Cachés derrière le fantôme de Karl, les disciples des Dulles Brothers !


Cachés derrière le fantôme de Karl, les disciples des Dulles Brothers !

chapitre 7

en annexe :

Sous les dorures du « productivisme » et des Trente Glorieuses

Tout dans le guet-apens du 23 juin 1972 annonçait la suite – l’organisation, l’identité des exécutants et leur proximité troublante, leur double-discours, leur aversion pour l’alerte écologiste et ses propositions, leur amour des hiérarchies de la capitalisation des pouvoirs prédatés, leurs connexions secrètes avec le monde de l’argent… Toute la suite.

Nous étions tétanisés. Pour beaucoup, la culture écologiste avait changé quelque chose de fondamental aux mentalités et jusqu’aux perceptions. Elle avait reconnecté à la vie qui avait été oubliée et méprisée par la culture officielle. Elle avait réveillé la sensibilité, ouvert l’intelligence et élargi le champ de l’empathie à tous les autres êtres et à l’ensemble. Ce faisant, la culture écologiste cassait tous les verrous créés par la culture qui avait accouché du capitalisme. Comme la culture coopérative dont elle était très proche, complémentaire, elle avait relativisé l’égoïsme (après Max Stirner), l’individualisme et la propriété. Elle avait remis le nationalisme, le racisme, le maschisme et l’anthropocentrisme dans le tiroir du fond : celui de l’ignorance. Le goût du profit aussi. Donald Worster devait déjà travailler à son historique de la culture écologiste. Il allait la baptiser « culture arcadienne » (Nature’s Economy: A History of Ecological Ideas, Sierra Club Books 1977.

Et là, d’un coup, la meute des amis d’Alain Hervé et de Brice Lalonde nous renvoyait des années en arrière. Ils n’avaient pas suivi l’évolution en cours. Ils venaient d’un monde d’avant, et pas des meilleurs ; exactement de celui que nous combattions. Et ils s’invitaient chez nous pour nous imposer leurs intérêts nombrilistes et leurs vues rétrécies !

Plus tard, à l’attention de bien curieux historiens dévotement courbés devant lui, Brice Lalonde déclarera : « Les militants gauchistes ont apporté leurs techniques aux hygiénistes de droite qui prêchaient le bio » *. Comme on aimerait en savoir plus sur ces « techniques » apportées par les gauchistes auxquels « le général » Lalonde s’identifiait… S’agissait-il de maîtrise de la langue de bois, d’entrisme, de chapeautage, d’intox, de prise de pouvoir, de censure, d’exclusion, de mensonges et falsifications en tous genres, etc. ? Quant « aux hygiénistes de droite qui prêchaient le bio« , je n’en ai pas connu. Sans être hostiles à l’idée, les écologistes n’avaient plus d‘hygiénistes en stock depuis plusieurs générations ! Pas connu non plus des militants de droite en stage de formation chez des gauchistes. Mais, et c’est remarquable, 10 ans avant Bourseiller, Lalonde, le déjà néoconservateur et agent d’influence du capitalisme, reconnaît le remplacement des écologistes par ces « gauchistes » qui l’accompagnaient partout depuis la Sorbonne 67. On se demande comment cela a pu échapper aux fameux « historiens de l’écologisme« . Brice Lalonde réitérera 6 ans plus tard, mais, cette fois, en parlant de pollution gauchiste. Quant au bio que je « prêchais » auprès de coopérateurs qui ne l’étaient plus, Lalonde ne pouvait l’avoir oublié. Disons, qu’il a juste réarrangé un peu l’histoire à sa guise. Mais comment a-t-il fait pour garder son sérieux devant ses intervieweurs ? Il est vrai qu’il avait de l’entraînement. Cavanna en témoignait déjà en 1988 : « (…) L’écologie-catastrophisme, on n’en veut pas. Ça fait peur au gosse et hurler le chien. L’écologie-petites-fleurs-dans-les-bacs-en-ciment-sur-la-place-de-la-mairie, à la bonne heure ! Un Ministère de l’Environnement, ça n’a pas été inventé pour foutre la panique, qu’est-ce que tu crois ? Non, je ne vais pas « me farcir » Brice Lalonde et sa brillante prestation australienne où il a révélé aux indigènes éblouis et charmés que la France éternelle fait don au monde de la découverte la plus bouleversante depuis l’invention du chausse-pied : la bombe H propre, celle qui tue sans salir… Non je ne vais pas vous vomir ici ce que je pense de cet époustouflant numéro de jaquette réversible, j’espère bien, je suis sûr, que quelqu’un l’a fait, l’a hurlé, à la « une » de ce présent numéro d’Écologie« , Géranium et papier peint, Écologie Infos de septembre 1988.

* Les Verts sortent du bois, par Roger Cans, une interview complaisante constellée de désinformations, publiée par Le Monde le 10 juin 1992.

