1960 2018 – Eau, patrimoines, biodiversité et climat, 50 ans d’une destruction exemplaire du bien commun
1960 2018 – Eau, patrimoines, biodiversité et climat, 50 ans d’une destruction exemplaire du bien commun
Comment en sommes-nous arrivés à la pollution de toutes les eaux et de tous les sols (et à leur désertification), à l’effondrement des populations d’insectes, d’amphibiens, de reptiles, de poissons, d’oiseaux et de mammifères, à la dérive climatique et aux sécheresses*, à l’eau rare et chère… bref à l’effondrement généralisé du vivant que même les plus distraits peuvent maintenant voir (mais sans que la plupart semblent vraiment prendre conscience) ?
* élus, fonctionnaires, exploitants agricoles, les responsables de la situation ayant tous appliqués avec zèle les « nouvelles méthodes de gestion » sont les premiers à se plaindre
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Comment… et quand ? Très exactement, quand avons-nous vraiment basculé dans l’engrenage des destructions ? Quand les alertes, les résistances et les dynamiques restauratrices du bien commun ont-elles été vaincues ?
Pour bien le comprendre, se pencher sur les dérives locales, même à petite échelle, est tout aussi édifiant que l’étude des dérives planétaires.
Là, l’exemple est complet. Il n’y manque rien.
le 30 octobre 1968, le bourg médiéval de Saint-Gengoux-le-National et ses abords ont été inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. C’était après une grande destruction, et avant d’autres destructions plus graves encore.
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«Dans nos pays de l’Europe civilisée où l’homme intervient partout pour modifier la nature à son gré, le petit cours d’eau cesse d’être libre et devient la chose de ses riverains. Ils (…) l’emprisonnent entre des murailles mal construites que le courant démolit; ils en dérivent les eaux vers des bas-fonds où elles séjournent en flaques pestilentielles; ils l’emplissent d’ordures qui devraient servir d’engrais à leurs champs; ils transforment le gai ruisseau en un immonde égout.»
Histoire d’un ruisseau, Élisée Reclus, 1869
1 siècle après Élisée Reclus, en 1970, la Terre était encore en assez bon état. Il y avait encore place pour l’espoir et l’action. Partout, de nouvelles agressions massives et les projets d’exploitation mondialisée avaient soulevé l’inquiétude et fait se lever le mouvement écologiste et d’autres mouvements critiques et alternatifs à la civilisation imposée par la globalisation capitaliste. Les mouvements d’alerte et de proposition des années soixante constituaient la nouvelle gauche (à peu près ignorée dans la France d’aujourd’hui, mais mondialement connue comme New Left).
Une cinquantaine d’années plus tard encore, la situation est dramatique.
Pourquoi les alertes n’ont-elles pas été écoutées ?
Pourquoi ont-elles été combattues, et par qui ?
Comment les propositions ont-elles été éliminées – y compris celles qui, nombreuses, sont aujourd’hui reprises avec tambours et trompettes ?
Pourquoi l’aveuglement n’a-t-il cessé de progresser ? Comment ?
Comment les profiteurs-pollueurs-destructeurs ont-ils pu s’affranchir de toute régulation ?
L’exemple d’une petite cité, mais de longue et belle histoire et qui avant d’être dégradée a, elle aussi, connu un éveil remarquable dans les années 1960-70, révèle un développement planifié des influences néfastes, l’écrasement des alertes et des alternatives, la corruption et le dévoiement des mécanismes de représentation. Il démontre que les mêmes processus délétères ont, à tous les niveaux et de façon concomitante, pris le pas sur la conscience du bien commun, sur la démocratie, la convivialité et l’amour du vivant.
Car, en dépit des effets d’annonce,
par exemple :
Redonner aux rivières altérées par les aménagements et les activités humaines un fonctionnement naturel, c’est se protéger contre les crues, améliorer la qualité de l’eau, favoriser le retour de la biodiversité et s’adapter au changement climatique, rien de moins. C’est aussi penser développement économique, lien social et qualité de vie ! Une somme de bénéfices que les territoires ont à considérer, alors même que l’urgence à agir sonne à leurs portes.
…sur le terrain, c’est un peu différent. Même dans l’espace de l’agence Rhône-Méditerranée-Corse…
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sommaire
1 – L’ancienneté de la défense du bien commun et la progression inexorable des destructions
2 – Entre beaucoup d’autres curiosités, une révélation qui suscite beaucoup d’interrogations…
3 – Le bien commun est nu devant ses prédateurs
4 – Comment la démocratie divorce d’avec le bien commun
5 – Dégrader continûment pour assujettir et retarder le temps du renversement
Appréciations et publications sur la défense de la tête de bassin
Articles parus sur les destructions infligées à la tête de bassin versant
les notes
et la destruction qui continue, qui continue…
Après la crue éclair de Valencia (30 octobre 2024)
et la sécheresse qui progresse, qui progresse…
d’autres exemples de destruction des zones humides
Dans le Pas-de-Calais, l’exemple des inondations de l’hiver 2023/2024
Bétonnage au Pays Basque (zone humide d’Ametzondo, Commune de Bayonne)
Halte au saccage du bocage
des esquisses de restauration
Quelquefois, en effet, un cours d’eau longuement maltraité commence à être réhabilité. Mais…
Île-de-France : contre les inondations, on restaure des rivières longtemps enfouies sous le béton
La restauration des cours d’eau dans le Bassin Seine Normandie
en annexe (dossier suivant sur le site) :
L’écologie des catacombes, un premier bilan de la dernière action publié par le site Les Eaux glacées du calcul égoïste en avril 2014
http://www.eauxglacees.com/L-ecologie-des-catacombes-par
actualité 2020, 21, 22, 23…
l’étude de terrain correspondante :
L’eau perdue, première partie
L’eau perdue, seconde partie
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1 – L’ancienneté de la défense du bien commun
et la progression inexorable des destructions
Comme partout, l’alerte écologiste – celle qui animait une partie de la nouvelle gauche née dans les années cinquante-soixante – s’est aussi développée à Saint-Gengoux-le-National. Depuis les balbutiements jusqu’à la dernière action pour la préservation du ruisseau principal et du patrimoine, se sont égrainées une cinquantaine d’années d’information et de tentatives de sensibilisation, d’initiatives constructives, de résistances aux projets destructeurs. Et… rien n’y a fait. Les destructions n’ont cessé d’être multipliées et l’essentiel – l’eau et ses milieux – a été perdu. Déjà, au début des années 2000, un observateur un tant soit peu attentif était frappé par la faiblesse des populations animales. Le plus souvent, la campagne semblait vide !
Une cinquantaine d’années car la dernière alerte pour l’eau, le patrimoine architectural, la vie de la campagne et du village (2007-2017), s’inscrit dans la continuité des actions qui l’ont précédée, au moins depuis 1973 :
« En 1973, un espoir naquit. Une association de sauvegarde et de mise en valeur se constituait, sous l’impulsion de quelques jeunes du pays. Grâce à l’impulsion de l’Union R.E.M.P.A.R.T., où sont affiliées les équipes qui ont sauvé également l’église du Puley et celle de Saint-Hyppolite, un chantier de jeunes bénévoles s’ouvrait en août 1973 et commençait le dégagement et la consolidation des remparts. Dans le même temps, des relevés architecturaux était commencés, afin d’avoir un programme d’ensemble permettant d’aboutir à une proposition permanente de sauvegarde. Cet effort se poursuivait en 1974, avec la restauration des voûtes d’une ruelle médiévale, quelques travaux aux remparts, et la poursuite de l’étude de la ville. (…) »
J.-P. Thorreton
Sites et Monuments octobre – novembre – décembre 1974 – n°68, revue de la Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France (SPPEF), pages 34, 35, 36
RENAISSANCE VAUBAN A MAUBEUGE – CHARTRES – NANTES – ILE EN PERIL – SALIES-DE-BEARN – MILLAU-EN-ROUERGUE – SAINT-GENGOUX-LE-ROYAL.
Mais, à l’époque des observations de Jean-Pierre Thorreton, le système de « la croissance marchande » avait déjà étendu les réseaux de ce que l’on allait appeler la mondialisation – ou globalisation. Il détruisait les campagnes, ruinait l’agriculture pérenne et la civilisation paysanne sous la « Révolution Verte » des industriels et des financiers. Il multipliait les grands comptoirs de « la grande distribution » pour déstructurer, déculturer, aliéner par « la consommation de masse » . Il s’agissait de rendre dépendants de nouveaux objets et services les personnes et les groupes qui, jusqu’alors, n’en avaient aucun besoin : « la manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays« , Edward Bernays (1). La marche vers la dépendance et l’aliénation a été réalisée par séduction et tromperie, comme avec les cigarettes (Lucky Strike) devenues « flambeaux de la liberté » et l’automobile « symbole de liberté« *, et sous la contrainte avec les déstructurations économiques, sociales, spatiales (comme avec la ruine planifiée des paysans, des artisans des commerçants, l’imposition de la « grande distribution« , etc.).
* Toujours la liberté ! Une notion très plastique qui permet aisément d’occulter la complexité du monde. Très commode pour faire accepter n’importe quoi.
Jean-Pierre Thorreton constatait l’éveil de la campagne bourguignonne dans la France de 1974. Mais, dans le même temps, les lanceurs de l’alerte écologiste et patrimoniale étaient en train de découvrir que même un PSU gauchiste se prétendant « autogestionnaire« * faisait partie du système auquel il prétendait s’opposer. Sous le manteau, les dirigeants du PSU s’activaient pour développer « une perspective commune utile à la croissance marchande » (dérapage de Michel Rocard en février 1974 dans une réponse aux écologistes qui lui demandaient des éclaircissements). « La croissance marchande« … Le projet exactement opposé au bien commun; la culture de la dissociation et du superflu, du faire si l’on peut sans s’interroger si l’on doit… la source même de la ruine, tant pour la cité médiévale bourguignonne que pour la planète !
* mais soutenu, sinon orienté, par les lobbies du nucléaire et de « la grande distribution » (Henry Hermand subventionnait le PSU, et un membre du lobby nucléaire était très actif dans le Bureau National du parti)
C’est grâce à la ténacité d’une personne du collectif de sauvegarde que ce document a été découvert en 2016 au hasard d’une énième recherche (plus de 8 ans après le début de l’action !).
La découverte de l’antériorité, non pas d’une alerte, mais de plusieurs alertes similaires, également accompagnées de réalisations et de projets, a été un choc pour les défenseurs d’aujourd’hui qui ignoraient encore que tant d’autres les avaient précédés, et depuis si longtemps. D’un coup s’ouvrait une perspective de plusieurs dizaines d’années qui révélait beaucoup de choses, surtout sur ce qui avait été soigneusement caché.
Cela rendait encore plus faibles et curieuses les objections relatives au non-engagement de la population, donc à l’importation d’une « action étrangère à la commune » – prétexte avancé, dans les années 2010, par les environnementalistes du secteur pour retarder leur engagement. Pour eux, l’eau, ses hôtes, ses écosystèmes, l’importance de leur rôle multiple, localement et jusqu’à la mer, l’incidence sur le climat, etc., étaient choses nouvelles. Ils ne s’étaient jamais mobilisés sur ces sujets et ne savaient pas les luttes précédentes. Ils découvraient ! Mais ils accompagnèrent le mouvement avec, au moins, un tract distribué sur le marché local en août 2014 :
Il y eut aussi une action juridique initiée par la confédération des associations environnementales locales (la CAPEN 71). Naturellement, j’ai communiqué toutes les informations à l’avocat qui m’avait été indiqué. Mais avait-il vraiment été chargé de l’affaire ? Car, étonné de n’avoir aucun retour, je l’appelai : il coupa court, disant qu’un autre avait été désigné. Contacté, celui-ci daigna juste me dire qu’il avait reçu la consigne de ne pas communiquer avec moi. Dans l’alerte que j’avais initiée et portait depuis plusieurs années ! Mais exploiter l’étude que j’avais réalisée ne le gênait pas – ni ses commanditaires. Qu’en ont-ils fait ? Vu les résultats de l’action, pas grand-chose. Et, vu les procédés employés, on peut même se poser des questions plus dérangeantes. D’autant que le président de la CAPEN 71 était membre de la CDAC (Commission Départementale d’Aménagement Commercial *), et qu’il s’y était prononcé, durant la même période, en faveur d’un projet de grand supermarché dans la campagne bressane ! Curieuse attitude pour un « protecteur de la Nature ». Mais une action et une proximité contre-nature qui rappellent les accointances des faux-écologistes infiltrés dans le mouvement dès la fin des années 1960 **. À la décharge de l’environnementaliste égaré dans la CDAC, l’effondrement des alertes et des alternatives sous les opérations de la réaction anti-écologiste avait semé une confusion dont on n’était pas près de sortir. D’ailleurs, c’était bien le but initial.
* la CDAC) est une instance départementale sollicitée pour se prononcer sur les Autorisations d’exploitation commerciale. Elle examine les projets de création ou d’extension de magasins de commerce de détail supérieurs à 1 000 m² de surface de vente.
** Ils étaient étroitement liés à la famille Leclerc des supermarchés, au Nouvel Observateur et à la Deuxième Gauche rocardienne panachée de trotskystes et de maoïstes.
Cependant, le 3 septembre 2014, la CAPEN s’efforçait d’avertir le Comité de Rivière du Bassin de la Grosne :
« (…) Pour les associations de la CAPEN 71, non seulement les orientations du SDAGE Rhône-Méditerranée 2016-2021 sont pertinentes, mais surtout elles devront être appliquées *. (…) Or, le projet d’un supermarché à St-Gengoux le National sur une zone humide et le lit d’un ruisseau, le Nolange, est la parfaite illustration du contraire de ces orientations fondamentales, du « agir comme il faut là où il faut ».
On peut même dire qu’en matière d’altération de la continuité écologique, de dégradation de la morphologie d’un cours d’eau et d’aggravation des risques de crue, on atteint des sommets ! (…) »
- Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) 2016-2021
Il est remarquable que ce SDAGE Rhône-Méditerranée ait été « celui de l’adaptation au changement climatique« . Il devait « s’appliquer à assurer le retour à l’équilibre quantitatif dans 82 bassins versants et masses d’eau souterraine; à restaurer la qualité de 269 captages d’eau potable prioritaires, lutter contre l’imperméabilisation des sols (…) ; restaurer 300km de cours d’eau en intégrant la prévention des inondations ; compenser la destruction des zones humides (…) »
Pour la tête de bassin versant de Saint-Gengoux, c’est exactement l’inverse qui a été réalisé.
Je n’eus plus aucune information sur le déroulé de cette étrange procédure (1 bis).
Par-dessus tout, la découverte de plus de quarante ans de luttes pour le bien commun mettait plus en évidence la duplicité de ceux qui, ignorant l’apport de compétences et de motivation, dénigraient la nouvelle alerte pour la décourager. En 8 ans 1/2 de contacts et d’actions de sensibilisation, personne ne nous avait parlé du précieux témoignage de Jean-Pierre Thorreton sur le mouvement culturel qui avait animé la cité. Ni de beaucoup d’autres choses, d’ailleurs. Cela n’était, donc, pas seulement de perte de mémoire qu’il s’agissait, mais d’une omerta en rapport avec la dégradation d’ensemble ; à la fois cause et conséquence.
Car le long temps ne pardonne pas. Il montre les variations et les constantes. Il trahit les mensonges et les dissimulations. Il met en relief les évolutions et les régressions. Et, là, c’est d’une impressionnante régression qu’il s’agissait.
Nous avons retrouvé trace d’une association : Villa Vallis (dissoute en janvier 2006).
Plusieurs de ses actions :
– récupération et restauration de la Tour des Archers,
– projet de réaliser des jardins médiévaux entre la Tour et la Cité (une idée équivalente à celle proposée en 2008, sans connaissance de la première),
– opposition au projet de détruire les maisons de tanneurs et l’hospice renaissance du Faubourg des Tanneries,
– défense de l’îlot médiéval de l’Abondance menacé de destruction (pour faire un parking !),
– création d’une fête médiévale,
– création du marché de nuit,
– opposition au projet d’implantation d’un grand supermarché, avec services, entre la Tour des Archers et la Cité médiévale et classement en zone de protection (la ZPPAUP aujourd’hui bafouée), etc.
Mais c’est une autre association dont Jean-Pierre Thorreton a observé les premiers pas en 1974 : une association locale du réseau Rempart. Entre le Prieuré Saint-Christophe du Puley, l’église de Saint-Hyppolite et plusieurs tours de Saint-Gengoux, les associations locales étaient particulièrement dynamiques.
Si l’action menée ces dix dernières années correspond exactement à l’esprit des actions précédentes, elle s’est développée dans un contexte profondément différent. L’ambiance s’était considérablement dégradée (2).
Au Puley et à Saint-Hyppolite, les associations de sauvegarde Rempart sont toujours bien vivantes et poursuivent les chantiers de restauration et d’entretien. Rien ne subsiste à Saint-Gengoux où tout semble avoir été effacé; excepté, pour quelques initiés, la mémoire de Marguerite Rebouillat qui a joué un grand rôle dans l’éveil d’il y a une cinquantaine d’années.
