Le vol suspendu des Aérotrains
Le vol suspendu des Aérotrains
complément du chapitre 6
Tout le poids du profit
Un coussin de désinformations
en annexe 2 : Le vol suspendu du Télébus et du moteur linéaire Guimbal
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Tout le poids du profit
À entendre encore aujourd’hui les partisans du TGV, avec lui aurait été imposé un concept positivement génial : « la grande vitesse » au ras des pâquerettes ; cela sur roues. Des roues… comme les chars d’antan. Sur roues et rails, avec toute la charge reposant sur quelques points *, avec les efforts dus à la grande vitesse de rotation, ce qui implique aussi une voie pouvant supporter partout les efforts de freinage, d’accélération et les efforts latéraux ! Sur roues et rails, comme les premiers trains, mais pour une machine beaucoup plus lourde, et six à huit fois plus rapide, donc avec les contraintes mécaniques les plus grandes tout en frisant les limites de l’adhérence… Mais la roue ne peut être remise en question chez les technocrates du train – ils disent chemin de fer, ou « le ferroviaire ». À elle seule l’expression borne l’innovation : elle exclut toute évolution sérieuse de la voie, et la réduction de l’impact écologique ! C’est « un principe sacré« ** pour lequel ils sont prêts à tous les sacrifices (surtout pour les autres et tout l’environnement !). Cela explique leur obstination, leur indifférence aux dommages collatéraux, et leur résistance à une véritable innovation (1). Dès lors, rien ne sera épargné, non pas tant pour construire une machine rapide que pour réussir à… l’empêcher de dérailler à haute vitesse (2). On mesure encore mieux la difficulté à vaincre en découvrant que le bogie qui permettra de donner un sursis au système roue-rail ne commencera à être expérimenté qu’à partir d’avril 1974 (3 mois avant le sabordage des Aérotrains et du coussin d’air sur rail central). Un véritable acharnement technologique pour éliminer les autres… voies !
* au total, une très faible surface, quelques dizaines de cm² pour une rame de TGV.
** Les Défis du TGV, Jean-François Bazin, 1981, page 35.
À défaut d’un guide fiable et d’un système de pendulation, la moindre défaillance, et…

À la différence de l’Aérotrain, le TGV est donc déraillable. Cette défectuosité impose les voies les plus droites et les moins pentues, ce qui accroît encore l’impact destructeur – ce que toute la propagande pro-rail dissimule en accusant l’Aérotrain d’être le seul à avoir besoin de voies spéciales ! Cela impose aussi une importante masse du train pour assurer l’adhérence à grande vitesse, et une infrastructure d’autant plus lourde pour absorber les forces dissipées par une telle machine en mouvement. Cela se traduit par des déblais et des remblais colossaux : des centaines de millions de mètres cubes (environ 30 millions pour 100km)*, plus des centaines de milliers de tonnes de ballast composite et de traverses en béton qu’il faut constamment surveiller, arroser de biocides et de liant chimique **, et changer périodiquement (un change partiel = 100 000 tonnes pour Paris – Lyon, 2 millions de tonnes pour l’ensemble du réseau). Au fait, que deviennent les déchets chargés de produits nocifs ?
* et d’innombrables vies détruites…
** pour éviter « l’envol de ballast » à grande vitesse.
Le faramineux coût écologique de ce gaspillage de matériaux, d’espace, de sols et de vies, est toujours négligé, voire dissimulé. Quelles sont les conséquences de l’extraction et du transport des « cailloux » (!) du ballast dans les campagnes ? Quelles surfaces de sols vivants, de bois, de terrains humides… sacrifiées en zones périphériques de chantier irrécupérables ? Qu’importe ! Qu’importent les impacts, les coûts, les risques, puisqu’il faut à tout prix démontrer que la roue peut encore rivaliser avec le coussin d’air sur rail central : « la gamme des vitesses 250-300 km/h est accessible au chemin de fer classique utilisant des roues en acier sur des rails en acier« , La vie du Rail n°1395 du 3 juin 1973 (rapporté dans Les coulisses du TGV – l’Aérotrain, Julien Blain, Connaissance du Rail n°132, février 1992, page 7). Comme pour toute technologie dure, le contexte ne compte pas. On l’a vu avec le système roue-rail qui monopolisait toute l’attention du côté de la SNCF et de ses appuis, qu’importe la vie autour ! D’ailleurs, quelle conscience en avaient-ils ? À peu près nulle. S’il en est besoin, les moqueries sur le viaduc de l’Aérotrain, conçu pour limiter les risques d’encombrement de la voie et d’accident, et épargner l’environnement, le démontrent : information et compréhension zéro. Mais volonté d’imposer et cupidité au maximum. Qu’importe la vie puisque l’on peut faire malgré tout, sans se soucier des coûts, et que, comme par hasard, les difficultés et les destructions vont permettre d’engranger les plus grands profits. Tout est donc métamorphosé par la propagande officielle. En mai 2005, un dossier « Archives du Monde » en témoignait encore : « Du turbotrain à l’Aérotrain pour arriver au TGV« . Dès le titre, l’inversion chronologique annonce la couleur. Jacques de Barrin, l’un des journalistes, était « proche de la SNCF » (L’aérotrain ou la tragédie de Jean Bertin, Christelle Didier, Annie Gireaux-Geneau, Bertrand Hériard Dubreuil, 1998).
Tout est repeint en vert. Ainsi, les extractions, déplacements et remplacements de matières sont toujours présentés très positivement :
« La régénération et la maintenance génèrent chaque année d’importants gisements sur l’ensemble du territoire national : plus de 120 000 tonnes de rails, plus de 2 Millions de tonnes de ballast, plus de 60 000 tonnes de traverses bois, plus de 300 000 tonnes de traverses béton, plus de 3 000 tonnes de câbles et fil de contact caténaire.

