1971 : Les COOP et le mouvement coopératif agricole refusent le bio
1971 : Les COOP et le mouvement coopératif agricole refusent le bio
En juin 1971, juste après la Semaine de la Terre (a), je tente d’ouvrir le dialogue avec les dirigeants du mouvement coopératif (mes employeurs) pour stimuler la production et la distribution de produits biologiques.
Je travaillais à l’Institut des Études Coopératives (7, avenue Franco-Russe, Paris 7ème) depuis le début de l’année 1968. L’Institut était au carrefour des différentes formes de coopération. Il s’efforçait de maintenir en vie l’idéal coopératif grâce à la Revue des Études Coopératives, des colloques, des voyages d’études, une exposition itinérante, une bibliothèque… Quel meilleur endroit pour plaider en faveur des produits biologiques ?
Dessinateur publicitaire, j’avais été engagé pour m’occuper plus particulièrement de l’exposition. De Sociétés Coopératives Ouvrières de Production (SCOP)* en coopératives de consommation, en coopératives agricoles, etc., j’ai pu voyager dans le mouvement coopératif français durant une période critique de son histoire. Pour qui le découvrait, il paraissait bien vivant, mais… À l’exception – notable – des coopératives agricoles lancées dans l’industrialisme productiviste sous la houlette du Crédit Agricole (une coopérative !), je ne devinais pas l’effondrement en cours. Les vieux de la vieille tenaient encore bon (mais il n’y avait guère de sang neuf). À chaque occasion, je parlais de la crise écologique et des perspectives alarmantes, à moins d’un profond changement d’orientation. Cela tombait à plat. Les coopérateurs ronronnaient doucement. Tout semblait fonctionner au ralenti.
* telle l’historique Verrerie Ouvrière d’Albi, alors toujours coopérative :
https://www.valeurs-albigeois.com/voa-verrerie-ouvriere-dalbi
Saint-Gobain allait racheter la verrerie en 1998, puis la vendre, en 2015, à un fonds d’investissement américain, Apollo Global Management.
C’était vraiment la bonne époque pour changer d’orientation en profitant de l’élan du mouvement d’alerte et de propositions alternatives qui semblait pouvoir faire bouger les lignes (la nouvelle gauche des années soixante). C’était aussi l’occasion de s’appuyer sur un grand mouvement social né aussi dans la réaction au renforcement de l’exploitation. Mais d’autres forces veillaient, des forces dont nous ignorions tout…
J’adresse donc une lettre aux dirigeants coopératifs pour leur proposer de développer les produits bio…
Proposition faite aux délégués du mouvement coopératif ; principalement les Coopératives de Consommation (Roger Kérinec, président de la FNCC), le Laboratoire Coopératif d’Analyses et de Recherches (François Custot, Alain Gaussel, Jeannine Grinberg), les Coopératives Agricoles (Fédération Nationale de la Coopération Agricole) et le Comité National des Loisirs (Jean Boniface) :
Un impératif : la qualité
En France, la situation démographique et économique a atteint un développement très favorable à la maturation d’une prise de conscience des problèmes liés de près ou de loin à la qualité de la Vie. Il s’agit sans doute d’un phénomène né de l’opposition entre la conséquence normale de la course à l’abondance : la hausse quantitative du niveau de vie, et la conséquence négative amplifiée par l’augmentation de la densité de population : la nouvelle forme de paupérisation qu’est la détérioration de l’environnement. L’une permet l’accession du plus grand nombre à la connaissance et au confort, l’autre gâte la satisfaction des besoins suscités par l’amélioration primitive et compromet l’avenir. De cette prise de conscience d’un état paradoxal surgira un climat de mécontentement croissant. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les pays qui, comme les Etats Unis, nous précèdent dans la voie de l’expansion économique. Il semble qu’il apparaisse chez eux un autre facteur de sensibilisation : l’abondance des biens de consommation qui conduit à une réaction de saturation.
Cultivée avec ténacité par des hommes hier encore qualifiés de doux rêveurs et de « chasseurs de papillons« , cette prise de conscience naissante commence à être ressentie comme une force par les pouvoirs économiques et politiques. Il n’est que temps car chaque jour amène son lot de déprédations et augmente les « chances » d’échouer dans la lutte contre les processus de dégradation de la société humaine et de la biosphère.
Des lendemains incertains
Certes, certaines nuisances localisées étaient connues dès l’Antiquité, mais avec l’industrialisation dont les effets non maîtrisés sont multipliés par une prolifération démographique qui tend vers l’infini, le problème a changé de dimensions… En quelques décennies, des centaines d’espèces animales et végétales sont mortes, des lacs et des rivières sont morts, des sols sont morts, les océans se meurent, la formidable hémorragie dont est victime le sous-sol a déjà quasiment épuisé certaines matières premières, etc. Si rien de concret n’est entrepris dès aujourd’hui pour endiguer le flot humain et réformer les structures fondamentales de cette civilisation, nous allons vivre un très mauvais rêve, l’un de ceux qui persistent même à l’état de veille. Imaginez la Terre ruinée où croupiraient les derniers Homo… « sapiens ». Apocalypse selon Saint Jean réalisée par la toute puissante technologie de la civilisation industrielle !
Voici, penserez-vous, une vision trop pessimiste ; détrompez-vous, cette vision peut fort bien se concrétiser parce que la société humaine se développe comme une tumeur maligne au mépris de l’ordre biologique et que le concept antédiluvien de la Terre-source-inépuisable-de-richesses-et-d’espace est encore solidement enraciné.
L’homme des villes
Paradoxalement, nous qui sommes plus ou moins responsables (par notre résignation même) de cette situation, sommes aussi parmi les premières victimes des nuisances que nous engendrons…
Un courant de pensée prétend que l’Homme ne s’épanouit que dans la lutte contre la Nature. C’est absurde, comment cela pourrait-il être puisque l’Homme fait partie du monde animal ? Notre physiologie, notre psychologie ont été modelées pendant des centaines de milliers d’années par le milieu naturel pour le milieu naturel. Nous sommes, par toutes nos fibres, par tous nos instincts, des éléments de la Nature et ce n’est pas quelques décennies de société industrielle qui, malgré notre faculté d’adaptabilité, y changeront quelque chose. Pourtant, nous vivons dans un univers artificiel uniquement réalisé au hasard des découvertes techniques sans soucis du tempérament humain et de la qualité du milieu de vie. Oh bien sûr, bon gré mal gré, la plupart des hommes s’accommodent momentanément de la médiocrité mais force est de constater que cette incompatibilité entre notre constitution et les conditions d’existence extrêmes que nous nous imposons crée de multiples malaises tant à l’échelle de la société qu’au niveau de l’individu. Les sciences sociales nous apprennent qu’il y a similitude entre certains phénomènes biologiques et les mouvements d’une population… En 1968, on disait que la France s’ennuyait, elle ne tarda pas à s’octroyer une récréation. Aujourd’hui, la France (comme d’autres pays industriels) est « morose« , la joie de vivre s’évanouit comme à la veille des crises économiques et démographiques. Il n’y a rien de très étonnant à cela…
Conditionné dès l’enfance par l’environnement et l’éducation puis pris dans l’engrenage de la vie moderne, l’homme des grandes agglomérations tend à ressembler à un esclave mécanique. Métro, boulot, dodo, puis : métro, boulot, dodo, sans justification, sans joie, sans espoir… Sa vie ne lui appartient plus guère, elle appartient à la collectivité en expansion. Sa personnalité ? Il l’a perdue au détour d’un couloir du métro ou en ingurgitant un programme de télévision. Traumatisé et refoulé, le citadin type a toutes les chances de devenir une « coquille vide et stérile« . Pour quoi vit-il ? Il l’ignore sans doute, et pour cause : il n’y a rien à savoir.
Le prolongement des pires tendances de notre société semble être une civilisation où l’individu n’aurait pas plus d’indépendance qu’une cellule d’un organisme vivant, mais je ne crois pas à la réalisation de ce « meilleur des mondes » car les mécanismes instinctifs de défense, tout affaiblis qu’ils sont, ne le permettraient pas. Les faits confirment déjà l’analyse : combien d’hommes vivent dans l’attente des quelques jours de loisirs dont ils disposent dans une année, jours qu’ils mettront à profit pour fuir les agressions et les contraintes de la vie urbaine ? Les vacances n’existent que par contraste avec la vie laborieuse comme le blanc par rapport au noir. Citadins surtout cherchent (souvent maladroitement) le dépaysement dans le retour aux sources de la Vie. Ce n’est qu’à cette occasion qu’ils pourront, s’ils trouvent assez de calme pour méditer et communier avec les éléments naturels, recouvrer leurs esprits et le contrôle de leurs corps, redevenir enfin des hommes équilibrés. Les stimulations grossières de la civilisation de consommation oubliées, ils goûteront pleinement la moindre impression. Qui ne souhaite entendre quelques jours par an le chant d’un oiseau, le frémissement d’un feuillage, et vibrer à l’unisson des palpitations de la Vie sauvage ?
Le tourisme
Ainsi, l’engouement pour les choses de la Nature et les « vacances vertes » va croissant ; des gens qui, comme les publicistes, sont très au fait des grands courants qui animent le public ne s’y trompent pas. Il importe que d’autres aussi en aient conscience et parmi eux, en toute première place, ceux qui se prétendent « gardiens du monde rural« …
Notre homme des villes voudrait bien se détendre et assouvir son appétit de Nature, s’étonner comme Jean-Jacques Rousseau « qu’un heureux climat faire servir à la félicité de l’Homme les passions qui font ailleurs son tourment« , mais pour cela il lui faut découvrir une campagne dont les habitants ont veillé à conserver le patrimoine légué par leurs prédécesseurs. Une telle campagne est malheureusement de plus en plus rare car l’appât du profit à court terme (et à courte vue) est maintenant irrésistible. Il est bien loin le temps où l’on plantait des arbres pour que les descendants en bénéficient. La philosophie du « après moi le déluge » s’est substituée à la sagesse paysanne… Ici, on remembre et, avec pour seul conseiller scientifique un géomètre, on détruit les haies et les boqueteaux à tort et à travers. Là, la lèpre des résidences secondaires grignote un paysage grâce à la complaisance d’un conseil municipal particulièrement éclairé. Partout, sous prétexte de rendements accrus et faute d’une information objective, on use et on abuse d’engrais et de pesticides chimiques qui empoisonnent les eaux et portent préjudice à la faune et à la flore…
Il est des agriculteurs qui hébergent les citadins en rupture de société. Ceux-là se préoccupent de la qualité des structures d’accueil, ils veillent au confort matériel et parfois aux équipements de loisirs, mais qui a pensé qu’il serait judicieux de pratiquer enfin une véritable politique de sauvegarde de la Nature pour répondre aux aspirations des touristes ? J’en connais peu d’exemples. Je sais surtout que dans plusieurs régions les habitants s’opposent à la création de parcs naturels et de réserves. Certes la solution n’est pas dans la mise en conserve de quelques parcelles du territoire mais cette réaction prouve, s’il en était besoin, que la majorité des paysans français méconnaît les problèmes de la dégradation de l’environnement et n’a plus la connaissance infuse de l’économie de la Nature. Voilà qui est fâcheux pour qui gère la terre et vit de ses fruits !
L’agriculture
Depuis une trentaine d’années on utilise des produits chimiques pour combattre les explosions de population de quelques espèces provoquées par les destructions du couvert végétal naturel et la création de grands espaces exploités en monoculture. La biosphère n’est pas une éprouvette… Employés sans mesure, les pesticides rompent l’harmonie des équilibres biologiques, ce qui a généralement pour effet de favoriser la réapparition massive des parasites grâce à l’élimination des facteurs naturels de régulation des populations. Le premier réflexe de l’agriculteur est alors de multiplier les traitements, et ainsi de suite. Ce cercle vicieux est soigneusement entretenu par l’industrie chimique et les pouvoirs économiques qui s’y rattachent… Il existe des moyens de lutte antiparasitaire qui trouvent leur origine dans la connaissance approfondie de la Nature mais la compétition entre ces derniers et les pesticides chimiques est inégale. Ainsi, d’après une brochure éditée en 1965 par la Délégation à la Recherche scientifique, les crédits affectés à l’étude des insecticides et autres produits sont mille fois plus importants que ceux alloués à la recherche de méthodes biologiques de lutte contre les espèces animales et végétales indésirables en forts peuplements !
« Pour commander à la Nature, il faut lui obéir » disait Bacon. Il est plus que temps d’appliquer ce principe de sagesse. Le mirage d’une agriculture artificielle triomphant de toutes les difficultés s’estompe devant les révélations des études scientifiques. Par exemple, d’après certains experts, il y a en France quelque 5 millions d’hectares de terres de culture directement menacées par une érosion accélérée. Assurément, la voie de l’avenir n’est pas dans l’organisation industrielle de la dégradation des sols. Voilà qui devrait faire réfléchir les paysans et leur prouver que leur salut réside dans la promotion d’une agriculture adaptée au milieu naturel.
Une telle agriculture ne signifie pas un retour à l’âge préhistorique mais un progrès (à condition que l’on entende par ce terme : mieux être pour tous). Elle n’implique certainement pas l’abandon de toutes les techniques actuelles et le bouleversement des habitudes des agriculteurs… Il existe déjà des pionniers en ce domaine. Déçus par l’exploitation intensive des sols, des paysans se sont, si j’ose dire, reconvertis et pratiquent les méthodes « biologiques » de culture. C’est un comportement courageux qui nécessite beaucoup de persévérance car il leur a fallu surmonter des difficultés d’ordre technique et pas mal d’oppositions. C’est, m’empresserais-je de dire, une position extrême qui ne peut être adoptée par tous actuellement parce qu’elle comporte des inconvénients, en particulier sur le plan du rendement. Alors, il reste à trouver, grâce à la collaboration des uns et des autres, une solution intermédiaire qui conciliera les préoccupations écologiques et de rentabilité. D’ores et déjà on peut prévoir que cette solution impliquera principalement le remplacement progressif des produits chimiques antiparasitaires par les méthodes de lutte intégrée et la modération dans l’usage des engrais qui, s’il n’est pas prouvé de manière irréfutable qu’ils sont responsables de la baisse de la qualité alimentaire des végétaux, polluent les eaux de surface et de profondeur quand ils sont employés abusivement.