Villa Vallis avait été principalement animée par deux artistes, Anne Lanci et Marcel Luquet (également constructeur de caravanes). Curieusement, le souvenir de Villa Vallis, qui a pourtant beaucoup fait pour Saint-Gengoux, semble embarrasser nombre d’habitants.
Le mouvement observé par Jean-Pierre Thorreton n’était pas né de rien. Il témoignait d’une activité culturelle déjà ancienne. La sensibilisation à l’écologie et au patrimoine se développait partout depuis les années cinquante. Ainsi était née en 1966 l’association Maisons Paysannes de France qui, alors, s’identifiait à la nouvelle gauche écologiste (3).
La qualité et la force des actions décrites par Jean-Pierre Thorreton révèlent une préparation, probablement d’autres actions, et une longue prise de conscience. Déjà, une dizaine d’années auparavant, au début des années 1960, sinon dans les années cinquante, le projet de combler le canal du XVIIIème siècle où coulait le Ruisseau de Nolange dans la cité, et de détourner l’eau vidée de toute vie dans un égout, avait suscité une forte opposition (4). Et il est vraisemblable que le déplacement de la décharge municipale en haut du Vallon de Manon, de façon à polluer la source historique de la cité médiévale (et faire entrer la SAUR* dans la gestion municipale), puis l’abandon de la source et la poursuite de sa pollution, ne se sont pas faits sans éveiller les critiques !
* Société d’Aménagement Urbain et Rural
L’inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques de la cité et de ses abords en 1968 – en 68 ! – confirme l’ancienneté de la mobilisation pour le patrimoine puisque l’administration ne statue qu’après avoir été saisie par une collectivité territoriale ou une association de défense.
C’est encore une recherche internet qui a permis de trouver trace des actions menées avant 1974 dans un article du numéro 11 de la revue « Images de Saône et Loire » découvert dans ce dossier :
http://www.saint-hippolyte-71.org/les-premiers-chantiers-de-1971-a-1990/
La revue est produite par le Groupe Patrimoines 71 dont l’histoire conforte le constat d’une forte sensibilisation au bien commun dans les années 1960/70 ; sensibilisation dont nous sommes bien loin aujourd’hui. Cette association a été fondée en 1969 « pour la connaissance, la protection et la mise en valeur du patrimoine humain et naturel en Saône-et-Loire« . Bien entendu, personne n’en a parlé au dernier collectif de sauvegarde.
Depuis, au moins deux mouvements se sont succédé, parfois en ignorant les efforts de ceux qui les avaient précédés. C’est le cas du dernier collectif qui a presque lutté 10 ans. Que s’est-il passé entre-temps ? Pourquoi une sensibilisation et une mobilisation déjà anciennes se sont-elles éteintes à Saint-Gengoux-le-National, complètement éteintes, et seulement là puisque le même élan se poursuit au Puley et à Saint-Hyppolite ? Nous avons remarqué que c’est justement le lieu où se concentrait le plus de richesses culturelles et naturelles, ce qui aurait dû, tout au contraire, générer et entretenir un mouvement fort, au fur et à mesure de la revalorisation. Mais Saint-Gengoux-le-National est aussi l’endroit où l’on a vu se manifester avec une grande force les lobbies du détournement du bien commun et de sa chosification en matière et marchandise (eau, « grande distribution« , agriculture industrielle, béton et bitume, automobile, ordures ménagères et recyclage, etc.)… Comme à grande échelle, quand ils convoitent un bien commun ou un service public, il y a peu de doute que les lobbies n’aient pas tout fait pour étouffer les résistances (et les scrupules), et jusqu’à la moindre proposition alternative, afin que les règles de protection puissent être bafouées sans faire de vagues.
En 2008, quand a commencé la dernière action, la proposition permanente de sauvegarde portée par l’association Rempart locale avait été moquée, méprisée et enterrée, effacée des mémoires, avec la mobilisation qui l’avait portée. Comme le craignait JP. Thorreton, l’architecte du patrimoine qui témoignait dans la revue Sites et Monuments, presque tout ce que les uns et les autres voulaient préserver pour revaloriser l’ensemble de la cité médiévale et sa campagne avait été détruit avec application :
- la Fontaine de Jouvence, avec son grand bac de pierre, enterrée sous le bitume au centre du village (comme les ponts du canal des Fossés),
- le faubourg renaissance des Tanneries avec les maisons de tanneurs et l’ancien hospice aux colonnades,
- l’enceinte du Couvent des Ursulines avec ses grands portails ouvragés,
- un pâté de maisons médiévales remarquables proche de l’église classée, au coeur de la zone de protection (l’Îlot de l’Abondance),
- les ruisseaux avec leurs ripisylves au nord et au sud de la cité,
- les fossés du mur ouest et le canal du XVIIIème siècle (et ses ponts) où coulait, depuis, le Ruisseau de Nolange dans sa traversée de la cité, etc.
Démolis, dépecés, comblés, rasés, l’eau polluée conduite dans les égouts, dévastés. Sans s’étendre sur les innombrables dégradations du bâti traditionnel ! À cet égard, cet exemple :
Maison restaurée dans les années 2000. La première moitié, avec la galerie mâconnaise, est une maison de vignerons du XVIIIème siècle. La seconde partie a été construite au XIXème siècle. Comme toutes les maisons anciennes de la cité, l’ensemble a été monté avec les pierres du pays assemblées avec une terre argileuse ocre-rose locale (oubliée elle aussi par la plupart des habitants) et de la chaux (oubliée aussi).
La même maison défigurée et entièrement enduite de ciment* au tournant des années 1970 et 80, époque des grandes destructions de l’eau et du patrimoine. À l’intérieur, entre autres ravages insensés, même la belle et grande cheminée campagnarde du XVIIIe a été détruite à la masse, comme tant d’autres.
Il est tout à fait révélateur que le chantier de restauration n’a éveillé aucune curiosité chez les locaux. Seuls des touristes et des nouveaux habitants sont venus visiter.
* en plus des destructions perpétrées jusque dans les maisons, le ciment a été répandu partout, défigurant toute la cité, et rendant humides des constructions parfaitement saines.
Ceci pouvant expliquer un peu cela, il faut au moins évoquer les difficultés sans nombre qu’il a fallu surmonter. Comme dans Vous plaisantez Monsieur Tanner, de Jean Paul Dubois, et Une année en Provence de Peter Mayle, plusieurs entreprises classées « meilleures de la région » ont rivalisé d’efforts pour saboter le projet de restauration. Canalisations électriques pendant du plafond, dalle chaux-chanvre perspirante coulée sur un film plastique bien étanche, isolations non-jointives, arases laissées grandes ouvertes façon mâchicoulis, etc.
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Une autre destruction du début des années 1980 : le Faubourg renaissance des Tanneries
(sous la haute protection des Bâtiments de France)
Au sortir du Faubourg des Tanneries, la ripisylve du bief du Moulin de la Boutière dans les années 1970
Et les nombreuses sources, les rivières, les mares, et leurs populations, empoisonnées, détruites. Et les haies, et les chemins creux, et les bois, et la majeure partie de la campagne, saccagés par les remembrements de l’agriculture industrielle, l’appropriation par les riverains, et les constructions de n’importe quoi n’importe où. Même une précieuse mare, relais des continuités écologiques résiduelles, a été détruite pendant le temps de l’action, malgré l’alerte donnée aux administrations et « associations » en charge de sa protection.
Alertés, ceux qui disent protéger les mares et autres zones humides restèrent l’arme au pied. Tous. Pourtant : https://www.trameverteetbleue.fr/entree-geographique/experiences-recensees/reseaux-mares-bourgogne
Summum de l’immobilisme et du mépris technocratiques, pour justifier leur démission, plusieurs osèrent prétexter qu’ils n’y avaient pas vu d’espèces protégées… Ignorance des réseaux écologiques qui subsistent ou pourraient être restaurés. Et comme si les vivants avaient été épargnés par les déchargements de gravats; comme si les survivants étaient restés là, bien sagement, dans l’attente du déversement suivant !
Aucun associatif ne daigna même s’y intéresser (pas assez valorisant). Seule la Charte Paysagère du Pays d’Art et d’Histoire Cluny-Tournus relaya l’indignation (La difficile reconnaissance du vivant, page 41) :
Mais la compétence mobilisée pour la Charte devait gêner. Peut-être aussi sa collaboration avec des associations, telle celle de la défense de la tête de bassin de Saint-Gengoux. L’équipe qui élaborait la Charte Paysagère n’allait pas tarder à être remerciée et son travail effacé. Une trace subsiste dans le journal régional :
Mieux connaître pour mieux préserver : tel est l’objectif de la charte paysagère et architecturale qu’élabore un quatuor de spécialistes, en collaboration avec le milieu associatif.
https://www.lejsl.com/edition-de-chalon/2013/05/10/nos-paysages-ces-tresors
Encore un aperçu de la propagande répandue, alors que, sur le terrain, on ne pouvait rien sauver :
https://www.cen-bourgogne.fr/fichiers/aufonddelamare2_web.pdf
Et cela continue :
Intégrer les dimensions géo-historique et territoriale dans la gestion contemporaine des petits lieux d’eau.
Et, maintenant, un nouveau remblai est construit (parking et supermarché) au sortir du Faubourg des Tanneries dans le lit même du ruisseau sacrifié, détruisant du même coup le paysage, un espace naturel proche des habitations, une terre favorable au maraîchage – une richesse ! – pour en faire un dépotoir de banlieue.
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2 – Entre beaucoup d’autres curiosités, une révélation qui suscite beaucoup d’interrogations…
L’association Villa Vallis avait déjà sauvé le même endroit (le Pré A l’Agasse) du même projet (avec le même promoteur) au début des premières années 1980. L’association avait mené différentes manifestations et, surtout, lancé une pétition qui avait recueilli 900 signatures – dans une commune de 1000 habitants ! Le succès de cette pétition est d’autant plus étonnant que, cette fois, beaucoup de ses signataires ont laissé faire et n’ont rien dit au nouveau collectif de sauvegarde; s’ils n’ont pas basculé dans le camp du promoteur, comme telle figure locale de la politique !
Encore plus étonnant : suite à la pétition, les Bâtiments de France ont classé cet espace naturel, précieux à double titre, en zone protégée (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager – ZPPAUP). Or, cette fois, les Bâtiments de France se sont bien gardés de répondre au collectif. Mieux encore, comme nous l’a précisé l’opposition municipale, pour autoriser la relance du projet repoussé une trentaine d’années auparavant, il faut donc que le Pré A l’Agasse où passe le ruisseau ait été déclassé de façon expresse, sans procédure (toujours longue), sans révision du POS et sans enquête publique… déclassé par le service même qui l’avait protégé contre le même projet !
Comment ?
Cette longue histoire étrange faite de mensonges, de libertés prises avec la législation et de destructions furieuses du patrimoine architectural et écologique, tout cela pour changer en terrain à bâtir une zone humide agricole en lisière de cité, laisse supposer que son objet principal est plus encore la spéculation foncière que la captation de l’économie commerciale locale. C’est, de toute façon, la manifestation d’une stratégie d’emprise totale caractéristique de l’action des lobbies.
Là-dessus, la parole commence à se libérer :
(…) le bétonnage est un business juteux et largement encouragé par les autorités. Qu’il s’agisse de Mercialys (Casino), de Fongaly (Cora), d’Immochan (Auchan), de Carmilla (Carrefour), d’Inter Ikea Center Group (Ikea), tous les acteurs majeurs de la grande distribution possèdent tous des filiales immobilières aux noms plus ignobles les uns que les autres, qui viennent concurrencer les « foncières » leaders que sont Klépierre, Unibail et Altarea Cogedim. Peu importe le nom, la « création » de richesses de ces entreprises consiste à acheter des terres agricoles pour pas cher, rendre le terrain constructible, y bâtir un énième centre commercial et enfin en vendre ou louer les surfaces disponibles à des commerçants.
Pourquoi la « France moche » continue de s’étendre
https://lvsl.fr/france-moche/ 24 janvier 2018
(…) Aujourd’hui, un mètre carré de terre agricole vaut moins de un euro. Quand une collectivité se propose de le racheter pour dix euros il est rare que le propriétaire refuse, a fortiori s’il rencontre des difficultés ou s’il n’est plus très loin de la retraite. Devenu constructible, la valeur du mètre carré est multipliée par dix, puis encore une fois par dix, une fois le centre commercial construit. En un temps record, la valorisation du mètre carré a été multiplié par mille! En plein champ, tout est tellement plus simple. Avec des marges aussi confortables, la périphérie puisse constituer une très bonne affaire, sans les complications techniques et réglementaires inhérentes à la construction en milieu urbanisé. Et le risque est limité si on excepte l’opposition de quelques irréductibles amoureux des prés et des vaches toujours prêts à déposer recours sur recours devant les tribunaux. Mais quand on a de bons juristes et un patrimoine dont les loyers permettent de patienter, ce genre de perspectives n’effraie pas. De l’espace, une bonne desserte, pas trop de concurrence à proximité. De 1 euro à mille euros…
La France toujours plus moche
http://www.slate.fr/story/144466/france-zone-commerciale-geante
La cité médiévale y a perdu toutes ses eaux vives (la raison même de l’installation des hommes dans ce lieu), l’essentiel de son caractère et presque toute sa biodiversité. Les anciens seraient épouvantés de voir ce qu’est devenu ce qu’ils avaient construit et su préserver.
“C’était un remembrement, un démembrement. C’était le chaos. C’était un saccage qui m’a beaucoup marqué. C’étaient des choses que les hommes avant nous avaient fait patiemment, qu’on a détruit avec tellement de facilité.” Jacqueline
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/le-grand-remembrement-7583513
Mais la désinformation et la fabrication de mirages continue. Le sublime a été atteint avec Les Nouvelles de la Communauté de Communes Sud Côte Chalonnaise (déc 2017, n°34). Page 3, on apprend un projet de « Site Patrimonial Remarquable » pour remplacer la « Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager » (ZPPAUP) actuelle *. Là où l’inscription à l’Inventaire Supplémentaire des MH et la ZPPAUP n’ont pas empêché les terribles destructions qui ont défiguré la cité et ses abords, là même où s’étend encore le ciment gris et le bitume dans les rues et places du centre, dans le lit du ruisseau historique et les prairies proches où, bientôt, allait débuter le chantier d’une zone commerciale sur remblais !
* c’est précisément celle qui avait été obtenue par l’association Villa Vallis pour… repousser la première tentative d’implantation d’un supermarché dans la zone humide à l’entrée sud de la cité !
Changer ce qui précède en « Site Patrimonial Remarquable » équivaut à avaliser les destructions en les effaçant de la mémoire. Car, reconnaître ce qui reste comme « remarquable » fait oublier ce qui l’était bien davantage. Plutôt qu’un changement de classement administratif, c’est d’un inventaire des pertes physiques et biologiques dont il est grand besoin. Celui-ci permettrait de mieux se représenter l’état du patrimoine et du vivant. Mais, bien sûr, le bilan serait catastrophique pour l’appréciation des politiques suivies depuis soixante ans.
La cité n’est pas tombée de Charybde en Scylla par hasard. Au début de la dernière action, il n’a pas fallu longtemps pour s’apercevoir que l’intérêt pour le patrimoine, pour les biens communs, était mal vu. Idem pour l’histoire récente : il n’y a pas eu transmission de la culture locale et de la mémoire des événements. La conscience et les efforts des anciens qui ont voulu protéger la cité avec l’inscription aux Monuments Historiques et la ZPPAUP sont méprisés par ceux-là mêmes qui parlent maintenant de « Site Patrimonial Remarquable« .
L’attitude des élus en a rapidement témoigné. Même quand ceux qui allaient animer le comité de sauvegarde en étaient au stade de la découverte, il a été impossible de simplement discuter avec les élus. Dans un village de 1000 habitants ! Cela donne une idée de la qualité de la « démocratie française » et de qui la contrôle, même à cette échelle. Mais qu’est-ce qu’une démocratie sans transmission de la mémoire ni pratique de la culture du bien commun ?
Mieux encore, l’enquête de terrain a même révélé une dissimulation généralisée :
- dissimulation même de l’existence du ruisseau historique de la cité,
- dissimulation de l’état des eaux et de leurs milieux avant les pollutions et les destructions,
- dissimulation des destructions patrimoniales,
- « perte » de la mémoire des chantiers néfastes..
Interrogés sur le passé récent de la commune, la plupart semblaient frappés d’aphasie. Leur paysage familier depuis l’enfance avait été bouleversé, mais ils n’en avaient aucun souvenir. Même les inondations étaient dissimulées ! Y compris les plus récentes figurant au Journal Officiel. Elles étaient carrément niées parmi les élus et leur entourage. Tout comme l’existence du ruisseau dans l’espace convoité par « la grande distribution« . « Jamais vu d’eau là ! » a osé affirmer un ancien en montrant l’emplacement du ruisseau sacrifié auprès duquel il avait vécu plus de la moitié de son âge, quand le ruisseau coulait libre et plein de vie. Mais, un peu plus tard, il avouera avoir été de ceux qui avaient voulu la destruction du ruisseau… Le ruisseau de son enfance, celui le long duquel il avait joué, où il avait profité de l’ombre de sa superbe ripisylve ponctuée de grands arbres, où il avait pêché, où il avait cueilli le cresson *, celui que ses parents et les parents de ses parents, et une lignée de longue culture, lui avaient transmis en bonne santé, avec son eau bonne à boire, ses écrevisses, ses poissons, ses libellules… Comment cette rupture avec une culture séculaire et cette volonté féroce de destruction du bien commun ont-elles pu naître, grandir et s’imposer ?
