour meubler le temps, jusqu’à la déglingue, de l’ennui, beaucoup beaucoup d’ennui dans cette petite société triste, et guère de cet enthousiasme militant pourtant courant à l’époque. Et puis, il y a la remarquable aisance économique où tous ces jeunes semblent évoluer. A contempler les intérieurs luxueux où gîtent les uns et les autres, on devine vite qu’ils sont tous très éloignés des prolétaires dont ils parlent beaucoup en s’extasiant.
Durant les années évoquées par le film, j’ai croisé quelques garçons et filles comme ceux-là. Aussi inconsistants, aussi fluctuants, aussi adeptes de la fumette avec gros dégâts apparents. Effectuant un salto complet par rapport à leur chère lutte des classes, presque tous sont retournés en courant vers l’argent de la famille, la carrière et le pouvoir servis sur un plateau (un exemple entre mille : Jean-Louis Borloo). Non sans avoir trahi et planté des couteaux dans le dos de ceux qui les avaient accueillis dans un mouvement ou un autre. Ce sont des jeunes mous de ce modèle qui ont servi de troupe manipulable à volonté aux tueurs de la nouvelle gauche alternative.
Apparemment, ils servent encore à cela.
A la réflexion, ce film est beaucoup plus important qu’il n’y paraît au premier abord : il fournit des explications sur les causes de la déliquescence continue que nous vivons depuis. Oui, en fait le film est bon et, s’il paraît profondément ennuyeux, c’est parce qu’il est fidèle à l’histoire de beaucoup de ces révolutionnaires d’opérette qui, après avoir, par intérêt ou par ignorance, étouffé le mouvement de ces années-là, encombrent encore aujourd’hui.
Toujours à lire et à relire :
Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, Guy Hocquenghem, Albin Michel, 1985
« votre réseau contrôle toutes les voies d’accès et refoule les nouveaux, le style que vous imprimez au pouvoir intellectuel que vous exercez enterre tout possible et tout futur. Du haut de la pyramide, amoncellement d’escroqueries et d’impudences, vous déclarez froidement, en écartant ceux qui voudraient regarder par eux-mêmes qu’il n’y a rien à voir et que le morne désert s’étend à l’infini«
« Par le reniement au carré, au cube, vous avez édifié une pyramide d’abjurations, sur laquelle vous vous êtes haussés vers le pouvoir et l’argent«
un autre bouquin qui n’est pas mal non plus, dans le genre document au premier degré :
Les jours d’après, Lison de Caunes, Jean-Claude Lattès 1980
Le héros sombre qui hante tout le livre pourrait figurer dans le film, comme Borloo dont il est ami d’ailleurs, et comme lui il encombre encore avec la bénédiction de la mégamachine capitaliste. Mais, à la différence de Borloo qui était inconnu de Guy Hocquenghem, celui-ci est épinglé sur le tableau de déshonneur de ceux qui sont passés du col Mao au Rotary
KHAOS
film de Ana Dumitrescu
Un documentaire essentiel sur le résultat, dans la plus vieille Europe, du néo-libéralisme capitaliste installé depuis la seconde guerre mondiale par la quasi totalité des forces politiques. Ailleurs, c’est pire.
Fil conducteur de ce documentaire, Panagiotis Grigoriou, historien, anthropologue et blogueur de guerre économique, nous accompagne et partage sa perception des événements et de la situation.
Dimitris pense peut-être à partir si un jour il y est forcé alors que Demosthène discute sur la politique française. Marcy, elle, a organisé un mode de fonctionnement de crise alors que les agriculteurs ne savent pas encore s’ils pourront continuer à semer. Katherina a vu son salaire se réduire de moitié et Giorgos a vu éclater les acquis sociaux tués par le mémorandum.
A travers ces visages, vous allez découvrir une Grèce loin des clichés véhiculés, loin de l’image qu’on s’en imagine.
