Films et expériences (2008 – 2013)
La mort de Benjamin Escoriza, chanteur de Radio Tarifa.
Les nouveaux chiens de garde de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat
Le projet NIM par James Marsh
Hara kiri : mort d’un samouraï de Takashi Miike
L’ordre et la morale de Mathieu Kassovitz
Tous au Larzac de Christian Rouaud
De bon matin de Jean-Marc Moutout
La planète des singes : les origines
Water makes money, comment les multinationales transforment l’eau en argent, de Leslie Franke et Herdolor Lorenz
Bonobos de Alain Tixier
Pollen de Louie Schwarztberg
Los caminos de la memoria de José-Luis Pernafuerte
Même la pluie de Iciar Bollain
Cabeza de Vaca de Nicolas Echevarria
Inside Job de Charles Ferguson
Cinéma, suite dans la 2ème partie :
Ao, le dernier Néanderthal de Jacques Malaterre
Green de Patrick Rouxel
Solutions locales pour un désordre global de Coline Serreau
Notre pain quotidien de Nikolaus Geyrhalter
la stratégie du choc de Michael Wintebottom et Mat Whitecross
Le temps des grâces de Dominique Marchais
I love capitalism de Michael Moore
Food, inc. de Robert Kenner
La proposition de John Hillcoat
La fin de la pauvreté de Philippe Diaz
Avatar de James Cameron
Walter, retour en Résistance de Gilles Perret
Le syndrome du Titanic de Nicolas Hulot
THE COVE – La baie de la honte de Louie Psihoyos
Home de Arthus-Bertrand
Let’s make money de Erwin Wagenhofer
The International de Tom Tykwer
HERBE de Matthieu Levain et Olivier Porte
Séraphine de Martin Provost
Nos enfants nous accuserons de Jean-Paul Jaud
La terre des hommes rouges (BirdWatchers) de Marco Becchis
Frozen river de Courtney Hunt
Chomsky et compagnie de Daniel Mermet
Erin Brockovich de Steven Soderbergh
Blade Runner de Ridley Scott
Dersou Ouzala de Akira Kurosawa
mars 2012
mercredi 11 janvier 2012
Le projet NIM
par James Marsh (lauréat d’un Oscar pour le documentaire Man on Wire),
d’après le livre The Chimp Who Would be Human, de Elisabeth Hess.
Cela n’est pas une fiction
Après que l’on ait vu Nim cajolé par sa mère dans une cage sinistre d’un centre de recherches universitaires, le directeur du lieu – William Lemmon -, une brute qui travaille ses protégés au pistolet électrique *, enlève le bébé, comme il l’a déjà fait six fois avec les rejetons précédents. Et de commenter : « Pour les mères chimpanzés, leur bébé n’est qu’un objet ».
* comme on le voit dans le film ici présenté en septembre : « La planète des singes : les origines »
Comme en ponctuation de l’histoire du chimpanzé Nim Chimpsky livré aux dispositions très inégales d’une succession d’humains, le film présente une galerie de portraits révélateurs. A trois personnages près, qui sont joués par des comédiens, nous suivons les protagonistes sur les photos et dans les fims d’époque. Ils sont montrés aujourd’hui en plans fixes, inquisiteurs, dévoilant leurs travers ou leurs qualités, leurs doutes, leur sensibilité – ou leur absence.
C’est Herbert Terrace qui a eu l’idée de cette expérience et l’a dirigée depuis son poste de professeur en psychologie et comportement de l’Université de Columbia. Suivant les amours débridés de Terrace et ses idées improvisées, Nim est d’abord placé chez des baba-cools complètement dépassés par l’évènement, puis brinqueballé de tous côtés, arraché à l’affection des uns puis des autres. Le plus souvent mal accompagné, déboussolé, Nim manifeste un certain ressentiment à coups de dents, que Terrace interprète comme un retour à « l’animalité ». N’importe quel humain à tempérament aurait fait bien pire !
Mais Herbert Terrace n’a aucun recul sur son « travail ». Aujourd’hui encore, il refuse de voir les carences et les erreurs de son expérimentation. Et, bien entendu, son incompétence. En 1978, sans consulter personne, et surtout pas le couple d’éducateurs qui s’occupait bien de Nim, il considère tout à coup que son projet a échoué. Pourquoi ? Parce que Nim n’utilise pas tout le vocabulaire appris pour tenir des discours philosophiques. Chacun se prend à penser que les « progrès rapides » de Nim auraient été plus spectaculaires dans de meilleures conditions, s’il avait été mieux entouré, et qu’il aurait poursuivi sa progression si… Terrace balaye tout d’un revers. Trop tourné vers son nombril le chimpanzé ! C’est curieux ; c’est exactement l’une des réflexions qui vient à l’esprit du spectateur en observant l’absence d’empathie et voyant se déployer l’égocentrisme chez cet « éminent professeur » (d’après le synopsis). Quel dommage que personne n’ait songé à débrancher cette baudruche. Bien au contraire, le môsieur a fait une jolie carrière universitaire démontrant brillamment que la valeur et l’ouverture sur les autres et la vie n’étaient pas des critères pertinents dans cette institution.
En 1982, grâce aux judicieuses décisions du directeur d’études Terrace, à son intelligence sensible déficitaire et propice à l’instrumentalisation de Nim et de tous les humains de son entourage, grâce aussi à la lâcheté qui couronne tant de qualités, l’idée première du projet se mue en expérimentation de l’horreur. Entre en scène James Mahoney, sorte de docteur Mengelé avide d’expériences sur ces êtres si proches qu’ils communiquent de façon parfaitement compréhensible avec leurs tortionnaires. Hier comme aujourd’hui, le visage de Mahoney dit tout. Il impressionne, même, tant il apparaît malsain et faux.
Pourtant, James Mahoney, lui aussi, a fait une carrière que d’aucuns pourraient regarder comme une réussite, malgré les tortures infligées aux primates dans le laboratoire dont il était directeur. Encore un lieu sinistre lié à l’université ! Mahoney est resté de longues années directeur de ce Lemsit (Laboratory for Experimental Medicine & Surgery in Primates) où, obsédé par une politique du chiffre, il entassait des dizaines de prisonniers dans des cages à la Louis XI.
Bob Ingersoll offre un bien meilleur visage et les traits d’une personnalité forte et compétente. Retenez son nom. Bob était devenu le grand ami de Nim, et réciproquement, quand celui-ci avait été abandonné par Herbert Terrace (voir ci-dessous « Man’s best friend »). Quand James Mahoney et son Lemsit se sont emparés de Nim et de ses congénères, Bob s’est battu pour le sauver. L’Université n’a pas bougé. C’est Bob qui gênait et non le tortionnaire Mahoney travaillant sous le contrôle de l’université. Albert Terrace est resté coi, indifférent et soumis à l’ordre hiérarchique universitaire. Heureusement, la presse a bougé et un avocat, Harry Hermann, a entamé une procédure au nom de Nim, puisqu’il avait été élevé en humain et en avait, donc, les droits. Et cela a marché. La bureaucratie universitaire a libéré Nim pour éviter que le scandale ne grandisse encore.
Mais Nim n’était pas encore au bout de sa malheureuse odyssée chez des humains incapables de communiquer avec lui. Nim Chimpsky est mort très jeune, surtout pour un chimpanzé protégé des dangers de la forêt. Il est mort à 26 ans, en 2000, ce qui témoigne vraisemblablement des stress et des mauvais traitements qu’il a subi.
James Marsh a réussi un film efficace, soutenu et stimulant qui met en lumière beaucoup plus que l’insuffisance de quelques personnes. Au-delà de l’absence d’empathie, de compréhension des autres êtres, et même du sadisme des principaux responsables de ce drame, individus et institutions, ce sont la stupidité de la culture dominante, son incompétence, qui se révèlent. C’est d’autant plus intéressant que ces responsables ont la prétention d’éclairer le monde de leur science. Et cela l’est encore davantage parce que cela s’est passé à l’université de Columbia, l’un des lieux où la Nouvelle Gauche alternative s’était affirmée. Or, le principal caractère de ce mouvement, qui s’est développé en réaction au renforcement de l’exploitation et des destructions accompagnant la mondialisation du capitalisme, était la redécouverte de la culture première, la culture inspirée par le vivant, cette counter culture en tous points contraire à la « culture anti-nature » du système dominant. Mais tout le monde n’était pas au même stade de la prise de conscience. C’était juste le début d’un processus de prise de conscience de tout ce qui avait été enfoui par des siècles de conditionnement au pouvoir discrétionnaire des dominants.
Le cauchemar vécu par Nim est exemplaire de la fermeture de cette culture impérialiste qui n’est autre qu’une culture du refus de la nature (comme elle se définit elle-même), une culture de conquête, une culture de guerre, fondement de toutes les exploitations et toutes les destructions.
En France aussi, et aujourd’hui encore, il se passe des choses ignobles du côté des centres de recherche. Ainsi, le massacre de la population de Macaques de Tonkéan au Centre de Primatologie de l’université Louis Pasteur de Strasbourg en septembre 2008.
voir, sur le blog, le rappel fait en septembre :
A Strasbourg, les singes quittent le centre d’études sans remerciements et les pieds devant
autres sources :
http://krissnature.over-blog.com/article-22752826.html
http://www.evous.fr/strasbourg/Polemique-sur-l-euthanasie-de-14,2306.html
Chimpanzees In the News Again
Project NIM—a Screening
http://www.releasechimps.org/2011/05/#axzz1jFxIzsEM
Man’s best friend
This is a love story on top of a horror story.
First the love story. Bob Ingersoll fell at first sight for a chimpanzee named Nim.
Nim was riding in the back of a station wagon as it made its way up the driveway of the Institute for Primate Studies in Norman, Okla., in 1977. « I knew I could work with Nim, » Ingersoll said during a recent interview. « We’d heard about Nim for a couple of years. »
What the Boston native had heard about was a disastrous experiment dreamed up by behavioral psychologists at Columbia University to see if an ape could communicate with humans through sign language if raised like a human child in a regular family.
“Project Nim’’ chronicles Nim’s existence during and after the failed experiment.
Nim’s full name was Nim Chimpsky, a playful version of Noam Chomsky, the MIT professor who’s one of the fathers of modern linguistics.
« They had no idea what they were doing. They misinterpreted Nim’s aggression. He never bit me once, » said Ingersoll, 57, who spent nine years with Nim over two different periods, about those involved in the experiment. « They thought they could train animals to think the way we do. Bats don’t think like humans because they’re bats. They process information like bats. You can’t domesticate wild animals. Attacks are going to happen eventually. It’s just our arrogance. »
« Bob is a genuinely wonderful human being, and he emerges as the true hero of the story, » said Simon Chinn, producer of the film. « He has a big personality and a very big heart. He is someone who takes on causes and fights very hard for them. »
Ingersoll, a pot-smoking Deadhead with shoulder-length silver hair, now lives in San Francisco with his second wife, Belle. In the mid-’70s, while an undergraduate psychology major at the University of Oklahoma, also located in Norman, he got the chance to spend time at the IPS with a few of the 40-odd chimps there. He immediately displayed an easy bond with them. Over time, says Ingersoll, owner Bill Lemmon was impressed enough to give him a key to the cages. « My life was changed, but I didn’t know it. »
Despite his life out West, Ingersoll is all Boston. He was born in the Chelsea Naval Hospital, lived in Roxbury as a kid, and hung out with his friends in Fields Corner. Then he banged around the world, from Turkey to Japan and North Carolina, as a military brat – his father was a career enlisted man in the Air Force. He and Belle stay with his godmother in Quincy whenever he’s in town, He lives and dies for the Red Sox (a base-ball team).
http://articles.boston.com/2011-07-15/lifestyle/29778324_1_project-nim-nim-chimpsky-bob-ingersoll
Hara kiri : mort d’un samouraï
film de Takashi Miike
Où l’on découvre la structure hiérarchique d’une riche famille qui, depuis longtemps, doit tout à l’arbitraire et plus rien à sa compétence. L’apparat, les symboles d’une gloire passée, une étiquette sourcilleuse, y comblent le vide existentiel. Et tous, du PDG d’époque au dernier des sous-fifres, s’accrochent à la lettre d’un code d’honneur dont les origines et la substance ont été perdues, effacées par l’esprit de la domination. Cette micro-société fermée sur la vie n’est plus habitée par une intelligence sensible. Sans empathie ni compassion, elle n’est plus qu’une machine.
Dessous ce couvercle, la société est écrasée, réduite à la survie, à la merci du moindre accident qui fait chuter dans la misère.
L’action confronte les deux mondes et révèle jusqu’au ridicule la vacuité de la domination.
La riche famille et sa hiérarchie faite de brutes, comme elle ressemble à ce que nous supportons aujourd’hui !
Un film prenant avec, pour les amateurs, un long et magnifique combat.
L’ordre et la morale
de Mathieu Kassovitz
L’émotion grandit dans le peuple kanak sous les lois promues par le gouvernement Chirac et son ministre Bernard Pons. En mai 88, deux prises d’otages mobilisent le banc et l’arrière banc de l’impérialisme français. L’une est résolue en souplesse après négociations. L’autre a provoqué la mort de quatre gendarmes et la situation est bloquée par la peur des représailles, pour les uns, par les vociférations électoralistes d’un pouvoir défié à la veille des présidentielles, de l’autre côté.
Efficace et sobre, le film piste le chef du GIGN, seule force normalement autorisée à intervenir sur le territoire de la République. Mais l’approche de l’élection a déverrouillé les dernières petites inhibitions des politiciens et l’on voit se déformer le masque démocratique sous la poussée du totalitarisme des intérêts déchaînés. Du haut de l’amoncellement d’appétits enfiévrés et de mépris qui anesthésient l’intelligence sensible, là où siège le gouvernement, tombe l’ordre de faire donner l’armée. Et l’ordre colonial s’abat sur le pseudo département d’au-delà des mers.
Le massacre de la grotte d’Ouvéa est une des démonstrations de l’escroquerie à la démocratie qui passe par le système électoraliste entièrement maîtrisé et promu par les lobbies les plus anti-démocratiques – toute la machine du capitalisme anti-nature.
http://partideliberationkanak.unblog.fr/evolution-statutaire-de-la-nouvelle-caledonie/
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2834
Révisionnisme
La lutte du Larzac, le film Tous au Larzac, Christian Rouaud (le réalisateur), et les hippies
France Inter, lundi 21 novembre 2011, 18H45 :
« (…) tous les gens qui ont vécu ça ont été extrêmement émus parce que le Larzac, c’est vrai, réduire ça aux hippies qui rigolent, c’est tout petit« , dit l’animateur France Inter.
« C’est le discours de l’ennemi, ça !« , coupe Christian Rouaud presque colère. Et d’enchaîner : « Les hippies, les chèvres, les communautés, tout ça, c’était des conneries. (…) On a fabriqué une image négative qui fonctionne encore aujourd’hui (…) Ya des gens qui croient encore aujourd’hui que c’était des histoires de hippies !«
Emission DownTown de Philippe Collin et Xavier Mauduit, avec Christian Rouaud et Léon Maillé (qui approuvait).
On a aussi entendu : « Il n’y avait pas de communauté sur le Larzac« … Il y a trois communautés de l’Arche depuis les années soixante.
Lanza del Vasto, citoyen du monde, non-violent, alternatif, fondateur des communautés de l’Arche, l’une des figures de la lutte du Larzac et de la Nouvelle Gauche. Ici, lors du jeûne de 1972.
Une « image négative » ?