Carrière pour le ballast du TGV à Epiry, Nièvre, en pleine forêt du Morvan
Sur les voies de chemin de fer, le complexe ballasté est la couche d’assise permettant la répartition des charges sur le sol et dans lequel sont enchâssées les traverses. Il est constitué par des granulats de roches massives anguleux et concassées. Soumis à de fortes pressions mécaniques, ce matériau a une durée de vie de l’ordre de 15 à 40 ans, en fonction des tonnages circulés et de la vitesse. Ainsi avec le renouvellement et la maintenance des voies chaque année, près de 2 millions de tonnes de ballast usagé doivent être valorisés. »
https://www.optigede.ademe.fr/fiche/reutilisation-du-ballast-de-depose-des-voies-ferrees
On apprécie les « importants gisements générés » pour désigner la création de nouveaux saccages et les gaspillages de matières, les gaspillages d’énergie et la pollution ajoutée. C’est de la croissance marchande, donc c’est tout bon.
Le TGV rase la colline sur son passage, Libération du 28 mai 2001, et Mariette Cuvellier (Le TGV du prince, Éditions Dagorno) qui compte les impasses, les extraordinaires pagnolades et les destructions engendrées par la lourdeur de l’infrastructure TGV. Opposante au TGV, Mariette Cuvellier a été mise sur écoute (« légale« ) et blessée par « les forces de l’ordre » : Écoutée parce qu’elle militait contre le TGV Sud-Est – La justice a rejeté les preuves d’écoutes sauvages et conclu à une procédure légale, Libération du 7 février 1997. Plus de 20 ans après, le système roue-rail – à grande vitesse – est toujours défendu de manière totalitaire.
Un bolide roulant sur des collines de béton et de pierraille, et traversant exactement le mince espace – quelques dizaines de centimètres – où la densité de vie est la plus grande, là où l’essentiel se passe, transite et se décide – la biosphère ! Cette option dit tout de l’irréalisme et de la folie furieuse de ses concepteurs, et de la boulimie d’argent public de ses promoteurs. Pour un moyen de transport de temps de paix, difficile de concevoir un impact plus grand. Difficile de faire plus absurde. D’ailleurs, dans la première moitié des années soixante, « la grande vitesse » n’était pas au programme de la SNCF. Avec raison, car, au ras du sol, elle est la première limite du système – son péché originel. Pourvu que l’on soit capable de les voir (quelques notions d‘écologie et un peu d’empathie peuvent être utiles).

Au nord de Paris, un exemple des saccages perpétrés par les voies TGV

Sous les plaques de béton rectangulaires, le cours d’eau Petit Rosne (Val d‘Oise)

à quelques kilomètres : le Petit Rosne
C’est alors qu’ont surgi le coussin d’air maîtrisé par des jupes souples Bertin, et le rail central sur viaduc comme guide et support. Ce système permet de s’affranchir de la pesanteur et du contact entre le véhicule et le sol, donc des délicats problèmes d’adhérence et de voie. Avec l’élévation de la voie au-dessus de l’espace le plus fragile de la biosphère, il promettait de transformer les transports, tout en réduisant l’empreinte écologique ; cela en proportion de l’effacement des limites du système roue-rail.