* devant la ferme de ses parents en aval du village, dans le bief du moulin de la Boutière – ce qui indique que, pour être capable d’épurer l’eau puante du canal de la rue des Fossés en l’espace de deux à trois cents mètres, la biocénose du ruisseau devait être en pleine santé !
Plusieurs fois durant l’enquête, en évoquant simplement le ruisseau et son canal traversant la cité, nous avons été confrontés à une sorte de dégoût exalté. Le ton montait et aucune démonstration ne semblait trop forte pour nous convaincre de la nécessité de cacher cette horreur ! L’exaspération était d’autant plus grande qu’il était évident que les habitants étaient entièrement responsables de la pollution et des destructions sur lesquels nous enquêtions. C’est une frénésie haineuse contre l’eau, ses milieux et ses architectures, contre toute manifestation du vivant aussi, qui semble progresser depuis les années cinquante.
Il a fallu beaucoup de patience et de recoupements pour retrouver des traces de ce qui s’était passé il y a seulement 30 ou 40 ans, et moins ! Et encore, l’omerta a empêché la communication de documents et l’échange avec les prédécesseurs. Comme par hasard, cet entretien de l’ignorance cultive le décrochage des nouvelles générations et favorise la propagande des projets les plus nuisibles, telle cette implantation de supermarché dans le lit du ruisseau qui avait été repoussée par les précédentes mobilisations.
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3 – Le bien commun est nu devant ses prédateurs
Les prédécesseurs des défenseurs des années 2000-2010 n’avaient pas pu bénéficier d’autant de lois, de règlements, de circulaires encadrant l’action des fonctionnaires et des communes, et d’institutions dédiées superposées (tellement !). Mais on voit qu’avec beaucoup plus de protections apparentes le résultat est le même. Et même pire ! Deux exemples :
- Début 1980, l’administration préfectorale, qui était sous l’autorité du ministère de l’environnement et en charge de la protection des ruisseaux, a elle-même supervisé la destruction du ruisseau au sud de la cité. Aujourd’hui, avec le changement climatique et l’impératif de sauvegarde des têtes de bassin versant, avec plusieurs lois de protection en plus, avec l’assurance de pollutions catastrophiques en cet endroit, la même administration a appuyé le projet de station-service et de supermarché dans le lit du ruisseau – avant de faire in extremis machine arrière sur la station-service.
- Les Bâtiments de France avaient classé le Pré À l’Agasse après le succès de la pétition de l’association Villa Vallis. Ils l’ont déclassé en dédaignant l’action du collectif de sauvegarde.
D’une manière générale, cette fois rien n’y a fait. Ni la nullité du permis de construire niant l’existence du ruisseau. Ni l’information, ni les démonstrations et les projets alternatifs, ni les rappels à la loi… La loi ? La loi sur l’eau et les milieux humides (LEMA), la loi sur la biodiversité, les circulaires ministérielles, les recommandations de l’Europe, les injonctions des régions… Superbement dédaignées par tous, et d’abord par les administrations en charge de les faire respecter :
Ministère de l’Environnement,
Direction de l’Environnement de la Commission Européenne,
Bâtiments de France (la zone est classée),
Onema,
administration préfectorale,
SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux),
Comité de Bassin,
ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique),
DREAL et Continuité Écologique,
Schéma Régional de Cohérence Écologique (5),
Trame verte et bleue,
Stratégie Régionale pour la Biodiversité,
même par le Pays d’Art et d’Histoire (dernière formule), etc.
Tout cela pour… rien.
Les techniciens de l’EPTB (Établissement Public Territorial de Bassin) se sont, d’abord, montrés motivés. Ils étaient très contents de pouvoir travailler avec un collectif local (« C’est rare et c’est précieux, car nous ne pouvons tout faire.« ).
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tablissement_public_territorial_de_bassin
Mais ils ont été aussitôt contrariés dans leur élan par les élus – tous les élus (le retournement a été rapide et brutal). Les personnels de l’EPTB ont fini par avouer leur impuissance.
D’abord, l’Agence de Bassin Rhône-Méditerranée-Corse a dit vouloir soutenir l’action. Et elle a publié deux articles :
http://www.sauvonsleau.fr/jcms/c_7716/un-ruisseau-a-sauver-d-urgence–le-nolange#.WltgJNa4Bpo
C’était en 2014…
…puis l’Agence s’est totalement effacée en prétextant l’impuissance – bien sûr, sans orienter vers une structure capable. Plus de contact possible. Plus de réponse. Cela ne l’empêche nullement de continuer de faire semblant…
https://www.eaurmc.fr/jcms/pro_72420/fr/zones-humides-zones-utiles-agissons
« Agissons » ! Mais, quand il s’agit de donner un coup de pouce sur le terrain, simplement pour éviter que ce qui existe encore soit détruit, il n’y a plus personne. Plus de consistance.
L’année suivante, un SDAGE était proclamé, avec «
programme pluriannuel de mesures du bassin RMC », généreuse mobilisation d’argent public et grand défilé d’autorités étatiques en soutien :
Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) 2016-2021
En 2016, l’Agence de l’Eau sonne l’alarme : en Saône-et-Loire, seulement un tiers des cours d’eau est en bon état écologique. Et encore, il ne s’agit que des parties les plus proches des sources : les chevelus de tête de bassin. Justement ce qui est menacé de destruction à Saint-Gengoux. Sur place, rien ne change.
Plusieurs années plus tard, les annonces ronflantes continuent sans vergogne :
Même le Pays d’Art et d’Histoire a été détourné de sa vocation première par des intérêts hostiles à la préservation écologique et patrimoniale.
Dans un pays où l’on entend beaucoup parler de « la liberté d’expression« , vanter « les valeurs de la République » et la « citoyenneté« , etc., la censure et l’omerta s’abattirent comme un bloc sur les défenseurs du bien commun. Durant l’été 2014, comme répondant à une consigne, l’impressionnante armada institutionnelle s’est évanouie sitôt qu’il s’est agi d’agir pour sauver le ruisseau et la tête de bassin versant – et l’eau de tout l’aval d’une pollution déjà importante et bientôt augmentée. Tout à coup, plus un seul fonctionnaire à l’horizon ! Évidemment, cela n’est pas faute d’information ni de compétence. Ces structures fourmillent de compétences et disposent de toutes les armes pour agir. Pourtant, la plupart des portes sont restées closes, les courriers sans réponse, les participations sans lendemain, et les rares interlocuteurs ont tous disparu (seuls trois ont eu la correction de s’excuser en disant l’impuissance de leurs institutions à faire évoluer une situation bloquée) ! Unanimité et coordination. Comme s’ils obéissaient tous au promoteur. Mais n’oublions pas les technocrates enchâssés à tous les niveaux, ceux qui ont été formés pour ne rien comprendre au vivant, et ne le considérer qu’avec mépris… ils jouent avec zèle le rôle d’éteignoir de tout ce qui vient « d’en bas » et de « la nature ».
Déphasage complet par rapport aux urgences.
Déphasage complet par rapport aux annonces :
Préserver et restaurer les têtes de bassin versant du territoire du SAGE Estuaire de la Loire
Les têtes de bassin versant font l’objet d’une préoccupation récente et grandissante. Ces zones particulières correspondent aux bassins d’alimentation des petits cours d’eau. Situées à l’amont des réseaux hydrographiques, les têtes de bassin jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement global du bassin versant, de son réseau hydrographique et constituent son capital hydrologique. En effet, les études ont montré que 60% du volume de l’eau présent dans les bassins provient des têtes de bassin versant. Étant donné leur taille réduite, leur régime souvent intermittent et leur densité importante, les cours d’eau en tête de bassin ont facilement été jugés insignifiants et ont subi (ou subissent encore) de fortes modifications par l’Homme, que cela soit à cause de travaux d’aménagement, de pressions variées, ou d’un manque de considération dans la gestion des milieux aquatiques. Pourtant, les services écosystémiques apportés par ces milieux participent au bon fonctionnement global des hydrosystèmes, notamment dans un souci de solidarité amont-aval et d’atténuation des effets du changement climatique. Le schéma ci-dessous illustre le rôle de tampon hydrologique des zones humides en tête de bassin versant.
Le simulacre a continué. Justement, c’est quelques semaines après la rupture des relations qu’a eu lieu cette rencontre au sommet pour la protection des eaux du secteur :
« conservation des zones humides et restauration de la continuité écologique sont au coeur des préoccupations » de ces messieurs qui… ont déjà décidé de l’abandon de la tête de bassin versant de Saint-Gengoux aux bétonneurs et aux destructeurs de sources, de zones humides et de ruisseaux.
À noter encore, l’incroyable carence des contrôles d’implantation des supermarchés qui auraient interdit cette réalisation à 300 mètres seulement des commerçants locaux, à l’entrée d’une cité médiévale, donc en la défigurant complètement, si la surface annoncée avait été supérieure de… 10 mètres carrés* ! La surface commerciale avoisine en effet les 1000 m², cela pour 1100 habitants (sans compter le parking polluant pour toute l’eau de l’aval).
* Car, à quelques m2 près, en profitant d’une législation complaisante, la CDAC (Commission Départementale d’Aménagement Commercial) et la CNAC (Commission Nationale d’Aménagement Commercial) qui refusent ce genre d’installation dégradante pour le commerce local, le paysage et les milieux aquatiques, ont été shuntées.
Dans le bulletin municipal (Gazette) n°38 de janvier 2018, « le Maire » (Delorme) ose se féliciter du « soutien (…) des services de l’Etat » pour vaincre toutes les résistances à l’implantation de la grande surface du lobby tueur du commerce et de l’artisanat dans le lit du ruisseau historique de la cité (définitivement détruit), donc en zone inondable, et dans le périmètre de la tête de bassin versant de la rivière Grosne. En violation de toutes les règles de protection locales, nationales et européennes, et dans un mépris absolu de l’intérêt de tous à long terme. Cela confirme toutes nos observations. Nous voilà officiellement informés.
Cela complète les responsabilités – entre élus et « services de l’Etat » – dans le saccage du ruisseau et de son environnement, à l’entrée sud de la cité, en 1983 par la même municipalité (de gauche !) qui venait de massacrer le Faubourg des Tanneries. Alors, le bief de l’ancien moulin de la Boutière, où la majeure partie de l’eau du ruisseau avait été détournée, a été complètement détruit. Sur 1 kilomètre, une magnifique ripisylve arborée a été supprimée et l’eau « conduite » dans une buse. Insectes, oiseaux, reptiles, mammifères, amphibiens, poissons, micro-faune des sols et de l’eau, etc., la biodiversité a été anéantie avec sa production de nutriments essentiels pour toute vie en aval. Un écocide !
C’est la même situation que décrivait déjà JP Thorreton dans la revue Sites et Monuments en 1974. A propos de la « magnifique bâtisse du XVIIème siècle » du Faubourg des Tanneries, il annonçait la soudaine volonté des élus de tout détruire, volonté contraire au souci des prédécesseurs et aux évolutions en cours, volonté en rupture avec leurs engagements, volonté aussitôt appuyée par les services en charge de la protection de ce patrimoine classé (en particulier par « l’architecte des Bâtiments de France« ) !
Aujourd’hui, il faut encore se souvenir que le promoteur et tous ses appuis ont fini par jurer qu’ils ne toucheraient pas au lit du ruisseau (à la buse de 1982 où coule son eau morte). Car toute modification relève du Code de l’Environnement et entraîne l’application de la Directive-Cadre européenne sur l’Eau (2000/60/CE)* et de la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques de décembre 2006 (LEMA)**. Or, ils ont fait plus que toucher, ils ont augmenté le niveau de destruction du saccage de 1983. L’un de leurs documents l’atteste : le plan du projet de station-service (au-dessous). Une ligne brisée figure le nouveau tracé. Qui ne connaît pas les lieux, peut se reporter à la photo de l’inondation de 2014 (également au-dessous) où l’on voit clairement quel est l’écoulement naturel du ruisseau.
* Le principal objectif de la directive-cadre sur l’eau est de parvenir à un bon état de toutes les masses d’eau d’ici à 2015, à savoir le bon état écologique et chimique des eaux de surface et le bon état chimique et quantitatif des eaux souterraines. (https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-24399-bilan-dce-2012.pdf)
** Afin de reconquérir la qualité écologique des rivières, le projet de loi rénove les procédures d’entretien des rivières et fixe de façon précise les débits minimas qui devront être laissés dans les cours d’eau par les ouvrages hydrauliques. (https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000017758328/)
la tuyaucratie se déchaîne
La photo du JSL montre les grosses buses (à droite) où l’eau des ruisseaux va être enterrée pour ne pas gêner les « aménagements » commerciaux. Cette seule photo montre que le Code de l’Environnement, la Directive-Cadre européenne sur l’Eau (2000/60/CE) et la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques de décembre 2006 (LEMA) ont été les premiers à être profondément enterrés par les élus et l’administration.
Imperturbables, les fonctionnaires sont restés l’arme au pied et la loi dans les tiroirs (infos dans L’EAU PERDUE de Saint-Gengoux-le-Royal : Le ruisseau en termes de Droit, Contournements et détournements de la législation sur l’eau).
Alors que tout nouveau chantier impose maintenant la remise à l’air libre et la renaturation, on voit que, même en temps de crise de l’eau, l’information semble n’être pas parvenue jusqu’à la Saône-et-Loire (5 bis).
Ceci résultant de cela, il est probable que la grande destruction de 1983 s’inscrivait dans un projet à long terme, qu’elle préparait celle d’aujourd’hui (une centrale de supermarchés convoitait déjà le fond de vallée). Sources, zones humides, bocages, animaux, lanceurs d’alerte, mouvements sociaux… leur effacement physique ou médiatique prépare l’effacement de la mémoire et la perte de la culture du bien commun. Mémoire et culture du bien commun qui forment les représentations et stimulent les motivations, et, donc, sont les principaux remparts contre les dérives, les dégradations et les confiscations. Bien sûr, c’est une technique systématisée par les réseaux prédateurs du bien commun. Là, l’effacement a si bien fonctionné que, lors des dix ans de l’action, des habitants nous ont demandé : « Mais où passait le ruisseau ?« . La destruction de 1983 et l’oubli qui a été cultivé depuis ont permis de s’abstraire de la législation sur l’eau en mentant éhontément sur la nature du « terrain » (dans le permis de construire signé par tous, il était écrit : « le terrain n’est pas traversé par un ruisseau« ). Incroyablement, le Préfet reconnaît que « la parcelle concernée par l’aménagement est traversé par un cours d’eau (le Nolange) » (courrier du 9 janv. 2014). Mais le mensonge du permis de construire – qui vaut annulation * – ne le dérange pas puisque le ruisseau est déjà « busé » et que l’ONEMA affirme, après « observations de terrain« , que « les parcelles devant accueillir le projet ne sont pas occupées par une zone humide » (courrier du 12 décembre 2013 signé Emmanuel Durand). Pourtant, l’ONEMA reconnaît que « la parcelle concernée par l’aménagement se trouve sur le lit d’un cours d’eau » et dénonce l’affirmation du permis de construire, en rappelant que même « la canalisation possède le statut de cours d’eau« … Et la nappe phréatique correspondant au cours d’eau ? Motus !
* « La fraude est caractérisée lorsqu’il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l’intention de tromper l’administration sur sa qualité pour présenter la demande d’autorisation d’urbanisme » (Conseil d’État). C’est exactement le cas ici.
L’ONEMA se fend encore de quelques timides recommandations également ignorées de la préfecture :
« l’aménagement du site et les terrassements qui y seront faits pourraient permettre la prise en compte du cours d’eau et sa remise en lumière dans un cours naturel. Dans le cas d’une orientation vers la remise au jour du cours d’eau, la prise en compte du caractère d’inondation devra également être abordée« . En guise de préparation à une éventuelle « remise en lumière« , c’est une mise au tombeau qui est préparée par tous; comme l’atteste la photo du JSL (page précédente).
Quant à elle, la « notice descriptive sommaire des travaux envisagés » signée du maître d’ouvrage, de l’architecte et du maître d’oeuvre, parle clairement des « remblais sur le lit majeur du Nolange » et de la « rivière canalisée sous l’emprise du parking et de la station-service » (10 novembre 2015).
Même après l’alerte, le recours et l’étude historique et écologique, c’est le lobby de l’anéantissement qui, en ignorant toutes les démonstrations, a triomphé avec le secours des « services de l’Etat« . Gros problème de culture – et de mauvaise foi ! Tous ces gens et les structures qu’ils constituent ne veulent voir ni terre, ni eau, ni nappes phréatiques et leur recharge grâce aux zones humides, ni plantes, ni animaux, ni écosystème, ni patrimoine… Ils réduisent tout au « foncier« . La vie ? Cela leur échappe complètement. Ainsi change-t-on une zone humide en terrain à bâtir.