Le rôle de la coopération
Dans une mutation d’une telle importance, l’individu isolé, quelle que soit sa bonne volonté, ne peut rien, mais les groupements professionnels ont de très larges possibilités d’action à la fois sur leurs adhérents et sur les pouvoirs. Cette mutation n’est pas désintéressée, il ne s’agit pas d’une sorte de rêve philanthropique mais d’un ensemble de réformes qui trouverait sa justification économique – à court terme – dans plusieurs débouchés.
Nous avons examiné les motivations de l’Homme industriel en vacances et il apparaît qu’il existe en France maintes régions économiquement « sous-développées », mais favorisées par la Nature, susceptibles de satisfaire les plus exigeants des touristes. Pour le développement touristique de ces régions, la collaboration du mouvement coopératif agricole et du mouvement coopératif de consommation serait sans doute des plus fructueuse pour l’un et l’autre.
Dans un premier temps, le mouvement coopératif agricole, grâce à l’importance de son implantation, jouerait un rôle déterminant dans la préservation des sols et la préparation de l’environnement touristique. Il éduquerait les paysans, c’est-à-dire qu’il les ferait bénéficier d’une information scientifique objective en recourant aux conseils de spécialistes des sciences de la Nature, et les inciterait à protéger les campagnes et à régénérer la faune et la flore. Les travaux agricoles ne permettraient certainement pas aux agriculteurs d’assumer toutes les tâches nouvelles, cette politique d’entretien et de mise en valeur nécessiterait donc la création d’emplois. Des emplois de plein air (de terrain) essentiellement qui conviendraient tout particulièrement à ceux qui, rejetés par la « modernisation » de l’agriculture européenne, n’ont nulle envie de croupir 8 heures par jour sur une chaîne de montage !
Dans un deuxième temps, c’est le mouvement coopératif de consommation qui, se fondant sur son expérience en matière de vacances, créerait les équipements touristiques et se chargerait de la gestion.
Voilà, grâce au tourisme, une formule qui permettrait de rémunérer les agriculteurs pour leur fonction de « gardiens de la Nature ». C’est peut-être dans l’accomplissement effectif de cette tâche d’intérêt général que les paysans trouveront une solution à quelques-uns de leurs problèmes.
La consommation
La protection des sols et le développement touristique ne sont pas les seuls intérêts capables d’inciter les exploitants à modifier dès maintenant leurs méthodes de culture et à veiller à la conservation du milieu naturel. Il y a aussi le souci de prévenir les exigences des consommateurs.
En effet, en France même, malgré la timidité des moyens de vulgarisation, l’information a commencé à pénétrer le public. Grâce aux efforts de personnes isolées et d’organismes comme le Laboratoire coopératif, les consommateurs ont des notions d’hygiène alimentaire. Les plus avertis savent que dans telle ou telle denrée on trouve des résidus de pesticides, ou d’hormones, ou d’antibiotiques, ou d’autres « cochonneries » du même genre, alors au prix de quelques sacrifices ils achètent plus cher des produits garantis naturels, au détriment des autres. Les produits sains connaissent une vogue grandissante, à tel point que des chaînes de magasins d’alimentation se sont spécialisées dans leur distribution et écoulent ainsi la production des « agriculteurs biologistes ».
Là aussi, l’évolution est irréversible. Les agriculteurs ne doivent pas se retrancher derrière une législation défaillante et feindre d’ignorer que les consommateurs seront de plus en plus exigeants et soumettront les producteurs rétrogrades (les Français comme les étrangers) à leur volonté. En ce domaine encore l’exemple des Etats Unis est intéressant, il vient en quelque sorte confirmer mon propos : dans ce pays le secteur commercial le plus florissant est celui des produits naturels.
Inter-coopération
La Coopération de consommation est par essence un mouvement de défense des consommateurs. Alors, pourquoi ces derniers considèrent-ils le mouvement coopératif de consommation comme un organisme de distribution comme les autres ? Parce que les conditions qui ont motivé la création de la première coopérative n’existent plus et qu’il s’est créé d’autres chaînes de magasins à succursales qui offrent au moins les mêmes services aux consommateurs. Cela n’explique pas tout ; pourquoi ces mêmes consommateurs éprouvent-ils le besoin de se grouper en associations de défense tandis qu’un phénomène de désaffection atteint les coopératives ? Parce que l’intérêt premier de la Coopération de consommation disparu, il aurait fallu axer la politique commerciale du mouvement sur autre chose. Le plus étonnant est que cet « autre chose », qui est la raison du combat actuel des consommateurs, a été découvert par la COOP voici une quinzaine d’années. Les dirigeants des coopératives de consommation ont alors créé le Laboratoire d’Analyses et de Recherches pour contrôler la qualité mais, depuis, cette activité n’a pas été développée bien qu’elle aurait dû devenir prépondérante ! Grâce à l’excellent outil scientifique dont il est doté, il est encore temps pour le mouvement coopératif de distancer ses concurrents, de réveiller l’intérêt des coopérateurs et d’attirer l’attention des autres consommateurs s’il redevient un organisme de défense animé par la préoccupation de qualité. Pour les raisons exposées dès l’introduction, il ne faudrait pas tarder car déjà d’autres sociétés commerciales se préparent à satisfaire une clientèle plus difficile.
La coopération des deux principaux mouvements coopératifs s’impose car comment envisager une distribution de qualité sans une production ad hoc ? Ne serait-il pas logique que les coopératives agricoles produisent des denrées répondant aux exigences des consommateurs selon les directives de l’organe coopératif de distribution ?
Qu’il s’agisse de la conservation des sols et de la consommation, de la protection de l’espace rural et du tourisme, il existe dans la voie de la qualité des chances exceptionnelles pour l’inter-coopération.
En adoptant dès aujourd’hui une politique de qualité qui demain leur serait imposée, les coopérateurs auraient tout loisir de s’adapter. Ce serait en outre une excellente publicité pour la Coopération et ses produits. C’est une occasion qu’il faut savoir saisir avant que d’autres s’en emparent (c’est-à-dire très vite !) car demain les problèmes de la qualité de la vie seront inéluctablement au premier plan de la scène politique… et économique.
ACG
1er trimestre 1971
Beaucoup de préoccupations désormais actuelles y figuraient déjà…
Des constats et des dénonciations :
– « l’engouement pour les choses de la Nature et les « vacances vertes » »
– « la nouvelle forme de paupérisation qu’est la détérioration de l’environnement (…) compromet l’avenir »
– « chaque jour amène son lot de déprédations et augmente les « chances » d’échouer dans la lutte contre les processus de dégradation de la société humaine et de la biosphère »
– « Si rien de concret n’est entrepris dès aujourd’hui pour endiguer le flot
humain et réformer les structures fondamentales de cette civilisation, nous allons vivre un très mauvais rêve, l’un de ceux qui persistent même à l’état de veille »
– « toutes les destructions de la campagne, de l’empoisonnement des eaux et des sols, de l’érosion… comme politique à laquelle tous les moyens sont consacrés, y compris l’argent public »
des propositions :
– l’aide au développement des produits naturels
– le choix d’une « campagne dont les habitants ont veillé à conserver le patrimoine légué par leurs prédécesseurs »
– l’invitation à participer à un effort de restauration articulé avec un nouveau développement touristique et pédagogique.
À l’époque, les campagnes chantaient encore et les villes étaient peuplées de moineaux.
À Saint-Gengoux-le-National, une cité médiévale de Bourgogne-Sud, le ruisseau qui avait attiré et inspiré les hommes depuis des temps immémoriaux venait d’être enterré sur 200m, mais il coulait encore dans le Faubourg des Tanneries et dans les prés au sud de la cité, il y avait plus de cinquante commerces, dont des hôtels restaurants et une salle de spectacle et de danse, et la défense du patrimoine mobilisait du monde :
50 ans de destructions (en cours de restauration)
https://planetaryecology.com/50-ans-de-destructions/
Comme à Saint-Gengoux, plus au sud : dans la vallée de la Drôme, le saccage de l’eau et des campagnes faisait grandir l’indignation, les idées et de nouvelles volontés. La Drôme allait devenir un exemple : https://www.leprogres.fr/lifestyle/2019/03/08/elle-est-bio-ma-vallee
Tout pouvait encore être sauvé.
Rêvons un peu…
Si le passage au bio, même partiel, même expérimental, n’avait pas été bloqué par les lobbies capitalistes, les coopératives auraient pu se sauver en sauvant beaucoup, beaucoup de vies :
Où sont passés les oiseaux des champs ?
https://lejournal.cnrs.fr/articles/ou-sont-passes-les-oiseaux-des-champs
Manifeste pour une agriculture durable
https://www.actes-sud.fr/catalogue/agriculture/manifeste-pour-une-agriculture-durable
Héritiers de Suzanne et Victor Michon (École d’agrobiologie de Beaujeu, 1983 à 1998), Lydia et Claude Bourguignon allaient poursuivre l’alerte sur la dégradation des sols et développer des méthodes de restauration
Pour Claude et Lydia Bourguignon, les sols sont la clé de notre santé
Dégradation des sols
https://agriculture-de-conservation.com/Degradation-des-sols.html
Célestin Freinet en avait lancé l’idée, les Gîtes de France avaient été créés une quinzaine d’années auparavant, mais pour un réel développement du tourisme rural éducatif et participatif, il faudra attendre encore plus de 20 ans
Le tourisme rural sous toutes ses formes
En 1971, c’était, en effet, le bon tempo.
Louis de Funès à propos de son potager biologique
https://www.ina.fr/video/I04204268/louis-de-funes-a-propos-de-son-potager-biologique-video.html
Le chlordécone, un insecticide qui tue aussi bien les charançons que les serpents, les oiseaux, etc., n’était pas encore répandu sur les cultures antillaises :
Le chlordécone est un pesticide qui a été utilisé dans les bananeraies de la Martinique et de la Guadeloupe de 1972 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier, un insecte ravageur pour ces cultures.
C’est une substance toxique pour l’Homme. Des études toxicologiques sur modèle animal et des études épidémiologiques ont pu montrer des effets néfastes sur le système nerveux, la reproduction, le système hormonal et le fonctionnement de certains organes (foie, rein, cœur, etc.). L’expertise Inserm pesticides et santé publiée en 2021 a conclu à la présomption forte d’un lien entre l’exposition au chlordécone de la population générale et le risque de survenue de cancer de la prostate.
Utilisé durant vingt ans, le chlordécone a entraîné une pollution des sols, de l’eau des rivières et du milieu marin proche des secteurs où il a été utilisé. Il peut ainsi être retrouvé dans certaines denrées végétales ou animales, ainsi que dans les eaux des sources ne faisant pas l’objet d’un traitement par charbon actif. De nombreux aliments locaux, principalement les légumes racines, les poissons et crustacés, les œufs issus de poulaillers de particuliers peuvent être contaminés, surtout dans certaines zones réputées contaminées du fait de la présence ancienne de bananeraies.
Chlordécone : l’empoisonnement des Antilles françaises
Presque la totalité des Guadeloupéens et Martiniquais sont contaminés par ce perturbateur endocrinien à très forte toxicité.
https://www.nationalgeographic.fr/environnement/chlordecone-lempoisonnement-des-antilles-francaises
Antilles : le scandale sanitaire du chlordécone classé sans suite
Le chlordécone, un scandale d’Etat
https://la1ere.francetvinfo.fr/chlordecone-scandale-etat-grand-dossier-836440.html
Les sols et les eaux n’étaient pas encore gorgés de biocides. Les campagnes étaient encore vivantes, avec une diversité biologique sans commune mesure avec la pauvreté d’aujourd’hui. Il était donc facile de développer les techniques biologiques misant sur la biodiversité. Et il y avait encore des paysans, des gens pénétrés de la culture d’avant le formatage par les industries et les crédits bancaires.
Qui plus est, l’alerte sanitaire et écologiste était donnée, et des compétences étaient mobilisées…
Rachel Carson avait publié Silent Spring en 1962 (Printemps Silencieux) avant de mourir d’un cancer à 56 ans.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rachel_Carson
En 1964, l’émission Le pain et le vin de l’an 2000 traitait de la pollution alimentaire :
https://www.dahu.bio/base-de-connaissance/films/le-pain-et-le-vin-de-l-an-2000
Dès les années 70, des chercheurs plébiscitaient l’alimentation bio
Lorsque l’on fouille dans les archives audiovisuelles, le constat est sans appel : depuis des décennies des chercheurs alertent l’opinion publique sur bien des risques aujourd’hui avérés : que ce soit sur le réchauffement climatique, la pollution, ou les dangers de l’agriculture intensive…
Ce document de 1970 nous propose, une fois de plus, de découvrir les arguments de trois lanceurs d’alertes méconnus et oubliés depuis. Attablons-nous avec eux et écoutons leur message, qui près de cinquante ans après qu’il ait été diffusé à la télévision, est toujours aussi actuel, sinon plus…
En 1970, on faisait déjà ce constat alarmant. Voilà ce que le résumé de l’émission énonçait : « Trop d’engrais chimiques, d’hormones, d’herbicides et de pesticides menacent notre équilibre physiologique par l’absorption d’aliments qui en sont imprégnés. L’on assiste à un retour en force de l’élevage et de la culture biologiques, à une agriculture plus saine pour l’organisme. A l’unanimité, les bien-portants disparaissent, il faut retourner à des méthodes d’élevage et de culture plus rationnelles, plus saines. »
Dans un café, en octobre 1970, à Lunéville, au micro de François Davy, trois scientifiques font part au spectateur de leurs observations quotidiennes : Le docteur Mathieu (médecine générale), le professeur Pécault et le docteur vétérinaire Quiquandon.