Du marin pêcheur au tagueur politique, au rythme du jazz et du rap, sur les routes de Trikala en passant par Athènes et l’île de Kea, c’est un voyage à travers l’âme d’un pays qui vous emmène dans une réflexion sur la situation critique de la crise actuelle.
http://khaoslefilm.wordpress.com/http://www.allocine.fr
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19383210&cfilm=211246.html
à voir en ce moment sur les grands écrans
et sur internet
La petite Venise (Io sono Li)
film de Andrea Segre
avec Zhao Tao, Rade Zerbedzija
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=196311.html
De l’un des pays les plus ravagés à une région où subsistent encore de beaux restes de civilisation, Li, jeune femme chinoise faite esclave est déplacée d’atelier de confection en atelier, avant de découvrir un café et des italiens. Enfin, ses Vénitiens, devrait-on dire. Parmi eux, Bepi le poête, pêcheur retraité, est tiraillé entre Chioggia, l’autre belle cité de la lagune, et un enterrement de première classe à Mestre, à quelques kilomètres seulement mais très loin de la brume sur la lagune, très loin des filets de pêche, très loin de la beauté, très loin de tout… Mestre, ses raffineries, ses HLM, sa vie moderne sans but et sans saveur, son ennui mortel.
Excepté une dernière séquence dommageable comme un gâchis (d’autant qu’elle rappelle Mestre, ses torchères, sa pollution, son néant !), le film est une méditation ouverte et sensible sur les tourments auxquels nous expose la dictature capitaliste mondialisée : sur la dévalorisation, la chosification, la réification qui broient chacune et chacun, toute la vie.
mars 2012
Terra Ferma
Film de Emanuele Crialese
Il était une fois un système assoiffé de profits qui dévorait la vie à la surface d’une planète bleue. Et, sur une mer azur déjà polluée par le même système qui ne contrôle pas ses sphincters, une île italienne partagée entre les réfugiés de la misère, doublement naufragés, et le tourisme. Les uns doivent quitter leurs écosystèmes directement dévastés, ou désertifiés par d’autres destructions, plus loin. Les autres souffrent aussi de l’appauvrissement de la mer par les pollutions et doivent secourir les exilés perdus sur des rafiots, quand ceux-ci n’ont pas déjà coulés. Mais le système responsable de l’enchaînement mortifère veille sous la forme de règles européennes qui interdisent de porter secours et de subventions qui encouragent les pêcheurs à céder la place aux navires usines qui détruisent la mer. Plus personne n’a la maîtrise de sa vie. Et l’on ne voit pas d’issue.
Beaux portraits d’une humanité qui a de plus en plus de mal à garder ses repères.
Pour le film et la démonstration : magnifico.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=192769.html
Le fossé
Film de Wang Bing
le film complémentaire de Fengming, chronique d’une femme chinoise (présenté ci-dessous)
Désert de Gobi 1960. Plaine aride battue par les vents. Lieu idoine pour les camps de rééducation des Cent Fleurs maoïstes. Tout le monde chinois y échoue. Les vieux militants de la première heure, les cadres déchus, ceux qui ont attiré l’attention d’un jaloux, d’un plus dérangé, le compagnon de Fengming He pour deux articles que lui avait demandés le parti… Des centaines de milliers de déviants à remettre dans le droit chemin de la dictature du prolétariat. C’est l’époque de la grande famine provoquée par les autres décisions géniales du Grand Timonier et de sa clique. Au camp de Jiabiangou, le quotidien s’éternise en efforts surhumains pour glaner encore quelques instants d’une survie misérable, puis en abandons résignés. Car la machinerie hiérarchique qui ne fonctionne que sur une seule idée à la fois ne produit que des personnalités brisées, victimes comme bourreaux, et des morts. Chaque nuit, chaque jour, des hommes s’éteignent, à bout de désespoir et de souffrance, et sont semés, anonymes, dans le désert, perdus à jamais pour que vive éternellement la dictature du prolétariat.
Une dizaine d’années plus tard, en France, des maoïstes fortement instrumentalisés par le système dominant allaient participer fébrilement à l’élimination de la nouvelle gauche écologiste qui, en renouant avec le vivant, proposait d’échapper à la malédiction du capitalisme destructeur, comme à celle des autres totalitarismes. Comme le permettent les films de Wang Bing et plusieurs études récentes, nous commençons seulement à pouvoir faire le bilan de tout cela.