Cela n’est pas autrement, par effacements successifs, que les « autorités » organisent des destructions de grande ampleur. C’est ainsi qu’un beau jour on se rend compte qu’à peu près la moitié des zones humides du Bassin Méditerranéen ont été supprimées depuis 1970.
Que prépare la dernière destruction ?
Seul résultat de l’action, la station-service amphibie prévue précisément dans le lit mineur du ruisseau, avec ses cuves plongées dans la nappe phréatique d’accompagnement*, dans la zone la plus inondable**, ne sera pas construite. Remise aux normes, elle restera là où elle était, là où, prétendument, il était absolument impossible de la laisser – à cause, justement, des nouvelles normes (le choeur unanime des élus).
* nappe qui, avec le ruisseau (sa partie aérienne), avait tout bonnement été oubliée !
** cuves qui, donc, se seraient soulevées avec l’élévation du niveau de l’eau, et auraient vraisemblablement rompu les canalisations…
Les cuves, en cas de mauvais
ancrage, sont soulevées sous l’effet
de la poussée d’Archimède exercée
par l’eau et se mettent à flotter. Elles
peuvent alors être emportées par
le courant et deviennent des objets
flottants dangereux. Elles peuvent
ainsi percuter des bâtiments aux
alentours. Si elles se retournent ou
si les canalisations de raccordement
se désolidarisent de la cuve, leur
contenu peut se répandre et, ainsi,
polluer l’environnement. Pour éviter
cela, il est nécessaire d’arrimer les
cuves, citernes et réservoirs sur des
ouvrages compensant la poussée
d’Archimède
(https://www.cepri.net/tl_files/pdf/guidevulnerabilite.pdf)
C’était quand même trop gros.
Il valait mieux s’abstenir de mettre de si grosses cuves en cet endroit !
Manifestement, le travail du comité de sauvegarde – entre autres sur la nappe phréatique d’accompagnement du ruisseau et les inondations – a été utilisé par les administrations et les promoteurs. La surélévation du supermarché sur ce qui, déjà, était le point le plus élevé le démontre. Le rapprochement des photos, entre inondation de 2014 (officiellement classée « catastrophe naturelle« ) et chantier terminé est parlant :
Mais aucune mesure de « compensation« * pour la destruction du lit du ruisseau n’a été réalisée.
* D’ailleurs, comment compenser la mort d’innombrables êtres, peut-être la disparition d’espèces, en tout cas l’anéantissement du tissu des interrelations qui constituaient l’écosystème. Cette idée de pouvoir compenser une destruction est typique d’une vision mécaniste qui ignore la diversité des individus, leur complémentarité et la spécificité de leurs interrelations. Le vivant est un peu plus complexe qu’un jeu de Lego !
Pas davantage de retour du ruisseau « à son écoulement naturel à l’air libre » « au niveau de la plateforme commerciale« , comme annoncé au début de l’année. En grande partie excavé, le reste de prairie humide a été dévasté par les travaux et rien n’a été fait pour faire oublier le chantier.
Depuis la pollution de la Source de Manon par la décharge municipale placée exprès en haut de son vallon (et son abandon qui a permis l’entrée des intérêts privés dans la gestion municipale de l’eau), cela n’a été qu’un enchaînement de saccages profitables à des intérêts dissociés du bien commun, surtout étrangers au territoire (SAUR, Lyonnaise des Eaux, banques, « grande distribution« , Veolia…). Les uns préparant les autres. Ainsi, en 1981, à la sortie sud de la cité, la destruction complète du ruisseau de la cité préparait l’implantation du supermarché à laquelle Villa Vallis s’est opposée avec succès… 1981–2017, jolie continuité qui laisse deviner l’étendue des alliances intéressées déjà développées à l’époque et entretenues depuis. Et les tactiques développées pour s’assurer de tous les suffrages et les accointances – à tous les niveaux – favorables à la réussite du projet. Chaque nouvelle destruction aggravant la dévalorisation de la cité et de son environnement, aggravant l’oubli de ce qui a été, et l’ignorance, et la perte de conscience des habitants qui paraissent s’être accoutumés à cet enchaînement. Sans oublier l’appauvrissement culturel, écologique et économique pour toute la région, et la dégradation des eaux jusqu’à la Méditerranée. Et tout cela avec l’argent public !
Il est clair que les lobbies ont joué sur le long temps, sur l’oubli, et sur tous les moyens d’affaiblir l’éveil initial, cela jusqu’à extinction complète.
La différence est, en effet, spectaculaire entre l’indifférence d’aujourd’hui pour le bien commun et la capacité de mobilisation encore manifestée dans les années 1970, en dépit de l’affirmation des ennemis du bien commun, et encore dans les années 1980 (début du repli individualiste). Pendant les années 2000 et 2010, il a été extrêmement difficile de susciter un intérêt (fugitif) pour l’eau et ses milieux, pour les autres patrimoines aussi, donc pour l’identité et la vie de la cité médiévale et des alentours. La défense de la cité n’a réveillé aucune véritable volonté ; tout particulièrement chez les jeunes (totalement absents), les associations et les syndicats régionaux et nationaux (étrangement fermés, ou apathiques, voire hostiles !) (6). C’est aussi pourquoi la découverte des mouvements précédents a beaucoup étonné les défenseurs d’aujourd’hui – surtout le fait qu’ils étaient animés par des « jeunes du pays« . À l’échelle d’un village et de sa région, et dans le même moment, Jean-Pierre Thorreton fait le même constat que Bernard Charbonneau* décrivant le mouvement écologiste issu des années soixante (« le fait de (…) groupes de jeunes (…)« ). Dans le temps de la dernière action, dans les associations et les réunions, les « jeunes » étaient l’exception. S’il en était besoin, cela seul suffirait à attester de l’effondrement du mouvement social. Quel changement depuis les années 1970 !
* l’un des plus anciens du mouvement écologiste français contemporain
Les lanceurs et animateurs du nouveau collectif de sauvegarde, nouveaux habitants et retraités revenus au pays, avaient donc mis tout naturellement leurs pas dans ceux des désormais anciens des vieilles familles (quand ceux-ci étaient jeunes !).
Cela n’a pas empêché de nombreuses manifestations d’hostilité s’affichant sans complexe, fortes de l’apathie voire de l’assentiment de la plupart. Une vingtaine d’années après la pétition signée par 900 habitants, elles ont témoigné d’un complet renversement des valeurs et du développement d’un entêtement forcené à ravager les principales richesses de cette petite cité. Plus précisément, l’impressionnante série de destructions du bien commun condensée ici en une soixantaine d’années atteste d’une intensification sans précédent d’une prédation ne visant qu’à réaliser des profits immédiats au détriment de tous et de l’avenir.
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4 – Comment la démocratie divorce d’avec le bien commun
Malheureusement, le naufrage de cet endroit n’est pas simplement un mauvais exemple, une exception. Cette histoire condense les erreurs et, surtout, les malfaisances développées à peu près partout entre les années cinquante et les années quatre-vingt, pendant ce que la propagande capitaliste a appelé « les trente glorieuses » et la suite. Glorieuses ! Les écologistes dénonçaient déjà les destructions considérables, les projets plus démentiels encore, et le risque d’un effondrement des sociétés et des écosystèmes. Car c’est une période où les industriels étasuniens et tous les spéculateurs ont imposé une déstructuration globale par la dérégulation économique, écologique et sociale. Toutes les politiques agricoles, industrielles, commerciales, et les orientations technologiques ont été dictées par cette dérégulation, tout en faisant dire à des chiffres manipulés le contraire de ce qui était méthodiquement organisé : la mise à sac du bien commun dans les campagnes, la spoliation des activités (7), l’exploitation à mort du vivant pour sa marchandisation – une authentique décroissance toujours ardemment entretenue sous l’oriflamme de la croissance marchande -, et le détournement de l’argent public.
Que croyez-vous que vous raconte
l’eau qui descend et l’eau qui monte
l’eau qui ruisselle et l’eau qui roule
l’eau qui tranquillement coule
toute l’eau qui s’envole
et l’eau qui voyage
l’eau des tumultueux torrents
toute l’eau nonchalante des grands nuages
des glaciers au lent courant
Même la pierre la plus dure
le rocher le plus lourd
se dissout s’use et se fissure
et se disloque un jour
devient insensiblement sable
et roule vers la mer
imperceptible insaisissable
parcelle d’éphémère
Hervé le Nestour est l’un des lanceurs du mouvement écologiste. Des années soixante aux années quatre-vingt dix, il s’est maintenu aux avants-postes pour défendre l’alternative inspirée par l’ouverture sur le vivant. Comme les autres, comme la nouvelle gauche, il a été effacé pour faire place aux impostures politiciennes vertes.
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Il était encore possible de sauver, de réhabiliter et de relancer sur des bases saines. C’est ce qui a été plusieurs fois proposé à Saint-Gengoux depuis les années 1970, et probablement avant. Mais, alors que, plusieurs décennies plus tard, enfin, les vigies officielles s’aperçoivent de l’effondrement du vivant (populations aquatiques, amphibiens, insectes, oiseaux… biomasse *) et de ses conséquences climatiques, les solutions et les propositions d’amélioration ont toutes été rejetées avec mépris – un mépris vertical. Élus et administratifs, les refuseurs semblent ignorer la notion même de bien commun et plus encore ses dynamiques. Serait-ce que, seule, leur « réussite matérielle » immédiate les motive, au point de leur boucher l’horizon ? Aucune vision à long terme. Aucune marque d’intérêt pour leur propre environnement et son histoire, comme incapables d’appréhender l’ensemble du problème, ils se sont montrés indifférents à l’écologie, au patrimoine hérité de leurs anciens, et imperméables aux signaux d’alerte tout aussi puissants ici qu’ailleurs. Imperméables même à la proposition d’améliorer le quotidien des résidents de l’EHPAD du Faubourg des Tanneries** en communalisant la vallée du Nolange (jardin communal, jardins partagés, maraîchage, ripisylve, promenade reliant la Voie Verte et la Cité…).
* sur la raréfaction spectaculaire des insectes dans la région : Les guêpes témoins de l’effondrement ?
https://renaissancerurale71bis.wordpress.com/2016/09/11/les-guepes-temoins-de-leffondrement/
** résidents qui sont pour partie voisins, amis, parents des refuseurs
L’incapacité des élus et des administratifs trahit surtout un parti pris soudé par des intérêts à très court terme, bref, par l’argent : le bien commun ne stimule en eux qu’un réflexe de prédation. Le plus remarquable est qu’il s’agit de la plupart de ceux qui briguent le pouvoir politique, et de leurs soutiens intéressés. Comme en écho, au moment même où les défenseurs de la tête de bassin versant et de la cité rencontraient ces difficultés, le Médiateur de la République faisait ce constat : « Un certain nombre d’élus, y compris des élus locaux, n’ont pas pris conscience du fait qu’ils sont porteurs du pouvoir de respecter la loi et de la faire respecter mais en aucun cas d’un pouvoir d’imposer leur loi. Le véritable enjeu, pour la société actuelle, est que tous ceux et celles qui sont porteurs d’une autorité doivent prendre conscience du fait que cela n’est pas un gage de supériorité mais de responsabilité », Rapport 2011.
Depuis le sacrifice de la source historique qui alimentait la cité (8), le divorce du système politique avec l’intérêt général est quasi constant et on a vu, cette fois encore, la plupart des élus lutter contre les citoyens, entraver l’action des institutions (quand elles se montraient bien disposées), et celles-ci s’aligner docilement sur le pire. 50 années d’alertes, de résistances, de démonstrations et de propositions n’y ayant rien changé, il est patent que ce système dérive parce qu’il peut être aisément détourné et, évidemment, ne comporte aucun réel moyen de régulation protégeant le bien commun (9). Évidemment, car les postes politiques sont les meilleures places pour prendre et détourner sans risquer d’être contrôlé et réprimé. Évidemment, car la plupart de ceux qui briguent ne le font que pour spolier le bien commun et le détruire, au nom de « la libre entreprise« .
L’absence de protection du bien commun est rendue plus évidente parce que ce bien commun n’est pas une propriété exclusive des quelques locaux qui décident à la place des autres. Il est le bien commun de tous car ses effets bénéfiques s’étendent très loin de cette tête de bassin et que sa destruction est dommageable sans limitation de temps et d’espace.
En une dizaine d’années, le temps même de cette alerte, les populations se sont effondrées. Raréfaction et dégénérescence des papillons. Quasi disparition des libellules. Régression vertigineuse des insectes pollinisateurs. Il n’y a plus d’insectes attirés par les lampes le soir venu !
Dans ce village et alentour, seulement pendant les 10 années de la dernière action, il y a eu une chute spectaculaire des populations d’insectes et d’oiseaux – sans même se pencher sur le cas des habitants plus discrets de la campagne (10). Mais c’est bien pire sur le long temps des résistances maintenant connues ! On est pris de vertige en comparant la misère écologique d’aujourd’hui et la biodiversité d’avant le saccage du ruisseau dans sa traversée de la cité (début 1960). Hier des écrevisses et des poissons partout *, de l’eau si bonne à boire qu’on venait la puiser spécialement à plusieurs sources, du cresson sans parasite… et aujourd’hui la disparition des guêpes durant tout un été. Les pertes apparaissent si considérables qu’il n’est pas exagéré de parler d’effondrement et d’une désertification faisant écho à l’autre désertification (commerciale, médicale, etc.). Plus aucun coq ne chante. Il n’y a plus de moineaux sur les toits. Entre les bruits des moteurs des voitures, des tondeuses et des tronçonneuses, tout est silence. La vie se retire.
* et des anguilles… dont la pêche est maintenant interdite dans tout le Bassin RMC pour cause de mise en danger de l’espèce : « en 50 ans l’espèce a connu un véritable effondrement avec une baisse de 95% de ses populations. » (https://www.shnd.fr/2022/12/21/une-petite-histoire-danguille/)… On devine pourquoi.
Sous ces toits et beaucoup d’autres, il y avait des nids d’hirondelles. Ils ont été détruits depuis 10 ans.
Depuis une quarantaine d’années et plus, les luttes pour sauver cette cité médiévale et son écosystème ont évolué (ou plutôt régressé) comme d’autres alertes à plus grande échelle portées par des mouvements sociaux, comme celle de l’amiante et des autres polluants, comme l’alerte écologiste… Et, à cette petite échelle aussi, la mémoire a été perdue ou dissimulée. Comme effacée – exactement comme pour toute la nouvelle gauche écologiste à laquelle participaient les mouvements locaux. Cela n’est pas une coïncidence. Qu’il s’agisse d’écologie et de patrimoine, de compétences, ou de mouvements d’idées et d’énergies alternatives, la mémoire est essentielle pour que chacun puisse se repérer. Comme pour les alertes de grande ampleur, rien n’a été épargné pour que les mobilisations villageoises échouent et ne renaissent pas.
Il est maintenant reconnu assez communément que les mécanismes de représentation ont, depuis longtemps, divorcé d’avec l’intérêt général. Mais beaucoup s’illusionnent encore en croyant que les citoyens attentifs, informés, conscients, peuvent recréer la démocratie en prenant simplement des initiatives et en menant des actions, et que cela est beaucoup plus facile localement dans les petites communautés où les élus sont directement sous le regard de leurs mandants (11). L’exemple des luttes de cinquante ans à Saint-Gengoux-le-National démontre le contraire : même au plus modeste niveau local, avant même la première élection, tout est faussé par les manoeuvres de fond des lobbies. Tous ceux qui luttent pour le bien commun connaissent ces difficultés. Ainsi, Jean-Louis Linossier, de la Coordination nationale des Associations de Consommateurs d’Eau (CACE) en a témoigné auprès du collectif en février 2014 :
Il est souvent désolant voire décourageant de constater que les « victimes » que nous défendons ne nous entendent pas et même, quelquefois, nous combattent. (…)
En face, toujours des élus dont il est difficile de cerner les motivations et qui s’acoquinent avec des puissances de l’argent sans même peut-être aller jusqu’à la corruption mais simplement pour du titre d’élu qui, incapable de remplir sa mission en dehors de la confier aux puissances de l’argent, livre le marché aux prédateurs.
Les services publics locaux sont des gibiers de choix : eau, assainissement, collecte et traitement des déchets, cantines scolaires, transports publics (…).
La démonstration est d’autant plus accablante que même à l’époque où foisonnaient les bonnes volontés et les idées, il y a 50 ans, il y a 40 ans, tout a été balayé et que l’essentiel de ce que la population voulait sauvegarder et valoriser a été férocement détruit.
Lancé en 2008, développé sur la même période que la dernière lutte pour l’eau et le patrimoine, l’échec spectaculaire du Plan écophyto destiné à réduire les biocides illustre lui aussi l’incapacité du système à surmonter ses turpitudes structurelles :
Le bilan des plans Écophyto
https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-bilan-des-plans-ecophyto
Mais les dénonciations, même officielles, n’ont pas ralenti l’engrenage de l’incurie et de la corruption :
Où sont passés les 800 millions d’euros du plan anti-pesticides ?
https://www.franceinter.fr/emissions/secrets-d-info/secrets-d-info-du-samedi-11-decembre-2021
La dégradation de ce bourg de longue histoire est exemplaire. Elle correspond en tous points à la dégradation générale menée, aussi, par les lobbies* et les faux-semblants politiques qui s’emploient à ruiner les alertes et les alternatives.