« Nous affirmons que ce qui est nocif au départ l’est fatalement pour l’homme, le consommateur. »
L’émission est complétée par des études récentes
Avec le recul de plus de quatre décennies :
La familiarité de la coopération avec « l’économie de la nature » (Carl von Linné) était une évidence. Enfin ; elle l’était surtout pour les écologistes. Les coopérateurs des années soixante ne semblaient pas le voir aussi clairement. Sans doute avaient-ils déjà oublié Charles Gide (b), Pierre Kropotkine (L’Entr’aide) et quelques autres… Quoique, quelques années après mon initiative, Henri Desroche écrira que la coopérative agricole, « de par sa nature même, forge des liens économiques, certes, mais qui demeurent entrelacés à des liens écologiques, parentaux, tribaux parfois, culturaux, culturels et même cultuels, toujours écologiques« , Le Projet coopératif, Seuil, 1976. Dommage, 1976, c’était déjà trop tard. Je n’avais même pas pensé à adresser ma proposition à ce voisin de l’Institut des Études Coopératives (juste à l’étage au-dessus) parce qu’il s’était toujours montré particulièrement distant et antipathique (c’est bien la France !). Aurait-il mieux répondu que ceux qui me paraissaient proches ?
J’étais encouragé par les travaux du Laboratoire Coopératif d’Analyses et de Recherches (à Gennevilliers, juste à côté de la fabrique des pâtes COOP) qui, avec François Custot, Alain Gaussel et Jeannine Grinberg, avaient porté la qualité des produits et la défense des consommateurs au premier plan des préoccupations (c).
Le Laboratoire Coopératif se préoccupait beaucoup des résidus de biocides dans les aliments. J’étais donc fondé à espérer un soutien.
L’exemple de Jean Boniface, rédacteur en chef adjoint du Coopérateur de France (coopératives de consommation), m’encourageait aussi. Il avait publié Les misères de l’abondance (Editions Ouvrières 1968).
Après avoir baigné dans la culture coopérative entretenue par l’Institut, je me croyais autorisé à franchir le pas. Oh, très modestement, en suggérant. Quel autre contexte était plus propice à une nouvelle proposition coopérative positive pour les consommateurs et les producteurs, pour l’intérêt général et l’avenir aussi ? D’ailleurs, j’avais été sollicité pour écrire une petite présentation de Jeunes et Nature dans Le Coopérateur de France en mai 70. Egalement un billet sur la sensibilisation des enfants à la nature, dans L’Educateur (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne Freinet).
Malheureusement, si l’esprit critique et le pouvoir de proposition étaient à peu près tolérés chez quelques « élites« , ils ne l’étaient pas quand ils se manifestaient du côté du « petit personnel« . D’ailleurs, quelques dizaines d’années plus tard, ils ne le sont pas encore.
Personne ne décida d’exploiter cette énergie. Pas même Jean Boniface qui ne donna pas suite. L’immobilisme des acteurs du Laboratoire Coopératif fut une grosse déception. Pourtant, 2 ans plus tard, Alain Gaussel publiera « Un panier de mensonges » et, avec Jeannine Grinberg, « Je veux savoir ce que je mange : notions simples pour une alimentation raisonnable, 110 réponses du Laboratoire coopératif d’analyses et de recherches…« , et avec une préface de Roger Kérinec qui, lui aussi, ne m’avait même pas répondu. Bizarre. Or, comme le révèle un reportage de 1973 où intervient François Custot, nous avions les mêmes préoccupations :
Pesticides dans les fruits et légumes… en 1973, on savait déjà!
Qui plus est, un sujet du JT de 13H du 21 novembre 1972, toujours avec François Custot (Magazine de la vie moderne : les ordures, https://www.ina.fr/video/CAF94072652), montre que nous avions aussi les mêmes préoccupations à propos du développement des emballages jetables * !
* Un an auparavant, j’avais tenté de lancer cette alerte, mais en avais été empêché [note (p)].
Pourtant, même le plaidoyer pour le Laboratoire Coopératif et la proposition de le développer pour soutenir une nouvelle politique de qualité, de la production à la distribution, en intégrant toutes les complémentarités comme le fera plus tard le mouvement Slow Food (d), ne stimulèrent même pas les membres de ce remarquable outil !
Alain Gaussel du Laboratoire Coopératif écrivit bien une réponse. Hélas largement à côté du sujet !
Par exemple : « (…) L’engouement actuel pour le « naturel » est au moins autant du ressort du psychologue que de l’hygiéniste. Par ailleurs, chercher la solution dans une alimentation différente est peut-être une fausse solution (la salade biologique ne remplacera pas l’arbre que je n’ai pas devant ma fenêtre).
Le marché croissant des produits naturels est une réalité. C’est souvent une forme d’exploitation du consommateur. L’état actuel des données scientifiques sur les aliments et les techniques de contrôle ne permet ni d’affirmer une supériorité réelle de la plupart de ses aliments, ni même de garantir vraiment leur caractère « naturel ».
A notre avis la priorité doit être accordée à une action sur les points où il serait possible, non pas de vendre quelques aliments spéciaux à certains, mais d’améliorer, fût-ce modérément, les garanties données à l’ensemble des consommateurs. (…)
Des « aliments spéciaux à certains« … Il ne s’agissait pas du tout de cela ! Mais, au contraire, d’élargir la production du meilleur pour tous et de stopper des ravages écologiques déjà très inquiétants. En contradiction avec la dénonciation de la pollution par les « pesticides« * portée par le Laboratoire Coopératif et son souci constant d’aliments sains, Alain Gaussel se lance dans une diatribe contre les « produits naturels« . Comprenne qui pourra…
* avec « des dépassements, quelquefois, considérables« , « les consommateurs absorbent de plus en plus de résidus » (François Custot)
L’empoisonnement des eaux, des sols et atmosphérique, la pollution des aliments, la destruction à grande vitesse de la diversité biologique, les pertes de variétés végétales et animales, la désertification générale des campagnes, etc., contournés, minimisés, voire oubliés. Les relations entre production, consommation et campagnes vivantes ? Ignorées : « chercher la solution dans une alimentation différente est peut-être une fausse solution« . Il manque justement la vision d’ensemble de l’écologiste, avec sa perception de la dynamique des interrelations. Tout est ramené au détail et déformé.
Viennent ensuite des conseils, comme ceux qu’un directeur de thèse peut donner à un étudiant – sans rien savoir de mes autres activités et, surtout, en ignorant l’intérêt d’un autre regard, d’une dynamique différente. Tout est péremptoire, définitif. Pas la moindre ouverture sur la possibilité d’un dialogue. Mais le meilleur est dans la reconnaissance de la dérive des coopératives loin de l’idéal coopératif :
« Dans le contexte économique actuel, compte tenu à la fois de ce que sont actuellement les coopératives agricoles et les coopératives de consommation, du type de rapport qu’elles ont, de l’ensemble de la concurrence commerciale, je crains que vos espoirs d’inter-coopération, formulés comme vous le faites, ne soient par trop idéalistes.«
La coopération dans la coopération – l’inter-coopération – ne séduit pas. Et, symptôme supplémentaire du degré d’affaissement du mouvement coopératif, idéaliste était déjà devenu péjoratif dans un milieu qui se présentait encore comme une alternative au capitalisme en se gargarisant de « l’idéal coopératif » ! La reconnaissance du délabrement de l’idée et de la pratique est dans l’évocation filigranique « de ce que sont actuellement les coopératives agricoles et les coopératives de consommation, du type de rapport qu’elles ont« , du fait « de l’ensemble de la concurrence commerciale » dans le « contexte économique actuel« .
Et le contexte écologique et sanitaire ?
Entre la culture coopérative représentée par l’Institut des Études Coopératives, tel que je l’ai connu, et ces « coopérateurs« , il y avait un abîme !
Le meilleur est arrivé au milieu de l’été. C’est un certain Claude Quin qui m’écrivait. Il était Rédacteur en Chef de la Revue mensuelle des Coopératives de Coopération (Coopération).
Encore un donneur de leçons qui ose faire référence aux « ouvrages scientifiques » qu’il n’a probablement pas lus, ou pas compris (à la différence des écologistes). Les articles sur les « nuisances« , qu’il vantait, n’avaient rien de pointu (ils étaient passés inaperçus), et, surtout, n’ouvraient sur rien de concret. Pas d’in
ter-coopération ni de développement du bio, pas de remise en cause des dévastations du remembrement, et encore moins de restauration des campagnes et de revitalisation de leurs sociétés. Pas même un début de compréhension de la complémentarité des alertes et des démarches ! Juste un contre-feu, un simulacre pour désamorcer. Peu avare en contradictions, il dénigre les cris d’indignation (en 71 !) tandis que lui reste stérile, arc-bouté sur le frein. Pourquoi donc avait-il écrit pour si peu, et si tard ? La réponse est dans le style : c’est la bouillie habituellement servie pour fragiliser et décourager ceux qui dérangent. Comme tous les lanceurs d’alerte, les écologistes commençaient à connaître cette technique.
Mais d’où parlait ce Claude Quin ? Beaucoup plus tard, j’apprendrai qu’il avait été rapporteur du sous-groupe « besoins et comportements du consommateur » du quatrième « Plan de développement économique et social » (1962-1965)*, puis de la sous-commission « consommation » du cinquième Plan (1966-1970). Il s’agit des Plans qui s’inscrivaient dans la suite du Comité Rueff-Armand pour « la suppression des obstacles à l’expansion économique ».
* les objectifs avoués de ce Plan :
- accroître le produit intérieur brut de 24 %, ce qui correspond à un taux de croissance de 5,5 % ;
- consolider la balance des paiements ;
- accroître les investissements ;
- poursuivre l’expansion économique dans les régions pauvres afin de rendre meilleure la qualité de vie des Français.
Le quatrième Plan tendait à développer un « objectif de croissance de la demande«
Avec le Plan Pinay-Rueff de septembre 58 et le Rapport sur les obstacles à l’expansion économique (Armand, Sauvy, Rueff…) de juillet 1960 avait été lancée une déstructuration systématique. La dérégulation à tous les niveaux d’organisation, la financiarisation, le démembrement de la paysannerie, du commerce, de l’artisanat… le saccage des villes et des campagnes… figuraient dans les recommandations de ces commissions particulièrement discrètes.
Je n’avais pas écrit à Claude Quin. Ses réseaux fonctionnaient donc très bien. Mais comment s’était-il glissé dans les instances dirigeantes de la Coopération ? Toujours beaucoup plus tard, j’apprendrai que ce personnage avait été formé à l’économisme de la sacro-sainte croissance marchande, et qu’il était entré dans l’équipe du Laboratoire Coopératif dès 1962, aux côtés d’Alain Gaussel… C’était donc cela !
On imagine les « besoins et comportements du consommateur » interprétés par des personnages comme ce Claude Quin ! Pas le moindre souci du contexte culturel, social, écologique. Claude Quin était un partisan de la « modernisation des circuits commerciaux » (sic) en élaguant à tour de bras les commerces construits par l’évolution sociale (les coopératives y sont passées aussi). Autant dire un pur technocrate du système de « la croissance marchande » en train d’installer « la grande distribution » – entre autres armes de déstructuration massive des économies locales, des sociétés et des écosystèmes.
C’est probablement à ce genre d’individu que l’on devait la dérive de la Coopération de Consommation qui allait opter pour les grandes surfaces (baptisées « magasins d’attraction« ) au détriment des boutiques de proximité.
Le cas de Claude Quin est d’autant plus original qu’il avait été militant communiste* et que l’année suivante, en parfaite incohérence avec ce qu’il m’avait écrit, il allait déplorer « la dégradation rapide de l’environnement naturel, la pollution, les nuisances » (revue Économie et Politique, 1972). Un « cri d’indignation« , comme celui qu’il dénigrait et censurait un an auparavant ! Mais juste un éclair de lucidité sans analyse des causes et, moins encore, de sa responsabilité dans ce désastre. Le courant des récompenses pour services rendus et l’exaltation de la carrière technocratique l’emporteront jusqu’à la présidence de la RATP et un siège au Conseil de Paris. L’effondrement du vivant doit beaucoup à ce genre d’individu.
* mais, il est vrai, de l’Union des étudiants communistes (au Bureau National), l’un des foyers d’où sont sortis des anti-écologistes primaires en rangs serrés.
Quel ratage ! Un ratage historique. Hors Claude Quin, ces gens affichaient des préoccupations parfaitement complémentaires de celles des écologistes, et ils ne proposèrent même pas d’échanger pour voir s’il était possible de construire ensemble.
Certes, les technocrates infiltrés veillaient à éliminer tous les esprits critiques et inventifs, et à empêcher les coopérateurs de communiquer avec eux (une stratégie appliquée aussi aux écologistes). Mais est-ce là toute l’explication ?
Alors que Bernard Lavergne (e), qui avait fondé la Revue des Études Coopératives en compagnie de Charles Gide, était encore en vie, Georges Lasserre aussi, l‘esprit coopératif tant vanté s’en était allé, de plus en plus affaibli par les rapprochements contre-nature avec l’autre économie et l’administration d’Etat. Les anciens coopérateurs n’avaient plus la pugnacité des pionniers. En contradiction avec leur intention de rester inaccessibles aux pressions*, ils avaient abandonné l’indépendance et la foi en gagnant subventions et sièges dans les institutions du système qui participaient à la déstructuration de l’agriculture et du commerce pour imposer le capitalisme. Apparemment, par peur de perdre la manne encore accordée par ceux qui préparaient leur exécution, ils ne voulaient pas s’embarrasser des hurluberlus trop remuants qui, pour retrouver la dynamique du bien commun, menaçaient de renverser la table du banquet. Bref, comme d’autres l’analysent avec plus de certitude, ils devaient être devenus moins coopérateurs que réformistes oublieux de la transformation, progressive (…) radicale aussi de l’ordre social, et déjà coincés par un besoin de reconnaissance inversé **. Mystères des écheveaux hiérarchiques et des blocages français qui entravent toutes les alertes et stérilisent les meilleures volontés ! Des faux-semblants aussi.
* Le Laboratoire coopératif d’analyses et de recherches, Coopération n°5, mai 1955
** Information et désinformation des consommateurs – La constitution d’un répertoire d’action consumériste dans les années 1960, Thomas Depecker et Marc-Olivier Déplaude, Terrains et Travaux 2017.
