JÉRUSALEM, VILLE DES TROIS RELIGIONS
Jérusalem, ville des trois religions
par Moïse Saltiel, 23 07 1918 – 21 07 2007
Né dans la grande communauté juive de Thessalonique qui allait être décimée par les nazis. Moïse Saltiel était un Israélien de la première heure. Mais il était aussi anti-sioniste.
Agronome de sensibilité écologiste, il était fin connaisseur des destructions écologiques provoquées par la brutalité des colonisateurs sionistes qui, loin d’avoir développé l’agriculture en Palestine et « fait verdir le désert« , n’ont cessé d’étendre celui-ci.
Et il n’a pas vu la multiplication des colonies bétonnées et de leurs routes en tous sens, et la construction des murs de la honte !
Sous le pseudonyme de Maurice Jacoby, il publiait ses articles dans Témoignage Chrétien, jusqu’à ce que ce journal commence à le censurer dans les années 1990.
Plusieurs de ses articles ont été publiés par le mensuel écologiste Silence (ainsi : Palestine-Israël : l’heure de vérité ?, n° 212-213, janvier 1997).
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Les dirigeants des Ashkénazes venus s’installer en Palestine ont montré par tous leurs actes et activités que les Juifs arabo-orientaux et eux-mêmes ne faisaient pas partie d’un même peuple.
Israël, qui devait devenir le pays-refuge pour les Juifs persécutés, est devenu le pays où ils sont le plus en insécurité.
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La place de Jérusalem dans le mouvement sioniste
La place de Jérusalem dans la conscience juive
La désarabisation forcenée de Jérusalem
Israël, un échec non reconnu de colonisation européenne
Jérusalem, ville arabe des trois religions
La situation actuelle en Israël
Les Juifs arabo-orientaux
Le projet sioniste de colonisation a échoué
Pour un État multinational
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La place de Jérusalem dans le mouvement sioniste
Le mouvement sioniste est un mouvement laïc et la grande majorité de ses adeptes ne sont pas pratiquants. Mais le mouvement sioniste voulait assumer des droits sur Jérusalem, la ville sainte et sacrée des trois religions monothéistes. Les Chrétiens, qui représentent un milliard de croyants sur la planète, les Musulmans, qui en représentent environ 700 millions, et tous les Juifs, dont la plupart ne sont pas pratiquants, qui ne représentent en l’an 2000 que 15 millions sur la terre. Il fallait faire une campagne de sacralisation juive de Jérusalem afin d’arriver à la faire reconnaître comme capitale éternelle d’Israël.
La place de Jérusalem dans la conscience juive
La place de Jérusalem dans la religion juive, et aussi dans la conscience des Juifs non religieux, est devenue, au fil des années, de l’ordre du sacré. Durant toute cette période d’occupation, elle est devenue le symbole de la présence juive pour tous, essayant de supplanter les autres présences culturelles. N’oublions pas que Jérusalem occupe une grande place dans la conscience universelle, non seulement pour les Juifs mais aussi pour les Chrétiens et les Musulmans. Elle est le symbole absolu pour les trois religions monothéistes, dites « les religions du Livre ». Mais Israël fait une utilisation politique de ce symbolisme, dans le but de continuer son expansion dans et autour de la ville sainte.
Pour perpétuer la consécration de Jérusalem comme capitale éternelle de l’État juif, il fallait impérativement créer un mouvement de juifs ultra-orthodoxes réclamant Jérusalem comme leur ville sainte. La chose a été réalisée par un gouvernement qui se définit comme laïc en permettant à des centaines de milliers de jeunes juifs, la plupart ashkénazes, de devenir citoyens de Jérusalem. Ces jeunes juifs orthodoxes se marient très jeunes, reçoivent de l’État d’Israël des logements sociaux dans Jérusalem et ses villes et villages périphériques, élèvent des familles nombreuses, souvent de dix enfants et plus. Ils n’ont aucune activité professionnelle et vivent sur les deniers de l’État. En plus, ils sont dispensés du service militaire. Leurs seules activités consistent dans l’étude de la Bible et des textes sacrés et leur participation à des manifestations anti-palestiniennes.
Pour perpétuer la consécration de Jérusalem comme ville sainte, capitale de l’État sioniste, Israël se devait de créer un fort mouvement religieux réclamant Jérusalem comme sa capitale sainte et sacrée.