* comme à Saint-Gengoux, le lobby de « la grande distribution » a joué un rôle premier dans le sabotage des alertes et des alternatives
La réduction à l’impuissance des individus les plus sensibles, les plus ouverts sur l’ensemble vivant, et les mieux informés (ceux qui lancent les alertes), puis de ceux qu’ils éveillent à la conscience, ou qui, successivement, se déclenchent aux autres niveaux de risque, annihile les dynamiques de la régulation collective – c’est-à-dire, fondamentalement, de la démocratie. En procédant systématiquement ainsi, les prédateurs peuvent augmenter le seuil de déclenchement de l’alerte, et retarder longtemps la prise de conscience. Au moins jusqu’à ce que le niveau de dégradation devienne évident pour tous. Mais, alors, il est déjà trop tard pour sauver l’essentiel, car la plupart ne s’éveillent que quand les signes révèlent des effondrements en série (biodiversité, climat, pandémies…) ! C’est ce que nous vivons depuis une soixantaine d’années à grande échelle. À Saint-Gengoux, c’est encore plus effrayant car toute capacité de réaction a été anéantie.
Pour restaurer une démocratie au service du bien commun, et pour sauver de qui reste de celui-ci, il faudra faire beaucoup plus !
Mais avec quelles forces ?
Eaux vives et espaces humides détruits, arbres abattus en série, sols vivants et terres agricoles devenus « terrains à bâtir« , bocages et chemins creux passés au bulldozer, biodiversité laminée, continuité écologique partout anéantie, contribution au réchauffement climatique, dispersion de l’habitat et désurbanisation (avec lotissements pavillonnaires) *, multiplication des déplacements motorisés et croissance de la consommation d’énergie fossile, encombrement des véhicules individuels, patrimoine architectural traité comme le patrimoine naturel, dynamisme artisanal et commercial sacrifié à « la grande distribution« , etc. Depuis le début des années 1960 et les « lois d’orientation agricole » d’Edgard Pisani (de Pisani… et des industriels américains), aucune contribution à l’effondrement global n’a été oubliée par les « décideurs » de cette petite communauté tombée sous le joug des lobbies (12). Comme dans tant d’autres communes. Comme à grande échelle **.
* Dans une cité qui a été un exemple d’urbanisme médiéval et renaissance, la surface construite depuis la fin des années 1970 a plus que doublé, sans continuité architecturale, urbanistique, écologique avec l’ancien ! Construits sur le relief avec découpes à vif dans les pentes et sans murs de soutien, ou collés à la pente débarrassée de sa végétation et largement imperméabilisée; très loin, très très loin (mais à seulement 200km au nord), des « Bogues du Blat » construites à Beaumont en Ardèche :
http://www.nouveauxcommanditaires.eu/dbfiles/mfile/2800/2836/DP_Patrick_Bouchain.pdf
Alors que, après tant d’erreurs, tant de désastres urbanistiques et écologiques, comme le démontre l’exemple des « Bogues du Blat« , la discipline est en pleine évolution depuis un certain temps. Au point que même les institutions politiques appellent – font mine de (?) – les élus locaux à stopper l’étalement urbain, à épargner les campagnes alentour, à préserver le patrimoine, à réinvestir les centres urbains, à réinstaller le vivant en ville, etc. Mais rien n’y fait ! De nouveaux pavillons Sam’Suffit grignotent la campagne dans les espaces préservés, et un nouveau lotissement est prévu en zone protégée.
** « Nombreux sont les témoignages qui nous sont envoyés sur les destructions et amputations faites au bocage en Bretagne et dans les régions voisines, un grignotage permanent sur les lambeaux de bocage restant.
Ici une haie encore détruite, là une petite parcelle enherbée partant à l’agrandissement, là-bas encore une zone humide-qu’on avait « oublié » d’inventorié- drainée ou recouverte de remblais et gravats, à cet endroit une zone naturelle détruite pour produire du maïs aggravant la détérioration de la qualité de l’eau (photo ci-dessus, la Mézière-sur-Couesnon),… »
Quelquefois, il y a réaction et condamnation, mais « (…) on voit une évolution des paysages. Nombre d’exploitants agricoles se tournent vers une transformation des terres en exploitations céréalières, au détriment de l’élevage. Les surfaces des prairies diminuent. Les causes de sécheresse des sols se trouvent également ici. »
https://www.actu44.fr/ancenis/haies-et-mares-detruites-un-agriculteur-condamne/
Rêve pavillonnaire, les dessous d’un modèle (https://www.facebook.com/watch/?v=589452001632140). En espérant que la totalité de l’enquête devienne accessible
Sans doute est-il nécessaire de souligner encore que la multiplication des destructions locales semblables a produit une spirale de dégradations qui affecte tout le monde. Ainsi, les sécheresses de plus en plus nombreuses et prolongées ne sont pas sans rapport avec la dégradation des sols sous la chimie et les engins, l’anéantissement des milieux humides, l’évacuation accélérée de l’eau (drainages et destruction des ripisylves et des haies…), donc la réduction drastique de l’évapotranspiration qui alimentait plus loin d’autres pluies (12 bis). Lourdement médiatisée, l’obsession du « réchauffement climatique » par les seuls gaz à effet de serre ne viserait-elle pas à dissimuler les conséquences de la multiplication des destructions de la biodiversité, telle celle-ci ? En tout cas, l’effet de cette occultation se mesure ici dans l’ignorance et l’indifférence totales vis-à-vis de l’eau et de la vie de la tête de bassin versant.
Désormais, tout concourt à l’amplification de la dégradation biologique et climatique. Même en cet lieu oublieux de son passé et déserté par la conscience, la gravité des dégradations finira par la réveiller, et des comptes seront demandés aux responsables.
D’ici la fin du siècle (2071-2100), les tendances observées en début de siècle s’accentueraient, avec notamment :
– une forte hausse des températures moyennes pour certains scénarios : de 0,9°C à 1,3°C pour le scénario de plus faibles émissions (RCP 2.6), mais pouvant atteindre de 2,6°C à 5,3°C en été
http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/le-climat-futur-en-france
Le parti de la globalisation capitaliste – celui du profit personnel et immédiat contre la vie – a remporté chacune des batailles en bernant tout le monde, puis en s’efforçant de tout effacer derrière lui. Rien n’a échappé au sabotage des alertes et des alternatives, aucun lieu, aucun domaine. Aucun effondrement (écologique, climatique bien sûr, culturel…) qui ne soit une conséquence de cette malfaisance généralisée **. Cela laisse peu d’espoir sur la possibilité d’une rémission. Et Saint-Gengoux est devenu une victime qui s’ignore. Parmi tant d’autres.
** Or, parmi ceux qui font mine de déplorer la gravité de la situation, nombre des plus bavards ont participé à l’étouffement des alertes et des alternatives.
la Tour des Archers et ses alentours – « protégés » par une ZPPAUP qui s’étend au-delà de l’église, à plus de 300 mètres derrière le photographe
les deux collines de ce côté de la vallée sont classées « zone Natura 2000 »
cet espace fait partie de la tête de bassin versant du Nolange
il est compris dans la Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) « Côte Chalonnaise de Chagny à Cluny »
LES ZNIEFF, L’HISTOIRE D’UNE RÉUSSITE
Un peu à droite du centre de la photo, pointent les deux clochers de l’église clunisienne classée. À partir de là s’étend la zone de protection où, même pour ouvrir une petite fenêtre de toit, il faut présenter un dossier aux Bâtiments de France. En l’occurrence, la protection couvre tout l’espace saisi par le photographe, jusqu’à la Tour des Archers – derrière lui !
Dans la cité médiévale bourguignonne comme à peu près partout, la laideur sanctionne la destruction des biens communs…
Comment la France est devenue moche
Echangeurs, lotissements, zones commerciales, alignements de ronds-points… Depuis les années 60, la ville s’est mise à dévorer la campagne. Une fatalité ? Non : le résultat de choix politiques et économiques. Historique illustré de ces métastases périurbaines.
https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php
Pourquoi la France est devenue moche
l’enlaidissement de la France est une conséquence de la mondialisation qui uniformise le territoire sous la bannière du double impératif produire/consommer.
Pourquoi la « France moche » continue de s’étendre
Vous en avez tous traversé et visité des dizaines : ces zones commerciales immondes et toujours plus vastes faites de ronds-points, de parkings, de voies rapides, d’échangeurs autoroutiers, de panneaux publicitaires et bien sûr de centres commerciaux type « boîte à chaussures », qui saturent les entrées d’agglomérations dans toute la France. Une forme d’urbanisme hérité des Trente Glorieuses et du développement fulgurant de la société de consommation organisé autour du culte de l’automobile personnelle, perçue à l’époque comme le moyen de locomotion moderne, simple d’utilisation et surtout incarnant la liberté individuelle de déplacement sans contrainte de temps et d’espace.
Quelques mois plus tard, dans le centre (juste à 300m), la dernière épicerie a fermé :
Elle s’ajoute à la longue liste de commerces fermés depuis l’arrivée de « la grande distribution » au début des années 1980 : une quarantaine (boutiques, cafés, restaurants, au moins 3 auberges…)
Un autre « développement » était encore possible qui aurait permis de revivifier l’économie locale et le patrimoine, mais les propositions ont été rejetées avec mépris. Entre autres, l’exemple de Mayrinhac-Lentour permet d’envisager ce qui aurait pu être réalisé :
http://www.zones-humides.org/f%C3%AAte-des-mares-aqueux-coucou-0
https://www.ladepeche.fr/article/2018/05/08/2793894-le-marais-de-bonnefont-sort-de-sa-reserve.html
http://www.rnr-maraisdebonnefont.fr/decouvre_generalites.php
Ce supermarché-parking (station-service évitée de justesse) imposé dans ce lieu de grand intérêt hydrologique, et à forte valeur patrimoniale et écologique est un exemple. Il condense toutes les erreurs et les malhonnêtetés qu’il a fallu développer pour réduire l’extraordinaire dynamique du vivant à un enchaînement de pertes irrémédiables et d’effondrements.
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5 – Dégrader continûment pour assujettir et retarder le temps du renversement
Perte de la mémoire des références, perte de la connaissance des lieux, représentations manipulées, perte de la conscience du bien commun, adoption des modèles monopolistiques, dépendance… les tribulations de ce bel endroit de longue histoire systématiquement saccagé depuis les années soixante révèlent de façon saisissante la décomposition opérée en l’espace de deux générations sous l’action subreptice du système marchand. C’est un affaiblissement radical – véritable débilitation – des capacités d’appréhension de l’intérêt général, de résistance et de mobilisation (13). Comme généralement, à chaque étape de ce processus de dégradation, on constate l’emprise croissante des lobbies (ici, surtout ceux de l’eau et de « la grande distribution« ) engagés dans une stratégie de prédation à long terme qui consiste essentiellement à vendre le plus cher possible des « compensations » illusoires aux spirales de dégradations et de destructions qu’ils organisent (automobiles pour compenser la déstructuration de l’espace et l’accroissement des distances, supermarchés contre commerces et artisanats détruits par les supermarchés, EHPAD contre dissociation des familles et des communautés, etc.). Seul, le regard étendu sur la longue durée révèle ces stratégies et permet de remarquer l’effet de cliquet, sans aucun doute recherché dans presque toutes les opérations de destruction, qui crée l’engrenage inexorable propice aux projets des lobbies (14). C’est exactement ce qui s’est passé avec « la Révolution Verte » lancée à la suite des réformes agraires du IIIème Reich et des USA. Avec le prétexte du remembrement, toutes les campagnes ont été décimées, la polyculture-élevage extirpée, les fermes familiales ruinées, toute une civilisation détruite avec ses écosystèmes, pour industrialiser, financiariser et spolier.
Dans la cité médiévale aussi, on observe que les grandes destructions ont suivi la propagande de dévalorisation des savoirs et des pratiques qui faisaient des campagnes vivantes depuis des siècles.
De ruptures avec le milieu (liens écologiques) en rupture sensible avec les autres êtres (la sympathie naturelle identifiée par Darwin), en rupture des liens sociaux, avec l’accoutumance à la vacuité sensorielle et sociale, la plupart deviennent incapables de reconnaître une dépossession, puis basculent dans la dépendance, quand ils n’en viennent pas à soutenir le projet de leurs prédateurs contre ceux qui tentent de les alerter ! Par exemple, dans cette cité de longue histoire de bonne gestion du bien commun, la condamnation initiale du ruisseau, présenté comme sale et puant (coupable de sa pollution par des habitants, en somme), permettra le recouvrement du canal du XVIIIème siècle, lequel entraînera l’oubli de l’eau, donc la perte des connaissances élémentaires permettant d’apprécier ses différents milieux. Ce renversement complet, faisant d’un bien commun précieux un objet de répulsion, autorisera toutes les destructions suivantes, jusqu’à l’apothéose de 2018 : l’installation du supermarché-parking en zone humide, à deux pas du centre-bourg désertifié (15). Bilan partiel : en plus de la perte de l’eau et de la biodiversité (16), un patrimoine considérablement appauvri, la perte de dizaines de commerçants et d’artisans, donc la perte de beaucoup d’autonomies et d’emplois, une animation et une vie sociale réduites, une perte d’agrément et d’attrait touristique inestimable, etc.
Même si la déculturation locale est remarquable, l’honnêteté oblige à la relativiser à celle, générale, qui – là aussi en effaçant les acteurs de l’alerte et la mémoire – a opportunément réduit la conscience écologiste. L’apathie hébétée devant l’effondrement du vivant permet d’en estimer l’ampleur. La défense de l’eau et des patrimoines l’a clairement révélée dans les institutions. De l’EPTB (Établissement Public Territorial de Bassin) à la Direction Générale de l’Environnement de la Commission Européenne, tous ont manifesté un intérêt limité pour l’objet de leur fonction, sinon une belle indifférence pour le crime écologique en développement. Comme s’ils n’en comprenaient pas toutes les implications. Bien sûr, la perte de l’ouverture sensible et de la connaissance du vivant a été considérable depuis l’élimination de l’alerte écologiste par le système de la marchandise, dans les années 1970 et depuis. Le peu (très très peu !) de motivation des nouvelles institutions en charge de la protection des eaux le trahit. Des années d’action de terrain les ont révélées pénétrées de représentations utilitaristes, productivistes, et principalement sensibles à l’argumentaire des promoteurs du bitume, du béton et des supermarchés épandus là où ils sont les plus nuisibles; et, de haut en bas, incapables de se libérer de leur emprise. Dans Le lobby de l’eau, d’entrée (Éditions François Bourin, page 9), Marc Laimé constate : « En trente ans de marché fou, l’ingénierie républicaine a perdu ses troupes, son savoir-faire et ses talents, son originalité et sa fiabilité morale« . Je l’ai bien constaté sur le terrain.
Quelques années après la tentative de sauvegarde de la tête de bassin de Saint-Gengoux, en 2022, la Préfète d’Indre et Loire Marie Lajus aura le courage d’honorer son mandat en protégeant un parc boisé d’un projet immobilier. La simple application de la législation lui vaudra d’être démise de ses fonctions le 7 décembre par un décret signé en Conseil des ministres :
etc.
Plus rarement, l’exception s’est traduite dans les faits. Alors, comme avec l’exemple de la biovallée, on se rend mieux compte de ce qui a été manqué…
« Il y a 30 ans, on ne pouvait pas mettre un orteil dans la rivière. Aujourd’hui, elle est redevenue baignable sur pratiquement toute sa longueur. C’est l’une des plus belles rivières sauvages d’Europe. L’eau est couleur émeraude ! »
https://www.leprogres.fr/lifestyle/2019/03/08/elle-est-bio-ma-vallee
À l’inverse du coin de Bourgogne-Sud qui a tourné le dos à son passé, aux biens communs cultivés par les anciens, aux prises de conscience et aux avancées des années 1960/70, les habitants de la vallée de la Drôme ont su profiter du même mouvement pour régénérer leur pays :
Les années 70 ont souligné l’exode rural. Pourtant, en parallèle de nouveaux acteurs se sont installés sur le territoire, enchantés par cette belle vallée et ses possibilités. Ces pionniers, armés d’un discours différent, ont implanté des fermes d’élevage, de l’agriculture biologique, des plantes aromatiques. Pour nombre d’entre eux, il s’agissait d’un retour à la terre avec un esprit tourné vers le « durable », la protection des sols et de la nature, le biologique.
https://biovallee.net/biovallee-quesako
La Drôme était un cloaque, il y a cinquante ans. Un cours d’eau si maltraité par l’homme qu’il avait fini par ressembler à une décharge à ciel ouvert. Les enfants n’avaient même plus le droit d’y patauger. Et puis, quelques visionnaires se sont révoltés contre un tel gâchis. Cet affluent du Rhône est redevenu limpide, source de bien-être et d’espoir dans une vallée d’exception : la Biovallée.