Des « hippies« , quelle incongruité, quelle horreur ! Peut-on imaginer plus négatif, plus petit ?!
Mais quelle conscience a Christian Rouaud des hippies ? Ne sait-il pas que le mouvement Hippie était l’un des courants révolutionnaires des sixties, l’un des premiers courants du mouvement alternatif ? Comment le réalisateur d’un film sur l’une des luttes exemplaires de la Nouvelle Gauche peut-il dénigrer l’une des composantes de la Nouvelle Gauche écologiste ? Je crois l’entendre demander : « C’est quoi la Nouvelle Gauche ? »
Washington 21 octobre 1967
Et, de ce côté de l’Atlantique, ces « hippies« , qui semblent considérés comme une pollution par Môsieur Christian Rouaud (comme les communautaires), qui étaient-ils ? Des écologistes, des anarchistes, des pacifistes, des autogestionnaires, des féministes, des régionalistes occitans et d’autres régions, des communautaires (le combat de Lanza del Vasto et de ses amis, d’ailleurs implantés en deux endroits dans la région, aurait-il été oublié ?)… peut-être même quelques purs hippies du déjà vieux mouvement, d’ailleurs. Et alors ? N’ont-ils pas pesé dans la lutte hautement symbolique du Larzac – une lutte qui dépassait de très loin les limites du Plateau ?
Tous étaient unis dans un même mouvement : la Nouvelle Gauche façon Murray Bookchin, comme l’évoquait Fournier avant même l’ouverture des hostilités au Larzac. Ce que nous allions bientôt appeler le mouvement alternatif. Sans cet élan général de l’alternative au système dominant, ici méprisé au travers des hippies, la résistance du Larzac serait restée confidentielle.
On reconnaît là la bêtise, souvent instrumentalisée, qui consiste à stigmatiser les autres, les différents, ceux que l’on ne comprend pas, que l’on ne comprend plus. Pour se rassurer contre ce qui, désormais, inquiète, et s’éviter de penser ?
Quarante ans après, tous des notaires ?
Dans quelle mesure est-ce involontaire ?
Ne s’agirait-il pas encore d’un remugle de la manipulation de l’histoire du grand mouvement alternatif qui a secoué les années soixante et soixante-dix, et que beaucoup s’emploient fébrilement à effacer des mémoires et des compréhensions ? Car cela fait beaucoup. Pas une occasion n’est manquée de gommer les acteurs et les identités du premier mouvement révolutionnaire mondial alternatif au système anti-nature, la Nouvelle Gauche des années soixante et soixante-dix qui avait tant effrayé les néo-capitalistes lancés dans la mondialisation. Pas une occasion n’est manquée de les remplacer par des égarés ou des simulacres, en particulier les gauchistes qui ont, très tôt, confortablement pantouflé dans les hiérarchies et l’argent. Pas une occasion n’est manquée de réécrire l’histoire du mouvement social pour censurer et détourner de l’essentiel les nouvelles générations. Pas une occasion n’est manquée de nier ou de souiller la culture première, la culture inspirée par le vivant, pour faire croire que seule existe la culture impérialiste qui nous mène au chaos.
Et l’animateur France Inter, avec des trémolos dans la voix, de dire que tout cela – la lutte pour le Larzac – a pris un sens très politique parce qu’elle se termine par une élection en 81 : l’élection de Mitterrand ! Gros caca en direct. Ils n’ont pas pu se retenir.
Culture politique : zéro.
San Francisco april 1967
J’ai participé à la lutte du Larzac. Comme tant d’autres, j’ai même acheté un mètre carré du Plateau pour faire obstacle aux expropriations.
Mais je n’irai pas voir ce film.
Le parcours de Christian Rouaud éclaire ses propos d’aujourd’hui et ses intentions. Etudiant à la Sorbonne en 68, il y a connu les acteurs « gauchistes » qui allaient se distinguer dans le sabotage de l’écologisme. Il ne fait pas non plus mystère de son appartenance au « PSU tendance maoïste« . Tout est dit !
Pour en savoir un peu plus sur l’importance politique du mouvement Hippie :
http://legacy-hippie-movement.e-monsite.com/blog
octobre 2011
De bon matin
film de Jean-Marc Moutout
La violence. Elle sourd de l’entreprise bancaire où travaille Paul. Mais il n’en a pas conscience. Il a réussi. A force de travail opiniâtre à accumuler les profits en vendant n’importe quels « produits financiers » aux clients, il a grimpé dans la hiérarchie sans se poser de questions. Il est reconnu (mais pourquoi ?), récompensé, comblé. Chez lui, rien ne dépasse. Bon petit soldat de la croissance, il est totalement banal et cela rend le film encore plus fort.
Et arrive la crise, c’est à dire le résultat logique, inéluctable, de la dérive des pratiques spéculatives à très haut risque (surtout pour les clients et l’intérêt général) dans lesquelles tous se sont laissé glisser douillettement. Et l’entreprise-mère nourricière se retourne contre ses personnels pour tenter d’échapper à la sanction. Arrivent des évaluateurs, des gestionnaires, des restructurateurs, des jeunes types sans connaissance ni expérience, idéalement infects, que Paul accueille avec la confiance du professionnel fort de sa carrière.
Les stakanovistes sont toujours les plus durement frappés quand ils découvrent la violence de la « gestion des ressources humaines », cette dégradation radicale des rapports humains introduite par la révolution néo-capitaliste à laquelle ils ont contribué sans conscience. Les harceleurs leur signifient qu’ils ne sont rien et ils ne sont plus rien. Tout ce en quoi ils croyaient, tout ce qui les avait construit, tout leur monde s’effondre.
Paul se délite sous nos yeux. Effaré, il découvre la lâcheté suicidaire de ses collègues quand il les invite à résister. Et il ne peut fuir vers une autre aventure car l’entreprise a pris toute sa vie. Elle est sa vie. Tout juste si un rêve du temps où il avait encore un peu de liberté lui revient. Partout où il cherche appui et secours, il ne trouve qu’incompréhension, irritation et dérobade. Isolé, miné de l’intérieur par les techniques de harcèlement auxquelles il ne peut répliquer efficacement, Paul s’effondre sur lui-même. Le film commence par l’application de la seule solution qui restait à Paul : retourner vers l’entreprise la violence qu’elle a développée.
Il ne semble pas inutile de rappeler que le capitalisme (économique et politique), et surtout sous la forme ultralibérale et financiarisée qui a été imposée crescendo depuis une soixantaine d’années, est une guerre.
De bon matin est un film sobre, condensé, efficace, servi par un Jean-Pierre Darroussin coulé dans la peau douloureuse de Paul.
Qui s’est frotté au harcèlement en revivra les émotions et jouira de l’une des premières scènes du film.
Qui ne connaît pas encore pourra s’y préparer ou reconnaître ce qu’il n’a pas encore identifié.
septembre 2011
La planète des singes : les origines
Oui, c’est encore une grosse production hollywoodienne, et alors ?
Grâce aux effets spéciaux, le film n’en est que plus efficacement au service du point de vue des esclaves parmi les esclaves : d’autres anthropoïdes maltraités dans les laboratoires de recherche.
Curieusement appelé Ceasar, le héros du film est le nouveau Spartacus.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=181716.html
C’est l’occasion de se souvenir encore du sort qui a été réservé dans une université française à une population de macaques de Tonkéan il y a 3 ans à Strasbourg :
A Strasbourg, les singes quittent le centre d’études sans remerciements et les pieds devant
http://naufrageplanetaire.blogspot.com/2011/03/reserve-4.html
Un groupe social d’une quinzaine de Macaques de Tonkéan vivait au Centre de Primatologie de l’université Louis Pasteur de Strasbourg depuis de longues années. Suite à la décision unilatérale du conseil scientifique, il vient d’être exterminé.
Originaires de l’Indonésie, et plus précisément de Sulawesi, les macaques de Tonkéan sont une espèce internationalement protégée. Ils sont connus et particulièrement étudiés pour leur culture de l’organisation démocratique et de la résolution des conflits, et ceux du centre de primatologie de Strasbourg avaient presque atteints à la célébrité grâce aux travaux qui leur étaient consacrés (a).
La raison invoquée : les chercheurs avaient découvert qu’ils étaient porteurs d’un virus d’herpès (B) et il fallait protéger le personnel. Misérable prétexte. Les macaques de Tonkéan sont majoritairement porteurs sains de ce virus, et nul ne songe à les tuer pour cela dans les parcs zoologiques. Il suffit de quelques précautions basiques pour se protéger de la contamination. D’ailleurs, on savait, dès leur arrivée dans les années 1980, que les macaques de l’université de Strasbourg étaient porteurs du virus.
En fait, il semble que ces singes aient été éliminés pour faire place à d’autres et à un programme de recherche en pharmacologie (très rentable). Pourquoi se fatiguer pour leur trouver un lieu d’accueil pour leur retraite quand on peut résoudre « le problème » sans rien dépenser ni même éprouver une émotion ? Donc, après avoir imposé d’interminables années de privation de liberté à ces travailleurs bénévoles, après qu’ils aient inspiré maintes études valorisantes pour les chercheurs et les étudiants, c’est une vulgaire question de gros sous qui aurait décidé de leur vie et de leur mort comme s’il s’était agi de vulgaires déchets. Vingt cinq années de proximité n’ont ouvert aucune brèche dans la muraille d’insensibilité (en l’occurence, on ne pourrait pas dire inhumanité…) des décideurs. Aussi sympathiques et intelligentes que les autres, les hiérarchies scientifiques !
On voit là, au cœur de l’université française, une manifestation spectaculaire de la culture de la domination du vivant, la culture qui se réfère à Descartes le mécaniste tortionnaire, culture « anti-nature » comme elle se définit, cette culture du mépris qui préside à la destruction de la biosphère. Un résumé de toute l’horreur totalitaire de l’idéologie capitaliste libérale.
Si ces macaques de Tonkéan ont pu prouver aux chercheurs perspicaces qu’ils savaient vivre en société démocratique, les responsables de l’université de Strasbourg viennent, eux, de nous convaincre qu’ils sont incapables de constituer une société et de vivre en accord avec la biosphère.
Avec de pareilles « élites« , comment s’étonner que rien n’évolue et que l’on continue droit au récif ?
(a) L’observation de ce groupe a inspiré Frans de Waal et Bernard Thierry pour écrire « Les antécédents de la morale chez les singes » qui est paru dans « Les origines de l’humanité », tome II (chez Arthème Fayard).
Voir « Le singe, un animal moral« , un article qui figure sur le site
www.scienceshumaines.com
Au-delà du titre toujours chargé de conditionnements, le traitement du sujet marque un tournant dans la prise de conscience des qualités des autres êtres.
voir également, sur le site du Nouvel Obs, un article de Fabien Gruhier paru en mai 1995 : « Des casques bleus chez les primates. La grande leçon qui nous vient du singe »
Et la vidéo présentée par le site www.dailymotion.com/video
Voilà, ce sont ces êtres très sympathiques qui viennent d’être éliminés.
2011
La guerre de l’eau
Water makes money,
comment les multinationales transforment l’eau en argent
de Leslie Franke et Herdolor Lorenz.
Ceux qui ne l’ont pas vu sur ARTE mardi 22 mars, à l’occasion de la journée mondiale de l’eau, ont tout intérêt à voir cet excellent documentaire sur la manière dont un bien commun essentiel est accaparé, détourné, gâché, tout en vidant les poches des usagers.
Leslie Franke et Herdolor Lorenz décortiquent les méthodes et le réseau propagandiste et corrupteur qui ont permis aux trusts – au premier rang desquels Veolia et Suez – de s’imposer là où tout était organisé et géré à long terme par les administrations publiques et les communautés. On voit ainsi que les lobbies ont pénétré les milieux politiques, syndicalistes, universitaires, scientifiques, médiatiques, de la protection de la nature, etc.
Plaçant leurs hommes, gagnant des complicités, ils ont multiplié les relais diffusant à satiété leur point de vue et leurs incitations, pour influencer les conseils municipaux comme les parlements et les institutions internationales.
Parmi les manoeuvres favorites des lobbies, figure le substantiel « droit d’entrée » aux municipalités. Souvent présenté comme un cadeau accompagnant la cession au privé, c’est en fait un prêt, un crédit que les usagers, devenus clients, vont payer largement, et avec les intérêts. Sans compter la réduction de l’entretien des réseaux et l’oubli de la préservation de la ressource.
Lors d’une séquence fascinante, on voit des syndicalistes s’opposer aux dénonciateurs des malversations de l’un de ces trusts sous prétexte de défense de l’emploi et du salariat. Cela rappelle beaucoup de choses à l’alternatif qui a vu souvent des victimes désignées prendre le parti de la domination et de la pollution. Cela souligne l’opposition entre les deux civilisations : celle de la domination de la nature et des hommes, avec ses profits, ses assujettis et ses coûts illimités, et celle, conviviale, de la compréhension du vivant, et des biens communs repris en mains localement pour le long terme.
Un autre passage remarquable nous apprend l’existence de chaires universitaires patronnées par les lobbies, et l’ampleur de la pénétration dans l’enseignement et la recherche. Cela et d’autres stratégies, par exemple ce « Forum Mondial de l’Eau » qui n’est qu’une vitrine commerciale, font irrésistiblement penser à quelque chose de plus ancien et qui a eu une influence considérable sur les orientations imposées depuis une soixantaine d’années. Il s’agit du Congrès pour la Liberté de la Culture, fer de lance de l’offensive capitaliste mondiale. Mêmes méthodes de propagande et de corruption. Mêmes objectifs : imposition de la culture mécaniste anti-nature et promotion des technologies dures, captation et concentration des pouvoirs sous le voile de la démocratrie représentative, et spoliation des biens communs + destructions planétaires. Nul doute que si l’on pouvait remonter des uns aux autres, on découvrirait des connexions très intéressantes.
Vidéo bande annonce
http://www.watermakesmoney.com/fr/bande-annonce-.html
http://www.watermakesmoney.com/fr/le-film.html
http://www.acme-eau.org/Water-makes-money-ou-comment-les-multinationales-transforment-l-eau-en-argent-sur-ARTE-mardi-22-mars-20h40-21h55-dans-le_a2890.html
voir l’encadré sur la révolution bolivienne qui a commencé avec la guerre de l’eau à Cochabamba, dans le chapitre « Les mythes d’une escroquerie en voie de mondialisation »
sur : http://www.planetaryecology.com/
également, ci-dessous en janvier, la présentation du film « Même la pluie« , sur la guerra del agua qui a commencé à Cochabamba avant de gagner toute la Bolivie.
Si le film ne passe pas près de chez vous, le DVD coûte 10 €
C’est l’occasion de le visionner avec les amis, les voisins, vos conseillers municipaux favoris.
Bonobos
film de Alain Tixier
http://www.cinefil.com/film/bonobos
http://www.agirpourlaplanete.com/actions-durables/cinema/1134-bonobos-film-ecolo.html
Un film indispensable pour redécouvrir le vivant et s’ouvrir aux autres. Pour cela, les Bonobos sont parfaits. Familiers, futés et joueurs, la sympathie et la curiosité réciproques, entre eux et nous, rendent plus incompréhensibles les massacres de masse dont ils ont été récemment victimes (leur population aurait été divisée par dix). La guerre est évoquée – sans doute, la seconde guerre du Congo-, une guerre qui a été désastreuse pour les humains de la région, mais cela n’explique pas les tueries et l’anthropophagie (sauf à penser que seules les bandes armées tombées au plus bas de l’abrutissement en aient été coupables). Car beaucoup de ces anthropoïdes, nos cousins, ont été mangés ! Heureusement, tous les anthropoïdes humains ne sont pas tombés si bas.