38 témoins
film de Lucas Belvaux
Un centre ville la nuit. Ville minérale où chaque pas résonne, où chaque bruit est répercuté partout par les parois de béton et de verre. Pourtant, une femme meurt longuement sous les coups de couteau sans alarmer le voisinage, hors un homme qui croit à un tapage nocturne sans conséquence, gueule un coup au balcon puis, n’entendant plus rien, rentre se coucher. Aucune intervention. Aucun appel à la police. Aucun secours. L’enquête de police fait chou blanc. La plupart des voisins n’ont rien entendu. La victime semble avoir été assassinée dans un désert. Mais un homme, un homme qui a assuré n’y avoir pas assisté, est torturé par cette horreur.
C’est un film sobre qui captive de bout en bout en laissant s’épanouir les interrogations essentielles sur la relation de chacun aux autres, et, en définitive, à soi-même.
Les mêmes interrogations se posent aussi pour d’autres crimes, des crimes étendus dans le temps et l’espace, des crimes collectifs dont les témoins sont innombrables. Non assistance à peuples en danger, non-assistance à planète en danger… Pourquoi ?
Pollution locale par l’amiante, destruction écologique planétaire, agression individuelle, etc. La société « moderne et développée » se complaît dans la non-intervention et la cultive. « Faut pas intervenir ! », « On va pas s’charger de toute la misère du monde », « Tu vas pas faire la révolution tout seul, ha ha ha », « Laisse faire, on n’y peut rien », « Chacun est maître chez soi », « Inviolabilité de la propriété privée », « Souveraineté des Etats », etc. Où est passée la culture qui met en lumière les interrelations, la compréhension des proximités, de l’interdépendance, de l’appartenance à un même ensemble, le sens vital de la solidarité ?
Bovines
De belles images sur la triste vie des vaches dégénérées par la sélection du profit (ce sont des charolaises) dans l’élevage transformé par la finance et l’industrie. On y entrevoit les prédateurs « éleveurs » dont la chorégraphie surmécanisée fleure bon la grasse subvention. Un film étonnant parce qu’il oscille entre une tendresse pour les animaux et les paysages, et le pénible spectacle de leur réification qui ne semble pas déranger le réalisateur.
Vacherie de destin
http://www.liberation.fr/chroniques/01012395015-vacherie-de-destin
En contrepoint de Bovines, il faut voir le film de Michael Roskam : Bullhead. Loin de cacher ce qui dérangerait, ce film déballe tout sur fond de mafia des hormones.
Un boucher face à la mal-viande
Par HUGO DESNOYER Boucher
J’ai lu Faut-il manger les animaux ? le best-seller de Jonathan Safran Foer, venu poser pour un hebdomadaire parisien entre les carcasses en chambre froide de ma boucherie, l’image illustrant l’industrie animalière et sa cruauté intrinsèque. Sauf que, lecture faite, je suis d’accord avec mon visiteur. Il s’était trompé de porte.
Résumons son propos. L’élevage industriel produit des animaux de plus en plus gros, en un temps, un espace et pour un coût de plus en plus réduits. Le poulet en batterie vit trente-huit jours, ne voit pas le jour, ne tiendrait pas sur ses pattes. Le porc en Bretagne : trois bêtes au mètre carré sur caillebotis. Une poule en élevage artificiel pond deux à trois fois plus d’œufs qu’à l’air libre. Une vache laitière réformée prend en deux mois et demi de stabulation au forceps quarante kilos de «viande» en plus. On imagine la vie animale dans ces usines concentrationnaires. Une truie enceinte en cage de «gestation» ne peut pas se retourner. Les bêtes empiètent les unes sur les autres, se battent. Le stress est permanent. Notre nourriture est produite dans la douleur. La ferme aux animaux ? Non. «La ferme, les animaux !»
La viande industrielle en grandes surfaces représente aujourd’hui les trois quarts des achats de produits carnés. Les éleveurs indépendants se raréfient. Une vache industrielle est abattue à 2 ans, les leurs à 5 ans (un hectare d’herbage par tête ; coût nul pour l’environnement), à l’unité, sans douleur et en musique, dans les derniers abattoirs municipaux ou privés. La viande en grande surface est vendue six jours après abattage ; en boucherie trois à quatre semaines. Nous payons aux éleveurs le kilo de viande bovine à 5 ans 6 euros ; le kilo de bête de 2 ans et de vache de réforme est cédé à perte 2,50 euros. Surcoût en boucherie : 25%. Viande ou mal-viande, à nous de choisir. «Chaque fois, écrit Safran Foer, que vous prenez une décision alimentaire, vous pratiquez l’élevage par procuration.»
