Prélude à l’heure de vérité

Prélude à l’heure de vérité

par Moïse Saltiel, 23 07 1918 – 21 07 2007

Né dans la grande communauté juive de Thessalonique qui allait être décimée par les nazis. Moïse Saltiel était un Israélien de la première heure. Mais il était aussi anti-sioniste.

Agronome de sensibilité écologiste, il était fin connaisseur des destructions écologiques provoquées par la brutalité des colonisateurs sionistes qui, loin d’avoir développé l’agriculture en Palestine et « fait verdir le désert« , n’ont cessé d’étendre celui-ci.

Et il n’a pas vu la multiplication des colonies bétonnées et de leurs routes en tous sens, et la construction des murs de la honte !

Sous le pseudonyme de Maurice Jacoby, il publiait ses articles dans Témoignage Chrétien, jusqu’à ce que ce journal commence à le censurer dans les années 1990.

Plusieurs de ses articles ont été publiés par le mensuel écologiste Silence (ainsi : Palestine-Israël : l’heure de vérité ?, n° 212-213, janvier 1997).

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Les Juifs ashkénazes d’Europe et d’Amérique et les Juifs du monde arabe et musulman forment-ils un même peuple?

Le financement d’Israël – principale base stratégique occidentale dans le Moyen-Orient pétrolifère- et le financement de l’autorité palestinienne

Le 29 mai 1996 eurent lieu en Israël des élections qui transférèrent le pouvoir des travaillistes au Likoud et à ses partenaires religieux.

Le nouveau Premier ministre Netanyaou a défini la politique qu’il entendait mener par trois non et un oui :

non au retour du Golan à la Syrie,

non à l’établissement d’un État palestinien en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza,

non à Jérusalem-Est comme capitale de cet État,

oui à l’élargissement des implantations juives en Cisjordanie.

Une telle politique n’est que la continuation de celle que les puissances occidentales, en tout premier lieu les États-Unis, en œuvrant pour la création d’un État juif sur la terre palestinienne, destinaient au nouvel État – transformer, par l’intermédiaire d’Israël, le territoire de la Palestine en principale base stratégique des puissances occidentales, leur permettant d’exploiter sans accrocs le pétrole arabe du Moyen-Orient. L’existence d’Israël empêche aussi l’unité territoriale du monde arabe s’étendant de l’Atlantique au Golfe persique, le coupant en deux.

Israël a été et continue d’être un des facteurs qui entrave la création des États-Unis arabes qui comptera plus de 300 millions d’habitants à la fin du siècle.

La population de ce monde de 300 millions s’accroît au rythme de 4% l’an.

Quant aux centaines de milliards de dollars de revenus annuels de la vente du pétrole arabe, au lieu d’aider les populations de ce monde à s’industrialiser et à sortir de leur misère, ils vont s’investir dans les pays occidentaux et renforcer leur puissance.

Maxime Rodinson l’avait très bien compris. Il écrivait en 1967 :

« La formation de l’État d’Israël sur la terre palestinienne est l’aboutissement d’un processus qui s’insère parfaitement dans le grand mouvement d’expansion européo-américain des XIXe et XXe siècles pour peupler ou dominer économiquement et politiquement les autres peuples…

Il s’agit là de faits.

Pour ce qui est des termes, il me semble que celui de processus colonial convient fort bien« , Maxime Rodinson, Les Temps modernes, n°253 bis, 1967, pages 17 à 88.

La création en Palestine d’une base stratégique au service des impérialistes a été un des leitmotivs du mouvement sioniste européen ashkénaze dès sa création…

Dans « L’État juif » paru en 1897, Theodor Herzl écrivait : « Pour l’Europe, nous constituerons là-bas un morceau de rempart contre l’Asie… Nous demeurerions en rapports constants avec l’Europe, qui devrait garantir notre existence.« , Herzl T., Éditions de l’Herne, 1969, p.45.

Dans une lettre adressée en 1914 à Israël Zangwill, le futur Président Haïm Weizman proposait l’établissement d’un État juif sous dominance britannique, déclarant ouvertement qu’alors les Britanniques auraient une base stratégique au Moyen-Orient, et les Juifs un État.

Après la découverte des plus riches gisements de pétrole de la planète au Moyen-Orient, la valeur stratégique de la Palestine ne fit que s’accroître.

Peu après sa fameuse déclaration, qui promettait un pays ne lui appartenant pas, la Palestine, aux dirigeants sionistes juifs ashkénazes, Lord Balfour s’exprimait ainsi : « Peu importe le système mis en œuvre pour que nous conservions le pétrole du Moyen-Orient, mais il est essentiel que ce pétrole demeure accessible« , Kimche John, Palestine ou Israël, Albin Michel, Paris 1973, page 237.