Le mépris indicible et la cruauté de très nombreux humains, même vis à vis des populations pacifiques qui nous sont proches, soulignent une carence culturelle fondamentale chez ces gens. La même carence qui permet d’autres massacres et la destruction de la biosphère. Et quand s’y mêle l’ivresse du profit, le niveau de ce que l’on nomme abusivement l’humanité s’effondre aussitôt, qu’il s’agisse du truand local ou du cadre jet set passé par les grandes écoles. L’humanité, c’est à dire l’empathie pour l’autre et l’intelligence du vivant. L’humanité, c’est à dire l’ouverture correspondant à la culture inspirée par la connaissance du vivant – au contraire de l’influence de la culture impérialiste anti-nature. L’humanité depuis longtemps ignorée par de très nombreux humains.
Il est un peu dommage que ce film d’un grand intérêt pour tous ait été plus particulièrement pensé en fonction de la capacité de compréhension supposée des enfants…
Le site du centre fondé par Claudine André (Lola ya bo)
http://www.bonoboscongo.net/
http://videos.tf1.fr/sept-a-huit/claudine-andre-l-ange-des-bonobos-6300700.html
Pollen
film de Louie Schwarztberg
Un film classique de protection de la nature avec des touches anthropocentristes un peu gênantes. Mais c’est un film nécessaire avec une très belle photo montrant ce que l’on n’a guère l’occasion de voir. Les relations remarquables et le rapprochement des histoires permettent de se rappeler – ou de réaliser – que le vivant est unique, un et indisociable, tissé d’interrelations, fait de multiples corps fondus en un seul corps. Cela souligne l’absurdité de la civilisation impérialiste qui a prétendu dominer la nature, c’est à dire : le vivant, le dissocier en parties distinctes et le tuer pour fabriquer du pouvoir et de la croissance. La principale croissance obtenue par cette logique mortifère est celle des destructions colossales réalisées surtout ces dernières dizaines d’années.
La réduction de la diversité, la raréfaction des pollinisateurs ont atteint des proportions telles que chacun devrait en être frappé. Tel n’est pas le cas tant la culture anti-nature a pollué les esprits. Surtout dans la France dévitalisée par l’usage intensif des pesticides.
http://www.lejdd.fr/Culture/Cinema/Actualite/Pollen-le-film-qui-veut-changer-le-monde-282757/
vidéo de présentation :
http://www.youtube.com/watch?v=xSNav1YmDFE
Rappel sur la contamination du pollen par les OGM :
http://www.dailymotion.com/video/x6hevc_le-pollen-de-la-discorde-12_news
2011
Télescopage historique : sortie le 16 mars du film documentaire de José-Luis Pernafuerte sur l’Espagne face aux crimes du franquisme
Los caminos de la memoria
Dans toute l’Espagne sont enterrés les suppliciés de la répression fasciste. Partout, des fosses sont découvertes, avec parfois des centaines, des milliers de squelettes. Car l’Espagne commence seulement à libérer la mémoire des quarante années passées en enfer, depuis le putsch franquiste en juillet 1936 jusqu’à la mort du dictateur en 1975. Exécutions, emprisonnements massifs, tortures, privations, spoliations, ségrégation vis à vis même des enfants de républicains, fichage et réécriture de l’histoire… Et toujours des exécutions, toujours des morts, toujours des prisonniers.
Autour des fosses communes, la mémoire resurgit et se fait collective. On se libère des humiliations et des interdits devenus inhibitions. La douleur trouve enfin l’occasion de s’exprimer, de se communiquer. Les anciens se souviennent et témoignent. Les jeunes écoutent, apprennent et fouillent. C’est la mémoire de l’Espagne qui revient, et c’est la mémoire du monde. Sentant l’importance de ce qui se jouait dans les années trente, des centaines de milliers d’hommes et de femmes ont tenté d’aider les peuples d’Espagne. Mais le monde de la domination les avait tous condamné, puis il a censuré l’information pour effacer l’histoire. La peur, la démoralisation et la douleur avaient fait le reste, en Espagne et ailleurs. Ainsi, ce n’est qu’à la veille de sa mort, il y a peu, que ma mère a trouvé la force de me révéler l’engagement de son frère – cet oncle mystérieusement disparu – dans les Voluntarios de la Libertad (1).
Comme la jeune femme de Land and Freedom (le film de Ken Loach) découvrant dans les papiers de son grand-père décédé la saga de l’engagement de celui-ci auprès des Républicains espagnols, nous sommes juste au début d’un processus de réappropriation de notre histoire, de découverte et d’analyse des forces qui ont sacrifié l’Espagne (et le Portugal) et conduit à la Seconde Guerre Mondiale, puis lancé la mondialisation. C’est un processus de reconstruction qu’il faut défendre contre les agents du Ministère de la Vérité de Big Brother, en Espagne où le juge Garzon est inquiété (2), et ici où l’histoire contemporaine est métamorphosée pour dissimuler les manipulations qui nous ont valu tant de douleurs et de destructions. De l’issue de cette lutte dépend non seulement la démocratie mais aussi l’avenir de la planète.
http://www.dailymotion.com/video/xcr7je_les-chemins-de-la-memoire_shortfilms
http://www.cinespagne.com/pagealaffiche/cheminsDeLaMemoire.php
Coordination des victimes du franquisme
http://coordinadoravictimas.blogspot.com/2010_02_28_archive.html
(2) extrait de Fascisme, le retour ? publié en juin 2010 :
« En Espagne, justement, et c’est un comble, le juge Baltazar Garzon vient d’être suspendu pour avoir osé ouvrir une enquête sur les crimes du franquisme, crimes pourtant imprescriptibles. C’est une insulte aux victimes du franquisme et des autres fascismes, une insulte à tous ceux qui ont eu le courage de résister pour tous les autres, pour nous.
C’est aussi un avertissement à ceux qui, aujourd’hui, se laissent bercer par la propagande et dorment à poing fermé. »
janvier 2011
Même la pluie
Film de Iciar Bollain
Même la pluie arrive sur les écrans presque simultanément avec Cabeza de Vaca de Nicolas Echevarria (ci-dessous), et c’est très bien.
Le tournage d’un film sur la conquête des Amériques commence en Bolivie. L’action se déroule à Cochabamba il y a une dizaine d’années. Vous vous souvenez ? Cochabamba… Oui, c’est là qu’un consortium multinational, avec le concours des élus, depuis la municipalité jusqu’au gouvernement national, a tenté de spolier les populations de leurs communaux les plus précieux : la collecte et la distribution de l’eau qu’elles réalisent et organisent collectivement depuis toujours. Pour l’occasion, une loi prétendait interdire les installations communautaires, interdire même de recueillir l’eau de pluie, pour faire payer les nouveaux services privés à un prix prohibitif. Bien entendu, cette politique a été développée sous l’égide des institutions internationales organisant le pillage des derniers communaux à l’échelle planétaire, la privatisation de toute chose et la financiarisation (FMI, Banque Mondiale, OMC…). J’ai abordé cette histoire dans « Les mythes d’une escroquerie en voie de mondialisation » sur le site planetaryecology.com.
Tandis que l’équipe de tournage se concentre sur la conquête d’il y a cinq siècles, les figurants amérindiens s’impliquent dans la résistance à la nouvelle intensification de leur oppression. Ils sont bientôt dans la lutte pour l’eau, pour la vie ; ce qu’ils ont appelé la guerra del agua.
La rencontre de l’histoire de la conquête, de la mémoire des révoltes et des cris d’indignation, avec l’actualité de la colonisation fait des étincelles. Bien qu’ils soient pénétrés par les paroles de Antonio de Montesinos, l’un des premiers défenseurs occidentaux des amérindiens (avec Alvar Nunez Cabeza de Vaca), et de Bartholomé de las Casas, et qu’ils s’efforcent de restituer la cupidité et la violence des conquistadores, la plupart des membres de l’équipe éprouvent quelques difficultés à regarder comme des égaux ceux avec lesquels ils doivent travailler tous les jours, et à mesurer l’importance de leur lutte. D’autant plus que, le film étant doté de moyens limités, l’intention initiale largement partagée est d’exploiter la pauvreté de la population. Dans la confrontation avec la réalité chacun se révèle, et pas forcément en accord avec le personnage qu’il interprète dans la fiction historique.
Commencée à Cochabamba, la guerra del agua s’est poursuivie dans tout le pays et s’est étendue à d’autres menaces sur les biens communs. A La Paz, la population a éjecté les groupes Suez et Lyonnaise des Eaux, avant de faire de même avec le Président de la République Gonzàlo Sànchez de Lozada. Même la pluie est servi par d’excellents interprètes de personnages complexes, en particulier par Carlos Aduviri, alias Daniel, le figurant qui tout en jouant Hatuey, un héros de la résistance autochtone, se bat pour garder la maîtrise de l’eau. C’est le film qu’il fallait pour rappeler l’exemplarité de la lutte des amérindiens, une lutte exemplaire par sa force, son succès et son objet. Spoliation, privatisation, et détournement des communaux sont partout au coeur des stratégies du néo-libéralisme financier. De leur défense et de leur restauration dépend l’avenir de toute la planète.
Car, compagneros, la conquista continue.
Pour plus d’information en français, chercher les travaux de Franck Poupeau sur Internet.
Egalement : « La guerre de l’eau à Cochabamba, Bolivie. Un mouvement social face à la privatisation des ressources« , par Manuel de la Fuente, sur www.umss.edu.bo
Voir aussi le site de l’Aldeah :
http://www.aldeah.org/
Et, sur la maîtrise de l’eau en France :
http://www.partagedeseaux.info/
http://www.france.attac.org/
http://www.eauzone.tv/
http://www.acme-eau.org/
http://www.planetebleue.info/
et Main Basse sur l’eau des villes, de Marc Laimé
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/03/LAIME/11972
Coordinadora del Agua y de la Vida
Cabeza de Vaca
film de Nicolas Echevarria
Alvar Nunez Cabeza de Vaca était le trésorier andalou d’une expédition espagnole arrivée en Floride en 1528. Avec 400 hommes, il fut abandonné à terre par les vaisseaux. Cinq mois d’errance plus tard, à Apalachee Bay, les 242 survivants construisirent 5 radeaux pour poursuivre vers le Mexique où ils espéraient retrouver leurs compatriotes. Les courants et les tempêtes les disperseront et, seuls, quelques dizaines d’hommes toucheront terre près du delta du Mississipi. Cabeza de Vaca et ses compagnons deviendront esclaves des populations amérindiennes, puis colporteurs voyageant de village en village. Reconnaissant en Cabeza de Vaca des prédispositions, un chaman lui enseignera son savoir et il deviendra un guérisseur réputé, poursuivant son voyage jusqu’à rejoindre les établissements espagnols au Mexique. Huit années d’aventures et huit mille kilomètres parcourus. Il témoignera de son voyage dans un rapport à Charles Quint et repartira pour l’Amérique du Sud où sa défense des autochtones lui vaudra déchéance, procès et exil.
Son témoignage et ses réflexions auraient été utilisés par Bartolomé de Las Casas pour la Controverse de Valladolid.
Face à une si extraordinaire saga, le réalisateur Nicolas Echevarria a choisi la voie intimiste. Il suit Alvar Nunez Cabeza de Vaca pas à pas dans ses angoisses, ses souffrances, ses découvertes et la révélation de ses talents au contact de peuples qui allaient être laminés, avec la mémoire de leurs cultures, par les soudards et les familles de colons venus d’Europe. Et l’on voit Cabeza de Vaca passer de l’ignorance terrorisée à la compréhension empathique vis à vis de ces hommes si différents de tout ce qu’il a connu.
En quittant Cabeza de Vaca, témoin impuissant de la brutalité de l’Occident chrétien, nous n’avons même pas la consolation de penser que les destructions appartiennent à un temps révolu et que ceux qui en comprennent l’horreur et l’absurdité sont mieux considérés que ne l’a été cet homme, une fois revenu chez « les siens ».
La conquête continue.
Inside Job
de Charles Ferguson
C’est un documentaire serré, méthodique, irrésistible sur la genèse et les développements du dernier krach financier. Cela n’est pas facile, il faut s’accrocher, mais c’est passionnant. C’est aussi l’occasion d’admirer la plus belle brochette de têtes de noeuds vue depuis longtemps. Au moins, ces gens ressemblent à ce qu’ils sont. Qui ? Les banquiers, les traders, les analystes, les gestionnaires, les journalistes « économiques », les professeurs d’université au service du profit, les politiciens idem, etc. Tous plongés dans l’argent volé à ne plus que savoir en faire, corrompus et corrupteurs, débauchés prétentieux confis dans la cupidité, le pouvoir et le stupre. Riches et puissants, et tellement minables qu’on les dirigerait plutôt vers l’hôpital que vers la prison.
Une séquence croustillante : après avoir entendu un banquier lourdement enrichi au prix d’innombrables ruines jurer qu’il ne recommencera plus et appeler à lui faire confiance, un parlementaire d’une commission d’enquête lui demande si, aux braqueurs de banques qui, après quelques modestes butins en regard du sien, tiennent le même langage, il accorderait sa confiance.
Là encore, bien sûr, on retrouve la machine de guerre du capitalisme étasunien lancée avec la guerre froide, et le dogme néo-libéral porté aux nues. Stade suprême de la culture du profit contre les hommes et toute la biosphère, la dérégulation a été religieusement appliquée par Wall Street et la Maison Blanche, main dans la main. Républicains de Ronald Reagan (ancien propagandiste de la Croisade pour la Liberté, une opération de la jeune CIA) comme démocrates de Clinton, tous ont fait place nette aux pires spéculations et porté les discours économiques les plus toxiques – comme les produits financiers depuis cette époque. Conservateurs et travaillistes anglais, droitistes et socialistes français ont suivi comme un seul homme. Des dizaines de millions d’hommes ont perdu leur travail, leur retraite, leur maison, leur vie. Maintenant, ce sont des Etats détournés depuis longtemps qui, après avoir pris joyeuse part au délire, sont menacés de faillite et croient se sauver en pillant encore plus le bien commun et les pauvres pour augmenter le butin des spéculateurs. Mais, avant l’éclatement des bulles de la sottise financière, ce que ne dit pas le film, c’est combien de communaux, combien d’écosystèmes ont été ravagés avec d’autant plus d’entrain que la finance spéculative grossissait et alimentait les chantiers et les productions les plus débiles, c’est à quel point la biosphère a été blessée ?
Que sont devenues les oppositions au capitalisme ?
Qu’est-il arrivé au mouvement planétaire qui dénonçait la dérégulation et proposait de tout re-réguler : le mouvement alternatif ?
Il n’y a pas eu de poursuites contre les promoteurs du casse planétaire. Seuls quelques maladroits sont tombés pour les autres. Les penseurs de la dérégulation et ses metteurs en scène caracolent toujours au top. L’équipe d’Obama est persillée de coupables de la période précédente.
Il faudrait compléter l’étude de Charles Ferguson par une investigation équivalente sur la genèse du néo-libéralisme et de la dérégulation. Lui, attribut prioritairement le délire à la cupidité. Il y a autre chose qui, sous un vernis culturel, est de l’ordre de l’abrutissement et du fanatisme.