La majorité des consommateurs se dit prête à payer plus pour que les animaux soient traités selon la nature et pour des produits d’élevage dignes de ce nom. «Si les consommateurs ne sont pas prêts à payer les éleveurs, pour qu’ils fassent correctement leur travail, alors ils ne devraient pas manger de viande.»Faisons un rêve : si les acheteurs de mal-viande privilégiaient les boucheries, ils devraient réduire, à dépense égale, leur consommation d’un quart. Ils y gagneraient au centuple en goût et en santé. Et le cycle vertueux de production redémarrerait en amont. Le combat de Jonathan Safran Foer est aussi le nôtre.
Opinion parue dans Libération du 7 février
http://www.liberation.fr/terre/01012318311-un-boucher-face-a-la-mal-viande
Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer, éditions de l’Olivier
http://www.arte.tv/fr/3626884,CmC=3627082.html
http://www.culturopoing.com/Livres/Jonathan+Safran+Foer+Faut+il+manger+les+animaux+-4523
portrait de Yves Marie Le Bourdonnec
témoignage d’un autre boucher de qualité, dans Libération du 11 mars
(…) il se bat pour la rénovation d’un élevage français qui ne mange plus d’herbe et ne voit plus le jour. Constat sans concession :
«Le modèle actuel est polluant, non rentable et d’un goût douteux.» Le cheptel s’ennuie derrière sa mangeoire gorgée de céréales, vit sous perfusion de subventions européennes et fournit une viande insipide à une population qui en est presque venue à se défier de tout ce rouge sang et pourrait finir par glisser vers le vert bio. (…)
http://www.liberation.fr/societe/01012395023-bien-embouche
mars 2012
Cheval de guerre
film de Steven Spielberg
d’après le livre de Michael Morpurgo
Il était une fois un cheval magnifique et son meilleur ami bipède. Deux jeunes êtres qui se retrouvent propulsés au coeur du cauchemar des cauchemars : au front de la guerre 14-18. Séparément.
C’est tout d’abord très hollywoodien, un tantinet sirupeux, et l’on en profite pour visiter une belle campagne anglaise et la vie des paysans d’avant la PAC. Puis vient la guerre. Rendue comme était la guerre, où des masses de braves types sont jetés les uns contre les autres pour défendre des intérêts ennemis des uns et des autres. La guerre épouvantable pour les hommes et les bêtes des deux camps. Images époustouflantes. Grande mise en scène.
Qu’un film à gros budget soit consacré à un cheval confronté à la furie d’une civilisation dévoyée dit peut-être quelque chose de positif sur notre époque. On veut l’espérer. C’est en tout cas un hommage aux millions de chevaux et d’autres êtres sacrifiés dans des conflits vains. Il y a peu que l’on parle à voix haute de ces martyrs.
Entre 4 et 8 millions de chevaux auraient été victimes de 14-18. La différence entre les estimations laisse deviner quelle attention était généralement portée à ces autres vies, à quel point la vie a été réifiée par la culture dominante.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cheval_durant_la_Premi%C3%A8re_Guerre_mondiale
Chevaux victimes de guerre
article paru dans Clic-Cheval, pour le bien-être du cheval
http://clic-cheval.com/chevaux-victimes-guerres.html
14-18: le lourd tribut des chevaux dans la guerre
http://champagne-ardenne.france3.fr/info/14-18-le-lourd-tribut-des-chevaux-dans-la-guerre-72879471.html
Sur les animaux esclaves :
Le cheval prolétaire, émission de Jean Lebrun (La marche de l’histoire) sur France Inter avec Eric Baratay :
http://www.franceinter.fr/emission-la-marche-de-l-histoire-le-cheval-proletaire-0
La « cause animale »
http://www.laviedesidees.fr/La-cause-animale.html
Un livre d’Eric Baratay, spécialiste de la condition animale :
Et l’homme créa l’animal. Histoire d’une condition (Odile Jacob, 2003)
Un livre essentiel sur la guerre, sur 14-18 en particulier :
Ceux de 14
par Maurice Genevoix qui fut entraîné dans cette tourmente.