Un quart de siècle plus tard, Cordell Hull, Secrétaire d’État américain, déclarait : « Il faut bien comprendre que le pétrole de l’Arabie Saoudite constitue un des plus puissants leviers du monde » (Palestine ou Israël, page 240).

En 1947, Richard Crossman, chargé de mission par le Gouvernement britannique en Palestine, fera cette réflexion : « Un État juif dans le Moyen-Orient représenterait un élément tout à fait loyal à la Grande-Bretagne… prêt à mettre sur pied une armée considérable » (Richard Crossman, Palestine Mission, London, 1947, page 128).

En 1993, dans l’International Herald Tribune, James Reston a judicieusement défini le rôle d’Israël dans la politique globale de l’Occident : « Le Moyen-Orient, avec ses vastes réserves pétrolières et sa localisation stratégique, est d’un intérêt « vital », non seulement pour les États-Unis, mais aussi pour l’Alliance Atlantique et le Japon« .

Israël est une base irremplaçable pour la protection d’une des régions stratégiques les plus importantes de la planète.

C’est pourquoi la sécurité d’Israël est d’un « intérêt vital » pour les États-Unis. C’est le principal allié des États-Unis au Moyen-Orient.

Le Général Ariel Sharon, le fomentateur des massacres des Palestiniens de Kibya en 1953, avec une unité spéciale qu’il commandait, et de Sabra et Chatila au Liban en 1982, voyait en Israël un porte-avion insubmersible, capable de mobiliser 600 000 hommes pour la défense des intérêts pétrolifères des États-Unis au Moyen-Orient.

Dan Tolkovsky, ancien commandant en chef de l’armée de l’air d’Israël déclarait en 1986 : « Finalement, pour le meilleur ou pour le pire, que la chose soit reconnue ou ignorée comme un fait de la vie géopolitique, Israël a été le rempart de la stratégie et des positions des États-Unis au Moyen-Orient depuis 1950.

Si Israël et Tzahal n’avaient pas existé, l’Union soviétique aurait probablement étendu sa sphère d’influence directe tout le long de la rive orientale du Canal de Suez depuis bien longtemps » (International Herald Tribune, 5.6.1986).

Pour Joseph Luns, ancien Secrétaire Général de l’OTAN dans les années 80, Israël est le mercenaire le moins coûteux que la planète ait jamais connu. (Haaretz, 16.1.1989).

Les Juifs ashkénazes d’Europe et d’Amérique et les Juifs du monde arabe et musulman forment-ils un même peuple?

Les Polonais slaves et les Italiens latins de religion catholique, soumis à la papauté de Rome, ayant le latin comme langue liturgique, ne se sont jamais considérés comme formant un même peuple.

Mais dès qu’il s’agit de la main-mise sur les ressources pétrolifères du Moyen-Orient, toutes les absurdités ethniques sont acceptées par l’opinion publique occidentale.

Dans son éditorial du 3 mai 1987, le Haaretz écrit : « Les politiciens du monde chrétien ont cru les dirigeants sionistes qui leur déclaraient que tous les Juifs de la diaspora formaient un seul peuple. Mais, pratiquement, nous devions fournir, à eux et à nous-mêmes, des arguments acceptables pour justifier cette déclaration« . Pour l’opinion publique occidentale, la population d’Israël comprend surtout des Juifs rescapés de l’holocauste hitlérien. C’est une erreur fondamentale. La majorité des Juifs qui peuplent actuellement Israël sont des indigènes du monde arabe et musulman du Moyen-Orient.

La majorité de la population d’Israël n’est pas différente de celle du monde qui l’entoure.

A part une minorité de Juifs ashkénazes d’origine européenne, créateurs de l’État, population décroissante et vieillissante, dont des centaines de milliers de ses jeunes vivent aux États-Unis et en Europe Occidentale, cette population fait partie de la population ambiante de la région. C’est l’ex-premier ministre Yitzhak Shamir qui l’affirme : « Contrairement aux perceptions communes, la plupart des immigrants israéliens n’étaient pas les restes survivants de l’holocauste, mais des Juifs de pays arabes, indigènes à la région… Environ 800 000 d’entre eux sont venus en Israël, et actuellement plus de la moitié de la population d’Israël est originaire du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord » (Yitzhak Shamir, « Israel at 40 : Looking back, looking ahead », Foreign Affairs, America and the World 1987/8, page 574).

En 1977, l’ancien Chef d’État-Major Mordecaï Goor déclarait que trois générations seraient nécessaires avant que ces Juifs puissent se mesurer aux Ashkénazes originaires d’Europe. À aucun moment de la courte histoire du Sionisme, les Juifs ashkénazes créateurs de ce mouvement, n’ont considéré les Juifs sépharades des Balkans, ceux originaires des pays arabes et autres pays musulmans du Moyen-Orient comme faisant partie de la « nation juive » telle qu’ils la concevaient. En septembre 1948, le Ministre de l’intérieur du nouvel État décide d’arrêter toute immigration de Juifs arabo-orientaux, déclarant : Il y a lieu de répéter que c’est pour résoudre le problème des Juifs d’Europe qu’Israël a été établi.