Le néo-libéralisme et la règle de la dérégulation résultent de la culture amputée de l’intelligence sensible qui relie aux autres et à l’ensemble vivant, la biosphère. Il s’agit de cette idéologie mécaniste purement quantitative et méprisante vis à vis de « la Nature » (l’animal-machine de Descartes, etc.). Un certain développement de ce « mécanisme » est allé jusqu’à nier les relations d’interdépendance et de complémentarité du vivant, ses dynamiques holistiques productrices de plus de diversité, d’intelligence, de sensibilité, etc. Il a pour nom revendiqué avec fierté : la « culture anti-nature ». Celle-ci prétend que l’Homme ne se réalise qu’en luttant contre la vie, qu’en s’affranchissant des régulations du vivant. Avec la cupidité, elle est la mère du néo-libéralisme et de sa politique de dérégulation. Déstructurer, défaire les interrelations sociales et écologiques, faire perdre jusqu’à leur mémoire, pour affaiblir les résistances et imposer le pillage impérialiste. La plupart des anti-écologistes sont infectés par la culture anti-nature. En France, nous avons une superbe collection d’anti-nature qui, depuis une trentaine d’années, après avoir organisé le sabotage du mouvement alternatif et sa relégation dans l’oubli, appartiennent aux différents pouvoirs néo-libéraux de droite et de gauche.
Trois décennies de dérégulation des esprits ont fait perdre le sens commun à la plupart, si bien que la confusion profite toujours aux escrocs. Il n’y aura pas de solution aux différentes « crises » financières et écologiques sans identification de la dérive culturelle qui les a générées.
septembre 2010
Ao, le dernier Néanderthal
film de Jacques Malaterre
inspiré du livre de Marc Klapczinski « Ao, l’homme ancien«
avec la collaboration de Marylène Patou-Mathis, préhistorienne
Les aventures d’hier et d’aujourd’hui des peuples de Néanderthal passionnent depuis longtemps ceux qui sont encore ouverts sur le vivant. Imbibée de monothéismes anthropocentristes, d’opposition culture-nature, de théorie des stades justificatrice de tous les totalitarismes, de prétention à la supériorité, de hiérarchie par la violence, la culture officielle a longtemps méprisé ces hommes découverts au milieu du XIXème siècle. Ils ne pouvaient qu’être primitifs, grossiers, incapables de parler, enfin très arrièrés par rapport au brillant Cro Magnon, notre ancêtre à tous, et c’est pour cela qu’ils ont été supplantés et ont disparu. Fermez le ban !
Puis on a bien été obligé de leur attribuer des industries et des expressions artistiques de plus en plus raffinées, et ce fut l’étonnement : comment avaient-ils pu ? Ils étaient donc beaucoup plus évolués qu’on l’avait cru. De découverte en découverte, les certitudes élitistes sombraient dans le ridicule. Une dernière, cependant, semblait inébranlable : la barrière génétique entre les néanderthaliens et les « hommes modernes » était infranchissable puisque nous n’appartenions pas à la même espèce. Des indicateurs chromosomiques semblaient exclure toute contamination de notre filiation par ces homminidés tout de même très très différents de nous. Ouf ! Préservée de la Bête, la race des seigneurs conservait son lien privilégié avec Dieu.
Et, et… Svante Pääbo est arrivé et a tout balayé. Svante et ses amis farceurs de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive de Leipzig ont juste mis en évidence que le patrimoine génétique des peuples d’Asie et d’Europe comprend un peu de celui des néanderthaliens. Patatras ! Néanderthal n’a donc pas complètement disparu puisqu’il est en nous. Comme d’autres probablement.
Quelques-uns avaient parié sur un mélange convivial des genres plutôt que sur la haine, la guerre et la domination. Mais leurs déductions pesaient peu devant les dogmes « scientifiques« . L’histoire du regard porté sur les hommes différents ressemble à celle des blocages relatifs à la sensibilité et à l’intelligence des autres êtres vivants. Maintenant, dans un cas comme dans l’autre, le champ est tout à fait ouvert.
Le film tient à la fois de « Jeremiah Johnson » (1972, de Sydney Pollack avec Robert Redford) et de « La route » (2009, de J Hillcoat, avec Viggo Mortensen et Charlise Theron). Ao affronte, en effet, la plus difficile des situations : la fin des siens.
Ao est l’un de ceux qui ont donné tort aux doctrinaires de l’Homme contre la Nature. Entre autres aventures, il fait la connaissance d’une belle Cro Magnon et, ensemble, ils finissent par commettre le sacrilège suprême.
Le film montre les néanderthaliens tels que les allergiques aux hiérarchies pré-capitalistes croient les connaître : puissants, véloces, chasseurs émérites, solidaires, pacifiques, et parfaitement accordés au vivant. Quel dommage que leur culture n’ait pas mieux survécu !
Plus d’info :
www.ao-lefilm.com
de Marylène Patou-Mathis : « Néanderthal, une autre humanité« , édit. Perrin
Une fiction inspirée qui fait voyager dans les temps où Néanderthal et Cro Magnon pouvaient se côtoyer :
« Les enfants de la Terre » de Jean M. Auel, 5 gros volumes
Green
Film de Patrick Rouxel (48 minutes)
visible sur Internet
Green est une anthropoïde (comme nous) de la variété Orang Outan, c’est à dire un être sensible, intelligent et social. Désespérée, elle vit ses derniers jours après la mort de son peuple et la destruction complète de son pays : la grande forêt de Bornéo qui était l’un des organismes les plus complexes façonnés par l’évolution.
Patrick Rouxel a filmé à bout touchant un aperçu de la vertigineuse extinction de vies en cours.
Sous les coups de la spéculation mondialisée, les créations les plus évoluées de l’histoire de la Terre sont en train d’être massacrées, d’innombrables vies et intelligences s’éteignent dans une souffrance incommensurable, et la dynamique de l’évolution de la biosphère agonise avec elles.
Pour mieux comprendre pourquoi chacun, comme consommateur et citoyen, doit veiller à tarir les sources du profit et du pouvoir des entreprises destructrices – ici les producteurs-utilisateurs d’huile de palme et de « bio »-carburants (leur liste est sur le site du film, sur celui de GreenPeace aussi).
On peut mettre Green en parallèle avec le film Nénette de Nicolas Philibert, actuellement sur les écrans. Nénette est sans doute beaucoup plus agée que Green puisque cette autre dame Orang Outan est née en 1969 à Bornéo (Kalimantan). 1969, c’est l’époque où, après la mise en culture des « terres vierges » en URSS (a), le capitalisme néo-libéral s’élance à la conquête des « terres vides » de l’Indonésie au Brésil (avec le lancement de la Transmazonnienne). C’est l’époque où les grandes destructions de forêts ont commencé et où les écologistes du monde entier ont poussé leur plus grand cri d’alarme. Quatre décennies plus tard, le cauchemar des écologistes, que certains taxaient de catastrophistes, est complet.
(a) Un fiasco ayant pour résultats le saccage des steppes, la ruine des sols et la désertification, l’assèchement de la Mer d’Aral, etc.
Site du film Green
http://www.greenthefilm.com/
Votez pour la vie en sélectionnant votre consommation… et le reste
« Huile de palme = danger pour la santé, cauchemar écologique«
http://forums.futura-sciences.com/sante-medecine-generale/134779-huile-de-palme-danger-sante-cauchemar-ecologique.html
http://www.dailymotion.com/video/xctwh8_capital-7-milliards-sur-la-terre-hu_news
Pas chère l’huile de palme, comme dit le régisseur de la plantation indonésienne et le pensent les spéculateurs de la banque, de l’industrie et de la grande distribution d’ici ? Parfait raccourci de la stupidité dominante. Seule une intelligence amoindrie et dévoyée par la culture du profit anti-nature leur fait imaginer cela. La réalité est tout autre. Il s’agit d’un produit au coût exorbitant, bien au delà de l’imaginable car nous n’avons pas encore – ou nous n’avons plus – les mots capables de rendre compte de l’énormité du crime commis. L’huile de palme est sans doute l’un des produits les plus chers de l’histoire, puisque la culture industrielle des palmiers a nécessité la destruction totale de peuples et de cultures immémoriales, et de leurs écosystèmes. C’est une quantité prodigieuse d’êtres et de sensibilités interconnectés, indissociables, organisés en une symbiose d’une inappréciable complexité, qui a été anéantie. Le summum d’une évolution de 4 milliards d’années. Une partie essentielle de la biosphère, une partie indispensable à la régulation planétaire des climats et au maintien de la vie évoluée…
L’industrie de l’huile de palme, comme plusieurs autres exploitations forcenées du vivant développées ces dernières décennies, est la traduction du franchissement d’un degré supplémentaire dans l’horreur totalitaire qui découle de la culture anti-nature. Car il s’agit bien de la culture dominante, de celle qui nous est présentée comme la seule culture, tandis qu’elle est l’anti-culture. Theodor Adorno et Max Horkheimer, grands observateurs de la montée du nazisme et de ses sources l’avaient bien exprimé dès le début des années 1940 en dénonçant cette culture : « qui propose une domination de la nature. Cette dernière position, devenue la branche la plus active de l’héritage des Lumières, présuppose une désacralisation du monde, une réduction quantitative et mécaniste de l’univers en une masse informe d’objets hétéroclites. La raison devient un simple instrument au service des moyens et non des fins. Cette façon de voir conduit à l’aliénation spirituelle de l’homme, à sa coupure d’avec la nature, puis à l’industrialisation et à la mercantilisation du monde vivant. Toute l’histoire de la science ainsi que toutes les autres dimensions de la vie intellectuelle depuis le dix-huitième siècle sont empreintes de cette dialectique » (« La dialectique de la raison« ).
Les monstrueuses destructions de ces quarante dernières années sont les manifestations du totalitarisme capitaliste qui est poussé en avant par toutes les institutions dominantes depuis 60 ans. Ce processus d’industrialisation massive est la continuité de celui qui a abouti à la Seconde Guerre Mondiale et aux massacres de l’époque précédente. Il l’a dépassé en violence, en étendue et en conséquences à long terme pour chacun et pour tous.
Après les crimes contre l’humanité, voici le temps des crimes contre la vie.
http://www.metacafe.com/watch/1142239/forest_destruction_and_wildlife_in_kalimantan_indonesia/
http://www.youtube.com/watch?v=EJt3LbccdC0
http://www.youtube.com/watch?v=cg5rfX1W0bA
http://www.youtube.com/watch?v=G4g0nGN6Ugc
http://www.youtube.com/watch?v=733owHYcMf0
Informations complémentaires sur ce blog et le site correspondant (planetaryecology.com) :
« Le feu à la planète. Destruction des forêts primaires, El Niño, et autres bascules écologiques et climatiques » http://www.planetaryecology.com/index.php?option=com_content&view=article&id=56:le-feu-a-la-planete&catid=34:article&Itemid=75
également en anglais et en espagnol
« Restauration des écosystèmes, restauration des sociétés » http://www.planetaryecology.com/index.php?option=com_content&view=article&id=51:restauration-des-ecosystemes-restauration-des-societes&catid=34:article&Itemid=70
également en anglais
« Ethnocide et écocide aux Mentawaï » http://www.planetaryecology.com/index.php?option=com_content&view=article&id=55:ethnocide-et-ecocide-aux-mentawai&catid=34:article&Itemid=74
également en anglais
le site de Patrick Rouxel
http://www.patrickrouxel.com/index.php/fr/
Solutions locales pour un désordre global
un film de Coline Serreau
sortie le mercredi 7 avril
Bien informée, très remontée, Coline Serreau présente une critique structurelle et historique de l’agriculture productiviste développée au détriment des sociétés paysannes – en définitive, au détriment de tout le peuple des campagnes et des villes – et des écosystèmes.
Notons que cette histoire fait partie de la grande offensive du capitalisme néo-libéral lancée depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Coline Serreau souligne que l’affaire a été pensée et planifiée, et que les stratégies de « conquête des marchés » aujourd’hui appliquées généralement par les financiers-industriels, les gouvernements et les institutions internationales ne mènent qu’à la ruine, désormais à brève échéance. Les grandes vedettes en sont :
la Conférence de Bretton Woods (1944),
le Plan Marshall et ses extensions, par exemple le Congrès pour la liberté de la culture,
la Société du Mont Pèlerin (1947),
le Groupe de Bilderberg (1954),
le Comité d’experts pour la suppression des obstacles à l’expansion économique (1958),
le Cercle Pinay-Violet (1969),
la Conférence de Davos (1971),
la Commission Trilatérale (1972)
des dynasties de l’oligarchie mondiale,
et de nombreuses officines nationales liées aux autres (comme la Fondation Saint Simon).
Au travers de ces organisations du dirigisme capitaliste, on peut pister des fondations américaines, des entreprises, des familles, des hommes auxquels le désastre actuel doit beaucoup. Un exemple : Jacques Rueff, grand déstructurateur des sociétés paysannes, le maître d’oeuvre des commissions néo-libérales qui ont défini la politique de la 5ème République, en particulier l’éviction des paysans de leurs terres, donc la ruine des artisans, des commerçants, la désertification des campagnes et la ruine des sols sous la chimie et les engins lourds *. On le rencontre dans X Crise en 1934, un groupe d’anciens polytechniciens productivistes qui rêvaient de tout planifier sans souci du peuple et du vivant. Il est l’un des fondateurs de la société du Mont Pèlerin en 1947, aux côtés de Friedrich Hayek, Milton Friedman et quelques autres accoucheurs de l’ultra-capitalisme. Et on le retrouve encore dans le groupe de Bilderberg fondé par le prince Bernhard et David Rockfeller en 1954, toujours en excellente compagnie.
* « Comité d’experts pour la suppression des obstacles à l’expansion économique », septembre/décembre 1958, et « Rapport sur les obstacles à l’expansion économique », novembre 1959.
Par contre, Coline Serreau ne dit pas que, dans le programme de ces organisations, l’étouffement dans l’oeuf des cris d’alarme, des protestations locales et du mouvement alternatif mondial soulevés par la gigantesque agression commencée après-guerre, tenait une place de premier plan. Cette partie déterminante de l’histoire contemporaine est encore cachée. C’est à cela que nous devons la désastreuse situation actuelle. Beaucoup plus qu’au patriarcat sur lequel Coline Serreau insiste beaucoup. Certes la domination masculine n’a pas été brillante, mais c’est le cas de toute domination. Dans le quotidien Le Monde, Coline Serreau précise : « Il est urgent que les femmes qualifiées, pour s’occuper de la Terre et pour la réparer, prennent aujourd’hui le pouvoir ». Erreur Coline, le problème n’est pas le sexe, c’est la culture du pouvoir, celle de la capitalisation des pouvoirs d’être et d’agir spoliés, et son pendant : la stérilisation des vies personnelles et de la société.
Coline Serreau constate l’étendue du naufrage, puis elle s’en va rendre visite à des producteurs totalement irrespecteux des règles imposées par les grands industriels. Des jardiniers du vivant qui, tout autour du monde restaurent, recréent, inventent, et démontrent, puisque désormais il en est besoin, qu’il faut comprendre et respecter la vie pour obtenir de bons résultats en tous domaines.
Coline Serreau montre un exemple de bonne agriculture en Inde, mais il ne s’agit pas de celui, très spectaculaire, qui a permis la restauration d’une région du Rajasthan :
« (…) Malgré les sécheresses causées par la dégradation générale du climat, la nappe phréatique est remontée et alimente à nouveau les cours d’eau qui s’étaient asséchés, ainsi que des centaines de nouveaux puits. Cinq rivières qui ne coulaient plus que pendant la mousson ont ressuscité. Elles coulent à nouveau toute l’année et la vie aquatique s’y est redéveloppée. Les paysages désertifiés par la déforestation, le surpâturage et la sécheresse ont reverdi et redonné vie aux villages qui osent même le luxe de la production de légumes plus gourmands en eau que les céréales traditionnelles (…) »
A découvrir dans « Restauration des écosystèmes, restauration des sociétés » (en français ici même sur planetaryecology.com : https://planetaryecology.com/restauration-des-ecosystemes/).