« C’était dans les bois de Septsarges, le 1er septembre, le jour où Dalle-Leblanc a reçu une balle dans le ventre. J’ai veillé longtemps, cette nuit-là. Il faisait déjà froid ; les blessés perdus appelaient entre les lignes des brancardiers qui ne viendraient pas ; plus poignant que ces plaintes humaines, le hennissement d’un cheval mourant pantelait sous les étoiles.«
Ce récit montre que la guerre ballote tous les hommes, leur faisant perdre la maîtrise de leur vie – et de la vie des autres. Le parallèle avec la guerre économique, qui fait perdre tout libre arbitre à la plupart, et les métamorphose, est frappant.
Fengming, chronique d’une femme chinoise
documentaire de Wang Bing
http://www.mk2.com/trois-couleurs/fengming-chronique-une-femme-chinoise
Ceux qui ont vu A l’ouest des rails, monumentale saga documentaire, d’un fol humanisme, sur l’extinction d’une cité industrielle du nord-est de la Chine, se souviennent de lui. Le diptyque qui sort ces jours-ci, Fengming, chronique d’une femme chinoise (le 7 mars) et Le Fossé (le 14 mars), n’est pas moins ambitieux. Le premier des deux films est un documentaire, le second une fiction, mais ils traitent de la même réalité : le destin de ces intellectuels désignés comme « droitiers » au cours de la répression atroce qui fit suite, en 1957-1958, à la campagne d’ouverture des Cents Fleurs. Plus de 500 000 personnes furent alors déportées dans des camps de « rééducation par le travail ».
Les deux films convergent vers un même lieu et une même date, le camp de Mingshui, en bordure du désert de Gobi, au cours de l’un des hivers les plus meurtriers de tous les temps : celui de l’année 1960. La famine consécutive au fiasco du Grand Bond en avant causa alors entre 15 millions et 30 millions de morts.
D’après la critique du Monde
http://www.lemonde.fr/cinema/article/2012/03/06/fengming-chronique-d-une-femme-chinoise-et-le-fosse-cent-fleurs-empoisonnees_1652489_3476.html
Avec le témoignage tendu de Fengming He sur sa vie dévastée, comme toutes les autres vies dans ce pays martyrisé, nous avons un aperçu de ce que fut l’interminable descente aux enfers sous le maoïsme. Et nous voyons comment chaque personne, chaque famille, chaque communauté, tous les peuples de la Chine, comment la culture et chaque pensée organisée, toutes les civilisations chinoises, ont été déstructurés, cassés menu, et pourquoi, après des décennies d’écrasement et de perte des repères, la dictature du capitalisme anti-nature, donc anti-social, a pu être imposée.
Il est confondant de rapprocher cette horreur de la fièvre extatique pour les délires du Grand Timonier qui a sévi longtemps en France dans les milieux universitaires, médiatiques et littéraires. Une fièvre qui a couvert des forfaits que nous commençons à peine à identifier et dont les effets se prolongent aujourd’hui. « Calamité gauchiste » dit Fengming He.
Wang Bing a complété ce documentaire avec Le Fossé, un film de fiction inspiré par le camp de redressement par le travail où le compagnon de Fengming He a trouvé la mort à l’époque de la Grande Famine, comme tant d’autres.
Mao : au moins 70 000 000 morts
http://www.hebdo.ch/mao_tseacutetoung_un_criminel_beaucoup_trop_meacuteconnu_23657_.html
Cinquante ans après la mort du compagnon de Fengming, une arrestation au Tibet
Une répression hors de la vue des journalistes
http://www.courrierinternational.com/article/2012/02/22/une-repression-hors-de-la-vue-des-journalistes
17 février 2012
My Land
film de Nabil Ayouch
« My Land » donne la parole à de vieux réfugiés palestiniens qui ont fui en 1948 sans jamais retourner sur leur terre, et qui vivent dans des camps au Liban depuis plus de 60 ans.
Cette parole est entendue par de jeunes israéliens de 20 ans qui construisent leurs pays, se sentent viscéralement attachés à leur terre, mais sans jamais vraiment savoir expliquer pourquoi.
Entre ces deux mémoires, il y a une réalité. La réalité de deux peuples qui se battent pour la même terre. Il en ressort un dialogue à distance qui met en perspective ce conflit sous un angle avant tout humain.