Même après leur propre élimination, ils ne reprirent pas contact.
Vu la destination du texte, j’avais édulcoré et arrondi le propos, mais c’était encore trop dérangeant pour certains. Ces brillants coopérateurs firent une démonstration de la valeur de leur attachement à « l’esprit » et à la dynamique de la Coopération. Je fus viré à l’instant. Georges Boully, encore directeur de l’IDEC ne me défendit pas. Au contraire. Il est vrai qu’il avait également signé le licenciement de Charles Boos, le Secrétaire de l’Institut, un authentique coopérateur celui-ci (f). Les vieux militants enchâssés dans des hiérarchies fort peu coopératives avaient perdu l’intelligence sensible et la faculté d’ouverture. Le courage aussi. L’offensive néo-capitaliste avait glissé ses pseudopodes jusque dans les organes stratégiques du mouvement pour pousser l’industrialisation/financiarisation de l’agriculture et le développement forcé de « la grande distribution« . Les lanceurs d’alerte avaient crié dans le vide :
« (…) Quand il ne restera plus rien du monde classique, quand tous les paysans et les artisans seront morts, quand l’industrie aura fait tourner sans répit le cycle de la production et de la consommation, alors notre histoire sera finie.« , Pier Paolo Pasolini, La Rabbia, 1963.
Bousculées, la Coopération Agricole et la Coopération de Consommation avaient perdu leur marques. Elles étaient déjà vidées de leur substance. Les « principes coopératifs » n’étaient plus agités que pour la forme. Complètement oubliée « la substitution au régime compétitif et capitaliste actuel d’un régime où la production sera organisée en vue de la collectivité des consommateurs et non en vue du profit » (statuts de la Fédération Nationale des Coopératives de Consommation – FNCC, article 2, emprunté aux Pionniers de Rochdale).
Sur fond de Plan Marshall et sous l’emprise des lobbies et des banques, la plupart des coopératives agricoles avaient rompu avec le projet de transformation sociale par le développement de la démocratie et de la solidarité. En 1964, Roger Montagne (Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Montpellier) mettait en garde contre la « déviation technocratique » et la « déviation mercantile » (Les problèmes que pose l’expansion du mouvement coopératif, revue Économie rurale n°62). La parfaite identification des « déviations » trahissait l’avancée de la régression. C’était en effet déjà trop tard. Même un des « exemples célèbres » présentés, d’une « conciliation possible entre les exigences de l’humanisme* et de la participation, et la crainte de la technique et de la technocratie« , montre l’éloignement d‘avec l’idéal coopératif et la préservation de l’intérêt général.
* un concept très insuffisant pour traduire la totalité des aspects du problème
Le projet fondé sur l’interaction des coopératives de consommation, des coopératives de production et des coopératives agricoles, pour développer une République coopérative avait été enterré depuis longtemps par les dirigeants (des « dirigeants » ?).
De dérive en dérive, au détriment des coopérateurs eux-mêmes, les coopératives agricoles n’étaient déjà plus structurées que par la croissance marchande et la recherche du profit dans un système de plus en plus totalitaire qui dévorait les hommes, les animaux et les paysages. Elles s’étaient conformées aux injonctions des plans néo-capitalistes lancés avec l’avènement de la Cinquième République pour construire une industrie agricole d’exportation en excluant les paysans « non-compétitifs » : « Ainsi, dit le rapport « Rueff-Armand » : « …le mécanisme des prix ne remplira son office dans le secteur agricole, qu’en infligeant aux agriculteurs presque en permanence, un niveau de vie sensiblement inférieur à celui des autres catégories de travailleurs… » » (Philippe Desbrosses, Le krack alimentaire, chapitre J’AI VU NAÎTRE LA RÉVOLUTION « VERTE »). A l’opposé de leur mission première, les coopératives agricoles participaient donc avec entrain à la destruction du milieu et outil de production – les campagnes (les écosystèmes) – et à l’exode rural des paysans, des artisans et des commerçants spoliés, ruinés. Une réification générale. Un désastre *. L’un des désastres en cours qui stimulaient l’alerte écologiste depuis les années cinquante.
* Y compris pour l’état moral du pays témoin de la trahison et de la corruption de la majeure partie de ses « représentants » et des institutions, à tous les niveaux depuis la commune.
L’orientation politique changeait du tout au tout. Mémoire du mouvement et agitateur des « principes coopératifs« , l’Institut des Études Coopératives gênait. Georges Boully se vit retirer la direction de l’Institut, et Charles Boos, le Secrétaire Général de l’IDEC (g), un passionné, l’animateur de l’Institut et de la Revue, avait déjà été poussé vers la sortie pour être remplacé par un simple cadre administratif sans aucune culture coopérative. Un pilier de la culture coopérative, une expérience aussi longue que remarquable, et une mémoire du mouvement, viré sans ménagement, puis effacé de l’historique officiel… à lui seul, ce méfait signait l’opération d’effacement du mouvement coopératif.
Ces premières opérations de nettoyage se déroulèrent dans une ambiance feutrée et résignée. Démonstration d’une dégradation déjà très avancée, il n’y eut pas de résistance. Parfaitement sournoise, l’entreprise de déconstruction de la culture du bien commun, celle qui fait se lever les solidarités, ne rencontrait plus d’obstacles.
C’en était fini de l’Institut des Études Coopératives et de l’esprit de la Coopération. Avec le petit personnel, tous les historiens-chercheurs seront évacués dans la foulée. Sous la houlette des seuls FNCC et du Centre National de la Coopération Agricole gagnés au capitalisme, prétendra succéder un ectoplasme : l’Institut Français de la Coopération (IFC). La Revue survivra un temps. Certains finiront par s’apercevoir – trop tard – du naufrage, mais sans aller plus loin qu’un constat superficiel et sans même pointer la rupture avec la dynamique coopérative. Or, sur un plan général, la déstructuration économique, sociale et écologique était très avancée et les deux courants majeurs du mouvement coopératif y participaient pleinement !
De toute évidence, l’étude de Dennis Meadows et ses confrères du MIT publiée par le Club de Rome, « The Limits to Growth » (1970), avait eu peu d’effet sur nos coopérateurs.
En 1972, à la limite, nous aurions pu changer de trajectoire. A cette époque, l’empreinte écologique de l’humanité était encore soutenable. Ce concept mesure la quantité de biosphère nécessaire à la production des ressources naturelles renouvelables et à l’absorption des pollutions correspondant aux activités humaines. En 1972, donc, nous utilisions 85% des capacités de la biosphère. Aujourd’hui, nous en utilisons 150% et ce rythme accélère. Je ne sais pas exactement ce que signifie le développement durable, mais quand on en est là, il est certain qu’il faut ralentir. C’est la loi fondamentale de la physique qui l’exige : plus on utilise de ressources, moins il y en a. Donc, il faut en vouloir moins.
Dennis Meadows en 2012 : https://www.liberation.fr/futurs/2012/06/15/le-scenario-de-l-effondrement-l-emporte_826664
Pour tenter de convaincre de l’urgence d’agir, j’avais écrit : « (…) chaque jour amène son lot de déprédations et augmente les « chances » d’échouer dans la lutte contre les processus de dégradation de la société humaine et de la biosphère« . Excepté le cas du Comité National des Loisirs, avec Monsieur Plateau répondant pour Jean Boniface, cela n’a pas entrouvert les portes.
Une occasion avait été ratée. Pour moi et mes projets d’évolution, bien sûr. Je ne retrouverai jamais un environnement aussi favorable à l’accueil d’une proposition inspirée par le bien commun. Aussi favorable… c’est dire la qualité des autres expériences ! C’était le premier emploi en accord avec mon engagement écologiste et ce sera le dernier. C’était aussi – surtout – une occasion ratée pour tout le monde. Ratée pour l’agriculture qui aurait pu être revivifiée par les méthodes biologiques et une nouvelle diversification. Ratée pour le vivant qui ne serait sûrement pas en train de s’effondrer si la proposition avait été bien accueillie. Ratée pour les campagnes en pleine désertification. Ratée pour les écosystèmes denses d’Amazonie et d’ailleurs – et leurs peuples – qui allaient être dévastés au bulldozer pour approvisionner les filières industrielles. Ratée, donc, pour éviter les délocalisations vers les pays de l’exploitation maximale. Ratée pour les consommateurs, et ratée pour les coopérateurs entraînés dans des voies opposées à l’idée de bien commun qui avait fait vivre le mouvement depuis Rochdale.
Dommage, les coopérateurs et les écologistes étaient faits pour résister ensemble à l’offensive capitaliste. Nous, écologistes qui, comme Pierre Kropotkine*, voyions dans le vivant la complémentarité et l’association plutôt que l’affrontement, pouvions apporter une nouvelle énergie au coopératisme. Quelques dizaines d’années plus tard, on sait qu’il n’y a pas eu d’autre occasion. Et pour cause ! C’était la fin de l’époque la plus propice aux évolutions nécessaires, celle où nous pouvions encore éviter le pire.
* Inspiré par Charles Darwin, Pierre Kropotkine voyait aussi la coopération comme « facteur de l’évolution » dès le stade des micro-organismes.
C’est un certain Thomas (Émile-Henry) qui fut chargé de l’épuration (mes collègues allaient suivre le même chemin). Directeur du Centre National de la Coopération Agricole (bien sûr), il venait prendre le contrôle de l’Institut des Etudes Coopératives pour en tuer la dynamique et l’esprit. Grand propriétaire de la Beauce (nous a-t-on dit), il s’était voué corps et âme aux lobbies de l’industrialisme productiviste et ne pensait que titres, subventions et pouvoir. Il correspondait en tous points à ma critique. « L’organisation industrielle de la dégradation des sols » ? Il en faisait partie, et de tout le reste aussi. C’est sûrement pourquoi, dès la première réunion, il mit tant d’énergie à me virer en éructant et postillonnant. Un furieux. Devant mes collègues réunis, il osa même dire que je ne pouvais pas être l’auteur de la lettre. La logique n’était pas son fort. Il était bien l’exact contraire de ce que je proposais. Probablement une utilité du capitalisme lancé à la conquête du monde (h). Pas de chance !
Près de cinquante ans plus tard, ce sont aussi des victimes de son action qui brûlent des tas de pneus sur les routes et dégradent les biens publics pour réclamer la liberté de poursuivre l’empoisonnement et la destruction des campagnes, et protester contre la détestable image qu’ils se sont eux-mêmes forgée. Là aussi, on voit qu’une occasion de résister à la déculturation qui a conduit à ces extrémités a été manquée.
Je n’avais pas adressé la lettre à ce Thomas que mes collègues considéraient comme un fantaisiste. Il fallait donc qu’elle lui ait été communiquée avec intention. Suprême perfidie, c’est une attestation de démission (contredite par une attestation de réduction des effectifs) que je reçus à domicile !
Se faire virer comme un malpropre, par des coopérateurs (?), pour avoir proposé une nouvelle dynamique de coopération au service du bien commun, donc parfaitement dans la ligne de la philosophie coopérative, disait beaucoup sur l’état d’un mouvement dominé par des hiérarchies de pouvoir vulnérables aux entrismes. L’invitation au bio n’était probablement qu’une partie de ce qui les avait révulsé. Le modèle culturel écologiste qui pouvait enrichir le modèle coopératif n’était évidemment pas du goût des nouveaux « dirigeants« . Les Pionniers de Rochdale et de la longue histoire des communaux avaient de bien curieux descendants (i) ! Quelle n’a pas dû être leur surprise en découvrant un lanceur de l’alerte écologiste dans la place… Rétrospectivement, on peut imaginer qu’il a dû leur sembler assez important de désamorcer la possibilité d’une rencontre avec des coopérateurs critiques et motivés. Combien d’autres initiatives ont-ils étouffées ?
J’étais bien loin de deviner à quoi je devais ce licenciement avec pertes et fracas, mais cela n’augurait rien de bon non plus quant à la santé de la société dans son ensemble. Et, en effet, cela n’était que le début d’aventures étonnantes dans la quête du fameux « esprit coopératif » inspiré par l’intérêt général. Le début d’une longue suite de cassages de gueule en règle dans une société de moins en moins coopérative, de plus en plus verrouillée par des egos boursouflés, la recherche du profit et la réduction de l’ouverture aux autres. Autant de conséquences de l’intoxication par la censure et la propagande capitalistes. Pour moi, ce noyautage du mouvement coopératif préfigurait celui, déjà commencé, du mouvement écologiste. Ce que nous ignorions, alors et pour longtemps encore, c’est que le mouvement socialiste l’avait déjà été – noyauté – dès les années cinquante, avec les derniers réglages effectués au début des années soixante. D’ailleurs, cela expliquait comment le mouvement coopératif en était victime à son tour (j). Cependant, cette expérience révélatrice de la dégradation du mouvement coopératif n’intéressa personne à l’extérieur, pas un écologiste, pas même un « bio« , ni en 1971 ni après. Quelle erreur !
Le pervertissement du mouvement moopératif, à commencer par les coopératives agricoles lancées dans le programme capitaliste destructeur de la paysannerie, des communautés villageoises et des campagnes, a été une très grande victoire pour la conquête capitaliste*. Une victoire d’autant plus éclatante qu’elle semble être largement passée inaperçue**. C’est au point que de doctes docteurs ont pu débattre de la vitalité des « coopératives de consommation » passées à « la grande distribution » ! Caressés et flattés par les usurpateurs, entretenus dans l’illusion d’une continuité du mouvement, ils sembleront ne jamais prendre conscience de la dégénérescence (k). Ou ils s’aveugleront; car, enfin, comment ne pas voir la dérive qui faisait divorcer la Coopération d’avec l’intérêt des coopérateurs, d’avec le projet associant l’intérêt de la personne et l’intérêt du plus grand nombre, d’avec le bien commun ? Un phénomène que l’on connaîtra dans d’autres mouvements menaçants pour l’hégémonie capitaliste. Et dans un domaine aussi important que la consommation, comment ne pas comprendre que la conversion à la « grande distribution » allait éloigner producteurs et consommateurs – voir zones de production et lieux de consommation ?