La désarabisation forcenée de Jérusalem
Depuis les accords d’Oslo, Israël isole militairement Jérusalem du reste des territoires palestiniens sous des prétextes sécuritaires, mais surtout pour une raison très politique : pour essayer de légitimer Jérusalem comme capitale d’Israël et pratiquer sa judaïsation forcenée au détriment des populations autochtones, et faire oublier que Jérusalem est avant tout une ville arabe.
Avant 1967, les populations arabes et moyen-orientales des trois religions vivaient ensemble à Jérusalem comme dans le reste de la Palestine ancestrale, se connaissaient, se côtoyaient, étaient soudées par un même amour de la terre et des pierres antiques. Ce sont les Juifs ashkénazes arrivés d’Europe, porteurs de projets de développement ne correspondant pas à cette terre d’Orient et ignorant les pratiques de cette culture arabo-moyen-orientale, qui ont cassé cette harmonie millénaire et créé les rivalités entre les communautés et les religions.
En perdant ses habitants palestiniens expulsés ou privés de leurs terres, en reléguant les Juifs arabo-orientaux dans des quartiers périphériques, en étant cernée de colonies de peuplement et de routes de contournement, en copiant le développement à l’occidentale, Jérusalem perd peu à peu son âme orientale et commence à ressembler aux cités européennes.
Israël, un échec non reconnu de colonisation européenne
Très bientôt, on sera en l’an 2000. C’est un peu plus d’un siècle après la parution de « l’État juif » de Théodor Herzl et d’un demi-siècle après la création de l’État d’Israël.
Le but du mouvement sioniste était d’établir sur le territoire de la Palestine un État pour les juifs ashkénazes d’Europe orientale et centrale en butte à l’antisémitisme. La Palestine comptait à la fin du XIXe siècle 500 000 âmes autochtones : musulmans, chrétiens et juifs. Les Juifs ashkénazes étaient, à la fin du XIXe siècle, environ 11 millions sur la planète : les deux tiers vivant surtout en Europe orientale et centrale, et l’autre tiers ayant surtout émigré en Amérique. Quant aux Juifs arabo-orientaux qui vivaient dans les pays des Balkans (ayant appartenu à l’empire ottoman) et sur les territoires du monde arabe et musulman allant de l’Atlantique au Golfe Persique, ils comprenaient beaucoup moins d’un million. La création de colonies européennes dans les pays du Tiers-Monde était alors à son apogée. Les colons américains massacraient les Indiens au Far-West pour occuper leurs terres. Les colons britanniques se livraient à un nettoyage ethnique en Tasmanie et en Australie. Les colons français rejetaient les Fellahs des plaines d’Algérie vers les montagnes.
À cette époque-là, la purification ethnique de la Palestine pour y installer des colons juifs européens ne semblait pas être quelque chose d’anormal. Cela étant, les colonisateurs juifs ashkénazes méprisaient les Juifs arabo-orientaux, originaires du monde arabe et musulman, autant sinon plus que les Palestiniens. Une boutade, attribuée au poète israélien Biyalik, résume l’attitude des colons juifs ashkénazes envers les juifs arabo-orientaux. On demande à un de ces colons : « Pourquoi haïssez-vous tellement les arabes ? » « Parce qu’ils ressemblent tellement aux ‘Frenks’ » (Juifs arabo-orientaux dans le jargon yiddish).
En octobre 1948, l’Agence juive décida d’arrêter toute émigration des Juifs arabo-orientaux vers Israël, ses porte-paroles déclarant : « Il ne faut pas oublier que c’est pour résoudre le problème des juifs ashkénazes que l’État d’Israël a été établi en terre palestinienne« .
Quelques mois plus tard, changement de cap. Sur les millions de Juifs ashkénazes d’Europe et d’Amérique que Ben Gourion s’attendait à voir venir, seuls 160 000 réfugiés vinrent s’installer, surtout parce que toutes les autres portes des pays d’émigration leur étaient fermées. Le seul moyen de repeupler la Palestine arabe vidée de ses plus de 720 000 Palestiniens déportés était d’y faire venir, par tous les moyens possibles, les Juifs arabo-orientaux pourtant indésirables mais indispensables pour la main d’oeuvre nécessaire pour le bâtiment, l’agriculture et l’industrie, et surtout la piétaille dont Tsahal avait besoin.