En complément du constat sur la planification de la ruine des sociétés paysannes et de leurs campagnes, il est bon de connaître ce que vit et ce qu’exprime Régis Aubenas, un producteur de fruits de la Drôme et responsable FDSEA. C’est dans le mensuel FAKIR d’avril, n° 44 : « Mon verger contre Tatcher » (article de Pierre Souchon). Apparemment, la prise de conscience progresse.
Egalement dans le même journal : « Le grand bond en arrière (en tracteur) ». Quatre décennies de déstructurations planifiées – comme dans tous les autres domaines.
Autres films complémentaires déjà présentés ici :
Le temps des grâces,
Food inc.,
Herbe,
La terre des hommes rouges,
Nos enfants nous accuseront,
We feed the world,
Notre pain quotidien
Notre pain quotidien
de Nikolaus Geyrhalter
documentaire de 1H32
distributeur KMBO
Un film que je n’ai pas vu passer (il est sorti en mars 2007), et c’est bien dommage, d’autant que, d’après les extraits visibles sur internet, il est très fort.
Comme We feed the world, Nos enfants nous accuseront, La terre des hommes rouges, Food inc., Herbe, Le temps des grâces, Notre pain quotidien montre jusqu’à quel degré de dégradation de la vie, de la vie des victimes et de celle de ses employés, en est arrivée l’industrie alimentaire de masse. Quelle débauche de moyens techniques délirants, de moyens financiers et d’énergie aussi, bien sûr en surfant sur les « aides » puisées dans les poches dociles des contribuables inconscients de ce à quoi ils servent.
La stratégie du choc
Film de Michael Wintebottom et Mat Whitecross
D’après le livre de Naomi Klein (Actes Sud 2008), dont le sous-titre est : La montée d’un capitalisme du désastre.
Naomi Klein soutient que la facilitation de la conquête économique par les résultats d’un choc brutal, d’un stress intense, d’une torture psychologique et physique de masse est une stratégie mûrement réfléchie et programmée. Agression et suppression des sécurités, des régulations, des repères, réduction des perspectives à la survie immédiate, reconditionnement… En illustration, Michael Winterbottom et Mat Whitecross proposent des retours bien utiles sur la façon dont les sociétés chilienne, argentine, étasunienne, afghanne, irakienne, et beaucoup d’autres, ont été déstructurées. Ils montrent les coulisses où s’agitent les marionnettistes Milton Friedman, Friedrich Hayek et leurs Chicago boys (tel Donald Rumsfeld), la société du Mont Pèlerin (créée en 1947 par les premiers), Henry Kissinger, puis le duo Ronald Reagan et Margaret Thatcher, l’un et l’autre cornaqués par les précédents (a).
Le film rappelle les recherches menées par les services étatsuniens, au lendemain de la seconde guerre mondiale, sur des tortures capables de fragiliser, d’abattre les défenses et de provoquer l’effondrement de la personnalité. Longuement isolées, agressées, soumises à des chocs émotionnels et physiques, des personnes perdaient leurs repères, s’effondraient et devenaient maléables. Grande découverte ! Elle aurait inspiré les politiques totalitaires que les idéologues néo-libéraux ont accompagnées. C’est bien possible, surtout en ce qui concerne le harcèlement qui parfait la déstructuration du mouvement social. Le harcèlement a été beaucoup développé avec la gestion des ressources humaines qui est une application des politiques néo-libérales. Tout est venu ensemble et il est vraisemblable que les recherches sadiques d’après-guerre aient un rapport direct avec l’essor du management par le stress et l’agression continue. Dissociation, désolidarisation, soumission à l’arbitraire, solitude, méfiance, peurs irrationnelles… Le harcèlement a pénétré profondément les entreprises, les administrations, la société. Il a été généralisé. Il a achevé d’étouffer les espérances et les projets d’hier, semant le renoncement et l’apathie là même où bouillaient les curiosités et les émotions.
Mais le film va très vite en besogne. Trop vite, car, si les techniques de casse des personnes et des sociétés ont nettement progressé depuis les années cinquante, elles ont aussi des origines plus anciennes.
Ainsi, la plupart des conquêtes brutales du capitalisme, depuis 500 ans, ont été oubliées. Les colonisations, les missions et l’acculturation systématique, les distributions de vêtements contaminés, l’esclavage, les déplacements de populations, le travail forcé, le vol des communaux, la destruction des ressources, les écocides, la conquête de l’Irlande et la grande famine organisée par l’Angleterre, et, révélatrices entre toutes, les guerres de l’opium pour casser la Chine et conquérir ses marchés, fomentées par l’Angleterre, la France et les Etats-Unis. Autant d’opérations qui préfiguraient l’explosion de la cupidité, l’extinction des inhibitions et les déstructurations contemporaines. Déstructuration… Casser les repères et les perspectives, casser les interrelations qui construisent des formes et des intelligences plus grandes et complexes que celles qui les composent, afin d’imposer sans heurt la prédation la plus rudimentaire. Là est plutôt la stratégie. Dans la définition de l’objectif plutôt que dans la façon de l’atteindre.
Créer un choc d’une violence extrême pour casser les structures de la personne ou de la société, ou profiter de l’affaiblissement consécutif à une catastrophe, n’est que l’un des moyens de l’exploitation. Le choc n’est qu’une tactique parmi beaucoup d’autres. Malheureusement, le film oublie les tactiques plus subtiles, insidieuses, presque indolores pour les inattentifs. A l’opposé de la politique du traitement de choc, mais en complément, ces tactiques soft n’en sont que plus efficaces parce qu’elles vident la démocratie de tout contenu sans en affecter les apparences, et qu’elles insinuent le doute et la peur sans que l’on sache ni quand ils commencent ni d’où ils proviennent. Quand la violence suscite la terreur et fait lever la résistance, ces stratagèmes ensemencent une dépression au long cours qui éteint la critique et la volonté. C’est précisément ce qui a été appliqué dans les pays occidentaux pour affaiblir les sociétés de l’intérieur, afin de mettre en oeuvre la dérégulation néo-libérale. Ces pays avaient eu leur quota de guerres terribles et d’atrocités. Ils ne pouvaient en supporter davantage. Alors, dès 1944 à Bretton Woods, puis en 1947 au Mont Pèlerin, les théoriciens de la déstructuration ont décidé de jouer plus finement pour profiter longuement de la situation créée par la seconde guerre mondiale. Infiltrer les partis classiques puis les mouvements sociaux forts et innovants qui allaient se développer parallèlement aux destructions du libéralisme, en éliminer les animateurs et la mémoire, et les retourner afin de pouvoir installer ici, un Reagan, là une Thatcher, et là un pouvoir socialiste fin prêt à ouvrir les vannes de l’ultra-libéralisme. Ces tactiques parviennent aux mêmes résultats que les autres, mais à l’économie, sans susciter avant longtemps, ni renforcer, la colère du peuple, évitant les remous et la répression spectaculaires. L’effet n’en est que plus long (on le voit en France). Les détournements et les profits que plus grands. D’autant qu’avec la paix intérieure gagnée à force de faux-semblants, les actions de prédation extérieures peuvent être conduitent sans frein.
Dommage, donc, que le film focalise sur l’effet de choc comme seul moyen de déstructuration. Il s’affaiblit de l’oubli des manipulations soft qui détournent le mouvement social et le vident de sa substance. D’autant que les deux tactiques extrêmes, le choc et le soft, également pensées par les lobbies et les think tanks toujours en recherche d’une domination plus forte pour plus de profits, sont complémentaires. En effet, beaucoup plus répandues, les manipulations soft ont besoin que les attentions soient au moins attirées par un traitement de choc spectaculaire et scandaleux pour passer inaperçues (Dresde, Hiroshima et Nagasaki, Corée, Indochine, Algérie, Vietnam, Indonésie, Chili, Argentine, Afghanistan, Yougoslavie, Golfe, Irak, etc.).
(a) Dommage que le film oublie les français Bertrand de Jouvenel, Maurice Allais, François Trévoux et Jacques Rueff, fondateurs de la société du Mont Pèlerin avec Friedman et Hayek, et promoteurs d’une déstructuration planifiée sans choc frontal, beaucoup plus sournoise.
Le temps des grâces
Un film de Dominique Marchais
La période est faste. Son titre ne le révèle guère, après We feed the world, Nos enfants nous accuseront, La terre des hommes rouges, Food inc., Herbe, voici un nouveau film sur la destruction des modes de vie, des campagnes et des sociétés par le mépris du peuple et de la vie, la cupidité et le productivisme. On y voit, on y entend comment des paysans ont cru aux illusions de la chimie et de la mécanisation à tout-va. Comme on entre en religion. Emballés dans une apparence de rationalité, les messages propagandistes martelés par des délégués et des élus détournés leur ont inoculé l’espoir d’un progrès magique ouvrant sur une ère de prospérité et de facilité. C’est ce qui les a fait tomber d’un coup dans tous les pièges des représentants de commerce.
Les connaissances acquises par toutes les générations précédentes ?
Ridiculisées.
Les savoirs faire ?
Radicalement dévalorisés.
Les architectures et les matériaux économes, beaux et sains ?
Méprisés.
Les bocages, les boqueteaux et les sols ?
Détruits.
Les chemins, les reliefs ?
Rasés.
Les cours d’eau, les marécages, les tourbières, les forêts galeries ?
Détruits.
Les plantes et les animaux, sauvages ou fruits de milliers d’années de sélection ?
Détruits.
L’épouvantable souffrance des animaux dans les « circuits » industriels ?
De quoi vous parlez ?
L’autonomie alimentaire et industrielle ?
Détruite.
Les places des hommes dans leurs sociétés ?
Détruites.
Ne pas détruire était devenu mal vu.
Il faut voir à quel point les gens de la génération des « trente glorieuses« , désormais retraités, ont été intoxiqués par la manipulation. Enfin, il faut relativiser : le film montre surtout des « exploitants » qui ont « réussi » à profiter de la ruine des autres. Eux sont restés, ont grossi, grossi et compté les faillites alentour, sans se poser de questions. Devenus ignorants en quelques dizaines d’années d’application scrupuleuse des modes d’emploi bancaires et industriels, ils n’ont pas grande conscience des conséquences de leur action. Aveuglés par les rendements croissants qu’ils attribuaient uniquement à la chimie et à la mécanisation, ils n’ont même pas encore compris qu’ils « réussissaient » en profitant de la richesse biologique léguée par les générations précédentes. Et en l’épuisant ! En tout cas, ils n’avoueront pas. Dommage que leur babillage ne soit pas contrebalancé par les témoignages de ceux qu’ils ont contribué à exclure de leurs métiers et de leurs campagnes. Le bilan du grand démembrement de la paysannerie vu par des exclus du système réfugiés en banlieue, avec des enfants en difficulté, aurait été plus intéressant. Cela, seul, mériterait une étude et un film. Heureusement, Le temps des grâces comporte aussi quelques belles interventions de Lydia et Claude Bourguignon, et Marc Dufumier, qui donnent les éléments essentiels pour apprécier l’ensemble de la situation et corriger les paroles inconséquentes (1).
Là où l’on peut rejoindre le propos d’exploitants qui, à propos du vivant, parlent de « matière première », de « minerai », et ne voient dans les haies et les bosquets que des décorations paysagères, c’est sur le maintien des prix agricoles au plus bas niveau. Rappelons que c’est une politique qui a été ouvertement décidée dès les débuts de la Cinquième République pour ruiner les campagnes, produire à outrance et exporter en ruinant les autres. Une conception technocratique de la création de richesses par la dévitalisation généralisée, signée Louis Armand et Jacques Rueff, pour la partie française (2).
La grande déstructuration dont le film donne un aperçu a commencé avec la création de la municipalité élue entre propriétaires en décembre 1789, la vente aux spéculateurs des biens communaux qui avaient été spoliés par l’aristocratie et le clergé (dès novembre 1790), puis l’interdiction des langues régionales qui a commencé en 1793 sous l’impulsion de l’abbé Grégoire. Toujours la révolution détournée par la bourgeoisie déjà soucieuse de dérégulation pour le plus grand profit du commerce. La Première Guerre Mondiale a bousculé profondément la paysannerie et ses cultures tandis qu’aux USA on commençait à réfléchir à l’établissement d’un ordre capitaliste mondial, ce qui allait donner naissance au CFR en 1921. Avec la Seconde Guerre Mondiale s’est vraiment révélée la planification d’une systématisation de l’exploitation par le moyen d’une déstructuration sans précédent. Peut-être déjà cette guerre, au moins en partie, en tout cas toutes celles qui ont suivi ont servi à maintenir une tension extérieure pour affaiblir et détourner l’attention afin de déstructurer davantage. La déstructuration des sociétés et de leurs écosystèmes est aussi une guerre, la guerre du capitalisme dérégulé contre la vie. Et, là, pas de déclaration de guerre, pas de convention internationale pour protéger les populations, pas de casques bleus, pas d’aide humanitaire… La Seconde Guerre Mondiale, c’est la conférence de Bretton Woods et le lancement des institutions internationales dont chacun doit connaître, aujourd’hui, le triste bilan, c’est le plan Marshall et la conquête des marchés au détriment des économies autonomes, c’est le grand essor de la globalisation de la spéculation.
Cette offensive capitaliste généralisée a eu pour conséquences la réification du vivant et sa réduction en matière première, minerai, ressources et marchandises, la dissolution des relations sociales nombreuses et complexes, d’innombrables faillites, l’exil vers les banlieues et la désertification des campagnes. Comme le démontre l’histoire de la conférence de Bretton Woods, elle n’a pu être réalisée qu’avec le détournement des fonctionnements démocratiques par les lobbies financiers et industriels, cela à tous les niveaux des Etats, des syndicats professionnels, des coopératives, des médias. C’est pourquoi je l’appelle : la grande déstructuration. Affaiblir pour manipuler et manipuler davantage pour briser les dernières résistances.
La réponse à la phase contemporaine de ce joli programme est venue assez vite. Elle a mûri dans les années cinquante et a émergé avec les différentes révoltes qui ont généré le mouvement alternatif ; dont les régionalismes, le courant autogestionnaire, l’écologisme, le féminisme, etc. C’était le temps de la plus grande conscience du processus de dérégulation et de spoliation en cours, le temps où, en France comme partout ailleurs, l’on pouvait encore sauver l’essentiel et reconstruire avec l’aide de tous ceux qui n’avaient pas encore perdu leurs savoirs-faire. L’alerte fut chaude pour les prédateurs. Mobilisées pour l’offensive mondialisée et exaltées par son succès, les troupes de la domination étaient fin prêtes pour étouffer toutes les contestations et détourner l’attention afin qu’elles ne ressurgissent pas avant longtemps. Les émissaires de l’oligarchie du capitalisme mondial, et leurs serviteurs disséminés aux postes stratégiques (en particulier, dans les médias), pénétrèrent le mouvement social, en évacuèrent les éléments actifs et se substituèrent à eux pour pouvoir éteindre l’incendie. C’est dans la foulée de ce nouveau sabotage social qui faisait définitivement place nette aux prédateurs que fut lancé, avec l’appui des mêmes, la seconde vague de déstructuration : le néo-libéralisme qui balaya les années 1980/90, sans plus rencontrer de résistance notable.