L’Aérotrain :
– était libéré de la plupart des frictions (excepté l’air), de maintes contraintes mécaniques et de la transmission à la voie des efforts de traction et de freinage,
– il pouvait donc être léger, tout comme sa substructure,
– n’imprimant à la voie aucun effort, ne transmettant aucune vibration, il n’avait aucun besoin d’un ballast, donc aucun besoin d’arroser la voie de polluants pour éviter que la vie ne s’y installe,
– le rail central sur lequel il glissait complétait l’innovation en supprimant les problèmes de suspension, de stabilité et tout risque de déraillement (principale difficulté du système roue-rail),
– avec une charge répartie par le coussin d’air sur la totalité de la surface – comme en lévitation,
– était à l’aise sur les pentes,
– réactif à l’accélération comme au freinage,
– souple d‘utilisation sur toutes les distances (« (…) l’exploitation d’une ligne d’Aérotrain reposait sur le principe fondamental de la très grande fréquence des départs, dans le but d’affranchir l’usager de toute consultation d’horaire » *),
– porté par des viaducs simples de construction, s’adaptant au relief et d’entretien facile,
– ne nécessitait ni déblais ni remblais,
– économe de l’espace rural comme de l’espace urbain,
– capable de serpenter entre les obstacles et les espaces à protéger,
les différentes formules de l’Aérotrain étaient bien parties pour bouleverser les transports en soulageant les budgets publics et les écosystèmes. Jean Detton – « à lui tout seul « INTERNET avant INTERNET », la « boîte aux lettres et aux idées» de la France et de l’Europe » (Christian Bertaux,
http://www.bertaux-glah.fr/clastres.php) – en était convaincu.
* Les coulisses du TGV – l’Aérotrain, 2ème partie, Connaissance du rail n°133

aucune rupture écologique : la voie rapide la plus légère
Avec une très faible emprise au sol et traversables par tous, aériennes, les lignes de l’Aérotrain ne nécessitaient pas les expropriations accompagnant le développement des autres transports terrestres. L’exact contraire des bouleversements du foncier et du saccage des campagnes sous « les couloirs de la mort » grillagés* imposés par les infrastructures pharaoniques du TGV.
* où tout animal « égaré » – plus précisément : piégé – est abattu. https://www.rtl.be/info/vous/temoignages/-on-a-du-faire-demi-tour-un-train-thalys-heurte-un-animal-a-tournai-et-perturbe-l-ensemble-du-reseau-1392874.aspx
Thalys. Chaos dans les gares après le heurt d’un animal, un samedi qui s’annonce encore compliqué
Les lignes n’étaient un obstacle pour personne, même pour les plus grosses machines agricoles ravageant les campagnes ! Elles ne divisaient ni les propriétés ni les écosystèmes en portions isolées (fragmentation) comme le font aussi les autoroutes et les lignes à haute tension – cause de réduction de la biodiversité. Indice de leur très grande avance sur leurs concurrents des autres modes de transport, les créateurs de l’Aérotrain voulaient éviter les ruptures : rupture des propriétés, rupture des activités, rupture écologique… « L’insertion dans le paysage » et la traversabilité n’étaient pas étrangers au choix et aux dimensions du viaduc. Initialement, celui-ci avait été créé par souci de sécurité, pour éviter toute rencontre fâcheuse avec des arbres tombés et des animaux (donc pas de couloirs de la mort comme avec le TGV). Même en faisant abstraction des capacités de vitesse de l’Aérotrain, toutes ces qualités auraient dû suffire à l’imposer à la place des trains circulant au sol sur des collines de ferraille, de ballast et de béton. Mais le petit monde des affaires et du pouvoir n’était pas aux postes de commande pour se soucier du bien commun.
Un coussin de désinformations