Les premiers Juifs arabes amenés en Israël furent ceux du Yémen, l’Émir étant comblé de cadeaux et surtout d’or pour les laisser partir. Ils durent traverser à pied le désert allant jusqu’au port d’Aden, ce qui fit mourir tous les malades, les faibles, les vieillards ; les autres étant transférés par avion.
Puis ce fut le tour des Juifs irakiens, Ben Gourion ayant conclu un traité secret avec Nouri Saïd, le dictateur irakien lui permettant de s’emparer de tous leurs biens évalués à plusieurs milliards de dollars de l’époque pour les laisser partir en Israël. Un accord avec Hassan II, qui exigeait 500 dollars par émigrant, permit aux juifs du Maroc d’émigrer en Israël.
L’Italie autorisa les Juifs de la Libye colonisée à venir peupler Israël. Puis vint la première guerre du Sinaï, en 1956, conduite conjointement avec la France et la Grande-Bretagne contre l’Égypte. Israël dut évacuer les territoires conquis transférant la presque totalité des Juifs d’Égypte en Israël.
C’est ainsi qu’Israël se transforma démographiquement, à la fin du deuxième millénaire, en un État arabe où vivent ensemble, trois communautés :
– Les Palestiniens autochtones, descendants des anciens Hébreux, dont plus de la moitié, environ quatre millions, continuent à vivre, même déplacés, dans l’ancienne Palestine mandataire ; les autres trois millions déportés dans les pays arabes limitrophes, et le dernier million s’étant dispersé aux quatre coins du globe, formant la diaspora palestinienne.
– La presque totalité des 2,5 millions de Juifs issus du monde arabo-musulman.
– Environ deux millions et demi de Juifs ashkénazes sur les 11 millions de 1945.
Si au moment de la création de l’État d’Israël la population juive était majoritairement ashkénaze européenne, actuellement, à l’orée du troisième millénaire, elle est majoritairement d’origine arabe. Elle comprend surtout les Juifs du Monde arabe allant de l’Atlantique au Golfe Persique, ceux issus d’autres pays musulmans comme le Pakistan, l’Iran ou l’Afghanistan, auxquels s’ajoutent ceux séfarades des provinces turques, bulgares, grecques et yougoslaves de l’ancien empire ottoman.
Jérusalem, ville arabe des trois religions
En 1967, après la « guerre des six jours« , les Juifs arabo-orientaux, déportés en 1948 du quartier juif de la vieille ville de Jérusalem, ne furent pas conviés à regagner leurs anciennes demeures. Elles furent attribuées à des Ashkénazes hauts fonctionnaires, des millionnaires américains et à des jeunes séminaristes, pratiquement tous ashkénazes. Il en fut de même du quartier juif de Yémin Moshé, en face des murailles de la vieille ville, qui durant les deux premières décennies de l’existence d’Israël, eut à subir des tirs des soldats du roi Hussein. Vidées de ses habitants arabo-orientaux, puis rénovées, ses maisons furent vendues à prix d’or à ceux qui pouvaient payer.
Des achats de propriétés dans les quartiers chrétiens, arméniens et même arabes de la vieille ville, peuplées ensuite par des séminaristes juifs fanatiques, dévoile le but final du mouvement sioniste : transformer Jérusalem, la ville sainte aux milliards de fidèles des trois religions monothéistes, en capitale juive de l’État d’Israël.
Il y a en Israël 200 000 séminaristes ashkénazes qui, contrairement aux autres Juifs occidentaux, se marient très jeunes et ont de grandes familles.
Sans eux les Ashkénazes seraient beaucoup moins nombreux. Ce sont eux qui installent actuellement les nouvelles colonies de peuplement autour de Jérusalem pour la judaïser définitivement. Ils achètent des appartements, des maisons dans les quartiers chrétiens et arméniens de la vieille ville. Ce sont des parasites, ils n’ont aucun travail productif et vivent sur le compte des milliards de dollars annuels qu’Israël reçoit principalement des USA.
La vieille ville a toujours et de tout temps été une ville arabo-orientale que les Juifs ashkénazes essaient d’occidentaliser démographiquement.