Le temps des grâces reste dans les campagnes. Il ne dit rien de cette histoire qui éclaire leur destruction et pourquoi il n’a pas été possible d’enrayer le processus. Il survole trop vite plusieurs domaines interdépendants sans préciser assez leurs relations. Mais il donne les éléments d’un terrible constat : les vaches laitières de la filière industrielle ne tiennent plus sur leurs jambes à 4 ou 5 ans au lieu d’une vie de 25 ans entre prairies et étable, les vignes sont épuisées 80 ans à 120 ans avant l’échéance, les sols sont morts, et l’enseignement agricole porte toujours sur les modes d’emploi des lobbies industriels, en oubliant des détails tels que la vie du sol et l’écologie. C’est l’essentiel pour comprendre où nous en sommes.
(1) « Le sol, la terre et les champs : pour retrouver une agriculture saine« , Claude et Lydia Bourguignon, Sang de la terre.
Site du laboratoire d’étude des sols créé par Lydia et Claude Bourguignon :
www.lams-21.com
Plusieurs sites rendent compte du travail de Marc Dufumier.
(2) « Le Krach alimentaire – Nous redeviendrons paysans« , Philippe Desbrosses, éditions du Rocher 1988.
Pour éclairer tout à fait la question, il faut savoir que Jacques Rueff est l’un des fondateurs de la néolibérale – et ultra-élitiste et dirigiste – Société du Mont Pèlerin en 1947, avec des gens aussi recommandables que Friedrich Hayek et Milton Friedman.
Un film actuellement disponible sur les méthodes améliorant la vie des paysans et la vie des campagnes :
Cultivons la Terre. Pour une agriculture durable, innovante et sans OGM. Distribué par ADDOCS, 15 € en DVD.
Pour l’indication de plus de sources d’information, voir la rubrique « Alternatives pratiques et relations constructives » (sur le blog).
Et sur ce qui a été perdu – avec, d’abord, l’immense culture sociale et écologique de la vie sociale (avant les grandes surfaces et les écrans) :
« Au cadran de mon clocher » de Maurice Genevoix
Capitalisme : a love story
de Michael Moore
L’histoire de la dernière fièvre boulimique du capitalisme est brossée à grands traits vigoureux. On voit les débuts du processus que la plupart des américains du Nord avaient cru positif, tant qu’il épuisait le monde à l’extérieur et rapportait le butin à la maison. Trop peu nombreux étaient ceux qui dénonçaient les destructions écologiques, aux Etats-Unis comme ailleurs. Pourtant, elles trahissaient la nature du système et annonçaient des destructions plus grandes. Puis, échauffés par la mondialisation du pillage, libérés des dernières inhibitions, les prédateurs se sont jetés sur les peuples amollis par le rêve de l’american way of life. Aux Etats-Unis, depuis Reagan, l’homme des firmes, les victimes se comptent par dizaines de millions, sans parler des cités et des écosystèmes ravagés.
Moore tisse ensemble plusieurs histoires qui révèlent la progression de la cupidité et de la spoliation. On voit à quel point une grande partie de la population a oublié de défendre ses biens communs et s’est laissée piégée par les mirages de la consommation et de l’endettement, par les mirages de la « démocratie représentative » aussi, jusqu’à la ruine.
Michael Moore est toujours en verve pour mettre à nu l’absurdité dominante. Mais, on le sent déconcerté par la vertigineuse faiblesse actuelle du collectif devant l’agression. Il finit par confier qu’il aimerait bien se sentir moins seul à dénoncer et « à faire le gugusse ». Alors, il montre ce qui, espère-t-il, est peut-être le début d’un frémissement : des gens qui s’insurgent et ne se contentent pas de mots.
A voir en complément de Food, inc. et réciproquement.
Food, Inc’
de Robert Kenner
avec Michael Pollan et Eric Schlosser
C’est sur la mort de Kevin, 2 ans 1/2, après avoir mangé un hamburger, que commence une plongée profonde dans l’un des univers cauchemardesques produit par le capitalisme dérégulé : celui de l’agro-alimentaire industriel qui s’étend sur le monde.
Entre dévastation d’immenses territoires en Amérique du Nord et ailleurs, érosion génétique, concentration du capital et des pouvoirs, cruauté et souffrance animale à des niveaux sans précédents, destructions sociales, mépris pour les travailleurs et les consommateurs, la réification de la vie est poussée à son extrême limite par une industrie agro-alimentaire activement soutenue par la démocratie représentative et l’argent des contribuables. Elle est devenue une machine totalitaire aussi énorme que factice et fragile qui ruine des économies mises en concurrence directe avec les traités du « libre échange » inégalitaire, exploite les spoliés contraints au travail clandestin, a créé des conditions de travail dignes des ateliers du XIXème siècle, réprime les productions et les métiers accordés à l’économie des sociétés et de la biosphère, et organise une omerta générale.
Nouvelles pollutions de l’environnement, nouvelles pollutions alimentaires (excréments dans les viandes, Escherichia Coli 0157:H7, salmonelles, antibiotiques, ammoniaque, chlore à gogo), nouvelles carences, intoxications, diabète et obésité, mal-être, gaspillages énergétiques de bout en bout, l’accompagnent.
La production au moindre coût (mais aux profits lourdement subventionnés) d’une nourriture de synthèse simplifiée, uniformisée et baignée de chimie devrait rappeler aux connaisseurs les exploits des industriels allemands durant les restrictions de la seconde guerre mondiale – par exemple, le pain à la sciure. En 1973, Richard Fleicher réalisait le film Soleil vert, avec Charlton Heston. Dans un monde ravagé, les survivants se voyaient proposer un aliment synthétique miracle mystérieusement produit par une seule entreprise : le Soleil vert. L’action était censée se passer en 2022. En sortant de Food, inc., on réalise que l’on y est presque.
Loin de l’impuissance intériorisée par beaucoup trop de consommateurs, il faut se souvenir que l’on peut voter trois fois par jour pour une autre civilisation simplement en choisissant sa nourriture.
www.foodinc-lefilm.com
Rappel de deux films récents et complémentaires :
Herbe de Matthieu Levain et Olivier Porte
We feed the world de Erwin Wagenhofer
Et, pour se souvenir de la vie foisonnante et diversifiée qui existait il y a peu, avant les monocultures noyées de chimie, les autoroutes, les parkings, les camps de concentration pour animaux et les grandes surfaces, là où Food, inc. nous entraîne, il est bon de faire un détour par un récit historique passionnant en deux volumes :
La piste de l’Ouest et Le grand retour
le journal de la première traversée d’Est en Ouest de l’Amérique du Nord par Lewis et Clark, édit. Phébus 1993.
Eric Schlosser est l’auteur de « Fast Food Nation : the darkside of the All American Meal », un livre traduit en français par les éditions Autrement « Les empereurs du fast food : le cauchemar d’un système tentaculaire ».
Eric Schlosser et Richard Linklater en ont fait un film qui a créé l’événement aux Etats Unis en 2006 (« Fast Food Nation »).
Michael Pollan est l’auteur de « The omnivore dilemma » (2006) et de « In defense of food : an eater’s manifesto » (2008).
La proposition
de John Hillcoat
Encore un film très différent mais en rapport avec les deux précédents.
Pas de Na’vis ni d’Amérindiens ; là, les autochtones martyrisés sont Australiens. La proposition est un – très bon – western sur la grande époque de la colonisation de l’île-continent qui fut l’une des plus sanglantes. On peut y voir de beaux visages de la civilisation apportée aux sauvages, ou comment la misère a conquis le monde.
La fin de la pauvreté
de Philippe Diaz
Avec le concours d’une pléiade d’analystes et de témoins sur le terrain, Philippe Diaz parcoure l’histoire mondiale de la pauvreté en réussissant à maintenir une tension dramatique de bout en bout (1). Une oeuvre plus qu’utile sous la propagande qui s’efforce de faire oublier les causes de la pauvreté, comme du naufrage écologique, et de laisser croire que c’est l’argent des profits qui permettra demain de résoudre le problème (2). Sauf que les profits de l’argent sont réalisés en poursuivant la conquête des marchés et la croissance marchande, précisément les processus à l’origine de la pauvreté.
La période cinématographique est faste puisqu’un film d’un tout autre genre montre très bien le début du processus de fabrication de la pauvreté : AVATAR de James Cameron. Des entrepreneurs, fermés à toutes les choses complexes et sensibles de la vie, se précipitent sur une communauté socio-écologique (une économie locale et ses ressources naturelles). Pour s’imposer, ils répandent des drogues (comme la Grande-Bretagne en Chine), « éduquent » et convertissent, tuent les révoltés et ruinent les productions autochtones en leur substituant des produits à bas prix (grâce aux subventions tirées de l’exploitation et des impôts d’ici). Ils déchirent les tissus culturels, sociaux et écologiques, clochardisent les populations, éventrent la terre pour en tirer les matières qui font les biens de consommation (les fameuses « richesses ») vendues à de moins exploités devenus dépendants (au hasard : les bagnoles), souillent le reste avec leurs déchets, développent encore plus leur marché en profitant de la déstructuration et de la désolation, et poussent parfois jusqu’à investir dans l’aide humanitaire qui permettra d’autres fragilisations. Ils apportent la civilisation (c’est à dire les déstructurations nécessaires au marché). Ainsi sont créés les développements économiques du système productiviste et développés les ruines culturelles, sociales et écologiques, les bidonvilles, la misère et la faim. Et si cela ne suffit pas, eh bien il reste la politique de la canonnière, comme en Palestine, en Afghanistan et en Irak.
C’est l’histoire à laquelle les Na’vis d’AVATAR ont une chance d’échapper. C’est l’histoire à laquelle aucun peuple de la Terre n’a pu échapper. Pas même les peuples d’Europe : nos ancêtres se sont battus farouchement pour sauver leurs communaux, mais c’est la spoliation qui a triomphé au point de pouvoir faire oublier cette histoire – le film ne l’oublie pas. Cela fait des siècles que ça dure. Des siècles que la guerre contre les cultures du bien commun produit de plus en plus de destructions sous prétexte de progrès, jusqu’à dépasser les capacités de régénération de la biosphère (depuis longtemps déjà).
Merci à Jean-Jacques Beinex d’avoir permis la production de ce film.
(1) Dont John Perkins, ex-tueur économique que l’on a vu dans Let’s make money (rubrique cinéma)
(2) Cependant, plusieurs intervenants font encore écho à ce mirage propagandiste. Dommage.
Avatar
de James Cameron
On en sort régénéré.
S’inspirant d’événements maintes fois répétés sur notre planète torturée, James Cameron a déplacé l’action dans un autre monde. Comme aujourd’hui en Amazonie, en Asie du Sud-Est, en Afrique, en Papouasie Occidentale… enfin, à peu près partout, une industrie venue d’ailleurs a débarqué et entrepris de tout démolir et tout tuer pour exploiter un minerais. Las, les autochtones ne comprennent rien au capitalisme qui a définitivement triomphé sur Terre en n’y laissant que des ruines. Pensez, ils vont même jusqu’à considérer que les arbres sont sacrés, comme ici aux temps où l’on était encore dans l’ignorance. Des « primitifs », en somme. Bêtement, ils s’insurgent contre la « production de richesses », comme tous les peuples autochtones d’hier et d’aujourd’hui. Et quelques autres.
Avatar est un beau condensé de la confrontation entre culture écologiste et culture impérialiste. Les situations sont les mêmes, les mots sont les mêmes de part et d’autre, les abrutis – les authentiques primitifs – sont évidemment les mêmes, la violence industrielle est la même (oui, cela se passe comme ça dans la réalité terrestre), et cela fait du bien de voir la stupidité de la recherche du profit aussi brillamment illustrée et dénoncée. Et en relief 3D, s’il vous plaît, qui nous plonge dans l’univers magnifique d’une biosphère ayant évolué différemment de celle de la Terre, avec quelques belles idées, dont une trouvaille remarquable en matière de connectique.
En sus, une mutation choisie illustre fort bien la relativité de l’identité.
Walter, retour en résistance
film de Gilles Perret sorti le 4 novembre
avec Walter Bassan, John Berger, Stéphane Hessel et Constant Paisant, quatre belles figures de combattants qui parlent toujours clair.
Contre la dépression collective et l’esprit de résignation, le dynamisme d’un résistant survivant de Dachau toujours révolté. Et la parole revivifiante de ses compagnons toujours indignés, toujours en lutte. Car, et tout a été fait pour nous le faire oublier, une large partie de la Résistance, et bien au-delà, rêvait de révolution sociale, sans doute sur la lancée du mouvement de 1934-1936 et de la révolution espagnole. Cela fut étouffé par le PCF (qui désarma les partisans), les courants gaullistes, et le Plan Marshall.
Ce film est porté par les réactions salutaires qui ont suivi 2 expressions frappantes du nouvel ordre totalitaire rampant :
un éditorial de Denis Kessler proclamant : « La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !« , magazine Challenge du 4 octobre 2007 (a)
et le comportement indigne de Nicolas Sarkozy, chef de file actuel de cette idéologie, lors d’une commémoration au Plateau des Glières le 18 mars 2008
(a) Denis Kessler a été maoïste. Oh, il ne faut pas croire qu’il ait fondamentalement changé. Ce serait se faire des illusions sur ces maoïstes français, capitalistes de pouvoir, totalitaires arrivistes, qui ont fait tant de mal au mouvement social depuis la fin des années soixante, en particulier au mouvement écologiste qui ne s’en est pas encore relevé.
Après avoir hurlé faussement à la révolution saignante pour tromper les sincères et mieux saboter toute évolution, comme tant d’autres connus et moins connus, Denis Kessler a vite regagné la place que sa famille et sa caste lui réservaient. Pour lui, l’université, les « grandes » écoles, le Patronat Français. Il a été choisi par Dominique Strauss-Kahn pour être son assistant universitaire, puis est devenu vice-président exécutif du MEDEF de 1998 à 2002, le conseiller en idéologie d’Ernest-Antoine Seillières.
(…) Pouvoir résister à ce qui dégrade la société ou à ce qui porte atteinte aux valeurs auxquelles nous sommes attachés, eh bien cette résistance, elle est aussi importante aujourd’hui face aux problèmes de la France de 2009 qu’elle l’était face aux problèmes de la France de 1939/45. Vraie démocratie avec des droits fondamentaux, sécurité sociale, protection sociale, fidélité au service public (…), nous sentons aujourd’hui que ces valeurs sont en danger, que le nouveau gouvernement, celui dont Nicolas Sarkozy est le président tout puissant, ces valeurs il ne les respecte pas comme il le devrait. Il y a donc une résistance évidente qui est de protéger ces valeurs (…)
Stéphane Hessel
Programme du Conseil National de la Résistance (CNR)
intitulé « Les jours heureux »
rédigé en 1944, sous l’occupation, 3 mois avant la tenue de la conférence de Bretton Woods qui décida de réaliser la politique inverse.
Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la Résistance n’a pas d’autre raison d’être que la lutte quotidienne sans cesse intensifiée.
Cette mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération. Ce n’est, en effet, qu’en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi unanimes de la Nation, que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l’image de sa grandeur et la preuve de son unité.
Aussi les représentants des organisations de la Résistance, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du CNR, délibérant en assemblée plénière le 15 mars 1944, ont-ils décidé de s’unir sur le programme suivant, qui comporte à la fois un plan d’action immédiate contre l’oppresseur et les mesures destinées à instaurer, dès la Libération du territoire, un ordre social plus juste.