Côté SNCF et culture des technologies dures indifférente à la biosphère, l’incompréhension a été si grande qu’elle s’affiche encore, bien sûr en oubliant la débauche de matière et d’énergie accompagnant le TGV : « Suspendre l’Aérotrain à dix mètres de hauteur ? On imagine la discrète jubilation des ingénieurs de la SNCF : Aérotrain = béton.« , D’où viens-tu TGV ?, par Jean-François Picard et Alain Beltran, novembre 1994. Inutile de montrer à ces gens les collines de déblais, de remblais et de ballast, ni de leur parler de la responsabilité du ferroviaire dans l’artificialisation de la biosphère, et des bénéfices pour la biodiversité et le climat d’un choix du coussin d’air sur viaduc !
Avec l’intensification du changement climatique et la multiplication des canicules, la déformation des rails oblige de plus en plus souvent à ralentir les trains rapides pour éviter les déraillements. Même les feuilles tombées en automne peuvent perturber le trafic ! Avec les arbres, et autres objets, tombés sur les voies du ferroviaire lors des tempêtes, cela souligne encore plus l’erreur de l’abandon du coussin d’air, du rail central et du viaduc des Aérotrains. La sensibilité du ferroviaire aux vents forts aussi.
Le vent a fait tomber plus de 1.400 arbres sur les lignes de chemin de fer jeudi avec le passage de Ciaran
En attendant un développement à plus grande échelle et l’électrification programmée, des motrices de l’Aérotrain étaient encore thermiques en 1974 (à gaz) – mais pas toutes. Cela inspire les dénigrements forcés qui vont toujours bon train pour refaire l’histoire. Exemple :
Les innovations trop en avance L’aérotrain
https://www.youtube.com/watch?v=c6CAOQRmFa4
Oubliant le poids du TGV, les contraintes auxquelles il soumet ses roues et sa voie, son bruit de roulement et les vibrations transmises au sol, le bruit est encore répandu que les turbines d’essais de l’Aérotrain étaient assourdissantes. C’est d’autant plus étonnant que la société Bertin était experte en matière de dispositifs anti-bruit. C’est encore étonnant parce que la SNCF avait suivi l’exemple de l’Aérotrain en équipant son TGV d‘une turbine à gaz (plus gourmande). Son nom était Turbotrain à Grande Vitesse (Julien Blain, Les coulisses du TGV – En passant par la turbine, Connaissance du Rail n°134, avril 1992). L’adoption de ces turbines par la SNCF n’était pas tout à fait due au hasard. En 1964, après plus de six mois d‘échanges avec la société Bertin, la compagnie nationale avait refusé de collaborer à la mise au point de l’Aérotrain à cause du choix, transitoire, de… la turbine à gaz. Parce que Jean Bertin l’avait emprunté à l’aéronautique, la SNCF ne lui trouvait que des défauts ; comme au coussin d’air – avant de s’en emparer dès l’année suivante ! « (…) Comment ne pas voir dans les démarches de M. Bertin auprès de la SNCF, pour l’intéresser à son projet, l’origine de l’affectation ultérieure de la turbine aéronautique à la traction ferroviaire ?« , Les coulisses du TGV – En passant par la turbine, Connaissance Du Rail n°134, page 7. Poussant toujours plus loin l’imitation, c’est grâce à la turbine à gaz empruntée à l’Aérotrain que « la ligne du TGV Sud-Est a été construite à l’économie » et dans la précipitation pour contrer le projet d’Aérotrain et pouvoir présenter au gouvernement « un devis inférieur à celui de la construction d’une ligne d’Aérotrain« . D’autres démonstrations perfides ont encore été menées ; par exemple « sur la voie ferrée parallèle à la future ligne d’Aérotrain Paris – Orléans » (CDR ibidem). Enfin, à l’époque du sabotage de l’Aérotrain par un État déjà dirigé par les lobbies des technologies dures et des plus juteux profits, il y avait déjà 5 ans qu’existait l’Aérotrain prototype S44 à moteur électrique linéaire ! Le préféré de Jean Bertin. De toute façon, coupant court à toutes les désinformations, Jean Bertin soulignait que « le choix du mode d’alimentation en énergie, comme celui de la propulsion, » était libre, que toutes les techniques étaient adaptables au coussin d’air sur monorail. Qui plus est, un bien meilleur moteur linéaire aurait dû équiper les Aérotrains : le Guimbal – de Jean-Claude Guimbal, son concepteur (voir l’annexe 2 : Le vol suspendu du Télébus et du moteur linéaire Guimbal).
en annexe 2 :
Le vol suspendu du Télébus et du moteur linéaire Guimbal