* ses cadres locaux et nationaux de la Coopération Agricole étaient, depuis longtemps déjà, changés en représentants des lobbies.
** comme l’étouffement et le remplacement du mouvement écologiste, du mouvement socialiste, du féminisme…
Les conséquences de l’extinction de « l’idéal coopératif » et de la disparition des coopératives du paysage de tous les jours n’ont, donc, pas été mesurées (l). Au minimum, il est sûr que cela a participé au recul de la conscience du bien commun et de la culture communautaire. La pensée critique et toutes les alternatives en ont été fragilisées. C’était le but. Jeter à la corbeille une proposition, jeter au chômage un collaborateur enthousiaste, c’est entraver une évolution, donc la marche, la dynamique d’une prise de conscience avec ses découvertes et ses initiatives. Et, plus encore, pour pouvoir affaiblir l’idée de service public, promouvoir l’entreprise privée, prétendre que celle-ci est plus efficace dans la gestion des affaires, faire accepter le patronat de haute prédation, il fallait organiser le naufrage puis l’oubli du mouvement coopératif.
Ceux dont l’indifférence totale pour le sujet était et demeure la plus remarquable furent les « autogestionnaires » qui nous semblaient être un courant de la nouvelle gauche. L’autogestion, la coopération… tout cela allait très bien ensemble. Nous semblait-il. Nous avons vite déchanté. Surtout quand, quelque temps plus tard, les principaux animateurs de ce courant se sont révélés être des partisans de « la croissance marchande » – des promoteurs même, d’après l’aveu du Bureau du PSU en 74 ! A croire que tous étaient des faux. Il est certain que les faux tournaient la tête à la plupart des autres. Ils avaient la formation et les moyens, et ils minaient ce courant depuis 68. Ils clamaient partout leur amour de l’autogestion tout en la refusant aux autres (surtout aux écologistes qu’ils méprisaient), mais ne s’intéressaient pas du tout au mouvement coopératif, enfin à celui qui en méritait encore le nom (sauf, probablement, pour lui nuire). L’absence de référence au mouvement coopératif était de mauvais augure. Il est vrai que, prétendument gauchistes, ces autogestionnaires n’avaient pour référence que l’autogestion à la Tito ou, pire, à la Mao Tse Toung! Qui plus est – mais cela nous était soigneusement caché -, ils étaient guidés, sinon nourris (tel le PSU rocardien*) par « la grande distribution » (les inévitables Hermand et Leclerc)**. Quant à mon expérience, évidemment, elle ne comptait pas. Ni les coopératives, ni le bio ne les concernaient. Cette « autogestion socialiste » n’était qu’une nouvelle appellation séductrice, une habileté pour piéger les alternatifs. D’ailleurs, les « autogestionnaires » (les faux) allaient disparaître comme ils étaient venus, avec les simulacres contestataires socialistes*** destinés à récupérer et étouffer la nouvelle gauche née dans les années soixante.
* Depuis les années cinquante, Henry Hermand, l’une des nouvelles fortunes de « la grande distribution« , était le soutien financier des réseaux mendésistes qui allaient se baptiser « Deuxième Gauche » (avec les réseaux aroniens de la guerre froide culturelle – celle de la réaction pro-capitaliste, cette « Deuxième Gauche » était une ennemie jurée de la nouvelle gauche des années soixante). Hermand est l’homme de la filiation Rocard-Minc-Macron.
** et ce sont ceux-là qui n’allaient pas tarder à investir le mouvement écologiste pour le stériliser à son tour et le remplacer par des hiérarchies partisanes convenant aux capitalistes.
*** par exemple, le CLAS (Comité de Liaison pour l’Autogestion Socialiste)
Un intéressant article de Thierry Pfister paru dans Le Monde du 13 novembre 1973 (Le groupe Objectif socialiste s’est divisé entre partisans du CLAS et partisans de l’union de la gauche), à la fin de ce dossier :
https://planetaryecology.com/histoire-contemporaine-une-memoire-du-mouvement-ecologiste-3/
A l’époque de l’alerte écologiste et de ses propositions alternatives, l’entreprise de déconstruction des savoirs et de l’héritage des siècles précédents battait son plein là où, sur le terrain, je peux maintenant en contempler les dégâts irréversibles. La mutation imposée par le néo-capitalisme était déjà bien avancée. Des prospérités se construisaient en broyant tout sur leur passage : économies familiales et communautaires, écosystèmes, vie et fertilité des sols, habitats traditionnels, patrimoine historique, tout y passait.
Commencée dans les années cinquante, l’industrialisation de l’agriculture* avait jeté plus d’un million de paysans dans les banlieues, plus les artisans et les commerçants dépendants de leur activité. Elle avait aussi jeté des marées de poisons sur les campagnes dévastées au bulldozer. Et la mise en place de « la grande distribution » parachevait l’oeuvre de déstructuration générale nécessaire à l’intensification de la domination et de l’exploitation. La mondialisation capitaliste avançait à marche forcée. Déstructuration des villages et des rues commerçantes des villes, et stimulation de vente de véhicules automobiles pour parcourir les distances artificiellement accrues (m), épandages de bitume et de béton partout, explosion de la consommation énergétique, profits records pour les uns et coûts induits faramineux pour toute la société (surtout pour les victimes du bouleversement), désertification des campagnes, dissociation des familles, des collectivités, et perte du sens du bien commun, externalisation des nuisances sur « la nature » et sur des lendemains déchantants, etc. C’est ce que les propagandistes ont baptisé « les Trente Glorieuses » pour détourner l’attention de l’essentiel : le démantèlement économique, social et écologique. Très profitable aux spéculateurs, il allait se payer très cher.
* Baptisée « révolution verte« par la propagande bernaysienne
« La grande distribution« , l’un des fers de lance de la conquête capitaliste, l’exact contraire du projet de transformation social du mouvement coopératif. Et les coopératives de consommation qui étaient déjà en train de s’y conformer !
Début de la déprise : 1970 avec l’arrivée de « la grande distribution«
Un exemple inverse : Puy-Guillaume, les idéaux du village, par Gilles Fumey, Libération du 8 février 2013
http://www.liberation.fr/societe/2013/02/08/puy-guillaume-les-ideaux-du-village_880490
En plus de drainer les revenus d’un grand nombre de familles, de communautés, d’une grande diversité de métiers et de fonctions (concentration du capital au détriment de la diversité)… cette « grande distribution » lourdement soutenue par les banques et l’argent public détourné avait pour fonction d’augmenter la tentation consumériste. Avantages multiples de la séduction consumériste pour le système dominant :
– la généralisation de la réduction des victimes du système mortifère à l’état de consommateurs impuissants et dépendants,
– l’écoulement des produits dégradés de l’agriculture industrielle et de nouveaux profits réalisés en vendant des gadgets et des services inutiles.
Pour l’exploitation, le champ des possibles s’en trouvait, tout à coup, beaucoup augmenté. Cela correspond à la régression pensée par Edward L. Bernays (neveu de Freud et en relation avec celui-ci), entre besoins et désirs contrôlés par la propagande. Avec son alter-ego Walter Lippmann, Bernays a clairement expliqué que « la fabrique du consentement » passait par l’aliénation consumériste :
« La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays« , Propaganda 1928.
J’aime énormément « manipulation intelligente (…) dans une société démocratique » pour décrire des actions dirigées contre le bien commun.
Le développement de la « grande distribution » a été un nouveau développement de ce programme. Sa mise en oeuvre battait son plein au moment même où je rêvais d’agriculture et de distribution bio : des centaines de supermarchés et d’hypermarchés étaient inaugurés. Evidemment, ma proposition ne pouvait plus mal tomber ! L’opération de récupération-extinction du mouvement social était déjà très avancée. Les coopératives conçues pour libérer de la sujétion et protéger le bien commun avaient été retournées au point de soutenir le développement de nouveaux « monopoles radicaux » (n) !
Pour comble, mes compagnons écologistes et moi n’allions pas tarder à être infiltrés aussi par des promoteurs du désastre auquel nous voulions résister ! En tête, juste derrière son ami Alain Hervé chargé de l’exécution sur le terrain, quelqu’un qui prétendra s’être intéressé à la coopération, mais d’une bien curieuse façon : Michel Bosquet, le futur André Gorz qui – quelle coïncidence ! – s’illustrait depuis dix ans dans le soutien au lobby de « la grande distribution« , lequel était en train de corrompre la Coopération de Consommation. Ma famille comptait au nombre des victimes et c’est à cela que je devais mon licenciement !
L’intervention d’un Michel Bosquet et de ses amis journalistes en faveur d’une opération décisive de la libéralisation capitaliste : l’interdiction, pour les producteurs, de la liberté de choisir leurs revendeurs montre quelle était déjà l’influence du lobby. Cela s’était traduit par une des premières déréglementations (avec celles qui frappaient l’agriculture), celle qui allait fonder la toute-puissance de « la grande distribution » et encourager le système de la réduction des prix à la production, et toute la suite : la Circulaire Fontanet de 1960. Bien avant l’usage courant de « dérégulation » dans la langue gourmande des ultra-capitalistes des années 1980, bien avant que l’on commence à comprendre ! Mais pas avant l’idée longuement concoctée dans les laboratoires du capitalisme. La planification de la ruine des producteurs et des campagnes a permis de développer les profitables « prix bas » à la Leclerc (et ensuite les « prix cassés« , etc.) :
« Dans le secteur agricole, le mécanisme des prix devra presque en permanence repousser vers les activités industrielles les éléments de main-d’œuvre agricole en excédent. Son action à sens unique tendra constamment à définir les revenus agricoles pour les maintenir au-dessous des revenus industriels…
Ainsi le mécanisme des prix ne remplira son office dans le secteur agricole qu’en infligeant aux agriculteurs, presque en permanence, un niveau de vie sensiblement inférieur à celui des autres catégories de travailleurs. »
Évocation du rapport Rueff-Armand dans le Rapport Général de la Commission des Finances, du Contrôle budgétaire et des Comptes économiques de la Nation
PREMIÈRE PARTIE. BILAN ÉCONOMIQUE ET FINANCIER D’UNE DÉCENNIE
IV. — Les revenus : agriculteurs, salariés, artisans et commerçants.
https://www.senat.fr/rap/1969-1970/i1969_1970_0056_01.pdf
Ainsi était franchi un nouveau seuil dans la dévalorisation, et même la réification du vivant, dans la spéculation à l’échelle planétaire, et dans l’essor des délocalisations et l’enchaînement des destructions écologiques et sociales. Et n’oublions pas la perte de la relation entre le producteur et le consommateur, celle que voulait cultiver le mouvement coopératif. Cette perte d’une relation aussi essentielle ne pouvait être un dommage collatéral. C’était l’un de buts de l’opération, pour affaiblir la conscience des conditions de production.
Cinquante ans après ma tentative en faveur d’une agriculture accordée aux écosystèmes et à la santé des consommateurs, une nouvelle dynamique coopérative émerge. Mais l’histoire du détournement du mouvement coopératif semble oubliée. Ainsi, pour désigner les nouvelles coopératives agricoles, entend-on parler d' »économie collaborative« , de « système collaboratif« , voire de « CoFarming » ! Pour remplacer coopérer (devenu tabou ?), chacun peut apprécier le choix délicat du verbe collaborer qui, comme l’histoire nous le rappelle encore, est chargé d’une lourde ambiguïté. Certes, la Coopération a été galvaudée, détournée, salie, mais cela ne justifie pas que l’on en oublie la longue expérience et la valeur. Cependant, s’agit-il d’un oubli ? Sous les nouvelles étiquettes, la vacuité philosophique répond à la question.
Cela n’est pas un hasard si « la Coopération » et le « mouvement coopératif » ont été remplacés par « économie sociale et solidaire » (ESS). La substitution a permis d’effacer l’histoire sociale. Du même coup, la dénonciation de l’aliénation a disparu, comme l’émancipation. Il est intéressant de remarquer que la formule « économie sociale » a été empruntée à Charles Gide, comme pour mieux le trahir… Les laboratoires de la novlangue tournent toujours à plein régime. Comme si souvent dans les manipulations de cet ordre, ce sont des organisateurs de l’effondrement des projets coopératifs et écologistes, ceux de la fausse autogestion, qui ont lancé l’ESS comme un nouveau leurre*. Peu avant, les mêmes avaient créé « écologie politique » pour remplacer « écologisation de la politique« , donc le projet politique de l’écologisme qui rejoignait celui du mouvement coopératif : il s’agissait essentiellement de diffuser la culture pour éveiller les consciences et que chacun contribue à l’évolution. « Les mêmes« , ce sont, bien sûr, Michel Rocard et ses amis à peine passés du PSU au Parti Socialiste après avoir berné tout le monde pendant quinze ans – les réseaux mendésistes (o). Jacques Delors en était aussi, et lui aussi se distinguait dans l’anti-écologisme le plus sournois. Il participait activement à un réseau secret créé par Denis de Rougemont à la fin des années soixante pour infiltrer les écologistes et les remplacer par des hommes de paille : Diogène, rebaptisé « le collège invisible de l’écologisme » par l’un de ses membres. La présence de Denis de Rougemont qui devait sa carrière internationale aux sinistres Dulles Brothers dit beaucoup de la fonction de ce « collège » dans la stratégie de la guerre froide.
CIA Documentary On Company Business 1980
https://www.youtube.com/watch?v=FO8-WVOZ0aA
Bien avant la découverte du Gladio (1990) Allan Francovich a alerté sur les manoeuvres des réseaux occultes développés au lendemain de la guerre.
Jacques Delors faisait donc le lien entre la réaction « anti-communiste » (au sens le plus large), la partie affichée de la guerre froide, et la « Deuxième Gauche » politicienne grimée en nouvelle gauche. Pour mieux effacer le mouvement coopératif, il contribuera à cultiver « l’économie sociale et solidaire » jusqu’en 1981, quand Rocard deviendra « ministre du Plan« .
* auquel des coopérateurs se laisseront prendre, ainsi Henri Desroches du Collège Coopératif (qui partageait le même immeuble avec l’Institut des Études Coopératives, mais qui était fort peu coopératif avec celui-ci) !