C’est dans les années 70 que le projet de Biovallée a germé. À l’origine, ceux qui imaginent cette utopie ne sont qu’une poignée. Idéalistes, ils arrivent de Suisse, d’Allemagne ou des Pays-Bas. Et ils se retrouvent sur la même longueur d’ondes que les néo-ruraux qui reviennent, eux, sur les pas de leurs aïeux (…)
Quant au dynamisme commercial et à la convivialité, l’exemple de Puy-Guillaume (Puy-de-Dôme) montre combien il est regrettable que la résistance à la « grande-distribution » (!) ait été vaincue (voir La grande distribution. Enquête sur une corruption à la française, dans la petite bibliographie édifiante)
Locale ou générale, la déculturation que l’on peut mesurer à l’aune de l’affaiblissement des alternatives, puis de la disparition de toute résistance, enfin de la dépendance vis-à-vis du nouveau système, a été réalisée en moins de 60 ans, surtout depuis la fin des années 70. Très souvent, il s’agit même d’un abandon. Cela vérifie entièrement l’efficacité de l’aliénation par le consumérisme, pensée et planifiée depuis les années vingt, et boostée par « la grande distribution« .
Cette déculturation a produit l’incapacité actuelle à voir et comprendre la perte du bien commun et ses conséquences tant sur les dynamiques locales que sur celles des ensembles plus grands (tel le Bassin Rhône-Méditerranée), la prostration devenue commune, le bluff des protections institutionnelles et l’impossibilité d’empêcher la progression du désastre. Il est manifeste que, ici comme généralement dans les années 1970, l’étouffement de l’alerte et de la culture écologistes a fait franchir un seuil critique – un seuil inférieur s’entend – et que le niveau général a beaucoup baissé, niveau d’information et niveau de conscience ensemble. Réaliser, avec cet handicap, l’évolution que l’on n’a pas réussi hier dans un climat d’éveil beaucoup plus favorable, et avec moins de pression, ressemble à une gageure. La conscience du désastre s’amenuisant au fur et à mesure des destructions et de la perte de la mémoire des biens communs, rien ne semble pouvoir arrêter la dégradation qui va s’accélérant (17).
Mais la déculturation, l’incapacité à prendre conscience et seulement écouter les alertes et les propositions alternatives suffisent-elles à expliquer les simulacres de transition « environnementale et patrimoniale » ?
Sitôt après la construction du remblai (magasin et parking) dans le lit du ruisseau, un « Musée du Patrimoine » a été ouvert à deux pas du Faubourg Renaissance dévasté et de son ruisseau enterré dans une buse ! Plus les élus et l’administration détruisent, plus ils produisent de poudre aux yeux. Soudainement exaltée par l’exemplarité de ses réalisations, la municipalité a postulé au titre de Cité de Caractère de Bourgogne – Franche-Comté (https://www.cites-caractere-bfc.fr/le-label/l-association-et-son-label-1-11.htm). Et elle l’a obtenu ! A suivi l’engagement de consultants pour élaborer un Schéma d’Aménagement Urbain de Caractère (SAUC) où l’eau, jadis abondante de l’ancienne cité, ne réapparaît que dans un projet de « Mise en scène des eaux souterraines du Nolange » et une « Matérialisation du chemin de l’eau par marquage au sol » ! Ainsi, ce Schéma d’Aménagement Urbain de Caractère, devant « contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des habitants et de soutenir le développement économique, notamment par un développement urbain de qualité environnementale. » (sic), réussit l’exploit de ne s’intéresser à l’eau qui coule de toutes parts, a attiré les hommes dès avant l’époque romaine *, et a façonné la cité, que pour la renvoyer au passé. L’eau, dans le jargon des consultants : le principal « réseau structurant« . À l’heure de l’effondrement biologique, des canicules, des inondations et des sécheresses, sources, fontaines et ruisseaux sont enterrés une nouvelle fois.
* Même la voie romaine (probable piste gauloise à l’origine) qui traverse la cité a été oubliée !
Les voies romaines passant à Lancharre
http://jlombard1.free.fr/voiesromaines.html
http://jlombard1.free.fr/considerations2.html
A la recherche du passé cruzillois
(…) entre le premier et le cinquième siècle, trois grandes voies romaines parcouraient la région :
- de Lyon à Autun par le col des Écharmeaux, Charolles et Toulon sur Arroux
- de Mâcon à Autun par Clessé, Saint-Gengoux-le-National et Cersot. La distance était de 80 kilomètre alors que par Tournus et Chalon il fallait en compter 102.
Cependant, avec la progression du bouleversement climatique, nous allons aborder le temps du renversement des dynamiques mortifères imposées par les lobbies. Alors, il faudra défaire les opérations destructrices, rouvrir les lits des cours d’eau, refaire les mares et les zones humides, « renaturer« , rediversifier… Mais, bien sûr, cela coûtera plus cher et tout le monde aura beaucoup perdu entre-temps.
Alain-Claude Galtié
automne 2017, juillet 2018
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appréciations et publications sur la défense de la tête de bassin
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« Un récit partant du grand Élisée Reclus qui raconte par le menu les atteintes portées aux milieux humides via le développement d’une urbanisation non maîtrisée. Un village construit en lien avec l’eau finit par voir disparaître zones humides et tête de bassin sans que les politiques de protection des milieux soient en capacité de faire quoi que ce soit. L’article est remarquable, clinique dans la démonstration de notre incapacité à agir malgré les discours.
Le cas n’est malheureusement pas isolé, il manque ailleurs les plumes pour le raconter.«
Sylvain Rotillon, spécialiste de l’eau et de ses milieux
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« Quel travail! Je crois que les successeurs d’Elisée Reclus devraient tous en prendre connaissance. (…) nous allons partager vos liens avec nos adhérents et sympathisants, de même avec l’Académie de l’eau pour alerter cet organisme et valoriser ce boulot. »
Bernard Le Sueur, fondateur de l’association européenne de recherche et de valorisation de la culture fluviale « Hommes et cours d’eau«
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« Cet historique est remarquable et il pourrait être fait dans tous les villages de France à quelques exceptions près. (…) Merci pour cette remarquable leçon d’écologie et comment ne pas être curieux d’un texte qui cite en exergue Elisée Reclus. Les têtes de bassin versant n’intéressent décidément personne. »
Jean-Yves Renouf
Terres et Rivières sud Loire
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Merci pour ce témoignage qui en rejoint tant d’autres non formulés aussi limpidement.
La rubrique d’Eaux Glacées nous invite à un commentaire : Mais que dire devant tant de « schyzophrénie et d’omerta » tellement les uns et les autres de ces petits appareils bureaucratiques de l’environnement se tiennent par la barbichette de l’incompétence croisée et de l’inaction criminelle pour préserver leurs prébendes ? Ce qui n’empêchera pas des dizaines (centaines ?) de millions d’euros d’argent public français de se déverser dans les forums mondiaux de l’eau (bientôt le WWF7 en Corée) et autres conventions environnementales internationales (biodiversité, entre autres).
Il est temps de sortir des catacombes !
Remarquable travail qui devrait inspirer tous les bureaux d’études, ingénieurs et techniciens de rivières… sans parler des élus !
Dire qu’on ne pourrait même pas ranger cette rivière au rang des rivières intermittentes.
http://www.irstea.fr/toutes-les-act…
Il faut vite avertir l’IRSTEA (Cemagref) de lancer un nouveau programme…
« Une extraordinaire enquête de terrain qui retrace l’histoire des destructions »
Marc Laimé
Les eaux glacées du calcul égoïste http://www.eauxglacees.com/
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« J’ai découvert et lu votre blog. C’est remarquable. Un gros travail pertinent. Cette analyse et cette continuité écologique là, j’y souscris à 100%. »
Philippe Benoist
OCE : Observatoire de la Continuité Écologique et des usages de l’eau https://continuite-ecologique.fr/
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« J’ai pris le virus de l’eau depuis que je travaille sur le dossier St Gengoux (…).
Merci pour ce nouvel éveil à la vie » »
2014 – Annick Bernardin-Pasquet
Déléguée de la Fédération régionale Bourgogne Environnement Nature à l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse
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« Mon admiration pour votre travail sur l’eau »
Gilles Valentin-Smith
Natura 2000, ATEN – Atelier technique des espaces naturels (devenu l’Office français de la biodiversité)
Auteur de De la mémoire à la réalité : les eaux souterraines (à Saint-Gengoux et alentour), édité par la SEHN
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Articles parus sur les destructions infligées à la tête de bassin versant
Journal de Saône et Loire avril 2015
Journal de Saône et Loire mars 2015
L’eau perdue de Saint Gengoux… et la dégradation de la qualité des eaux de l’aval
N°29 ACE ARCONCE (2ème semestre 2014)
(Association des usagers de l’eau et de l’assainissement et pour l’environnement)
http://www.ace-arconce.fr/source.htm
site de l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée juillet 2015
http://www.sauvonsleau.fr/jcms/c_7716/un-ruisseau-a-sauver-d-urgence–le-nolange#.U7qqE6uqD_M
site de l’Agence Rhône Méditerranée juin 2015
Puis, plus rien. L’Agence de l’Eau n’a plus voulu s’intéresser à la tête de bassin (?)
St Gengoux : un exemple national
sur le site de l’OCE en mai 2014 :
http://oce2015.wordpress.com/2014/05/27/st-gengoux-un-exemple-national/
On achève bien les rivières, ou l’histoire désolante d’une destruction ordinaire
http://www.reporterre.net/spip.php?article5634
Mais, comme si la défense de l’eau et de ses milieux ne méritait pas plus d’attention, Reporterre ne s’est plus intéressé à ce cas exemplaire. Relancé, « le média de l’écologie » a catégoriquement refusé de publier la suite du dossier (sans plus d’explication). La brutalité de l’accueil nous a rappelé de lointains souvenirs.
ST GENGOUX LE NATIONAL : un centre commercial et une station service sur un ruisseau ?
publié en février 2014 sur le site de la Confédération des Associations de Protection de l’Environnement et de la Nature
http://www.capen71.org/dossiers-particuliers/super-marche-de-saint-gengoux-le-national-1-41.htm
On achève bien les rivières
sur Les Eaux glacées du calcul égoïste
http://www.eauxglacees.com/On-acheve-bien-les-rivieres-par
Menace de destruction définitive d’un cours d’eau du Clunysois (ou Clunisois)
sur le site de l’OCE (Observatoire de la Continuité Écologique et des usages de l’eau)
en novembre 2013
http://oce2015.wordpress.com/2013/11/17/des-rivieres-perdues/
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notes
(1) Walter Lippmann et Edward Bernays étaient des théoriciens de cette stratégie de conquête de l’esprit des hommes. Seulement en France, juste avant le séjour de Jean-Pierre Thorreton, « en 1973, deux cent vingt sept hypermarchés sortent de terre » dans « une joyeuse anarchie » (La grande distribution, enquête sur une corruption à la française », Bourin éditeur, page 38).
La machine de guerre de la casse culturelle, économique, écologique et sociale était en pleine offensive.
Walter Lippmann a publié La fabrique du consentement en 1922, et Edward Bernays Propaganda en 1928.
(1 bis) Après, on me dit que le tribunal avait balayé d’un revers la falsification du permis de construire*, la multiple protection environnementale et patrimoniale du site, l’interdiction d’installation si près du centre commerçant, la loi sur la protection des ruisseaux, et quelques autres règles légales. Une cécité guère surprenante dans ce type d’affaire.
* ce fameux permis qui reposait sur un mensonge premier : « le terrain n’est pas traversé par un ruisseau » !
Beaucoup plus tard, des dissidents de la confédération prétendirent avoir mené aussi une action juridique. Sans m’en communiquer la moindre preuve et non sans avoir grenouillé frénétiquement derrière le dos du collectif pour affaiblir son action.
En décembre 2022, les volumes de prélèvements* autorisés pour l’irrigation par le Préfet des Pyrénées-Orientales ont été sérieusement corrigés par le Tribunal de Montpellier « pour garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces ».
* dans la Têt, fleuve de la Catalogne française
Loin, très loin de l’indifférence totale des juges de Bourgogne pour l’eau et les milieux humides. Et la biodiversité, et le climat…
Une décision emblématique parce que, dans le contexte du réchauffement climatique et de sécheresse à répétition, la question du partage de l’eau va devenir cruciale si l’on ne veut pas que les rivières deviennent des oueds, ces cours d’eau africains asséchés… commente la journaliste. En Bourgogne, il n’y a même pas d’oued. Tout a été enterré.
(2) …en dépit des espoirs soulevés, en 2010, par la création d’un Pays d’Art et d’Histoire (entre Cluny et Tournus). Initialement, celui-ci s’inscrivait dans le même élan, mais son action a, elle aussi, été entravée, en particulier le projet d’un Plan de Paysage (bientôt Charte Paysagère) pourtant lancé sur de bonnes bases – sans doute trop bonnes pour les intérêts qui saccagent le patrimoine et le paysage (http://www.pahclunytournus.fr/documents/portal651/pah-diagnostic-indentification-du-vivant.pdf).
Comme peuvent le constater les curieux, tout a été effacé !
(3) J’ai été témoin de l’engagement de Maisons paysannes de France dans le mouvement écologiste avant que celui-ci ne soit étouffé et remplacé par des faux-semblants. Bernard Charbonneau l’a attesté dans un article publié en juillet 1974 dans La Gueule Ouverte :
(…) « A ses débuts, surtout après Mai 68, ce mouvement a été le fait de personnes marginales, comme Fournier, de groupes de jeunes et de quelques sociétés (Maisons Paysannes de France, Nature et Progrès, etc.), réagissant spontanément à la pression grandissante de la croissance industrielle. Nouveauté des thèmes, marginalité, spontanéité du mouvement, ce sont là les signes d’une véritable révolution (rupture dans l’évolution) en gestation. (…) »
Le « mouvement écologiste« , mise en question ou raison sociale
La Gueule Ouverte n° 21, Juillet 1974
A la fin de l’année 1974, deux des fondateurs de Maisons Paysannes, Aline et Raymond Bayard, en ont encore témoigné en me rapportant les manoeuvres de bas étage fomentées par les ennemis de l’écologisme (mêmes manoeuvres et mêmes instigateurs pour tous les écologistes) :
(4) Alors, en amont de la cité, entre autres vies précieuses qui, aujourd’hui, lui vaudraient un classement immédiat, le ruisseau abritait encore une population d’écrevisses à pied blanc (Austropotamobius pallipes), preuve de la bonne préservation de l’écosystème et de l’excellente qualité des eaux.
(5) Oralement et par écrit, le Comité de sauvegarde de Saint-Gengoux-le-National a réalisé l’une des 36 contributions (seulement 36 pour toute une région !) à l’enquête publique préalable à l’établissement du Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE) pour la Bourgogne.
http://docs.alterre-bourgogne.org/SRCE-1-Introduction.pdf
etc.
Les commentaires de la Commission méritaient quelques compléments d’information. Nous avons communiqué nos observations. Il n’y pas eu de réaction. Pas même un accusé de réception ! Pas d’écoute, pas d’échange… L’effort n’a donné aucun résultat. Les engagements se sont évanouis. Le SRCE et les recommandations de « cohérence écologique » sont restés lettre morte.
Le dossier d’enquête présenté par le collectif résultait de ce travail :
L’eau perdue (étude de terrain en 2 parties)
(5 bis) La « mise en séparation des réseaux » n’a pas sévi que dans la rue des Tanneries pour rassembler et détourner les cours d’eau réunis là. Ces travaux lourds ont été menés d’amont en aval, sans aucune considération pour les réseaux anciens de la cité médiévale, ses ouvrages (fontaines, ponts, fossés…), et les différents cours d’eau descendants des deux côtés de la vallée. Pas même une fouille préventive n’a été menée ! Comme la photo du JSL l’atteste, tout a été broyé par les godets des excavatrices.
(6) Y compris chez ceux qui font campagne pour l’eau, les zones humides, les terres agricoles, le patrimoine… Ainsi Maisons Paysannes de France qui, voici une quarantaine d’années, s’enorgueillissait d’être une composante du mouvement écologiste de la nouvelle gauche (New Left). Mais pendant les 10 années de cette action, il a été impossible d’intéresser les héritiers des compagnons de l’époque à la sauvegarde du patrimoine et de son environnement. Ce seul décrochage dit l’importance du changement en moins de deux générations, et son sens !
Même chose pour les organisations nationales et régionales de protection de la nature qui, après quelques belles promesses d’action, se sont esquivées sur la pointe des pieds. Pareil pour la Confédération Paysanne qui a paru se vider de toute substance quand nous avons sollicité son soutien pour la préservation de l’eau et des terres agricoles. Beaucoup de gesticulations en « réunions d‘information », mais personne pour assurer le suivi.
Quant aux habitants, ils ont surtout brillé par leur manque complet d’intérêt pour leur bien commun. Mares, sources, ruisseaux, haies, chemins, murs de pierre sèche, jardins partagés… rien ne les a intéressés. Ils n’habitent plus. Ils ne savent plus, et réapprendre les ennuie. Exactement l’inverse, par exemple, de ce qui s’est passé à Pagny-sur-Moselle à peu près dans le même temps. Là, un autre projet nuisible a suscité une mobilisation et le développement d’activités utiles et sympathiques comparables à celles qui ont échoué à Saint-Gengoux :
https://www.sonneursdelacote.com/notre-association
Pour bien mesurer à quel point le bien commun est abandonné sans défense à l’appétit des prédateurs :
http://www.eauxglacees.com/L-ecologie-des-catacombes-par
(7) dépossession des activités productrices autonomes (à commencer par l’agriculture, l’artisanat, le commerce), dépossession des « marchés » (comme ils disent)… Comme ils le font jusque dans les écosystèmes complexes, par exemple les forêts tropicales primaires : déculturation des populations, spoliation, écocide, réduction drastique de la diversité économique pour concentrer entre leurs mains au moins une partie de la multitude des échanges préexistants. Car la seule valeur économique des activités « durables » contrôlées par les populations est supérieure – bien supérieure – à l’exploitation forcenée et à court terme. Ce qui, bien sûr, n’intéresse pas les prédateurs qui ne veulent que s’approprier, tout s’approprier pour réifier en marchandises, même s’ils ruinent la planète.