La situation actuelle en Israël
Démographiquement, l’État d’Israël actuel est un État arabe où se côtoient trois communautés humaines. Une communauté arabe, de confession musulmane, chrétienne, druze ou autre, comprenant les Palestiniens que les fondateurs d’Israël n’ont pas réussi à déporter ; une communauté de Juifs arabo-orientaux comprenant les Juifs arabes qui vivaient depuis plusieurs générations en Palestine, et les Juifs issus du monde arabe que les dirigeants ashkénazes ont arraché à leur patrie et fait venir de force en Palestine ; enfin une petite minorité de Juifs ashkénazes qui comprend les descendants des Juifs d’Europe, ceux que Ben Gourion avait réussi à faire émigrer durant la période hitlérienne et après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
À part le fait de pratiquer une même religion, souvent avec des rites différents, il n’y a rien de commun entre les Juifs ashkénazes de Pologne ou de Russie qui avaient leur propre langue, le Yiddish, leur propre culture, et menaient une vie différente de celle des moujiks russes ou des paysans polonais, et les juifs d’Irak, d’Afrique du Nord ou du Yémen qui faisaient partie intégrante de la société arabe au milieu de laquelle ils vivaient, ne différant des autres citoyens que par leur foi.
D’ailleurs les dirigeants des Ashkénazes venus s’installer en Palestine ont montré par tous leurs actes et activités que les Juifs arabo-orientaux et eux-mêmes ne faisaient pas partie d’un même peuple.
Durant toute la période mandataire, l’Agence juive pour la Palestine n’accordait que parcimonieusement des certificats d’immigration aux Juifs orientaux. Les deux seules exceptions furent après la révolte palestinienne de 1936, suivie de la grève, où on accorda alors, avec l’assentiment de la puissance mandataire, des certificats à quelques milliers de dockers séfarades et à leur famille de Salonique, plus 15 000 Juifs du Yémen venus remplacer les ouvriers palestiniens qui travaillaient dans les vergers d’agrumes des capitalistes juifs locaux ou de la diaspora. Durant la Seconde Guerre mondiale, la Palestine n’accueillit pas de Juifs arabo-orientaux.
Les Juifs arabo-orientaux
Rares sont les Ashkénazes qui dénoncent les injustices commises envers les Juifs orientaux, tout comme rares sont les Américains blancs qui ont un sentiment de culpabilité envers les descendants des esclaves noirs. Voici le témoignage et le mea-culpa de Arieh Eliav, ancien député et ancien Secrétaire Général du Parti travailliste d’Israël, concernant les immigrants juifs des pays arabes : « Une de nos erreurs fut la nucléarisation des familles élargies des immigrants des pays arabes. Des patriarches écartés, nous avons fait des cas sociaux. Nous avons transformé ces vieillards, ces rabbins, ces sages, ces dirigeants naturels de leur petite communauté en « inférieurs » et improductifs. Nous leur avons arraché presque de force un de leurs biens les plus précieux qu’ils avaient apporté avec eux : la langue arabe. Nous avons fait de la langue et de la culture arabe un objet de mépris et de dédain. Nous avons coupé les Juifs orientaux de leur passé, de leur origine, de leur prestige.«
On arriva très vite au mythe de « l’analphabétisation« , de « l’arriération » des Juifs orientaux (ils viennent à peine de descendre de leur arbre, ils sortent tout juste des cavernes). On vous répète dès votre jeune âge que vous êtes sortis des ténèbres, du vide, que votre milieu était complètement primitif (encore un lien avec le mépris et l’arrogance dont sont l’objet les Palestiniens) que vous finissez par en être persuadé.
Si on croit que les préjugés envers les Juifs arabo-orientaux allaient s’estomper avec le temps, on se trompe profondément. Quelque trente années plus tard, à la veille de la fête nationale en mai 1978, le Chef de l’État-Major Mordecaï Goor, déclarait dans une interview : « Lorsque j’étais commandant de la bande de Gaza, je me suis intéressé à la mentalité des Arabes. Je suis arrivé à la conclusion que vingt à trente ans doivent passer pour qu’on voit surgir chez eux un changement de mentalité. En ce qui concerne le côté regrettable de l’affaire, j’estime que même les membres juifs originaires des communautés orientales ne réduiront pas l’écart social (avec les Ashkénazes) avant 20 ou 30 ans. Tous les efforts que le peuple d’Israël (sous-entendu les Ashkénazes) va déployer dans ces communautés ne fourniront que des résultats partiels. Rares sont ceux qui pourront occuper des postes supérieurs. À mon grand regret, il faudra des années et des années pour que les Juifs originaires des communautés orientales, même ceux qui auront terminé leurs études universitaires, soient à même de se mesurer avec la mentalité et la technologie de conception occidentale.«
Ces propos ont causé un tollé considérable. Goor ne les a pas démentis, mais il a fourni des explications : « Dans l’armée, 80% des soldats de grade subalterne sont des Juifs orientaux, de même que 30% des officiers de grade inférieur. En ce qui concerne les officiers de grade supérieur – capitaine et au-delà – leur nombre est négligeable. Cette situation est d’autant plus grave qu’actuellement la majorité des soldats sont nés en Israël » (sous-entendu : sont les descendants directs des membres des communautés arabo-orientales amenées en Israël après 1948). Ha’aretz, 1.5.1978 / Le journal d’Israël, 22.5.1978.