le S44 à moteur électrique linéaire
Par-dessus tout, les dénigreurs d’hier et d’aujourd’hui oublient systématiquement de prendre en considération l’ensemble du système Aérotrain qui était fort économe en infrastructures et en entretiens, donc en matières et en énergie. L’exact contraire du futur TGV qui nécessite une considérable mobilisation de moyens. Cela n’endigue pas la désinformation qui courre depuis l’époque, obligeamment relayée par certains « grands medias« . Ainsi, même une journaliste d’investigation, collaboratrice d’enquêtes fouillées, s’est laissée envoûter par les joueurs de flûte de la propagande ferroviaire. Tout esprit critique aboli, elle a même rapporté que l’Aérotrain avait été sujet à « des déraillements » dès les premiers essais. « Des déraillements » avec un véhicule qui glisse en chevauchant un rail central haut de 90cm ! La journaliste d’investigation n’oublie pas non plus de rapporter que « la construction de milliers de kilomètres de voies » (?) aurait été « trop cher« , et que le ferroviaire à grande vitesse est « une solution économique« . Curieusement, elle le fait juste avant d’évoquer les mutations ultérieures de la SNCF sous l’énormité des coûts du TGV ** ! Et d’ajouter encore que l’Aérotrain aurait été « trop complexe » et d’une « extrême fragilité« , défauts qui s’appliquent exactement au système roue-rail à grande vitesse du TGV, et sont cause de son gaspillage d’énergie, de matière et d’espace.
* L’aventure du TGV, Martine Orange, dans Histoire secrète de la Ve République, La découverte 2006.
** Une dizaine d’années plus tard, elle critiquera « la politique hors de prix du tout TGV » en rappelant que la SNCF s’est surendettée dès la construction des premières lignes.
Pour faire bonne mesure, Wikipedia insinue qu’une politique d’économies d’énergie* aurait eu raison de l’Aérotrain. Et d’ajouter que « le projet d’aérotrain a été abandonné en 1974, à la suite du Premier choc pétrolier de 1973« . Ben voyons ! Et voilà resservie la légende d’un TGV plus économe que les Aérotrains. Pour un peu, les décideurs et les promoteurs du Turbotrain-TGV seraient présentés comme des champions d’une « transition écologique » ! Haro sur le coussin d’air et le rail indéraillable, tandis que les boulimiques transports maritime, aérien et routier étaient en plein essor ; et sans oublier les grandes délocalisations industrielles qui commençaient dans ce milieu des années 1970, avec pour seul souci le « taux de profit » maximal. Là, on se souciait peu de la consommation d’énergie. Mais qu’importe, puisqu’il était déjà évident que le TGV-Turbotrain s’annonçait beaucoup plus gros consommateur d’énergie et destructeur d’espace que les différentes formules de l’Aérotrain. Brillante politique reposant essentiellement sur l’occultation des conséquences et un torrent de mensonges. Bernays toujours.
* à l’époque du Tout électrique, tout nucléaire !