Je suis né en France en 1969, d’un père musulman marocain et d’une mère juive, d’origine tunisienne.
Pour la communauté juive qui m’entourait, j’étais cet enfant un peu particulier, fruit d’un mariage pas accepté, jamais digéré.
Au Maroc, j’étais le fils de la juive.
Je ne pense pas avoir souffert des non-dits, des chuchotements, des jugements, car je refusais de les entendre. J’ai souffert d’un conflit qui alimentait toutes les conversations, qui résonnait constamment au sein de mes deux familles. Un conflit, dans une contrée lointaine, entre deux peuples qui se battaient pour la même terre.
Ce conflit ne m’a jamais quitté.
Il a forgé ma conscience politique, il a éveillé ma capacité de révolte, il a surtout défini la plupart des rapports que j’entretiens avec le Monde qui m’entoure.
Ainsi, j’ai longtemps boycotté Israël. J’ai même longtemps refusé d’écouter l’opinion ou de connaître l’histoire israéliennes. Pour moi, il y avait un agresseur et des agressés. Aujourd’hui encore, je reste convaincu que l’injustice que subit le peuple palestinien est immense.
Mais entre temps, j’ai franchi le pas. J’ai rencontré des fantômes, ces vieux réfugiés palestiniens qui ont dû fuir leur terre en 1948 et qui vivent depuis dans des camps au Liban…
Il n’en reste que très peu mais ceux qui restent m’ont raconté leur histoire.
Et j’ai voulu la faire entendre à de jeunes israéliens de 20 ans qui habitent aujourd’hui sur les mêmes lieux que là où vivaient ces Palestiniens. Des jeunes qui se sentent viscéralement attachés à la terre où ils sont nés, où ils ont grandi. Des jeunes aux convictions politiques souvent nationalistes, qui vivent dans le déni. Des jeunes auxquels il manque la mémoire.
Je n’étais pas sûr que ça changerait quoi que soit, ni même qu’ils accepteraient d’aller à la rencontre de ce passé qu’ils occultent, pourtant si présent autour d’eux. Mais j’avais envie d’essayer. J’avais surtout envie d’y croire…
Voix off du début du film
Etonnant que ce soit la première fois que la confrontation des témoignages des uns et des autres ait été réalisée.
Face à l’énormité de la violence de la guerre et de la spoliation, on découvre l’ignorance beaucoup plus que le déni. Une ignorance organisée pour que les nouvelles générations et les gens venus d’ailleurs ne prennent pas conscience. La manipulation de l’opinion israélienne est patente, si grave que la plupart croient que les Palestiniens sont partis d’eux-mêmes, que la force n’a été utilisée que contre ceux qui s’attaquaient aux Juifs, qu’ils ont refait leur vie en Israël, etc. Cette désinformation fabrique les inertes et les dociles nécessaires à la poursuite de l’escroquerie sous couvert d’une illusoire « démocratie ».
L’ignorance et la désinformation ne sont pas spécifiques à Israël. Elles sont aussi beaucoup cultivées ici depuis un temps à peu près comparable. C’est ce qui permet au système dominant de continuer à exploiter, à détourner et à détruire en toute impunité. En Palestine-Israël comme ailleurs, apprendre la vérité sur l’histoire est primordial. Cela seul peut mobiliser les consciences et faire évoluer la situation.
http://www.myland.ma/
http://www.lemonde.fr/cinema/article/2012/02/07/my-land-faire-surgir-une-parole-impossible_1639976_3476.html
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19304857&cfilm=198095.html
Tant de colonies hors la loi
… par rapport à la loi de l’Etat sioniste lui-même
http://www.courrierinternational.com/article/2009/04/16/tant-de-colonies-hors-la-loi
Félins
de Keith Scholey et Alastair Fothergill
Superbe ! Magnifique prise de vue qui fait que l’on se retrouve dans l’intimité des lions et des guépards, dans les joies et les difficultés de leur quotidien.
Pas une autoroute, pas un TGV à l’horizon. Même pas une plantation de palmiers à huile ! A voir vite avant que ces paysages ne soient à leur tour victimes de la croissance. Mais sans prendre au premier degré un commentaire parfois guerrier.