Depuis, cette « économie sociale et solidaire » n’est qu’un « secteur économique » peuplé de gens généralement ignorants du projet politique de la Coopération. Juste un sous-ensemble qui « collabore » avec les autres, ceux qui s’affichent ouvertement capitalistes et sont peu enclins à cultiver la démocratie.
Pour compléter le dispositif, la forme économique prônée par les écologistes a été rebaptisée « économie circulaire« . Hum ! Tout cela dans le contexte du remplacement de la nouvelle gauche écologiste par une « écologie politique » particulièrement accommodante avec le système (q). Pour parfaire l’effacement des alertes et des propositions alternatives au capitalisme, on voit donc s’esquisser les contours d’un ensemble de simulacres habillés d’un vocabulaire mensonger (les « éléments de langage« ).
Le silence sur le retournement du mouvement coopératif n’a d’égal que l’oubli organisé de l’étouffement et du remplacement de la nouvelle gauche. Dans les deux cas, l’objectif de l’effacement de la mémoire est limpide : interdire la prise de conscience de la substitution des faux-semblants « libéraux » à un projet politique alternatif au capitalisme, donc désarmer tous ceux qui sont à la recherche de celui-ci.
Alain-Claude Galtié
film de Matthieu Levain et Olivier Porte qui montre l’univers cauchemardesque de la marchandisation intensive dans laquelle était déjà tombée la coopération agricole, et le mode de production bénéfique pour tous qu’une transition au bio aurait favorisé.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=138954.html
C’est comme le jour et la nuit. Le film balance entre deux univers. L’un a toujours les pieds sur la terre, la connaît et l’aime. L’autre est un pur produit de la culture anti-nature.
L’herbe broutée par les vaches laitières des éleveurs que nous rencontrons tout d’abord est la vedette de ce film éclairant. Adeptes de ce que l’on nomme maintenant la filière herbagère qui allie les connaissances des anciens et celles de la bio, ces éleveurs toujours paysans promènent, avec le chien, le troupeau de la pâture à la salle de traite. Ils foulent l’herbe dont ils connaissent chaque espèce, les très bonnes pour les ruminants et le lait, le meilleur lait, et les autres qu’il faut contrôler avec doigté. Ils jardinent prairies et champs avec la connaissance des cycles des végétaux et des animaux. Ils entretiennent de belles haies riches de tous les bois, entre le taillis pour le feu et le bois d’oeuvre qui grandit pour les petits enfants. Ils ont le temps de regarder la vie qui grouille autour d’eux. Ils donnent envie de faire sa vie à la campagne.
Silos, grands bâtiments industriels, gros engins flambant neufs, animaux en stabulation, et endettement en proportion, nous découvrons ensuite une « exploitation » de l’agriculture intensive. Grosse consommatrice des gadgets profitables aux industriels et aux banquiers, c’est un maillon de cette industrie qui, en amont, produit les ravages écologiques et humains montrés par « La terre des hommes rouges » (BirdWatchers), le film présenté plus loin. De l’Amazonie, de l’Argentine, de la Chine, de tous les coins du monde dévastés par la spéculation agro-alimentaire, à ce coin de Bretagne, proviennent les aliments déversés sous le nez des vaches incarcérées. C’est la même machinerie ubuesque cornaquée par des conseillers en asservissement aux banques.
En aval de l’exploitation : un lait de bien moins bonne qualité que celui produit à l’herbe, et sans doute pas exempt des molécules déversées à tous les stades en amont. Aussi quelques effluents bien connus en Bretagne, jusque sur les côtes. Sans oublier la colossale contribution de toute la filière au bouleversement climatique.
Entièrement dépendante des approvisionnements livrés par des norias de bateaux et de camions, coupée de son environnement, dans l’engrenage des investissements et des crédits à vie, assoiffée d’énergie, coupée même des animaux qui la font vivre et qui ne sont plus que des numéros, des performances de production, cette exploitation est suspendue aux crédits et aux subventions extorquées à des contribuables qui sont loin d’imaginer quel mal va faire le produit de leur travail, ici et jusqu’au-delà des océans.
HERBE n’aborde pas la triste condition des animaux de l’élevage intensif. Peut-être le temps manquait-il. Il y a tant à dire. Dans ces exploitations si bien nommées où le productivisme a aboli la connaissance et l’intelligence du vivant, les vaches sont maintenues en lactation par des grossesses rapprochées. 3 mois après un vêlage, elles sont à nouveau fécondées par insémination artificielle. Et, durant la grossesse, elles sont encore traites. Si bien qu’après 5 ou 6 ans de production forcée et de souffrance quotidienne, leurs corps épuisés tiennent à peine debout (quand elles ne sont pas maltraitées, les vaches vivent quatre fois plus longtemps avant la fatidique « réforme »). En remerciement de si bons services, les exploitants les expédient à l’abattoir. Leur chair martyrisée et immangeable sera débitée en viande hachée et promotions de grandes surfaces (70% des ventes).
Et tout cela pour quoi ? Quels avantages ? Quel agrément ? Pour une entreprise fragile jusqu’à la caricature qui est à la merci de la moindre fluctuation des cours des intrants, des subventions, et de la moindre variation du climat ici et là-bas, là où sont produits les aliments au détriment des écosystèmes et des populations. A la merci du coût de l’énergie dévorée. A la merci du coût de l’eau qu’elle consomme et pollue en abondance. A la merci aussi de multiples systèmes techniques consommateurs de juteux contrats de maintenance (machinisme agricole dernier cri, gestion technique centralisée des automatismes, informatique). Quant aux hommes qui essayent de se convaincre d’avoir eu raison de suivre les injonctions des représentants de la coopérative et de la banque qui les utilisent pour se nourrir des subventions publiques, ils sont enchaînés à vie à un système artificiellement soutenu qui n’est même pas fiable à moyen terme puisqu’il détruit localement et globalement. Leur vie entièrement absorbée par un travail taylorisé, de 6H1/2 à 20H30, la tête tout aux calculs de rentabilité, ils courent d’un atelier à un autre, l’oeil sur les torrents de chiffres des écrans de contrôle. Les pauvres ne font pas envie et achèveraient de nous convaincre de la valeur de l’élevage sur herbe, s’il en était besoin.
Un film qui remet les idées en place et montre que les alternatives au naufrage planétaire sont là, à portée de la main. A voir, même si l’on a déjà des notions sur le sujet. Il faut voir l’épanouissement et entendre la tranquille assurance des fermiers autonomes, tandis que les exploitants, devenus petits personnels des industriels-banquiers, cherchent à se rassurer en puisant dans un discours qui ne leur appartient pas.
ACG
Pour plus d’info :
Le site du centre d’étude pour une agriculture plus autonome créé sur l’impulsion d’écologistes distingués, tel André Pochon
http://www.cedapa.com/
André Pochon est l’auteur du livre « Le scandale de l’agriculture folle » qui vient de paraître aux éditions du Rocher.
http://www.dailymotion.com/video/x8re4z_andre-pochon-l-agriculture-durable_webcam#from=embed
http://www.agrobiosciences.org/IMG/pdf/pochon-32-35.pdf
http://www.mescoursespourlaplanete.com/
beaucoup d’info, y compris sur les conditions de l’élevage industriel et les conséquences néfastes de ce système (rubrique « produits laitiers« ).
http://www.protection-des-animaux.org/
En particulier un dossier bien informé : L’industrie agro-alimentaire
Et l’on pense, bien sûr, au peuple de l’herbe de Microcosmos , le film merveilleux de Claude Nuridsany et Marie Pérennou qui montre la diversité foisonnante de la vie dans l’herbe. Un petit coup d’oeil aux belles vidéos en ligne pour s’aérer la tête et retrouver le sens de la relativité.
http://www.dailymotion.com/video/x7jp6v_microcosmosscene-1_animals
sur les conséquences plus lointaines de l’industrialisation forcenée de l’agriculture :
film de Marco Becchis. Superbe musique de Domenico Zipoli (XVII et XVIIIème siècles).
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=138422.html
L’action se déroule au Brésil, ce même Brésil vanté par moult économistes et politiques éclairés qui le décrivent comme région « émergente » (a). En fait d’émergence, le succès du Brésil auprès de ces experts est proportionnel à la destruction de ses vraies richesses, c’est à dire à la régression sociale, culturelle et écologique.
Une minorité brésilienne qui rêve de réitérer la conquête nord-américaine et la réduction des grands écosystèmes en valeurs boursières, est en train de massacrer le Brésil, cet ensemble de pays extraordinairement riches, mais d’une richesse à laquelle ils ne comprennent rien. Ils sont comme ces embourgeoisés par le détournement de la révolution qui, entre le Directoire et la Restauration, dépeçaient abbayes, basiliques et châteaux par milliers, les richesses d’au moins dix siècles de création, pour vendre les pierres comme matériaux de construction.
Marina Silva avait voulu croire aux promesses de Lula. Ecologiste que l’on n’achète pas, elle vient de démissionner du poste de ministre de l’environnement où, comme tant d’autres, elle était cantonnée au rôle de potiche. Après avoir beaucoup tenté, elle a enfin réalisé que ses collègues, gagnés aux intérêts de la mégamachine spéculative, se servaient d’elle comme d’une caution leur permettant d’affaiblir les résistances et le mouvement alternatif.
Dans la région du Mato-Grosso, le peuple Guarani est chassé de ses terres par la spéculation mondialisée (voir « Vandalisme planétaire » et « Des paradis dans l’enfer du développement »). Après le Rondônia voisin, le Mato Grosso a été crucifié par deux routes transamazoniennes qui sont les moyens de la colonisation industrielle. Lourdement subventionnées avec l’argent public des USA, du Japon et de l’Europe, elle ont permis la pénétration des engins de terrassement qui ont démoli les écosystèmes denses (b).
Des guaranis jouent leur propre rôle dans ce film fidèle à la réalité qui exalte nos dirigeants.
On y voit le Mato-Grosso désertifié par l’agro-alimentaire d’exportation : boeufs, canne à sucre, soja (surtout transgénique et, donc, copieusement arrosé d’herbicides)… pour approvisionner les fast-foods, les élevages intensifs d’animaux misérables et des voitures « vertes » au bilan écologique beaucoup plus désastreux que les plus polluantes d’hier. Il n’y subsiste plus que des lambeaux de la grande forêt d’il y a encore trente ans.
« La terre des hommes rouges » est l’un des très rares films à montrer les peuples confrontés à la destruction de leurs écosystèmes et de leur civilisation. Il est curieux, et sans doute révélateur, que si peu de créations « occidentales » soient inspirées par la destruction des forêts essentielles à la biosphère, par la spoliation des populations, par la condamnation à mort des hommes et des cultures.
C’est pourtant là, entre multinationales, subventions de partout, grands « propriétaires » voleurs de terres et de vies, leurs tueurs, les écosystèmes qui furent les plus riches de l’évolution et les peuples auxquels il ne reste que le suicide (c), que se joue le sort du monde. Morts individuelles et collectives en masse, extinction d’espèces comme on n’en avait jamais vu, structures et cultures complexes balayées par les simplismes les plus rudimentaires jamais produits, réduction drastique de la diversité biologique, bouleversements climatiques aux conséquences planétaires, désertifications, etc., la matière n’est-elle pas assez riche ?
Survival International a créé un fonds spécial pour aider les Guarani-Kaiowa à récupérer leurs territoires : www.guarani-survival.org
(a) Volée aux écologistes, l’idée d’évolution émergente remplace désormais en « voie de développement« . Lloyd Morgan est le père de la théorie des émergences : l’évolution procède par sauts de complexité croissante, de niveau d’organisation en niveau d’organisation.
(b) Curieux que ces pays aident aux dérèglements climatiques dont, pourtant, ils subissent déjà durement les effets ! Mais que ne ferait-on pas pour gagner de l’argent facile au détriment de tous, depuis les massacrés, les expropriés, les ruinés, les empoisonnés, jusqu’au consommateur occidental berné ? L’Union Européenne importe massivement ces produits sales. C’est pourquoi elle subventionne la destruction là-bas. Voir les informations réunies par Les Amis de la Terre (www.amisdelaterre.org/soja).
(c) 517 guaranis se sont suicidés ces vingt dernières années. Tous les peuples autochtones du Brésil sont frappés de désespoir.
« La Terre des hommes rouges » est en deuil
Ambrósio Vilhalva (Nádio) a été assassiné
le plus connu des leaders Guarani Kaiowá a été assassiné à coups de couteau au soir du 1er décembre 2013 sur le chemin de sa maison, dans le campement Guyraroká, sur la municipalité de Caarapó (État du Mato Grosso do Sul). Il avait tenu le rôle de Nádio dans le film* « Terra Vermelha » que Marco Bechis a consacré à la lutte des Guarani pour la récupération de leurs terres. Dans le film, Nádio est abattu par un « pistoleiro ». Hélas, la réalité a rejoint la fiction ! (…)
http://bcomoli.blog.tdg.ch/archive/2013/12/21/la-terre-des-hommes-rouges-est-en-deuil-ambrosio-vilhalva-n-251145.html
http://www.survivalfrance.org/actu/9842
Après la spoliation des populations et « mise en valeur » à l’occidentale
Après quatre années de reprise en mains par les populations et application des techniques traditionnelles et biologiques
Rajasthan 1992. Voir « Restauration des écosystèmes, restauration des sociétés » (sur les sites planetaryecology et robin-woodard.eu)
Seul monsieur Plateau, président du Comité National des Loisirs, une structure de la Fédération Nationale des Coopératives de Consommation, répondit à ma proposition :
« Je me permets de passer sur l’aspect poétique de votre résumé qui donne à vos développements scientifiques un aspect un peu littéraire, point désagréable en l’occurrence, pour arriver au problème du rôle de la Coopération dans cette évolution. Une collaboration concrète des différents mouvements coopératifs et plus généralement, des multiples institutions sociales qui soutiennent et encadrent la vie de chaque français est souvent évoquée dans les sphères les plus hautes, telle la mélopée d’un sorcier africain qui invoque les dieux de la pluie.