le ROHR, version américaine de l’Aérotrain
Évidemment, du point de vue du PNB et des stratégies de conquête des profits, les multiples avantages des Aérotrains faisaient figure de fautes de goût. Entre autres mauvaises raisons, les besoins relativement modestes du système n’étaient-ils pas insuffisants pour contribuer à justifier le « Tout électrique, tout nucléaire » décrété par les mains invisibles du capitalisme ? Aux yeux des promoteurs du nucléaire en recherche de nouvelles dépenses d’électricité, sans doute *. Mais on ne peut également s’empêcher d’y penser pour les entreprises qui se partagent entre TGV et nucléaire, par exemple, le groupe Empain-Schneider qui détenait Creusot-Loire – une puissance industrielle qui produit des rails, des bogies, les roues de haute technologie qui doivent être changées au plus tous les deux ans. D’ailleurs, une puissance intimement liée à Giscard d’Estaing par alliance. On pense aussi aux entreprises qui extraient, excavent, bétonnent, bitument, etc. **. Car, pourquoi des grands programmes qui se soldent par des échecs ou des développements destructeurs et dispendieux, sinon pour la religion de la croissance marchande et ses petits à-côtés ?
* 6 mars 1974, le choix du tout-nucléaire, https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/nucleaire-pierre-messer-reacteurs-energie
** Comme on vient de le voir, les rails représentent un gros marché. Or, en 1974, le patron du CNPF était un dirigeant de la très puissante Union des Industries Métallurgiques et Minières (UIMM) : François Ceyrac. Héritière du Comité des Forges (de Schneider et Wendel), l’UIMM est la formation patronale dont les « caisses noires » richement approvisionnées seront découvertes en septembre 2007 après des retraits en liquide totalisant, selon les sources, entre 17 et 19 millions d’euros en sept ans. Ce pactole avait été constitué sous l’autorité de François Ceyrac, comme par hasard au lendemain de 68 – dont une caisse de solidarité anti-grève (« Epim« ). Il existait à l’époque du sabotage de l’Aérotrain.
À peine en fonction, le nouveau président de la République et, entre autres lobbies très intéressés par le coûteux système ferroviaire, le monopole SNCF ont, d’un oukase, anéanti une quinzaine d’années de recherches, de développements en cours et de perspectives aussi séduisantes qu’économes *. Cela pour favoriser un projet qui, alors, n’en était encore qu’au stade des études. La jugeote et la sensibilité d’une motrice de TGV ! Mais ils n’étaient pas là pour se soucier du bien commun et d’un avenir économe. En un instant, ils ont mis beaucoup de compétences rares en grande difficulté **, et interdit des développements bénéfiques à faible impact sur les campagnes et l’habitat – même en comparaison des trains classiques toujours collés au sol, donc destructeurs et fragiles. Rien qu’en France, l’oukase de Giscard et des amoureux de la grande vitesse au ras des pâquerettes ont condamné à la destruction des centaines de kilomètres carrés d’espaces cultivés ou encore préservés, et d‘innombrables continuités écologiques ***. Peu le disent, la technologie ferroviaire la plus rigide, la plus dure, la plus lourde qui soit, a coûté un prodigieux anéantissement de vies. La précipitation trahit la volonté de nuisance des lobbies rétrogrades contrôlant l’appareil d‘État, et l’importance du butin convoité. Sous le maniérisme de la « démocratie libérale avancée » (!), l’élimination pure et simple du progrès (cette fois) qui rencontrait partout le plus d’intérêt illustre la corruption et le césarisme des décideurs, et leur niveau d’affolement devant l’affirmation d’une meilleure technologie. Exactement comme avec le mouvement écologiste qui les avait fait trembler et qu’ils avaient déjà presque éliminé. Un sabotage d‘État ! Et pour quoi ? Parce que cela n’est que le sabotage des alertes et des alternatives, le sabotage du moins gourmand, du meilleur, du mieux adapté, etc., qui permet le succès des politiques prédatrices et des technologies dures, toutes mortifères – celles qui assurent la permanence des dominations et la croissance des fortunes en saccageant la biosphère.
* dont le contrat de l’Aérotrain Cergy Pontoise – La Défense qui venait d’être signé.
** On peut imaginer combien Jean Bertin a été bouleversé par le sabotage des technologies d’avenir et par la fourberie devenue sport national ! Il est mort peu après, à 58 ans, d’un cancer foudroyant au cerveau.
L’homme qui avait un train d’avance https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/l-homme-qui-avait-un-train-d-avance-plus-rapide-que-le-premier-tgv-03-09-2016-6090169.php
1975 : disparition du créateur de l’aérotrain
*** Moyenne de 10 hectares par kilomètre pour la seule voie. Sans compter les zones de parking et de dépôts divers, ni la zone d’impact des vibrations qui bouleverse toute vie jusqu’à plus de 500 mètres de la voie.
Ainsi, très loin de l’image positive du progrès qui lui est attribuée, le TGV est vorace en tous domaines, surtout du fait de son pesantissime réseau spécifique encore dissimulé au moment du « choix » de juillet 1974. Bouleversement du foncier, remembrements au bulldozer, cours d’eau et zones humides dévastés, réseaux hydrographiques bouleversés, sols stérilisés sous la caillasse et le béton, écosystèmes détruits ou fragmentés en portions appauvries, terrassements massifs, granulats arrachés partout entre montagnes et rivages, surveillance constante des voies, change permanent des matériels et des matériaux, finances publiques prodiguées sans compter, coût énergétique global. Une catastrophe !