Le financement d’Israël – principale base stratégique occidentale dans le Moyen-Orient pétrolifère- et le financement de l’autorité palestinienne

Le financement annuel par l’Occident de leur base Israël, une mini-puissance nucléaire de 4.5 millions d’âmes, est supérieur à celui qu’il consacre aux quatre milliards des autres habitants des pays du Tiers Monde.

Quant au financement de l’Autorité palestinienne après la signature des accords d’Oslo de 1993, il est inférieur de beaucoup aux sommes que les Israéliens dépensent chaque été avec leurs cartes de crédit en Europe.

En 1994 Israël a reçu 3 des 13,5 milliards de dollars de l’aide américaine réservée au Tiers Monde, avec en plus un crédit de près d’un milliard de dollars pour pouvoir acheter des avions F-16 capables de transporter des engins nucléaires jusqu’en Iran et revenir en Israël.

Il a aussi reçu 2 des 10 milliards des crédits étalés sur cinq ans promis en 1992 par le Président Bush à Israël à la veille des élections américaines.

À ces 6 milliards de dollars d’aide américaine directe sont venus s’ajouter le plus d’un milliard de dollars des Bonds vendus annuellement par Israël à la Bourse de New York ; le milliard de dollars de la collecte de l’Appel Juif Unifié ; un autre milliard des organisations juives orthodoxes, surtout américaines, qui permettent l’accroissement des séminaires militaro-religieux et des implantations juives orthodoxes dirigées par des rabbins fanatiques haïsseurs des Palestiniens et responsables moraux de l’assassinat de Yitzhak Rabin ; un milliard et peut-être plus, de diverses collectes, telles que celles de l’Université Hébraïque, le Technion, l’Université religieuse de Bar Ilan, où étudiait l’assassin de Rabin, la WIZO, les collectes de la Histadrouth et bien d’autres institutions.

À ces 10 milliards de dollars annuels d’aide recensée viennent s’ajouter d’autres capitaux…

Plus de 4 milliards de dollars investis de 1990 à 1994 par la Mafia russe, d’autres milliards de dollars investis par des capitalistes occidentaux voulant se soustraire aux impôts de leurs pays respectifs, les milliards investis par les diverses mafias du Globe, tels les trafiquants de drogue.

À ces entrées de capitaux, il y a lieu d’ajouter les revenus des activités légales des Israéliens, telles que le commerce extérieur, le tourisme qui fournit environ 3 milliards de dollars annuels, les rémunérations des militaires et autres experts israéliens qui travaillent à l’étranger, ajoutant plusieurs milliards de dollars supplémentaires.

Les entrées annuelles en devises par habitant en Israël sont certainement, sans aucun doute, les plus élevés de la planète.

Quant aux Palestiniens, qui sont 3,5 millions sur le seul territoire de l’ex-Palestine mandataire et plus de 3 millions dans les pays limitrophes, ils se sont vus peu à peu dépossédés de presque toutes leurs terres arables et de leurs eaux.

Ces dernières années, les dirigeants sionistes ne leur fournissent même pas de travail manuel, qui était devenu leur principale source de revenus. Ils ont été remplacés par des ouvriers du Tiers Monde.

Ces ouvriers légaux ou illégaux compteraient, d’après le Ministre Avigdor Kahalani, 300 000 âmes (Radio J, 17.9.1996).

À ces travailleurs manuels, il y a lieu d’ajouter le plus d’un million de Palestiniens citoyens d’Israël qui ont le droit d’être exploités. Et ce pour la population juive de 4,5 millions. Les 1,1 millions de Palestiniens devenus citoyens d’Israël, se sont vus dépossédés de presque toutes leurs terres et obligés de se prolétariser pour survivre.

Quant aux autres 2,5 millions de Palestiniens des territoires occupés, quelques dizaines de milliers se voient accorder de temps à autre par les autorités militaires, un permis de travail. Plus de la moitié de cette population subit un chômage forcé, et la faim et autres privations sont leur lot journalier. L’aide internationale reçue en 1996 par les 7 millions de Palestiniens aurait été, d’après Nabil Shaat, de 140 millions sur les 1,35 milliards de dollars promis par les puissances occidentales. (Radio J, 26 août 1996).

Cette somme représente moins de la moitié de la somme de 350 millions de dollars que les touristes israéliens ont gaspillé durant l’été 1995, avec leurs cartes de crédit, en Europe.

Les dirigeants israéliens attendent que les Palestiniens sous occupation coloniale, sans terres, sans eaux, sans travail, n’aient bientôt d’autre choix, pour survivre, que de s’expatrier de leur patrie, d’eux-mêmes.