(8) La Source de Manon vraisemblablement captée au XIIIème siècle… Un sacrifice d’ailleurs aggravé en 1982 quand la municipalité responsable des plus grandes destructions a plus que doublé la surface de la décharge grâce à une « déclaration d’intérêt public » (!).
Et maintenant ? Maintenant, la source débite toujours. Vraisemblablement encore polluée par la décharge non curée (plus des lessivages d’outils des traitements chimiques des vignes !), son eau est jetée à l’égout. Aucune analyse n’a été réalisée pour faire le point et décider de ce qu’il convient de faire pour redonner vie à la source, à son écoulement naturel ou artificiel. Pourquoi ?
(9) A 23 km, Tournus, autre cité de longue histoire, était également menacée par un projet de centre commercial étendu sur la campagne. Il était également porté par les élus et l’administration, la main dans la main. Mais, exactement à l’inverse de Saint-Gengoux dont toutes les forces semblent avoir été épuisées par les luttes précédentes, il y a eu prise de conscience et mobilisation ; et le pouvoir des spéculateurs a été renversé par les citoyens.
site de l’association de défense de Tournus :
Tournugeois Vivant
http://tournugeoisvivant.de-tournus.com/
(10) Une « campagne » désormais attaquée sur tous les fronts. Démonstration de haine du vivant s’il en est, et qui confirme la dérive révélée par les autres destructions, la plupart des nids d’hirondelles ont été détruits depuis les années 2000.
(11) Le coup d’État citoyen – Ces initiatives qui réinventent la démocratie, par Elisa Lewis et Romain Slitine
« Abstention galopante, désertion des partis politiques, impuissance des élus face aux maux de notre société… : longue est la liste des symptômes de notre démocratie malade. Face à ces constats moroses sans cesse répétés, il est urgent d’agir.
Quelles sont les alternatives crédibles pour sortir de l’impasse ?
Pour répondre à cette question, les auteurs ont sillonné la planète pendant près de deux ans et sont allés à la rencontre de quatre-vingts défricheurs qui expérimentent de nouveaux remèdes en dehors des sentiers battus. Les initiatives qui ont fait la preuve de leur efficacité existent : en Islande, des citoyens tirés au sort rédigent eux-mêmes leur Constitution ; en Espagne, des partis politiques « nouvelles générations » redonnent le goût de s’engager ; en Argentine ou en France, des électeurs coécrivent les lois avec les parlementaires sur des plates-formes collaboratives ; un peu partout, des élus inventent de nouvelles manières de gouverner…
À partir de ces expériences inédites, ce livre décrypte la transition démocratique à l’œuvre. Il ouvre des pistes de réflexion pour renouveler notre démocratie et propose des solutions concrètes dont chacun peut se saisir. Et il apporte des raisons d’espérer.«
(12) Été 2018, les ruisseaux sont à sec. En fond de vallée, dans la cité où l’eau est d’ordinaire à moins de 1 mètre de la surface, elle est descendue à moins de 2m30 en août. Début octobre, le niveau est encore descendu de 5cm.
Juillet 2019, l’eau est encore plus basse en fond de vallée. Au même endroit, elle est à 2m43 de la surface.
L’extinction silencieuse des animaux d’eau douce : et si on en parlait ?
Lacs, rivières et zones humides : les écosystèmes d’eau douce sont les grands ignorés du désastre environnemental et de l’indignation ambiante. Ceux-ci subissent pourtant une pression exacerbée en raison des activités humaines, de l’étalement urbain ou encore de grands projets industriels, note le dernier rapport du WWF. Ainsi, les chercheurs soulignent un déclin global de 60 % de l’effectif des populations de vertébrés sauvages entre 1970 et 2014. Mais ce chiffre est largement influencé par le nombre d’amphibiens, poissons et reptiles qui disparaissent chaque année dans une relative indifférence.
En 60 ans, l’effectif des populations de vertébrés sauvages a décliné de 60 % sur notre planète (…)
les écosystèmes d’eau douce sont encore plus affectés que les écosystèmes marins ou terrestres (qui sont déjà très affectés). En effet, les populations de vertébrés d’eau douce ont subi un déclin « dramatique », puisque la chute est estimée à 83 % entre 1970 et 2014. On parle donc d’une disparition quasi totale dans un contexte où cette problématique reste peu abordée. En cause, la destruction directe de leurs habitats via leur fragmentation (c’est-à-dire les phénomènes artificiels de morcellement de l’espace), la surpêche en eau douce, la multiplication du plastique dans les écosystèmes, les rejets industriels, la prolifération de maladies et d’espèces envahissantes ainsi que le changement climatique, autrement dit, les externalités négatives des actions humaines.
(12 bis) sur les drainages et, d’une façon générale, sur toutes les destructions de la biodiversité et de l’eau (cours d’eau, zones humides, haies…) :
Les principaux impacts environnementaux du drainage
L’échelle et l’intensité des échanges entre la biomasse et l’atmosphère sont différentes, mais on peut faire le parallèle entre nos régions et les écosystèmes denses tropicaux…
À propos des destructions de la forêt en Indonésie sous les industriels du bois :
« (…) L’agression est monstrueuse. Le climat de serre créé par la forêt (24 à 27 Celsius de la saison sèche à la saison des pluies, taux d’humidité maintenu autour de 95%) est bouleversé par l’ouverture du couvert: la température s’élève de 7 à 15 C, tuant tous les organismes adaptés à la stabilité des conditions climatiques. Les entrailles ouvertes au soleil et au vent, le grand organisme complexe qu’est la forêt tropicale s’affaiblit rapidement. La formidable machine thermique qui transpire et recycle 50 à 75% de l’eau de pluie, tout en évacuant la chaleur excédentaire dans l’atmosphère, se ralentit. Les périodes de sécheresse s’allongent. Déjà écrasés par les engins, la mince couche d’humus et les sols sont exposés à l’érosion intense (…) »
1992 – ethnocide, destruction des écosystèmes denses et climat :
ETHNOCIDE ET ECOCIDE AUX MENTAWAÏ
« (…) Comme tous les êtres vivants, les forêts transpirent pour réguler leur température tout au long de l’année. Cette évapotranspiration a aussi d’autres fonctions. Elle recycle dans l’atmosphère 50 à 75% de l’eau des pluies. C’est cette vapeur d’eau restituée qui se condensera plus loin en nouveaux nuages et nouvelles pluies, et ainsi de suite… Ce transfert de l’eau d’une zone à l’autre, ce recyclage permanent alimente les régions boisées les plus éloignées de l’océan avec l’eau apportée par les alizés, irriguant chaque partie et l’ensemble. Réalisé par l’intermédiaire de catalyseurs chimiques, de bactéries, de spores émis par les écosystèmes, ce recyclage, cette redistribution, réalisent un contrôle climatique qui, on le voit, est exercé par l’ensemble des êtres vivants composant la forêt. C’est encore ainsi, en suscitant les brumes et les nuages, que la forêt régule l’albédo, donc l’apport d’énergie solaire, et se climatise.
Depuis l’écriture de cet article, cette circulation massive de la vapeur d’eau a été plus finement analysée, et, pour l’illustrer, a été créée l’image des « Flying Rivers« , les Rivières Volantes – ou aériennes. Fleuves, rivières, ruisseaux… comme autant d’artères, de vaisseaux, de capillaires. L’équivalent biosphérique d’une circulation sanguine :
Les rivières volantes – Dans quelle mesure les forêts influent-elles sur la disponibilité en eau en amont et non seulement en aval
http://www.fao.org/in-action/programme-forets-et-eau/actualites/news-detail/fr/c/1379804/
un documentaire de Aurélien Francisco Barros
https://cinemaplanete.com/movie/les-rivieres-volantes/
Amazonie : les rivières volantes menacées par la déforestation
https://www.geo.fr/environnement/amazonie-les-rivieres-volantes-menacees-par-la-deforestation-36532
On peut dire que plus un écosystème terrestre est dense, plus la biomasse est importante, et plus les échanges avec l’atmosphère sont importants (…) ».
Destruction des forêts primaires, El Niño, et autres bascules écologiques et climatiques
(13) Là est la véritable action politique, dans l’influence sur la culture, sur le choix de la culture *, sur les représentations et les motivations, pas dans la compétition électorale. C’est toute la différence entre le politique que les écologistes de la nouvelle gauche voulaient promouvoir et « la politique« . Avec la manipulation de l’information et la planification à grande échelle du remplacement des résistances et des alternatives par des leurres domestiqués **, le système de la globalisation capitaliste en fait la démonstration pernicieuse depuis les années quarante. Il a atteint l’objectif de la « bataille pour conquérir l’esprit des hommes » lancée dès avant la fin des années quarante.
*celle, holistique, du bien commun ou celle, mécaniste, de l’impérialisme capitaliste ?
**sous l’égide du Congress for Cultural Freedom et de ses nombreuses succursales.
(14) Dans la longue histoire de la spoliation des biens communs, les exemples abondent de destructions visant sciemment à affaiblir progressivement une population pour augmenter le niveau de prédation, sans provoquer un soulèvement. Pour s’en tenir à l’époque actuelle et au plus spectaculaire – au plus dramatique, les grandes destructions de quartiers traditionnels (Hutongs), de cités historiques, de villages chinois remplacés par des barres de clapiers, appartiennent à un tel processus de colonisation intérieure.
(15) Rivières oubliées, elles sont parfois canalisées, enterrées, effacées :
Dans certains cas, la rivière n’est même plus visible. Canalisée et enterrée, elle n’existe plus dans l’inconscient collectif, si ce n’est ponctuellement et de façon négative par exemple lors de débordements des réseaux. «ça ne motivait pas la population… les gens ne savaient pas où la rivière coulait, aucune photo du site avec la rivière découverte n’existait». Souvent, l’urbanisation a tourné le dos au cours d’eau, notamment dans les secteurs où le risque d’inondation est important. «Dans les années 70, on lui a tourné le dos. La ville s’est construite de façon décalée par rapport à la rivière».
Il était une fois, des centaines de rivières sillonnaient nos villes. Pourquoi ont-elles disparu? Comment? Et pourrions-nous les revoir un jour? Ce documentaire tente de trouver des réponses en rencontrant des urbanistes, des militantes et des artistes visionnaires du monde entier.
(16) Même le changement climatique rapide et la multiplication des catastrophes n’ont pas fait fléchir les adeptes du saccage ! Pourtant, la prise de conscience semble enfin progresser (par ailleurs) :
La réhabilitation des petites rivières urbaines : retours d’expériences sur des projets multi-bénéfices
S’adapter au changement climatique
La ville ‘ensauvagée’ face à des lendemains plus chauds
https://genieurbain.u-pem.fr/fileadmin/Fichiers/GENIE_URBAIN/Evenement/EPP212-de__bats-opinions.pdf
Renaturer la ville
L’érosion de la biodiversité et des paysages naturels appauvrit nos territoires, réduisant ainsi leur capacité à faire face aux vagues de chaleur successives et aux inondations intempestives. C’est d’autant plus vrai en ville, où les sols imperméabilisés, les rivières et cours d’eau enterrés ou bien encore la raréfaction des espaces verts, accentuent les Îlots de Chaleur Urbains (ICU) et bloquent l’infiltration des pluies là où les gouttes d’eau tombent.
Guide pour la restauration des ripisylves
https://www.artois-picardie.eaufrance.fr/IMG/pdf/brochure_ripisylves.pdf
(17) où une nouvelle réglementation aggrave les problèmes :
Protection des points d’eau. Évaluation de la mise en oeuvre de l’arrêté du 4 mai 2017
(…) Dans de nombreux départements, le jeu d’acteurs et les rapports de force locaux ont conduit à une réduction, parfois forte, du réseau hydrographique protégé par des zones non traitées alors que la
protection de l’ensemble de ce réseau est nécessaire pour atteindre les objectifs de qualité des eaux superficielles et réduire les coûts de potabilisation.
https://cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Affaires-0011206
Le scandale des cours d’eau fantômes
Alerte ! Près de la moitié (43 %) des cours d’eau d ’Indre-et-Loire ont disparu en deux ans ! Pas moins de 3 000 kilomètres de ruisseaux, et 13 000 des 14 000 mares et étangs du département, évaporés. Inutile d’accuser la sécheresse ou de soupçonner le dérèglement climatique. Ces disparitions, qui touchent tout le pays, sont cartographiques. Et néanmoins catastrophiques puisqu’elles élargissent le périmètre des permis de polluer aux pesticides. Sur les rives de ces cours d’eau gommés, il n’y a plus de limite à l’épandage.
Nous nous sommes rendus sur place pour comprendre. Prenez ce modeste fossé, situé sur la commune de Crotelles. Jusque dans les années 1960, c’était une rivière entourée d’une zone humide à la biodiversité prospère, sur un plateau déjà très cultivé. On lui a ensuite donné un tracé rectiligne. Aujourd’hui, c’est donc un fossé, large de deux mètres environ. Sur sa rive gauche, un champ de maïs, avec des tiges encore sur pieds. Sur sa rive droite, des blés moissonnés. Le fossé est à sec, en cette mi-septembre après un été de sécheresse record, ici, comme partout en France. Mais dès qu’il pleut, l’eau remplit le lit, poursuit son voyage jusque dans un étang d’1,5 hectare, abrité par un bois qu’on aperçoit au loin. L’étang alimente un ruisseau qui rejoint la Brenne. Jusqu’à 2017, ce fossé de Crotelles était officiellement un point d’eau. Il ne l’est plus.
https://www.wedemain.fr/respirer/le-scandale-des-cours-d-eau-fantomes_a4580-html/
et la destruction qui continue, qui continue…
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Entre autres destructions commises ici, celle des moules d’eau douce
La moule d’eau douce : essentielle mais menacée
https://www.facebook.com/watch?v=1237668390605033
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Octobre 2021, un Cèdre centenaire condamné, exécuté
Ce Cèdre d’une trentaine de mètres, en pleine santé, avait été planté en 1904 au bord du ruisseau maintenant canalisé dans les égouts, dans les fossés de la cité médiévale « protégée« . Des nouveaux voisins (résidence secondaire) viennent d’obliger la famille qui l’avait planté à l’abattre.
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Après la crue éclair de Valencia (30 octobre 2024)
Inondations en Espagne : « On a fabriqué des villes plus vulnérables »
La probabilité d’épisodes pluvieux exceptionnels et dévastateurs de ce type augmente évidemment avec le changement climatique. Mais au-delà de ces risques météorologiques, il faut aussi parler du fait que l’on a contribué à fabriquer des villes plus vulnérables aux inondations. Sur la base d’une analyse faite sur des photographies aériennes prises par l’armée américaine dans les années 1950, Victor Soriano a calculé que deux tiers de la surface de vergers de Valence avaient disparu entre 1956 et 2011.
Qui plus est, le catastrophique remembrement de la « révolution verte » n’était pas encore passé par là. On peut en déduire qu’il subsistait une grande biodiversité et une excellente capacité de rétention des eaux.
9 000 hectares de pleine terre détruits en l’espace de 55 ans pour urbaniser la ville et loger davantage d’habitants, c’est quasiment la superficie de Paris intra-muros. Or, ces vergers disposaient d’un réseau racinaire qui favorisait l’infiltration de l’eau dans les nappes phréatiques et limitait le ruissellement. En milieu naturel, quand il pleut, on estime que 5 à 10 % seulement de l’eau ruisselle. En ville, du fait de la bétonisation, 55 à 65 % de l’eau ruisselle au lieu de s’infiltrer dans le sol.
Et il n’est rien dit de l’amont qui a vraisemblablement été saccagé par l’industrialisation agricole et la bétonisation (d’après Google Map, une artificialisation folle !).
Industrialisation « agricole » et bétonisation/bitumisation qui ont contribué au bouleversement climatique.
On peut estimer que ces 9 000 hectares urbanisés ont contribué au ruissellement de 13,5 millions de m3 d’eau supplémentaire par rapport aux vergers. C’est l’équivalent de 5 400 piscines olympiques qui se sont donc déversées en plus dans les rues et les maisons et qui ont aggravé cette inondation et ses conséquences.
De la tuyaucratie…
(…) on a longtemps considéré l’eau qui coulait dans les villes comme un déchet. Au point de vouloir la cacher en la canalisant. (…) Cette idéologie du « tout tuyau » n’est plus du tout adaptée. Et on voit fleurir des projets de renaturation où des rivières enterrées sont remises au jour, comme c’est le cas de la Bièvre.