Mais, depuis plus de 20 ans que je m’occupe de ces questions dans le mouvement coopératif de consommation, j’ai rarement vu de réalisations concrètes sorties de ces souhaits pieux. Il faut peut-être invoquer les hommes mais peut-être aussi les structures qui ne sont guère favorables, par nature, au rapprochement des différents mouvements.
Il faudrait de toute manière étudier de façon très approfondie les modalités que pourrait prendre une semblable collaboration pour rompre efficacement les habitudes mentales de chaque partie. Ceci reste du domaine des expériences au coup par coup au niveau local.
Le problème de l’éducation des paysans à la protection de l’environnement rural devrait certainement, également, faire l’objet d’un examen attentif : car il n’est pas dit que les paysans qui forment la coopération agricole soient aussi réceptifs à l’idée de destruction de la nature que nous pouvons l’être, nous citadins, qui vivons dans un milieu artificiel et qui, pour cette raison, développons spontanément des mécanismes psychologiques de réaction.
De nombreux autres points pourraient être abordés et discutés dans votre projet. Je reste bien évidemment, ainsi que Monsieur Hamelet, mon collaborateur, à votre disposition pour en débattre.«
M. Plateau
Avec plus de recul :
Que voilà un bel aperçu de l’univers shadokien français, de ses idées non-pensées, juste affichées, de son incapacité à communiquer et de son impuissance ! Qu’un homme parvenu au sommet de la hiérarchie de son secteur, un « président« , s’exprime ainsi est révélateur. M. Plateau avait raison, on ne pouvait rien faire évoluer dans le bon sens, même au sein de la « Coopération » puisque beaucoup de ceux qui s’y étaient introduits aux places de direction refusaient de coopérer. Ils n’étaient pas venus pour cela. Mais, dans l’autre sens, dans le sens du détricotage de « l’esprit coopératif » et de l’ouverture à l’ultra-capitalisme, tout allait aller très vite.
Quarante années plus tard, dans un pays qui a été très fortement retardé en tous domaines par ses « décideurs » de droite comme de gauche, la production biologique française est très insuffisante par rapport à la demande. Insuffisante et souvent hors de prix, si bien que, moi-même, je ne peux en acheter que parcimonieusement.
Mieux encore, les héritiers de ceux qui m’ont éjecté du mouvement coopératif et fermé une voie professionnelle aussi utile que passionnante sont toujours dans des structures coopératives, mais elles ont dérivé, dérivé jusqu’à s’intégrer au système d’exploitation dont les coopérateurs avaient réussi à s’extraire. Sans doute, même, la dérive était-elle déjà largement entamée et cela explique-t-il l’aversion de tous ces gens pour les écologistes et leurs projets si peu capitalistes (q)…
Maintenant, les coopérateurs devenus fers-de-lance de la concentration du capital tentent de rattraper leur retard en remplissant les rayons avec des produits étiquetés « bio » ! Mais du « bio » souvent produit loin du consommateur, avec transports fort peu économiques pour la biosphère, et dans des campagnes colonisées par ce nouveau productivisme au détriment de ses populations, au détriment des écosystèmes aussi :
« (…) La FNSEA en première ligne pour défendre le bio. (…) Ce syndicat agricole qui, jusqu’à présent n’était guère disert sur la question, a choisi de faire front commun avec d’autres acteurs. Autour de la table, rassemblés sous l’égide des chambres d’agriculture, mercredi 29 mai 2019, la FNSEA, donc, mais aussi l’interprofession des fruits et légumes Interfel, le bras armé des coopératives COOP de France, et leur représentant légumier Felcoop. L’enjeu : défendre une certaine idée de l’agriculture biologique, illustrée par l’usage des serres chauffées pour la production de fruits et légumes bio. (…) »
Les serres chauffées, emblèmes d’une industrialisation du bio
par Laurence Girard, Le Monde du mercredi 5 juin 2019
Alors que les mêmes, ou leurs pairs, nous ont déjà fait tout rater en provoquant un crime planétaire, alors que l’on ne cesse de dénombrer les effondrements en tous domaines, nous voyons se reproduire les mêmes finasseries médiocres !
notes
(a)
La Semaine de la Terre
https://planetaryecology.com/premiere-moitie-des-annees-70-quand-tout-a-ete-retourne/
(b) Charles Gide (1847-1932)
Charles Gide est-il toujours d’actualité ?
(…) son objectif d’une transformation profonde de l’ordre social, à travers l’association en général, qui se trouve au fondement de l’économie sociale. Ouvert à toutes formes d’institutions susceptibles d’améliorer les conditions de vie et la solidarité entre les hommes, Charles Gide cherche avant tout à construire une économie et une société qui ne soient pas dominées par l’impératif du profit (…)
« tous ceux qui ont donné l’impulsion au mouvement coopératif et tous ceux qui à cette heure encore le soutiennent de leurs efforts et de leurs sympathies, sont des hommes qui ont vu dans la coopération une transformation, progressive sans doute, pacifique, cela va sans dire, mais radicale aussi de l’ordre social actuel. Pour tous ceux qui l’ont étudiée de près, la coopération est une nouvelle forme d’organisation industrielle tendant à se substituer à l’organisation actuelle : – Si elle n’est pas cela, elle n’est rien. »
https://www.erudit.org/fr/revues/recma/2006-n301-recma01095/1021569ar.pdf
Remarquable – mais parfaitement logique, le projet politique que la nouvelle gauche écologiste s’efforçait de définir correspondait à celui du mouvement coopératif au mieux de sa forme. D’ailleurs, Charles Gide voyait aussi dans la solidarité (l’entr’aide de Kropotkine) la principale dynamique du vivant : « La solidarité est un fait d’une importance capitale dans les sciences naturelles, puisqu’elle caractérise la vie (…) ».
(c) (…) Spécialisé dans le domaine alimentaire, le Laboratoire coopératif contrôle la majorité des produits de marque COOP ou distribués par la SGCC (Société générale des coopératives de consommation, centrale d’achat du mouvement coopératif). Il participe à l’élaboration des cahiers des charges fixant les caractéristiques auxquelles les produits COOP doivent répondre. Ces cahiers acceptés et signés par les fournisseurs – usines appartenant à la SGCC ou autres fabricants – le Laboratoire opère, en liaison avec les services techniques des usines, des sondages réguliers sur les produits finis et transmet les résultats des contrôles aux services commerciaux.
Le contrôle des produits COOP ne représente cependant qu’une partie des activités du Laboratoire : celui-ci s’intéresse aussi aux concurrents. Il effectue des analyses à la demande des organisations de consommateurs (sociétés coopératives, associations de consommateurs, mouvements familiaux) ou à sa propre initiative, pour fournir la matière de ses publications. Son but n’est pas tant de « tester » les marques ou les distributeurs que d’attirer l’attention sur des points mettant en jeu les intérêts du consommateur. (…)
Le fonds du Laboratoire coopératif est entré au CAMT
http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/camt/fr/egf/donnees_efg/2000_022/2000_022_FICHE.html
Information et désinformation des consommateurs
- La constitution d’un répertoire d’action consumériste dans les années 1960
https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2017-2-page-21.htm?try_download=1
(d) des orientations comparables à celles réalisées par le mouvement Slow Food 15 ans plus tard, mais en Italie :
Carlo Petrini et un groupe d’activistes créent Slow Food dans les années 80, dans le but initial de défendre les traditions régionales, une alimentation bonne, le plaisir gastronomique et un rythme de vie lent. En plus de vingt ans d’histoire, le mouvement s’est transformé jusqu’à intégrer une approche globale de l’alimentation, qui reconnaît les liens forts entre assiette, planète, individus, politique et culture.
https://www.slowfood.com/fr/a-propos-de-nous/notre-histoire/
Slow Food Fondation for biodiversity
https://www.fondazioneslowfood.com/en/
Slow Food Travel offers a new model for tourism, made up of meetings and exchanges with farmers, cheesemakers, herders, butchers, bakers and winegrowers who, along with the chefs who cook their products, will be the narrators of their local areas and unique guides to the local traditions.
Slow Food Travel offers local areas the chance to develop their potential as a quality gastronomic destination; they follow strict guidelines and the Slow Food philosophy while constructing alliances and experiences that add value to the best of local gastronomic heritage.
https://www.fondazioneslowfood.com/en/what-we-do/slow-food-travel/
Mais, même plus de quatre décennies plus tard, les Français restent à l’écart de ce mouvement !
Dénombrant plus de 100 000 membres dans le monde, Slow Food reste pourtant méconnu, si ce n’est méprisé, en France, avec moins d’un millier d’adhérents répartis dans une trentaine de conviviums (cellules locales). Carlo Petrini est le premier à s’en désoler : « Moi qui aime tant la France, c’est une véritable épine dans mon cœur. C’est le pays de Brillat-Savarin, mon maître à penser, celui-là même qui a défini la gastronomie comme une science holistique, touchant à la nutrition mais aussi à la biologie, à la physique, à l’histoire, à l’économie, à la politique… Les Français adorent les aphorismes de Brillat-Savarin, mais ils ont complètement oublié la substance de son discours. »
Pas seulement en ce qui concerne la gastronomie ! Pareil avec la coopération, l’écologie, etc.
Le mouvement qui défend la nourriture « bonne, propre et juste » trouve peu d’écho chez nous, Le Monde, 06 novembre 2014, https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2014/11/13/slow-food-perce-lentement-en-france_4523147_4497319.html
Dommage que je ne sois pas né italien !
(e) Bernard Lavergne
http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article116525&id_mot=
(f) BOULLY Georges, Mathieu, militant socialiste, coopérateur et Franc-maçon. Il était directeur de l’IDEC depuis 1960. Remplacé par E.H. Thomas, il ne résista pas. Il demeura « président« … pour assister à la fin de l’Institut tel que les anciens l’avaient voulu. C’est même lui qui signa mon congédiement mensonger (avant ceux de mes collègues) !
http://maitron.univ-paris1.fr/spip.php?article17507mon
(g) BOOS Charles, dit Jean Christian, (pseudonyme adopté durant la guerre de 1939-1945 et devenu par la suite celui du journaliste et de l’écrivain) (★ Mietesheim 2.4.1920). Milieu ouvrier-paysan. ∞ I 1941 à Aix-en-Provence Élisabeth Rouvé, de Mulhouse. ∞ II 1974 à Strasbourg Doris Darstein, de Villé. Études secondaires à Niederbronn-les-Bains, Strasbourg, Périgueux et Alger-Bouzaréa. Études supérieures à Aix-en-Provence. A enseigné à Aix-en-Provence, Bellac, Bou-Bérak (Algérie), Chauvigny, et Strasbourg-Robertsau. Délégué rectoral de la Mission Jeunesse alsacienne et lorraine à la Libération. Journaliste à L’Alsace à Mulhouse de 1945 à 1950. Par la suite, secrétaire administratif des coopératives scolaires du Bas-Rhin, secrétaire général de l’Institut des études coopératives à Paris, président de l’Institut bas-rhinois de l’Ecole moderne-pédagogie Freinet. Responsable du service éditions des Dernières Nouvelle d’Alsace à partir de 1977. Critique littéraire et critique d’art aux Affiches-Moniteur paraissant à Strasbourg. Secrétaire général de la Société des écrivains d’Alsace et de Lorraine de 1971 à 1975, puis président de cette même Société. Vice-président de la Fédération nationale des associations d’écrivains de France depuis 1980. Membre de nombreux conseils d’administration dont ceux de « Musique et Culture » et de « l’Institut des arts et traditions populaires d’Alsace ». Chevalier des Palmes académiques, des Arts et Lettres, de l’ordre du Mérite de la République italienne, médaille d’argent de l’Éducation Nationale et de la Renaissance Française.
Publia quatre recueils de poèmes après la guerre, puis un roman, La vitre embuée, 1949. Longue interruption dans la création littéraire qui reprendra après un accident de voiture survenu en 1975. Publia successivement : La secousse, récit d’un accident ; Le coup de pioche, échos d’un récit, et quatre recueils de poèmes : Les nappes du soir, Des bouts de papier, L’eau du silence et Un édredon mauve. Contribution à L’Alsace de 1900 à nos jours, sous la dir. de Ph. Dollinqer 1979.
https://www.alsace-histoire.org/netdba/boos-charles/
Charles Boos fut mon mentor en matière de coopération. Il est particulièrement révélateur qu’il ait été effacé de l’histoire officielle du mouvement coopératif, la méthode habituelle pour dissimuler la dénaturation d’un mouvement social par le capitalisme.
Archives de l’Institut Coopératif de l’École Moderne (ICEM) :
https://www.icem-pedagogie-freinet.org/recherche/adultes-archives/results/taxonomy%3A6265
(h) En effet, le Centre National de la Coopération Agricole est un cas d’école. Il avait été constitué au début des années 1950 pour pallier d’évidentes carences : « le développement intellectuel insuffisant des agriculteurs » (c’est bien écrit ainsi), et « la structure des exploitations qui ne permettait pas aux exploitants de mener une vie professionnelle et sociale normale » (Guy Sélaries, « La formation des agriculteurs, des administrateurs et des cadres dans la coopération agricole », Économie Rurale 1964. Un véritable plan de bataille. Sélaries était « directeur des études » de ce CNCA.
https://www.persee.fr/doc/ecoru_0013-0559_1964_num_62_1_1868
Exploitations, exploitants, insuffisance intellectuel des agriculteurs (sic), donc mépris absolu pour les cultures paysannes, leurs communautés, leurs savoirs, leurs réalisations… On sent bien d’où vient le vent qui a véhiculé cet organisme « de formation », et quel est son objectif. D’ailleurs, c’est annoncé : passer de « l’ère artisanale » à « l’ère industrielle« , « il faut que les coopératives s’industrialisent (…) adoptent des méthodes de planification, rénovent l’idée coopérative« , « développement des affaires« , « élargissement des marchés« , « adaptation aux transformations des modes de production comme des modes de distribution« , etc. De coopération, point. Mais la révélation d’une préparation psychologique : dénigrement pour fragiliser en communiquant la honte. C’est la déculturation première étape de la déstructuration. Mais réification du vivant en vulgaire « ressource« , intensification, machinisme, chimie, planification, rationalisation comptable, réduction des actifs, productivisme, spéculation et guerre économique contre les plus faibles (financièrement), promesses de destructions en chaîne… Et « la grande distribution » qui pointe le museau pour parfaire le dispositif. Comme par hasard, un programme correspondant exactement à celui de la conquête néo-capitaliste lancée en Europe avec le Plan Marshall (même époque). C’est ce qui allait vider les campagnes de ses hommes et de ses animaux, polluer les eaux et détruire ses milieux, ruiner les sols, polluer l’air jusque dans les villes, empoisonner tout le monde, contribuer au réchauffement climatique, précipiter une extinction de masse. Une guerre ! Une guerre parfaitement planifiée contre le vivant.