difficile de détruire plus !
Si cher TGV que le reste du réseau sera négligé et même les trains de nuit supprimés :
« Cet appauvrissement des relations sous-tend un aménagement du territoire qui est contraire à ce que l’on serait en droit d’attendre d’un service public tel qu’il est revendiqué ces jours-ci (…) Ces suppressions qui, vues de Paris ou de Marseille, pourraient paraître anecdotiques instaurent un diktat ferroviaire que l’on pourrait résumer ainsi : « Le TGV Méditerranée vous permettra de vous déplacer rapidement, mais seulement à certaines heures et sur certaines relations » (…) », Thierry Levy, Effets pervers du TGV Méditerranée, Libération du 19 juin 2001.
« (…) si l’on veut économiser du temps actif, aucun bolide ne rivalisera jamais avec un confortable train de nuit« , Pendulaire, aérotrain… la fin de l’aberration TGV ? (https://planetaryecology.com/transports/)
Imposer le vorace TGV contre les Aérotrains, c’était choisir d’augmenter les consommations et les destructions quand elles étaient « évitables techniquement » (Rocard 1974) *. Techniquement quelquefois, mais pas avec des « gestionnaires« gagnés aux intérêts contraires au bien commun. Or, comme Robert Bell allait l’analyser, les nouveaux « gestionnaires« ont choisi la voie des gaspillages les plus lucratifs, les fruits les plus juteux pour eux et leurs commanditaires, les technologies les plus dures, celles qui mobilisent le plus de matière, d’espace et d’énergie. Comme si souvent :
« Les grands projets scientifiques ou militaires ne sont (…) que des procédés de convenance qui permettent de dépenser de l’argent. Tant que l’objectif est de dilapider les fonds publics et non de donner naissance à des produits de bonne qualité, le cercle infernal de ces échecs technologiques est voué à perdurer« , Impure Science: Fraud, Compromise, and Political Influence in Scientific Research, Robert Bell, John Wiley & Sons 1992.
Une analyse qui va comme un gant au TGV et à tout ce qui l’entoure.
* « Très Grand Void », « (…) à l’impressionnant réseau TGV correspond l’énorme trou dans les finances des chemins de fer (…) Les vraies horreurs des finances sont cachées dans une autre entreprise : Réseau Ferré de France créée pour sauver la SNCF qui était au bord du gouffre à cause des dizaines de milliards consacrés au réseau TGV (…) », Avec le TGV, l’endettement à grande vitesse, The Economist juin 2001.
Le choix du gaspillage était déjà évident plus d’une vingtaine d’années auparavant, quand Jean Dupuy, un directeur de la SNCF qui n’était pas étranger au « Comité de Surveillance de l’Aérotrain« , osait prétendre que l’Aérotrain « coûtait cher » parce qu’il était « horriblement gaspilleur d’énergie » ! Et d’ajouter que « le lobby de la turbine à gaz dominait l’Aérotrain » !
Boulimique le TGV ? Encore en 2018, avec la gare TGV de Montpellier-Sud-de-France, défileront les dizaines de millions d’euros (135) pour faire une station hors de la ville et des réseaux de transports établis. Jean Dupuy, le propagandiste que l’on vient de croiser, avait cru bon ajouter une couche hautement fantaisiste : « N’importe quel TGV savait mieux résoudre le problème de la pénétration dans les villes. Imaginez un Aérotrain avec ses turbosoufflantes débarquant place de la Concorde…! » Quelle puissance d‘analyse ! Après l’invention des gares TGV au milieu de nulle part, on apprécie. Cependant, pour tenter de justifier l’implantation en rase campagne, la SNCF s’appliquera ensuite à vanter le contraire de ses premières démonstrations… « (…) Le TGV va contribuer à affiner le vieil outil ferroviaire. Son nouveau mot d’ordre est l’intermodalité, c’est-à-dire le rapprochement des moyens de communication : air, fer, route. C’est ainsi que l’on installe de nouveaux complexes dans les aéroports, à Roissy ou à Satolas, près de Lyon. L’intermodalité a paradoxalement deux effets. D’abord, pousser les nouvelles gares hors de la ville. La grande vitesse exige des bâtiments adaptés aux lignes rapides qui ignorent les centres encombrés (…) » *. Donc, une « intermodalité » surtout imposée par la grande inertie du trop lourd TGV – contrairement à la maniabilité que l’aérotrain avait démontrée. Magique intermodalité qui fait de ce train un allié du système automobile. Désertées par la vie, comme les hangars de pleins champs de la « grande distribution », les « gares betteraves » ajoutent surtout à la dispersion urbaine en stimulant l’usage de la voiture individuelle, quand elles n’obligent pas à d’interminables voyages en cars, avec signalisation et correspondances aléatoires.
* Emmanuel de Roux, Le retour en gares, Le Monde 2, 23 juin 2007.
ACG
notes
(1) Comme tant d’autres, Jean Dupuy, l’un des principaux promoteurs du TGV (turbo-train à grande vitesse) n’a jamais été à court de tours de passe-passe pour transformer la réalité : « Le bon sens montre le rôle extraordinaire de la roue. Elle assure une sustentation gratuite et remplit tellement d’autres fonctions ! En regard, la sustentation de l’aérotrain ou du train magnétique coûte cher. » *. « Sustentation gratuite » ? Extraordinaire « sustentation gratuite » qui nécessite une technologie pointue et chère, et d’exceptionnels déblais, remblais, ballasts, et ouvrages d‘art ! Et des coûts exorbitants pour les finances publiques et l’environnement.
* Les souvenirs de Jean Dupuy (https://journals.openedition.org/sabix/2940#tocfrom1n4)
(2) Le système roue-rail déraillable du TGV impose encore un parfait entretien du matériel et un personnel toujours au top * ! Parfait… Une gageure dans des temps d’effacement de la culture du service public, de minimisation des métiers de maintenance et de conduite, de confiance dans les capteurs et les écrans (style GTC ou GTB, « gestion technique » à distance !) plutôt que dans les personnels expérimentés et la réalité de terrain, de rentabilisation, de coupes budgétaires, de réduction des personnels, de sous-traitance en expansion, de pertes de motivations et de compétence, etc. Les alertes sont multipliées depuis longtemps. Les accidents illustrent leur bien-fondé. Ainsi la catastrophe de Brétigny-sur-Orge…
Dix ans après le drame de Brétigny-sur-Orge, la maintenance ferroviaire reste en crise
* Exemples contraires :
– le déraillement du TGV EST, le 14 novembre 2015 (11 morts, 42 blessés) :
Un rapport pointe de graves erreurs de la filiale de la SNCF
Le 14 novembre 2015, le premier déraillement mortel dans l’histoire du TGV (11 morts et 42 blessés) a eu lieu non pas en service normal, mais pendant un essai technique au cours duquel se sont enchaînés des dysfonctionnements dans les procédures comme dans la chaîne de commandement, selon un rapport révélé par Le Parisien et consulté par l’AFP.
« premier déraillement mortel » ? Et la catastrophe de Saint-Jacques de Compostelle ?
– le déraillement du Alvia 151 près de Saint-Jacques-de-Compostelle, en juillet 2013 (79 morts, 143 blessés),
Accident du TGV à Eckwersheim : au procès, le cadre de la SNCF minimise son rôle
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Doc
Non, le train n’est pas écologique
https://greenwashingeconomy.com/non-le-train-nest-pas-ecologique/#