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et la sécheresse qui progresse, qui progresse…
Communiqué de la Préfecture de Saône et Loire
Une nouvelle période de sécheresse estivale se profile
Après deux sécheresses exceptionnelles au cours des étés 2018 et 2019, la situation est déjà préoccupante ce printemps en Saône-et-Loire.
La pluviométrie relevée sur les trois premiers mois de l’année 2020 est encore largement déficitaire. Les prévisions météorologiques n’annoncent pas d’épisodes pluvieux importants au cours des prochains jours.
Les débits des cours d’eau se dégradent, en particulier sur les têtes de bassin versant. Les bassins versants de la Grosne et de la Bourbince ont franchi le seuil de vigilance. D’autres pourraient le franchir rapidement. (…)
Qui progresse d’autant plus que l’eau est évacuée (conduite) loin des sols et des écosystèmes qu’elle devrait mouiller, et que la biomasse en est réduite :
(…) Quand l’eau ne peut pas retourner aux champs, aux prairies, aux zones humides et aux cours d’eau suite à l’étalement urbain, aux mauvaises pratiques agricoles, au sur-pâturage et à la suppression des capacités de rétention d’eau des sols [aussi aux « réseaux d’assainissement » encore développés pour conduire l’eau plus loin plus vite (!)], la quantité réelle d’eau dans le cycle hydrologique local diminue, conduisant à la désertification des terres autrefois vertes. (…)
Eau et climat : pour un nouveau paradigme http://www.eauxglacees.com/Eau-et-climat-pour-un-nouveau
Comment s’étonner des sécheresses ? En France, comme le montre l’exemple de Saint-Gengoux, depuis le début des années 1970, les zones humides ont régressé de moitié sous les coups des promoteurs. Même estimation pour l’ensemble du Bassin Méditerranéen.
d’autres exemples de destruction des zones humides et de leur environnement
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Dans le Pas-de-Calais, l’exemple des inondations de l’hiver 2023/2024
Le Pas-de-Calais inondé, l’une des régions les plus artificialisées… (2)
très bon dossier dans l’OBS du 25 au 31 janvier :
On a construit n’importe où
(…) Des habitations, des centres commerciaux, des parkings et des zones d’activité ont poussé comme des champignons sur des terrains situés en fond de vallée (…) souvent au plus près de l’eau.
On a trop artificialisé, et en plus on a construit n’importe où, dans le lit majeur des cours d’eau, c’est à dire en zone inondable
Cela n’est pas l’eau qui n’est pas à sa place, mais l’homme
…comme en Bourgogne !
Plus avec Francis Meilliez :
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Bétonnage au Pays Basque (zone humide d’Ametzondo, Commune de Bayonne) :
https://wikimemoires.net/2013/04/le-site-dametzondo-dhier-a-aujourdhui-et-les-amenagements/
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En pleine « transition écologique », les destructions continuent à grande échelle :
Halte au saccage du bocage
En France, 3 000km de haies sont replantées pour tenter de reconstituer la complexité et la densité de ce qui a été détruit. Mais, dans le même temps, ce sont 20 000km qui sont encore détruits. 20 000km de biodiversité développée depuis le XVIème siècle. 20 000km d’une richesse inappréciable pour les meneurs de la « politique agricole commune » lancés dans une course à la désertification dont chacun peut, maintenant, admirer les résultats.
« Depuis 1950, 70 % des haies ont disparu des bocages français« , indique le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), un service du ministère de l’agriculture *. Et, en dépit des avertissements et des encouragements à stopper et inverser l’engrenage, les destructions ne cessent d’augmenter : « 23 571 km de haies détruites/an entre 2017 et 2021« , contre « 10 400 km/an entre 2006 et 2014« .
* 1 400 000 km de haies ont été détruits depuis le début des années cinquante. 1 400 000 km auxquels il faut ajouter le saccage des cours d’eau et des zones humides, et les immenses surfaces stérilisées sous béton et bitume… Comment s’étonner du bouleversement climatique, des sécheresses, etc. ? [voir note (12 bis)]
https://lirelactu.fr/source/le-parisien/6c364c7e-a421-4fab-8497-ba67f9bd42ce
Plus de 50 ans après les démonstrations de François Terrasson dont j’ai pu profiter, dès les années 1960, au Museum d’Histoire Naturelle
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Terrasson
…en dépit des effets d’annonce :
Redonner aux rivières altérées par les aménagements et les activités humaines un fonctionnement naturel, c’est se protéger contre les crues, améliorer la qualité de l’eau, favoriser le retour de la biodiversité et s’adapter au changement climatique, rien de moins. C’est aussi penser développement économique, lien social et qualité de vie ! Une somme de bénéfices que les territoires ont à considérer, alors même que l’urgence à agir sonne à leurs portes.
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des esquisses de restauration
Fin octobre 2024, Le Parisien consacre un long article aux restaurations :
Île-de-France : contre les inondations, on restaure des rivières longtemps enfouies sous le béton
Malmenés par l’urbanisation durant des décennies, des cours d’eau retrouvent l’air libre grâce à des travaux. Un virage écologique qui permet de prévenir les inondations. Dans le Val-d’Oise, des projets ont déjà abouti dès les années 1990, et servent d’exemples ailleurs en Île-de-France.
Protéger les habitations mais aussi favoriser la biodiversité
Un aménagement réalisé sur d’anciens terrains agricoles par le Syndicat mixte pour l’aménagement hydraulique (Siah) des vallées du Croult et du Petit-Rosne avec un objectif : protéger le lotissement du Vignois tout proche des inondations qu’il a longtemps connues, tout en constituant une réserve de biodiversité. Avec près de 70 espèces d’oiseaux, des libellules, insectes et chauve-souris à foison, le site vient même d’être classé « espace naturel sensible ».
(…) Dans le Val-d’Oise, désormais débarrassée sur 800 m du canal de béton dans lequel le Croult fut enfermé pendant des décennies et de retour dans son lit naturel plus éloigné des habitations, la rivière peut désormais, en cas de fortes pluies, s’étendre dans cette zone humide.
Une dizaine de nouveaux projets à l’étude dans le Val-d’Oise
(…) « Même si nous ne sommes pas à l’abri de pluies exceptionnelles, on le sait », prévient Éric Chanal. Pas une solution miracle donc mais un outil précieux pour, tout à la fois, lutter contre les inondations, améliorer le cadre de vie des habitants, aider la faune et la flore, mais aussi permettre de répondre aux objectifs fixés à 2027 par la directive européenne sur l’état de l’eau. « La réouverture d’Ézanville (avec le Petit-Rosne) restaure avant tout le fonctionnement naturel de la rivière, donc sa capacité à s’auto-épurer », poursuit le spécialiste.
(…) « L’est du Val-d’Oise comme la Seine-Saint-Denis ont été très malmenés par les politiques d’aménagement. On a beaucoup de zones commerciales et d’activités avec les routes qui vont avec, et donc une imperméabilisation des sols. Pourtant, si on veut avoir dans le futur moins d’inondations et un meilleur paysage, c’est bien tout le système qui est à prendre en compte », affirme Paul Lecroart, urbaniste depuis plus de trente ans.
À Saint-Gengoux, c’est exactement le contraire qui a été imposé.
Quelquefois, en effet, un cours d’eau longuement maltraité commence à être réhabilité. Mais…
https://bassinversant.org/wp-content/uploads/2021/06/SIAH-Reouverture-petit-Rosne.pdf
https://veille-eau.com/videos/le-petit-rosne-revit-a-sarcelles
Mais, à quelques encâblures, pour les habitués de la ligne SNCF Paris Nord, maintenant celle du Thalys, le spectacle est devenu triste…
Oui, c’est le même cours d’eau !
Là, pas de photos !
On admire la destruction complète réalisée par l’infrastructure TGV
Dans ce qui fut une jolie vallée, il n’y a pas si longtemps, la rivière a été enserrée dans un canal de béton, avant de disparaître sous le remblais du TGV et changée en égout à l’ouest de la ligne.
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Autre exemple
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Faisons renaître la Bièvre, rivière enfouie sous le béton parisien
La ville de Paris veut faire renaître la Bièvre
Pour rafraîchir les villes l’été et ramener de la biodiversité dans les zones urbaines très denses, les projets visant à déterrer d’anciennes rivières enfouies se multiplient
https://www.franceinter.fr/en-region-parisienne-renaissance-de-la-bievre-ancienne-riviere-enfouie
Certaines communes franciliennes souhaitent faire revivre la Bièvre, qui a disparu en ville. Rouvrir la rivière permet de faire baisser la température et relancer des écosystèmes
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Travaux de restauration et de renaturation de la Souffel
Renaturation du Landion
Travaux de restauration de la rivière Hommée
https://veille-eau.com/videos/travaux-de-restauration-de-la-riviere-hommee
Reméandrage et renaturation de la Veyre, de la Narse et du Labadeau
Mais, le plus souvent, c’est encore le contraire des réhabilitations que l’on peut observer. Rien n’arrête la volonté de nuire davantage…
Près de la moitié (43 %) des cours d’eau d ’Indre-et-Loire ont disparu en deux ans ! Pas moins de 3 000 kilomètres de ruisseaux, et 13 000 des 14 000 mares et étangs du département, évaporés. Inutile d’accuser la sécheresse ou de soupçonner le dérèglement climatique. Ces disparitions, qui touchent tout le pays, sont cartographiques. Et néanmoins catastrophiques puisqu’elles élargissent le périmètre des permis de polluer aux pesticides. Sur les rives de ces cours d’eau gommés, il n’y a plus de limite à l’épandage.
Nous nous sommes rendus sur place pour comprendre. Prenez ce modeste fossé, situé sur la commune de Crotelles. Jusque dans les années 1960, c’était une rivière entourée d’une zone humide à la biodiversité prospère, sur un plateau déjà très cultivé. On lui a ensuite donné un tracé rectiligne. Aujourd’hui, c’est donc un fossé, large de deux mètres environ. Sur sa rive gauche, un champ de maïs, avec des tiges encore sur pieds. Sur sa rive droite, des blés moissonnés. Le fossé est à sec, en cette mi-septembre après un été de sécheresse record, ici, comme partout en France. Mais dès qu’il pleut, l’eau remplit le lit, poursuit son voyage jusque dans un étang d’1,5 hectare, abrité par un bois qu’on aperçoit au loin. L’étang alimente un ruisseau qui rejoint la Brenne. Jusqu’à 2017, ce fossé de Crotelles était officiellement un point d’eau. Il ne l’est plus.
https://www.wedemain.fr/respirer/le-scandale-des-cours-d-eau-fantomes_a4580-html.
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petite bibliographie édifiante
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La grande distribution. Enquête sur une corruption à la française
Jean Bothorel et Philippe Sassier, Bourin éditeur.
L’histoire de deux communes proches l’une de l’autre devrait retenir l’attention des Jouvenceaux et de leurs voisins… Voici un passage particulièrement intéressant du livre de Bothorel et Sassier :
(…) On pourrait citer des milliers d’exemples de bourgs, de petites villes qui se meurent, étouffés par la présence à l’entrée et à la sortie des supers ou des hypermarchés. Pourquoi beaucoup de maires se révèlent-ils incapables de résister à cette invasion ? Comme l’État, ils ont les moyens juridiques de le faire. Alors, pourquoi ?
De ce point de vue, les cas de Maringues et de Puy-Guillaume dans le Puy-de-Dôme sont intéressants. Maringues, cette ravissante et pittoresque ville de tanneurs où fut tourné Uranus avec Gérard Depardieu, est flanquée de trois grandes surfaces. Quand on s’y promène, un sentiment étrange vous traverse et on se demande si les Maringuais ont fui pour quelque exil. A quelques kilomètres de là, Puy-Guillaume, sans charme, offre une animation, une activité étonnante. Pourquoi un tel contraste ? Maringues a un maire socialiste. Puy-Guillaume aussi : un maire qui s’appelle Michel Charasse (…) Il déteste la grande distribution et dans aucun cas, aucun lieu, à aucun moment, il ne lui fait la moindre concession (…) :
« Chez moi, à Puy-Guillaume, je leur ai dit Niet. Non aux grandes surfaces mais aussi aux succursales et à toutes les formes de commerces multiples qui sont des faux nez de la grande distribution. Tous les maires peuvent résister. Mais ils sont fascinés par les rentrées fiscales, par les cadeaux divers et variés que leur promettent les patrons des enseignes… En revanche, ils ne calculent pas tout ce qu’ils vont perdre, tout ce qui sera détruit dans leur commune. A Puy-Guillaume, j’ai fait un POS dans lequel existe, conformément à la loi, ce qu’on appelle une réserve commerciale, c’est à dire des terrains sur lesquels peuvent s’implanter des commerçants. Mais par délibération du Conseil Municipal, ces terrains appartiennent à la commune. Donc, c’est moi qui décide de vendre ou pas. Et je ne vends pas à la grande distribution. C’est clair et c’est simple » (…).
Suit la relation croustillante d’une tentative de corruption par les représentants d’une enseigne…
Désastres urbains – Les villes meurent aussi
par Thierry Pacquot
Grands ensembles, centres commerciaux, gratte-ciel, gated communities et « grands projets » sont les principaux dispositifs architecturalo-urbanistiques qui accompagnent l’accélération de l’urbanisation partout dans le monde. Emblématiques de la société productiviste et construits au nom du « progrès » et de la « marche de l’histoire », ces désastres urbains n’ont en réalité comme seule fonction que de rentabiliser des territoires désincarnés et interconnectés.
Cette enquête montre – visites de bâtiments, romans, essais, films ou rapports officiels à l’appui – comment ils façonnent l’uniformisation des paysages urbains, amplifient les déséquilibres sociaux, économiques et écologiques et contribuent à l’enfermement et à l’assujettissement de leurs habitants. Sans compter qu’ils se combinent aujourd’hui aux catastrophes dites « naturelles » (ouragans, tsunamis, séismes, inondations…) pour créer une instabilité et une dangerosité sans équivalent historique.
A l’heure des constats tardifs sur l’état lamentable des eaux en France, sur le dérèglement climatique et sur l’effondrement généralisé du vivant, l’exemple de Saint-Gengoux-le-National dit la vérité sur l’incapacité de l’ensemble du système, comme de chacun de ceux qui y participent ou l’accompagnent, à mettre un terme aux destructions mortifères. Elles leur sont consubstantielles.
La sixième extinction de masse des animaux s’accélère
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État des terres agricoles en France, par Terre de Liens – artificialisation, stérilisation, désertification
(…) Artificialisation galopante, dégradation des sols, concentration des terres, ultra-spécialisation des fermes et non-renouvellement des générations paysannes, les attaques que subit la terre sont aujourd’hui nombreuses et connaissent un rythme effréné.
Chaque année, c’est une surface équivalente à la capacité à nourrir une ville comme le Havre qui est perdue. Dans un mouvement parallèle tout aussi inquiétant, aujourd’hui 2/3 des terres libérées par les agriculteurs qui partent en retraite partent à l’agrandissement de fermes voisines, réduisant ainsi drastiquement les terres disponibles pour de nouvelles installations. (…)
Sous le béton, des terres agricoles
Depuis 30 ans, la dynamique d’artificialisation est constante. La France artificialise chaque année entre 50 000 et 60 000 hectares soit l’équivalent d’un terrain de foot toutes les 7 minutes.
Moins bien protégées que les espaces naturels et forestiers, les terres agricoles qui nous nourrissent sont les premières victimes de cette artificialisation.
Dans les zones urbaines et péri-urbaines, la pression sur ces terres est ininterrompue. Laissées en friche dans l’attente de leur devenir « constructible », elles sont l’objet d’une spéculation continue.
Le prix de ces terres susceptibles de devenir constructibles les rend incompatibles avec une installation agricole.
L’état alarmant des sols agricoles
Les scientifiques s’accordent : 1 000 ans sont aujourd’hui nécessaires pour constituer 1 cm de terre fertile.
« Quand on imperméabilise un sol, il n’y a pas de retour en arrière possible. À l’échelle humaine, ce sol est perdu. » Isabelle Feix, Experte Sol, ADEME
Hormis l’artificialisation, les terres subissent de très fortes dégradations sous l’effet des activités humaines, dont l’agriculture conventionnelle, qui cherche à maximiser la production par l’utilisation importante d’engrais chimiques ou de pesticides.
Ceux-ci portent atteinte à l’ensemble de l’écosystème, tuant les insectes et invertébrés indispensables au fonctionnement des sols, polluant les rivières et les milieux aquatiques, détruisant les habitats naturels et les sources de nourriture des animaux. (…)
https://terredeliens.org/etat-des-terres-agricoles.html
On peut regretter que Terre de Liens reste muette sur les différentes formes de l’eau et la biodiversité, sans lesquels il n’y aurait pas de terre cultivable.
Là encore, la cité médiévale du Sud Bourgogne est un exemple
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Actualité 2020, 21, 22…
Là même où, depuis des dizaines d’années, la tête de bassin versant a été saccagée avec acharnement en méprisant toutes les alertes et les propositions, les « autorités » qui ont pris part au saccage s’alarment maintenant de la sécheresse !
Et de distribuer des feuilles d’information annonçant la création d’un « Comité Départemental Sécheresse« , et décrivant l’art et la manière d’économiser l’eau à la maison ! Mais rien sur l’indispensable restauration des cours d’eau et des milieux humides massacrés par leurs soins.
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