Ma proposition ne pouvait plus mal tomber ! Pas étonnant que la lecture de ma lettre ait fait écumer Thomas, le directeur de ce CNCA.
(i)
Histoire des Équitables Pionniers de Rochdale, George-Jacob Holyoake,
Tout est possible ! L’Association familiale ouvrière (AFO) de La Tremblade (1946-2002), Michel Besson,
par Patricia Toucas-Truyen
https://www.cairn.info/revue-recma-2018-1-page-143.htm
Les Sociétés coopératives de consommation
par Charles Gide
(j) Les années 1970 verront les coopératives de consommation se pervertir au point de verser dans la dérive de « la grande distribution » naufrageuse des commerces de village et de quartier, le monopole construit par le néo-capitalisme pour pressurer les producteurs du monde entier et assujettir les citoyens par le consumérisme – le contraire exact de l’idéal coopératif* ! Des grandes surfaces « COOP » seront construites dans les champs et l’on verra progressivement disparaître les magasins COOP de proximité.
* « (…) si nous reconnaissons l’incommensurable bêtise du consommateur, nous n’en concluons pas qu’elle soit incurable, mais que c’est une raison de plus pour faire son éducation économique. Or c’est là précisément le rôle des organisations de consommateurs : non pas seulement des sociétés de consommation proprement dites, mais aussi des “ligues de consommateurs” ou “ligues sociales d’acheteurs”, qui ont des objets un peu différents, mais toutes ceci de commun d’enseigner au consommateur quels sont ses droits et ses devoirs, lui faire comprendre quels sont ses véritables intérêts.». Charles Gide, « Pourquoi les économistes n’aiment pas le coopératisme », 1921, in Œuvres,vol. VII, p. 196.
Las, 50 ans plus tard, les économistes avaient déjà pris le contrôle du coopératisme !
Comme les coopératives agricoles courbées sous les engins lourds, la chimie et les intrants arrachés aux peuples du Sud et à leurs écosystèmes, les coopératives de consommation allaient participer à la déstructuration économique, sociale et écologique. Aux antipodes de l’idéal coopératif !
Deux ans après l’invitation à la conversion bio, « en 1973, deux cent vingt sept hypermarchés sortent de terre » dans « une joyeuse anarchie »
La grande distribution. Enquête sur une corruption à la française, Jean Bothorel et Philippe Sassier, Bourin éditeur 2005, page 38.
Les coopératives ont pleinement participé à cette ruine, en plein mouvement mondial d’alerte écologiste et de critique de « la société de consommation » !
Il est remarquable que la revue L’Épicier Coopérateur ait disparu en 1972.
Le Laboratoire Coopératif d’analyse et de recherche disparaîtra en 1985.
L’ultime coup de grâce sera porté en 2014 avec la vente de 128 magasins COOP d’Alsace à… Carrefour !
Vie et mort de COOP Alsace
https://fr.wikipedia.org/wiki/Coop_Alsace
(k) M. Faugier, dans une thèse intitulée Les groupements de consommateurs en France (Montpellier 1967), constatait un « affaiblissement idéologique« . Rapporté par Gérard Cas dans la Revue d’études comparatives Est-Ouest en 1976 : Les techniques de protection du consommateur en régime occidental.
Et en effet, rodait déjà une interprétation réductrice de la Coopération à l’état de simple « secteur » économique intégré au capitalisme, sans capacité de transformation sociale. Une réduction qui convenait parfaitement au néo-capitalisme en pleine offensive mondiale (globalisation). L’expérience de la proposition du bio aux instances coopératives de l’agriculture et de la consommation l’a parfaitement démontré.
Gérard Cas était professeur à l’Université de droit, d’économie et des sciences d’Aix-Marseille. Il se faisait l’écho des alertes relatives à la pollution des aliments par les produits ajoutés, à commencer par les « pesticides et substances vénéneuses employés pour la destruction des parasites nuisibles aux cultures« . Il rapportait que « certains spécialistes de la consommation » jugeaient insuffisant le contrôle préventif. Ainsi Elysabeth Venaille, La pollution dans votre assiette, Edit. Calmann-Lévy 1973 ou 74.
(l) Cependant la mémoire semble revenir…
Grandeur et décadence des coopératives de consommation
article de juillet 2018 publié par « Couac » Saint Étienne
Alors que l’agro-industrie, la production de masse, peuvent nous entraîner à consommer beaucoup trop et mal, il est temps de revisiter l’histoire de ces coopératives qui ont permis, durant un siècle, une autre consommation à partir du besoin réel des gens, particulièrement des prolétaires. La disparition de ces coopératives en seulement deux ans (1985-1986) a constitué une grande perte. Mais cette très longue expérience nous montre qu’il est possible de développer un secteur alternatif ambitieux au capitalisme, porteur, à terme, de transformation sociale.
http://lenumerozero.lautre.net/Grandeur-et-decadence-des-cooperatives-de-consommation
(m) Une « écologie politique » apparue en juin 1974 sous la plume des tueurs du mouvement écologiste, juste après l’invitation à « écologiser la politique » lancée par ceux qui allaient être bientôt éliminés (le Courrier de la Baleine n°6, mars 1974)
(n) Comme en beaucoup d’autres domaines, le rôle déterminant de la création de « la grande distribution » dans le développement du système automobile semble méconnu. Ce sont, pourtant, deux « monopoles radicaux » se stimulant l’un l’autre pour assujettir davantage tous ceux qui tombent sous leur coupe. La raréfaction des artisans et des commerçants sous la concurrence déloyale de « la grande distribution » a été un cadeau sans pareil aux industriels de l’automobile et des travaux routiers. Un « cadeau » mûrement réfléchi.
(o) Un seul exemple : le PSU rocardien se prétendait antinucléaire, ou à tout le moins extrêmement critique vis-à-vis du développement de cette énergie. Or, au bureau national siégeait un responsable du CEA dissimulé sous un pseudo. Et c’est lui qui fut chargé de répondre aux écologistes étonnés par un discours de Rocard bien peu cohérent avec la prétention autogestionnaire…
(p) Les instruments de la violence technologique, politique et financière qui détruit le vivant sur l’ensemble de la planète constituent des monopoles radicaux, comme les appelait Ivan Illich. Technologies dures, comme la nouvelle gauche les appelait auparavant, ces monopoles radicaux substituent aux solutions simples des moyens compliqués, de plus en plus coûteux, fragiles et générateurs de rendements décroissants. Ils sont au service de politiques dures, totalitaires. Produits technologiques ou administratifs des lobbies de l’industrie et de la banque, ou d’organisations coopératives dévoyées (agriculture et consommation), les monopoles radicaux nous sont toujours présentés avec la promesse de faciliter et améliorer la vie. Mais, le confort et les commodités qu’ils semblent pouvoir procurer ne sont qu’apparences et techniques de séduction. Derrière l’illusion, ils colonisent et s’approprient les fonctions et les espaces auparavant appréciés, protégés, partagés et gérés collectivement pour augmenter le bien commun ; l’espace mental surtout. Ils s’affirment en opposition à la communauté des biens. Précisément, leur pesanteur bureaucratique, technologique, économique, écologique et sociale sert à réduire à l’impuissance et à la dépendance en cassant les relations communautaires, le ferment de la démocratie. Ils désorganisent, supplantent, envahissent, imposent leur suprématie, éloignent et coupent de plus en plus de la société et du vivant. Ils déresponsabilisent et font perdre les compétences de l’autonomie et de l’échange, asservissent, spolient, excluent, écrasent tout ce qui ne se plie pas à leur loi, refoulant et supprimant les autres façons d’être et de faire, incorporant leurs utilisateurs au mécanisme qui les assujettit en faisant d’eux les petits soldats de plus graves déstructurations. Même des technologies apparemment accessibles, mais qui dégradent tous les lieux où elles sont développées, dissocient les liens sociaux, dépossèdent de la maîtrise de l’environnement, de la maîtrise de la vie. Elles nourrissent un système tentaculaire qui prend le pouvoir sur la vie de tous, partout sur la planète, détruisant la diversité du vivant.
(q) Nous devons beaucoup de catastrophes économiques, sociales, écologiques à la grande distribution. Par exemple :
Contre l’alerte dénonçant les plastiques jetables :
https://planetaryecology.com/tir-de-barrage-contre-une-campagne-de-denonciation-du-tout-jetable/
…en plus du sabotage de l’alerte écologiste et de la nouvelle gauche qu’elle inspirait !
A Saint-Gengoux le National, la grande distribution a joué un rôle déterminant dans les dégradations croissantes depuis la fin des années 1970, provoquant d’étapes en étapes l’effondrement des activités commerciales et artisanales, et la destruction d’un ruisseau, de sa ripisylve et, en grande partie, de sa tête de bassin versant.
En ce lieu, à l’époque de ma proposition aux coopérateurs, les dégradations déjà commises pouvaient être aisément corrigées ; d’autant que des habitants dynamiques étaient mobilisés pour préserver les patrimoines et restaurer.
Depuis, entre intense pollution des eaux par les chimies agricoles, dépôts industriels dans le vallon de la source historique, et stérilisation de la plus grande partie du milieu aquatique et de son environnement, l’engrenage des dégradations affecte les régions alentour* et l’aval du bassin Rhône-Méditerranée (mer comprise).
* la tête de bassin est comprise dans la Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) « Côte Chalonnaise de Chagny à Cluny » ! Mais les destructions successives n’intéressent personne. Toutes les administrations missionnées pour protéger regardent ailleurs.
Index
Les COOP
le mouvement coopératif
le bio
la Semaine de la Terre
Institut des Études Coopératives (IDEC)
École d’agrobiologie de Beaujeu, 1983 à 1998
l’idéal coopératif
Revue des Études Coopératives
Sociétés Coopératives Ouvrières de Production (SCOP)
Coopératives de consommation
Crédit Agricole
Verrerie Ouvrière d’Albi
Saint-Gobain
Apollo Global Management (fonds d’investissement)
la nouvelle gauche
Saint Gengoux le National
Laboratoire Coopératif d’Analyses et de Recherches (François Custot, Alain Gaussel, Jeannine Grinberg)
Coopératives Agricoles
Comité National des Loisirs (Jean Boniface):
la qualité de la Vie
1968
Métro, boulot, dodo
« gardiens du monde rural«
l’économie de la Nature (Carl von Linné)
la biosphère
Délégation à la Recherche scientifique
méthodes « biologiques » de culture
la coopération
inter-coopération
Le Coopérateur de France
Editions Ouvrières
Jeunes et Nature
L’Educateur (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne Freinet)
Slow Food
Plan Marshall
Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Montpellier
l‘esprit coopératif
Les « principes coopératifs«
Rochdale (les Pionniers)
communaux
mouvement écologiste
mouvement socialiste
féminisme
néo-capitalisme
« la grande distribution«
armes de déstructuration massive des économies locales, des sociétés et des écosystèmes
Centre National de la Coopération Agricole CNCA
Club de Rome
autogestionnaires
gauchistes (maoïstes)
PSU rocardien
réseaux mendésistes
« Deuxième Gauche«
réseaux aroniens
La guerre froide culturelle
CLAS (Comité de Liaison pour l’Autogestion Socialiste)
Objectif socialiste
l’union de la gauche
industrialisation de l’agriculture
gouvernement invisible
« les Trente Glorieuses »
Villeneuve-sur-Lot,
Puy-Guillaume,
Circulaire Fontanet de 1960
« économie sociale et solidaire » (ESS)
Collège Coopératif
« économie circulaire«
la nouvelle gauche écologiste
« écologie politique«
Fédération Nationale des Coopératives de Consommation (FNCC)
FNSEA
le Courrier de la Baleine n°6
système automobile
monopoles radicaux
Herbe, le film
La terre des hommes rouges, le film
Bacon
Marco Becchis
Edward L. Bernays (propagandiste et neveu de Freud)
Jean Boniface (rédacteur en chef adjoint du Coopérateur de France)
Charles Boos, alias Jean Christian (Secrétaire Général de l’IDEC)
Michel Bosquet (futur André Gorz)
Georges Boully (directeur de l’IDEC)
Lydia et Claude Bourguignon
Gérard Cas
François Custot (laboratoire Coopératif)
Charles Darwin
Jacques Delors
Philippe Desbrosses
Henri Desroches
the Dulles Brothers (Allen et John Foster, respectivement directeur de la CIA et Secrétaire d’Etat du Président Eisenhower)
M. Faugier
Célestin Freinet
Gilles Fumey
Alain Gaussel (laboratoire Coopératif)
Charles Gide
Jeannine Grinberg (laboratoire Coopératif)
Henry Hermand
Alain Hervé
Roger Kérinec (président de la FNCC)
Pierre Kropotkine
Ivan Illich
Georges Lasserre
Bernard Lavergne
les Leclerc
Matthieu Levain
Macron
Mao Tse Toung
Dennis Meadows
Suzanne et Victor Michon
Minc
Roger Montagne
Carlo Petrini
Plateau (président du Comité National des Loisirs)
André Pochon
Olivier Porte
Claude Quin
Thierry Pfister
Michel Rocard
Denis de Rougemont
Jean-Jacques Rousseau
Rueff-Armand (Plan Rueff-Armand 1959/60)
Thomas (Émile Henry)
Tito
Elisabeth Venaille
Ambrósio Vilhalva