II. Mesures à appliquer dès la Libération du territoire
Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en oeuvre pour atteindre ce but qui est la libération rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques groupés au sein du CNR proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la libération :
1) Afin d’établir le gouvernement provisoire de la République formé par le général de Gaulle pour défendre l’indépendance politique et économique de la nation, rétablir la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission universelle
2) Afin de veiller au châtiment des traîtres et à l’éviction dans le domaine de l’administration et de la vie professionnelle de tous ceux qui auront pactisé avec l’ennemi ou qui se seront associés activement à la politique des gouvernements de collaboration
3) Afin d’exiger la confiscation des biens des traîtres et des trafiquants de marché noir, l’établissement d’un impôt progressif sur les bénéfices de guerre et plus généralement sur les gains réalisés au détriment du peuple et de la nation pendant la période d’occupation ainsi que la confiscation de tous les biens ennemis y compris les participations acquises depuis l’armistice par les gouvernements de l’axe et par leurs ressortissants, dans les entreprises françaises et coloniales de tout ordre, avec constitution de ces participations en patrimoine national inaliénable
4) Afin d’assurer :
– l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;
– la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
– la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ;
– la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
– l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
– le respect de la personne humaine ;
– l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi
5) Afin de promouvoir les réformes indispensables :
a) Sur le plan économique :
– l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ;
– une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des États fascistes ;
– l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ;
– le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ;
– le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales ;
– le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.
b) Sur le plan social :
– le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
– un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
– la garantie du pouvoir d’achat national pour une politique tendant à une stabilité de la monnaie ;
– la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
– un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ;
– la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
– l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance conte les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ;
– une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
– le dédommagement des sinistrés et desallocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste.
c) Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales.
d) La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.
Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale.
L’union des représentants de la Résistance pour l’action dans le présent et dans l’avenir, dans l’intérêt supérieur de la patrie, doit être pour tous les Français un gage de confiance et un stimulant. Elle doit les inciter à éliminer tout esprit de particularisme, tout ferment de division qui pourrait freiner leur action et ne servir que l’ennemi. En avant donc, dans l’union de tous les Français rassemblés autour du CFLN et de son président le général de Gaulle ! En avant pour le combat, en avant pour la victoire afin que VIVE LA FRANCE !
Où l’on voit que la Résistance et l’immense espoir soulevé à la fin de la guerre ont été bafoués, comme les efforts précédents, comme les efforts plus récents.
Le syndrome du Titanic
de Nicolas Hulot
C’est un film noir qui reflète la grande inquiétude et aussi la confusion où Nicolas Hulot avoue se trouver. C’est un film à la première personne, un film plein de JE qui, heureusement, appelle à la communication, à l’échange, à la solidarité… C’est aussi un film qui utilise trop souvent le NOUS pour commenter le cauchemar. Mais, tout le monde n’est pas responsable du cauchemar, même dans l’Occident industriel et consumériste, en tout cas, pas au même niveau, loin s’en faut. Alors, ce défaut de relativité, ce manque de nuances gène. Ce NOUS, que l’on entend aussi du côté de Yann Arthus-Bertrand, ne s’expliquerait-il pas par l’identité de la plupart des fréquentations de Nicolas Hulot, cette « élite » dominante responsable du désastre ?
Et l’on se prend à critiquer l’écologiste Hulot, à relever des contradictions, des outrances, quelques relents de culture impérialiste (par exemple, l’emploi de « progrès » au premier degré), des sortes de naïvetés, un gros côté brouillon. Le désarroi est palpable ; comme la sidération devant le spectacle du naufrage planétaire. On recolle et on se rabiboche grâce à quelques bonnes formules qui traduisent une philosophie politique vraiment écologiste ; par exemple : la condamnation du matérialisme et du capitalisme (il évoque même le pouvoir), la relation aux autres et à l’ensemble, la coopération fondatrice, le faire ensemble qui fait plus et de bonne façon que la compétition et le chacun pour soi.
Dommage, cependant, que Nicolas Hulot ne montre pas d’alternatives. Il en reste au constat alarmé comme nous l’avons fait il y a déjà pas mal d’années. Et encore, nous avons vite trouvé et parlé d’alternatives. Mais, là, Nicolas reste les deux pieds dans le caca à broyer du noir. On aurait aimé voir des gens, des populations résister, reprendre en mains, recréer, innover, restaurer. Il y en a, et de beaux exemples ! On aurait aimé les entendre aussi pour reprendre confiance. Cela aurait donné une respiration et de l’élan au film. Cela aurait compensé le pessimisme qui démobilise plus qu’il ne stimule. La prochaine fois ?
THE COVE – La baie de la honte
de Louie Psihoyos
Sur l’initiative et avec Richard O’Barry (qui fut le dresseur sur le tournage de Flipper le dauphin), et le concours de Boyd Harne.
Comme dans un épisode de « Mission impossible », nous suivons les préparatifs d’une opération commando pour pénétrer les zones interdites de Taiji, un port japonais qui est au coeur du trafic des petits cétacés pour les « delphinariums », « marinelands » et autres grandes surfaces du spectacle de l’enfermement et de la réduction d’êtres sensibles et intelligents en automates déprimés.
Réunion d’un casting exceptionnel de spécialistes de l’action et des techniques camouflées de la prise photo et son, réalisation d’accessoires spéciaux, invention de stratégies de détournement de l’attention des cerbères… l’action se développe tandis que nous découvrons le secret protégé par la police, les media et les officiels japonais. Une crique inaccessible de la superbe côte de Taiji est le lieu d’une tragédie : les dauphins et les marsouins qui ne sont pas retenus par les acheteurs venus du monde entier sont massacrés par milliers (20 à 23 000 victimes par an, au moins 400 000 ces 20 dernières années).
Cupidité, inconscience jusqu’à l’abrutissement, mépris et haine de la vie… Le film ouvre sur des abysses : tout un condensé des tares de la civilisation anti-nature. Avec ce seul exemple, à défaut de comprendre pourquoi, on réalise comment des hommes ont provoqué en quelques dizaines d’années l’une des plus grandes destructions écologiques de l’histoire de la Terre.
Il faut voir le visage impassible du délégué nippon à la CBI (Commission Baleinière Internationale) trahir la jouissance quand les représentants des petits pays soudoyés par le Japon soutiennent sa proposition de réouverture de la chasse, et, comme en miroir, les trognes bornées des tueurs menaçants (ils se disent « pêcheurs »). Hypocrisie et fanatisme.
Eh oui, le Japon n’est pas que le pays d’une fascinante civilisation (avant l’expansionnisme militaro-industriel). Il est aussi le pays où la mer est rouge de sang.
Après d’autres massacres de dauphins, toujours au Japon, pourquoi cette industrie de la mort à Taiji ? Même au Japon, la chair de dauphin est peu appréciée et se vend mal. Alors ? Au-delà de l’assassinat de tous les delphinidés en migration au Japon, l’enquête révélera d’autres ignominies exemplaires. Tout se tient, les crimes contre la nature accompagnent les crimes contre la société.
Deux opposantes au massacre, compagnes en action de Richard O’Barry, ont été assassinées ; l’une d’elle étranglée alors qu’elle faisait une grève de la faim.
En complément, des sites à visiter :
www.seashepherd.fr
Sea Shepherd Conservation Society
La défense des mers dans le sillage du corsaire Paul Watson, fondateur de GreenPeace
www.bluevoice.org
www.opsociety.org
www.savejapandolphins.com
Pour accéder à des vidéos :
www.youtube.com/watch?v=GP5 9iY JUQ
Une pétition :
www.thecovemovie.com/what ca…ter writing.htm
et un article sur :
www.blog-les-dauphins.com
Avec le support étonnant de l’un des trusts du système qui détruit sociétés et écosystèmes, Yann Arthus-Bertrand présente
HOME
un film dénonciateur de la destruction de la biosphère.
Très belles prises de vues, terrifiantes aussi, pour montrer la beauté de ce qui est détruit, l’ampleur du désastre et l’urgence vitale où nous sommes. Ce film a un air de déjà vu. Sans aucun sponsor, c’est exactement ce que montraient les écologistes d’il y a quarante ans, plusieurs degrés dans l’horreur en moins. Mais, les destructions d’alors nous suffisaient pour comprendre et passer à l’action. « Les trente glorieuses » du technocrate Jean Fourastié étaient, pour les observateurs plus universels et plus attentifs, avant tout les trente destructrices et nous nous sommes vite retrouvés nombreux à vouloir éviter la poursuite d’une telle aberration. En informant et en stimulant une prise de conscience, nous voulions éviter la réalisation du cauchemar promis par les « responsables » économiques et politiques, tous populationnistes, « expansionnistes » et productivistes. Cela a fortement et très largement déplu, et le mouvement qui se formait a été étouffé en quelques années pour permettre l’essor d’une exploitation plus intense que celle que nous dénoncions. Celle qui est appelé ultralibéralisme.
La critique et l’alternative condamnées à un presque silence, le cauchemar que nous redoutions a été réalisé et il progresse d’autant plus vite que la plupart s’y sont accoutumés, ou résignés.
Le film de Yann Arthus-Bertrand est sans doute utile pour que quelques paupières se soulèvent dans le grand dortoir, mais il manque singulièrement de force. Il manque d’abord de crédibilité en insistant sur une responsabilité collective des hommes : « Nous, les hommes… Nous, nous, nous… ». Nous ? Les Kayapos, les Roms, les Corses, les Mentawaï, les Samis, les Papous, les Frisons, les Berbères, les Santee Sioux… ? Les sinistrés par les industries dures, les chômeurs, les exclus de partout, les enfants des rues, les paysans sans terre, les paysans bio, les lanceurs d’alerte jetés au placard, les peuples jetés dans des camps et des bidonvilles pour faire place aux scrapers des dictatures et des multinationales… la masse immense des spoliés et des victimes ? Responsables ?
Vu ses sources de financement, ce film ne risquait pas de désigner les vraies responsabilités culturelles, politiques, économiques, structurelles, comme le fait Let’s make money de Erwin Wagenhofer. C’est pourquoi, en dépit des similitudes, HOME est plusieurs tons au-dessous du niveau de l’alerte lancée il y a une quarantaine d’années. Comme en retard d’au moins une analyse.
Allez voir le film de Yann Arthus-Bertrand pour les prises de vues, puis allez voir Let’s make money pour l’information.
avril 2008
LET’S MAKE MONEY
de Erwin Wagenhofer, l’auteur de We feed the world
En un seul film et quelques-uns des spots de la haute spéculation, tout un condensé du détournement planétaire de l’argent de monsieur et madame Tout le Monde qui ravage les écosystèmes et les sociétés. Les stratégies de l’escroquerie, les hommes, les circuits, les entreprises. Au travers des exemples présentés, les relations entre économie virtuelle purement spéculative, économie réelle complètement pervertie par la spéculation, et destruction sociale et écologique, apparaissent clairement. Le simplisme confondant des meneurs et l’immensité des complicités aussi.
Un petit rappel de quelques points du néolibéralisme (ou ultralibéralisme) :
- La casse systématique des dispositifs de régulation (protection des potentiels faibles par rapport aux plus forts), sous prétexte de « régulation naturelle » par « le marché » ! La dérégulation a commencé puissamment en France sous un gouvernement socialiste, avec la brutale libéralisation du marché des capitaux en 1983.
- Toujours dans le cadre de l’exposition des faibles aux plus fortes spéculations, la libéralisation des flux commerciaux (abaissement des barrières douanières).
- L’affaiblissement de toute structure communautaire – même l’Etat – et, bien sûr, des services publics. Un mot s’impose qui est rarement avancé : déstructuration. La déstructuration est réalisée partout et à tous les niveaux. Déstructuration, c’est à dire dégradation des interrelations constitutives des sociétés (pour qu’elles deviennent de plus en plus faibles et dépendantes, surtout au sud), des écosystèmes, de la biosphère. A moins d’un sursaut collectif, une fois lancée, la déstructuration ne connaît pas de limites. Elle se nourrit d’elle-même, s’amplifie, s’accélère et détruit tout. En France, elle a été lancée avec le sabotage des différents courants du grand mouvement alternatif des années soixante/soixante-dix, lequel était une réaction aux prémisses de ce capitalisme ultra-libéral (« Traîtrises du présent, sabotage de l’avenir », et la suite).
L’endettement est l’une des stratégies de la déstructuration. La vie à crédit, les hypothèques, les dettes et leur encours fragilisent les personnes, les familles, les sociétés, les états, laissant la vie et les biens communs sans protection entre les mains des pilleurs. L’endettement est le levier de la grande braderie planétaire.
Plus d’info :
www.let’s make money.at
et d’autres vidéos sur youtube.com
et allocine.com (avec sous-titrage français)
Ne pas manquer le précieux témoignage de l’un des maîtres ouvriers du système destructeur, l’ex-tueur économique John Perkins :
www.johnperkins.org
« Confessions of an economic hitman », John Perkins, Berret-Koeler publishers 2004.
The International
de Tom Tykwer,
en français : « L’enquête »,
avec Naomi Watts et Clive Owen toujours très convainquant (le Roi Arthur du film de Antoine Fuqua).
Des enquêteurs d’Interpol suivent la piste semée de curieuses morts accidentelles d’une industrie de la finance. Depuis un petit pays européen très accueillant, celle-ci trafique dans les systèmes d’armes et la stimulation de conflits pour générer les dettes dont elle compte faire son miel. En dépit de l’accumulation des éléments à charge, nos enquêteurs éprouvent beaucoup de difficultés à faire collaborer les administrations des pays où les crimes sont commis. Et le terrain devient de plus en plus brûlant au fur et à mesure qu’ils approchent du but. Un but inaccessible, semble-t-il, tant les accointances institutionnelles de la banque sont ramifiées.
L’abondance des ressemblances avec différentes multinationales, différentes affaires et, dans l’ensemble, le fonctionnement de la mégamachine, n’est sûrement pas fortuite.
Un film bien ficelé, dynamique et prenant, et qui ne distrait pas de l’actualité la plus importante… Pour garder la forme, on peut le voir après LET’S MAKE MONEY.
Herbe
film de Matthieu Levain et Olivier Porte
C’est comme le jour et la nuit. Le film balance entre deux univers. L’un a toujours les pieds sur la terre, la connaît et l’aime. L’autre est un pur produit de la culture anti-nature.
L’herbe broutée par les vaches laitières des éleveurs que nous rencontrons tout d’abord est la vedette de ce film éclairant. Adeptes de ce que l’on nomme maintenant la filière herbagère qui allie les connaissances des anciens et celles de la bio, ces éleveurs toujours paysans promènent, avec le chien, le troupeau de la pâture à la salle de traite. Ils foulent l’herbe dont ils connaissent chaque espèce, les très bonnes pour les ruminants et le lait, le meilleur lait, et les autres qu’il faut contrôler avec doigté. Ils jardinent prairies et champs avec la connaissance des cycles des végétaux et des animaux. Ils entretiennent de belles haies riches de tous les bois, entre le taillis pour le feu et le bois d’oeuvre qui grandit pour les petits enfants. Ils ont le temps de regarder la vie qui grouille autour d’eux. Ils donnent envie de faire sa vie à la campagne.