Parmi les inventions qui ont été expérimentées mais jamais commercialisées se trouve l’aérotrain. Celui conçu par l’ingénieur Jean Bertin fut expérimenté dans les années 1960 avant d’être abandonné en 1977. Entre temps des prototypes furent mis au point et une ligne expérimentale de 18 km construite. Le TGV supplanta le projet de l’aérotrain.
Sur les brocantes on trouve parfois de petits ouvrages amusants comme celui de Marcel Georges Roland et Linda en aérotrain publié dans la collection « Premières Aventures » en 1970 par Dargaud. Deux enfants tentent l’aventure de l’aérotrain sur fond d’enquête « policière ».
C’est l’occasion de voir ce train pas comme les autres en images vintage:
https://archeosf.blogspot.com/2012/05/marcel-georges-roland-et-linda-en.html
Demain, l’aérotrain…


le Maglev chinois

le Tracked Air Cushion Vehicle TACV, projet français (au Brésil)
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Une toute dernière : la SNCF signe un accord de recherche pour développer… la sustentation
50 ans après le sabotage des Aérotrains, le retour des trains glissant sur un rail unique
Mais au ras du sol. C’est bête !
Nevomo, la startup polonaise qui va faire rouler des trains à lévitation ultra-rapide sur des lignes TGV en France
« Moderniser » nos voies de chemin de fer et les « adapter » aux technologies ferroviaires du futur, c’est le pari que s’est lancé la société polonaise Nevomo dès 2017. Après avoir mis en pause ces projets dans l’hyperloop, un concept de train sous vide ultra-rapide popularisé par Elon Musk, la jeune pousse se penche aujourd’hui les trains à sustentation magnétique. Ceux-ci pourraient emprunter des lignes TGV en France. (…)
En l’absence de frottements, ces trains pourraient atteindre des vitesses théoriques avoisinant les « 550 km/h » sur « des lignes de TGV ». Des trains à sustentation magnétique sont déjà exploités dans certains pays, comme en Chine ou au Japon, mais ils nécessitent des infrastructures dédiées.
Et… la SNCF qui a contribué à éliminer les Aérotrains, tout en les copiant, « s’intéresse à ces solutions » !
https://www.youtube.com/watch?
L’entreprise publique française s’est associée à Nevomo, une firme polonaise qui tente de mettre en place un train à sustentation électromagnétique qui pourrait atteindre des vitesses de plus de 500 km/h.
Des trains filant à plus de 500 km/h en France prochainement ? La SNCF a signé, vendredi 10 mars, un accord de coopération avec Nevomo, une entreprise polonaise qui travaille sur des trains à sustentation électromagnétique ou Maglev, rapporte BFM Business. Une technologie dénommée MagRail qui s’inspire du projet Hyperloop développé par Elon Musk. Mais l’innovation du milliardaire américain piétine depuis plusieurs années et ne donne pas les satisfactions espérées.

Les petits génies ne cessent de réinventer les solutions présentées hier… mais en moins bien.
Un rail central, exactement comme les Aérotrains. Mais…
- le coussin d’air est remplacé par la lévitation magnétique qui est beaucoup plus gourmande et dangereuse (gros problèmes en cas de rupture de l’alimentation !)
- et le grand intérêt du viaduc est ignoré !

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Cependant, la vieille machinerie écocidaire impose encore le TGV
« transition écologique« , la réalité…
Pour détruire plus et plus vite : de nouveaux projets de TGV !
2018
Au mois de novembre, le Maroc a connu une inauguration en grande pompe. Celle de la première ligne à Grande Vitesse du royaume chérifien, Tanger-Kenitra-Casablanca, qui est aussi la première de l’ensemble du continent africain. Un évènement de taille auquel a assisté le roi Mohamed VI lui-même, en compagnie du président de la République française Emmanuel Macron. Pourquoi un tel invité de marque pour un projet aussi profondément national que celui d’une construction de LGV ? Tout simplement parce que la France n’est pas pour rien dans la construction de cette ligne. Loin de là.
https://www.midnight-trains.com/article/la-grande-vitesse-au-maroc
2024
Dans le cadre de ce partenariat, le Maroc prévoit d’étendre le réseau ferroviaire pour accompagner sa croissance et se préparer à accueillir la Coupe du monde 2030. Les lignes à grande vitesse seront étendues sur une longueur de 430 km entre Kénitra et Marrakech, renforçant ainsi la connectivité entre le nord et le sud du pays.
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