Le projet sioniste de colonisation a échoué
En 1997, les Israéliens ont commémoré un siècle de la publication de « L’État juif » de Théodor Herzl et le cinquantenaire de l’établissement de l’État. Il est temps, à l’orée du troisième millénaire, d’analyser les réalisations démographiques et colonisatrices du mouvement sioniste durant ce demi-siècle. On est obligé de constater que cet établissement a été à l’origine de plusieurs tragédies humaines dont ont surtout souffert les Juifs ashkénazes d’Europe, les Palestiniens et les Juifs du Monde arabe et musulman. Il est temps de voir ce qu’on peut faire pour éviter de nouvelles tragédies.
La création d’un État juif ashkénaze sur le territoire de la Terre Sainte peut être remis aux calendes grecques. Les millions de juifs ashkénazes d’Europe et d’Amérique ont préféré rester dans leur patrie d’origine. Pire encore, une très forte proportion des enfants des immigrés ashkénazes que Ben Gourion avait fait venir dans les années 30 et pendant les années de guerre, est partie sous d’autres cieux.
La venue, depuis 1990, de plus de 700 000 immigrants de l’ex-Union Soviétique n’a guère amélioré la situation. Il s’avère que la croissance annuelle des Juifs ashkénazes, même après l’accueil de ceux de l’ex-Union Soviétique, ne s’est pas accrue sensiblement. Dans le dernier gouvernement de Yitzhak Rabin, Ora Namir, Ministre du Travail, exigeait de son gouvernement d’établir une immigration sélective des Juifs de l’ex-Union Soviétique car d’après elle, un tiers de ces immigrants était des vieillards, un autre tiers des personnes malades et le dernier tiers composé de familles brisées. Actuellement, des articles paraissant dans la presse déclarent que seul un tiers des immigrants russes ont une origine juive.
L’enracinement des colons ashkénazes sur la terre de la Palestine a échoué. Les colons des moshavims transforment leurs terres en lotissements urbains. Il en est de même des terres irrigables de quelques kibboutzims.
Pour un État multinational
La seule solution réaliste aujourd’hui, si l’on ne veut pas que cette région devienne un nouveau champ de bataille, est la création d’un seul État sur l’ensemble de l’ex-Palestine, un État multinational où Juifs ashkénazes, séculiers ou orthodoxes, Juifs arabo-orientaux, Palestiniens musulmans et chrétiens ou d’autres confessions vivraient côte à côte. Cet État hébergerait les 4 millions de Palestiniens encore présents, les 3 millions vivant hors frontières, les 2,5 millions d’Israéliens descendants des communautés orientales, soit 82% de la population, le reste étant les 2,5 millions de Juifs ashkénazes originaires d’Europe et d’Amérique.
Il faut se rendre à l’évidence : ces derniers ont échoué dans leur projet de transformation de la Palestine en colonie de peuplement pour les Juifs ashkénazes d’Europe et d’Amérique. Israël, qui devait devenir le pays-refuge pour les Juifs persécutés, est devenu le pays où ils sont le plus en insécurité.
L’établissement d’une Palestine laïque, où tous les citoyens, quelle que soit leur religion, auront les mêmes droits, sera un facteur déterminant pour l’établissement de la paix au Moyen-Orient. Elle redeviendra, avec Jérusalem comme capitale pour tous, une partie du monde arabe. Quant au pétrole, principale richesse de ce monde, il est temps qu’il serve à émanciper les 300 millions de résidents du monde arabe au lieu de finir dans les investissements aux États-Unis pour y renforcer la puissance économique et militaire.
On pourra alors envisager avec plus de sérénité une paix juste et durable au Moyen-Orient.
Maurice Jacoby
juin 2000