Silos, grands bâtiments industriels, gros engins flambant neufs, animaux en stabulation, et endettement en proportion, nous découvrons ensuite une « exploitation » de l’agriculture intensive. Grosse consommatrice des gadgets profitables aux industriels et aux banquiers, c’est un maillon de cette industrie qui, en amont, produit les ravages écologiques et humains montrés par « La terre des hommes rouges » (BirdWatchers), le film présenté plus loin. De l’Amazonie, de l’Argentine, de la Chine, de tous les coins du monde dévastés par la spéculation agro-alimentaire, à ce coin de Bretagne, proviennent les aliments déversés sous le nez des vaches incarcérées. C’est la même machinerie ubuesque cornaquée par des conseillers en asservissement aux banques.
En aval de l’exploitation : un lait de bien moins bonne qualité que celui produit à l’herbe, et sans doute pas exempt des molécules déversées à tous les stades en amont. Aussi quelques effluents bien connus en Bretagne, jusque sur les côtes. Sans oublier la colossale contribution de toute la filière au bouleversement climatique.
Entièrement dépendante des approvisionnements livrés par des norias de bateaux et de camions, coupée de son environnement, dans l’engrenage des investissements et des crédits à vie, assoiffée d’énergie, coupée même des animaux qui la font vivre et qui ne sont plus que des numéros, des performances de production, cette exploitation est suspendue aux crédits et aux subventions extorquées à des contribuables qui sont loin d’imaginer quel mal va faire le produit de leur travail, ici et jusqu’au delà des océans.
HERBE n’aborde pas la triste condition des animaux de l’élevage intensif. Peut-être le temps manquait-il. Il y a tant à dire. Dans ces exploitations si bien nommées où le productivisme a aboli la connaissance et l’intelligence du vivant, les vaches sont maintenues en lactation par des grossesses rapprochées. 3 mois après un vêlage, elles sont à nouveau fécondées par insémination artificielle. Et, durant la grossesse, elles sont encore traites. Si bien qu’après 5 ou 6 ans de production forcée et de souffrance quotidienne, leurs corps épuisés tiennent à peine debout (quand elles ne sont pas maltraitées, les vaches vivent quatre fois plus longtemps avant la fatidique « réforme »). En remerciement de si bons services, les exploitants les expédient à l’abattoir. Leur chair martyrisée et immangeable sera débitée en viande hachée et promotions de grandes surfaces (70% des ventes).
Et tout cela pour quoi ? Quels avantages ? Quel agrément ? Pour une entreprise fragile jusqu’à la caricature qui est à la merci de la moindre fluctuation des cours des intrants, des subventions, et de la moindre variation du climat ici et là-bas, là où sont produits les aliments au détriment des écosystèmes et des populations. À la merci du coût de l’énergie dévorée. À la merci du coût de l’eau qu’elle consomme et pollue en abondance. A la merci aussi de multiples systèmes techniques consommateurs de juteux contrats de maintenance (machinisme agricole dernier cri, gestion technique centralisée des automatismes, informatique). Quant aux hommes qui essayent de se convaincre d’avoir eu raison de suivre les injonctions des représentants de la coopérative et de la banque qui les utilisent pour se nourrir des subventions publiques, ils sont enchaînés à vie à un système artificiellement soutenu qui n’est même pas fiable à moyen terme puisqu’il détruit localement et globalement. Leur vie entièrement absorbée par un travail taylorisé, de 6H1/2 à 20H30, la tête tout aux calculs de rentabilité, ils courent d’un atelier à un autre, l’oeil sur les torrents de chiffres des écrans de contrôle. Les pauvres ne font pas envie et achèveraient de nous convaincre de la valeur de l’élevage sur herbe, s’il en était besoin.
Un film qui remet les idées en place et montre que les alternatives au naufrage planétaire sont là, à portée de la main. A voir, même si l’on a déjà des notions sur le sujet. Il faut voir l’épanouissement et entendre la tranquille assurance des fermiers autonomes, tandis que les exploitants, devenus petits personnels des industriels-banquiers, cherchent à se rassurer en puisant dans un discours qui ne leur appartient pas.
ACG
Pour plus d’info :
Le site du centre d’étude pour une agriculture plus autonome créé sur l’impulsion d’écologistes distingués, tel André Pochon
http://www.cedapa.com/
André Pochon est l’auteur du livre « Le scandale de l’agriculture folle » qui vient de paraître aux éditions du Rocher.
http://www.dailymotion.com/video/x8re4z_andre-pochon-l-agriculture-durable_webcam#from=embed
http://www.mescoursespourlaplanete.com/
beaucoup d’info, y compris sur les conditions de l’élevage industriel et les conséquences néfastes de ce système (rubrique « produits laitiers« ).
http://www.protection-des-animaux.org/
En particulier un dossier bien informé : L’industrie agro-alimentaire
Et l’on pense, bien sûr, au peuple de l’herbe de Microcosmos , le film merveilleux de Claude Nuridsany et Marie Pérennou qui montre la diversité foisonnante de la vie dans l’herbe. Un petit coup d’oeil aux belles vidéos en ligne pour s’aérer la tête et retrouver le sens de la relativité.
http://www.dailymotion.com/video/x7jp6v_microcosmosscene-1_animals
Séraphine
Film de Martin Provost
avec Yolande Moreau (Séraphine) et Ulrich Tukur dans le rôle de Wilhelm Uhde.
Orpheline, pauvre et méprisée, Séraphine Louis Maillard, dite Séraphine de Senlis (1864–1942), fut bergère puis bonne à faire les travaux les plus durs. Pour échapper à la violence de l’exploitation de sa faiblesse, pour se laver des affronts, pour retrouver le monde de la tendresse et de la beauté qu’elle sentait frémir en elle, Séraphine se réfugiait auprès des arbres, des paysages et de la Vierge Marie. Quand elle en avait le temps, elle regardait les ciels et les frondaisons, écoutait les animaux, caressait les ruisseaux et les troncs. Cette communion avec la nature lui inspirait la vision amoureuse du vivant qu’elle a exprimée dans une peinture luxuriante, sensuelle et joyeuse.
Elle était une pratiquante fervente de l’écologie profonde. Arne Naess, le philosophe de l’écologie profonde qui vient de nous quitter, a-t-il eu connaissance de la vie de Séraphine de Senlis ?
Par un hasard invraisemblable, elle croise le chemin de Wilhelm Uhde, le découvreur-collectionneur qui a fait connaître Pablo Picasso, Braque, le Douanier Rousseau, etc. Elle est sa femme de ménage en 1912. Wilhelm Uhde encourage Séraphine, puis la guerre les sépare, et ce n’est qu’en 1927 qu’il la redécouvre au hasard d’une exposition de peintres de Senlis et de la région. Il lui permet de cesser ses « travaux noirs » et de se consacrer à la peinture. Il l’exposera à Paris en 1929 où plusieurs toiles seront vendues.
Emportée par l’amour et le manque d’amour, le comportement de Séraphine était à l’égal de son art : extraordinaire. C’était plus qu’une société coincée pouvait supporter sans se mettre en danger. Alors même que son oeuvre était enfin reconnue, la gendarmerie la jeta entre les mains de psychiatres plus fous que leurs victimes. C’était en janvier 1932. Personne ne lui viendra en aide pour lui faire recouvrer la liberté et retrouver le goût de créer et la peinture. Même le génie révélé ne protège pas de la stupidité instituée. Peut-être au contraire.
Après des années de promiscuité et de saleté dans des locaux surpeuplés, assommée par les tranquillisants, Séraphine est morte de solitude, de faim et de froid dans une prison psychiatrique en 1942. Son corps fut jeté dans la fosse commune de l’hôpital de Clermont-de-l’Oise.
Après avoir appelé à l’aide durant d’interminables années, Camille Claudel est morte de la même misère dans un autre établissement psychiatrique, en octobre 1943. Elles étaient nées la même année, en 1864. Elles ont été brisées de la même façon. Deux femmes… Est-ce un hasard ?
45 000 personnes abandonnées par les familles et la société, puis naufragées dans une institution qui internait en masse mais n’avait pas les moyens de soigner ni d’assurer un minimum de confort, sont mortes ainsi entre 1940 et 1945 (il y a eu 76 327 décès dans les mouroirs psychiatriques durant cette période).
Le film de Martin Provost respire avec Séraphine. Il permet de l’accompagner dans sa douleur et sa joie. En creux, il montre la sclérose de la société dominante confrontée aux expressions d’une sensibilité qu’elle s’échine à refouler. Il soulève aussi beaucoup d’interrogations et donne très envie de lire les études sur la vie de Séraphine de Senlis.
Séraphine n’a guère profité de la reconnaissance de son génie. Mais, pour une Séraphine révélée, combien de talents ignorés ou gâchés ?
pour en savoir plus :
• Séraphine de Senlis, Alain Vircondelet, Albin Michel 2000
• Les femmes artistes dans les avant-gardes, Marie-Jo Bonnet, Editions Odile Jacob 2006
• Séraphine, la vie rêvée de Séraphine de Senlis, Françoise Cloarec, éd Phébus 2008
• Les malades mentaux en France sous l’occupation nazie, Pierre Bailly-Salin, article de septembre 2005
• Droit d’asiles, Patrick Lemoine, Editions Odile Jacob 1998
• L’Hécatombe des fous. La famine dans les hôpitaux psychiatriques français sous l’Occupation, Isabelle von Bueltzingsloewen, Edition Aubier 2007
• Destins de fous : le sort tragique des malades mentaux sous l’occupation, Annick Perrin Niquet et Anne Parriaud, accessible sur internet.
un site
www.belcikowski.org
Frozen River
premier long métrage de Courtney Hunt.
Une immersion sensible dans les combats quotidiens des populations de l’Amérique « d’en bas » (blanche et amérindienne) et leur rencontre avec les migrants clandestins qui accourent d’au-delà des océans à la rencontre d’un mirage.
Nos enfants nous accuseront
Maladies neurologiques, maladies respiratoires, leucémies et autres cancers, etc., après leurs parents, les nouvelles générations sont maintenant lourdement touchées par les pollutions de l’agro-chimie. En Europe seulement, des milliers d’enfants souffrent et meurent pour que quelques-uns puissent continuer à accumuler des profits pharamineux – et à soutenir la croissance – en empoisonnant la biosphère, une sphère de vie malade à crever, comme les enfants.
Les habitants de Barjac, une cité du Gard, ont décidé de réagir en ne servant plus que des produits biologiques à la cantine scolaire.
Barjac, la première commune française du mouvement Cittàslow (voir les relations pratiques sur ce blog) ?
La terre des hommes rouges (BirdWatchers)
film de Marco Becchis. Superbe musique de Domenico Zipoli (XVII et XVIIIème siècles).
L’action se déroule au Brésil, ce même Brésil vanté par moult économistes et politiques éclairés qui le décrivent comme région « émergente » (a). En fait d’émergence, le succès du Brésil auprès de ces experts est proportionnel à la destruction de ses vraies richesses, c’est à dire à la régression sociale, culturelle et écologique.
Une minorité brésilienne qui rêve de réitérer la conquête nord-américaine et la réduction des grands écosystèmes en valeurs boursières, est en train de massacrer le Brésil, cet ensemble de pays extraordinairement riches, mais d’une richesse à laquelle ils ne comprennent rien. Ils sont comme ces embourgeoisés par le détournement de la révolution qui, entre le Directoire et la Restauration, dépeçaient abbayes, basiliques et châteaux par milliers, les richesses d’au moins dix siècles de création, pour vendre les pierres comme matériaux de construction.
Marina Silva avait voulu croire aux promesses de Lula. Ecologiste que l’on n’achète pas, elle vient de démissionner du poste de ministre de l’environnement où, comme tant d’autres, elle était cantonnée au rôle de potiche. Après avoir beaucoup tenté, elle a enfin réalisé que ses collègues, gagnés aux intérêts de la mégamachine spéculative, se servaient d’elle comme d’une caution leur permettant d’affaiblir les résistances et le mouvement alternatif.
Dans la région du Mato-Grosso, le peuple Guarani est chassé de ses terres par la spéculation mondialisée (voir « Vandalisme planétaire » et « Des paradis dans l’enfer du développement »). Après le Rondônia voisin, le Mato Grosso a été crucifié par deux routes transamazoniennes qui sont les moyens de la colonisation industrielle. Lourdement subventionnées avec l’argent public des USA, du Japon et de l’Europe, elle ont permis la pénétration des engins de terrassement qui ont démoli les écosystèmes denses (b).
Des guaranis jouent leur propre rôle dans ce film fidèle à la réalité qui exalte nos dirigeants.
On y voit le Mato-Grosso désertifié par l’agro-alimentaire d’exportation : boeufs, canne à sucre, soja (surtout transgénique et, donc, copieusement arrosé d’herbicides)… pour approvisionner les fast-foods, les élevages intensifs d’animaux misérables et des voitures « vertes » au bilan écologique beaucoup plus désastreux que les plus polluantes d’hier. Il n’y subsiste plus que des lambeaux de la grande forêt d’il y a encore trente ans.
« La terre des hommes rouges » est l’un des très rares films à montrer les peuples confrontés à la destruction de leurs écosystèmes et de leur civilisation. Il est curieux, et sans doute révélateur, que si peu de créations « occidentales » soient inspirées par la destruction des forêts essentielles à la biosphère, par la spoliation des populations, par la condamnation à mort des hommes et des cultures.
C’est pourtant là, entre multinationales, subventions de partout, grands « propriétaires » voleurs de terres et de vies, leurs tueurs, les écosystèmes qui furent les plus riches de l’évolution et les peuples auxquels il ne reste que le suicide (c), que se joue le sort du monde. Morts individuelles et collectives en masse, extinction d’espèces comme on n’en avait jamais vu, structures et cultures complexes balayées par les simplismes les plus rudimentaires jamais produits, réduction drastique de la diversité biologique, bouleversements climatiques aux conséquences planétaires, désertifications, etc., la matière n’est-elle pas assez riche ?
Survival International a créé un fonds spécial pour aider les Guarani-Kaiowa à récupérer leurs territoires : www.guarani-survival.org
(a) Volée aux écologistes, l’idée d’évolution émergente remplace désormais en « voie de développement« . Lloyd Morgan est le père de la théorie des émergences : l’évolution procède par sauts de complexité croissante, de niveau d’organisation en niveau d’organisation.
(b) Curieux que ces pays aident aux dérèglements climatiques dont, pourtant, ils subissent déjà durement les effets ! Mais que ne ferait-on pas pour gagner de l’argent facile au détriment de tous, depuis les massacrés, les expropriés, les ruinés, les empoisonnés, jusqu’au consommateur occidental berné ? L’Union Européenne importe massivement ces produits sales. C’est pourquoi elle subventionne la destruction là-bas. Voir les informations réunies par Les Amis de la Terre (www.amisdelaterre.org/soja).
(c) 517 guaranis se sont suicidés ces vingt dernières années. Tous les peuples autochtones du Brésil sont frappés de désespoir.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=138422.html
2008
Chomsky et compagnie
film de Daniel Mermet, l’animateur de l’émission « Là-bas si j’y suis », France Inter de 15 à 16H (une émission à suivre).
Une bonne tranche d’analyses décrassantes comme on aimerait en déguster plus souvent. Avec des illustrations choisies dans l’horreur quotidienne de la planète Terre. Beaucoup d’informations comme les journaux et émissions « d’information » ne nous en proposent guère.
Avec Noam Chomsky, vieux routier du décryptage de l’escroquerie dominante, tout devient clair en peu de mots, avec des exemples très concrets à l’appui de chaque démonstration.
Erin Brockovich
de Steven Soderbergh
Film vilipendé par Vincent Josse
Blade Runner
de Ridley Scott
Film vilipendé par Philippe Manoeuvre
Dersou Ouzala
de Akira Kurosawa