Roger Cans, l’interviewer dépêché par Le Monde, est celui qui allait pondre un historique falsifié du mouvement écologiste. Pour rédiger son « historique« , Roger Cans n’avait communiqué avec aucun des écologistes de ma connaissance, les anciens à l’origine du mouvement, et qui l’animaient encore. Je lui ai donc écrit pour lui proposer une meilleure information. Bien entendu, comme les autres contactés pour la même raison, il n’a jamais répondu et a continué à diffuser le roman fabriqué par les saboteurs du mouvement. Comme par hasard, c’était l’époque de l’Appel d’Heidelberg, une campagne à la Edward Bernays, qui a instrumentalisé des centaines de chercheurs renommés pour décrédibiliser les écologistes et noyer la mémoire sous un brouillard de désinformation. Magie de la manipulation, la plupart de ces chercheurs renommés n’y ont vu que du feu, car, selon une technique déjà maintes fois éprouvée, le message principal est noyé sous des banalités convenues. Celui-ci peut même emprunter à la critique et à l’alternative, paraître sympathique, voire audacieux. Cela n’est que pour mieux capter l’attention, séduire et détourner. Le message réellement actif, opérant, réside surtout dans l’action et dans sa tournure. Encore et toujours un héritage de la guerre froide ; en l’occurrence, de la guerre froide culturelle dirigée contre la nouvelle gauche écologiste. Contrairement à ce que certains semblent croire, cette offensive n’a pas commencé après la chute du Mur de Berlin – les écologistes paraissant soudain la dernière menace pour le capitalisme mais dans les années 1960. La manipulation procède par glissements progressifs dont beaucoup ne s’aperçoivent que trop tard. Même Henri Laborit avait été abusé et avait signé l’Appel, avant de deviner, de se rétracter et de témoigner.

L’offensive anti-écologiste des années 1990 avait commencé avant l’Appel de Heidelberg ; au moins dès la préparation d’un numéro d’Actuel et d’un grand déchaînement médiatique (Ferry, Minc, Finkielkraut, Gauchet, Conan, Grosser, etc., sortis de la revue Le Débat et de la Fondation Saint-Simon, plus les chevau-légers de la « Deuxième Gauche » rocardienne).

C’est probablement aussi un hasard si Roger Cans avait été formé dans un grand media propagandiste du capitalisme étatsunien (Voice of America), avant d’être engagé par Le Monde en 1983 pour coiffer les sujets écologistes.

sur l’anti-écologisme :

1992 – La cécité absolue d’une bande d’autruches (sur l’Appel de Heidelberg ), par André Langaney

1992 – Amiante et Appel de Heidelberg, par Henri Pézerat

Guy Hocquenghem aurait été passionné par la découverte des coulisses. Mort prématurément en 1988, il n’a sûrement pas eu le temps de deviner la mégamachine capitaliste derrière l’épaule de son « vieux copain Lalonde« . Il n’a pas eu assez de temps pour apprendre que, pour la plupart de ses anciens « copains« , la « méthodologie de la manipulation » où ils excellaient n’avait pas « l’excuse d’être au service d’une noble cause« , que nenni ! Cette compétence, ils l’avaient acquise au service de la conquête capitaliste. Hocquenghem n’a pas eu le temps de se rendre compte que le « reniement » lui-même était une pantomime, car c’est l’engagement premier qui avait été simulé.

Pour en apprendre davantage, il faudra, au moins, attendre la publication des confidences de Pierre Grémion en 1995 : Intelligence de l’anticommunisme. Le Congrès pour la liberté de la culture à Paris 1950-1975 (la publication et sa découverte fortuite). Et, pour moi, je devrai attendre les confidences tardives d’une ancienne compagnonne de « la protection de la nature » des années soixante – en 2011 !

Fascinés par ceux qui plastronnaient sous les feux de la rampe, des observateurs extérieurs ont pu croire à une dégénérescence ultra-rapide du mouvement social. D’autant que, bien entendu, pour parachever la manipulation, la réaction a généreusement exploité le filon en entretenant la confusion entre le mouvement et la confrérie des aigrefins – ceux que même quelques anciens des groupes gauchistes désignent depuis longtemps comme des « escrocs« .

L’objet de la mobilisation des prédateurs du soir du 23 juin 1972 – hisser sur le pavois Brice Lalonde – est hautement révélateur sur les uns et les autres. Cela n’était pas tant la famille qui révélait ce personnage ; tout de même l’une des familles de l’oligarchie capitaliste mondiale. En plus des bandes maoïstes, les réseaux occultes qu’il fréquentait depuis des années sont éloquents. Via son protecteur Michel Bosquet (futur André Gorz), l’un des patrons du Nouvel Observateur, il y avait le lobby des supermarchés qui contribuait à la déstructuration générale mise en œuvre avec les plans de « suppression des obstacles à l’expansion économique » du lancement de la 5ème république. Cela n’était pas tout. S’y ajoutait un « collège invisible de l’écologisme« . Un « collège invisible » ! Comme « gouvernement invisible« … Nul doute que ces gens connaissaient leur Lippmann et leur Bernays sur le bout de leurs doigts de marionnettistes. Lippman et Bernays, les théoriciens de la manipulation de l’opinion par la désinformation et les faux-semblants (et de l’aliénation par la consommation de masse).

Un « collège invisible » ? Une organisation, un réseau caché là-derrière ! Quelque chose s’agitait donc en coulisse, veillant soigneusement à rester ignoré des écologistes comme nous – ceux qui voyaient clairement la relation entre destruction du vivant, exploitation et capitalisation. Nos méthodes étaient un brin différentes. Nous voulions informer, démontrer, convaincre, stimuler l’ouverture et l’empathie. Ils dissimulaient, complotaient, tramaient des proscriptions… Nous faisions partie d’un mouvement social. Élitistes, ils ne s’en réclamaient que pour mieux s’y opposer.

La chose avait été créée par Robert Hainard et Denis de Rougemont, Jacques Delors aussi, entre autres. Encore Rougemont… La présence de celui-ci indique la parenté avec le Congrès pour la Liberté de la Culture et le coeur du système impérialiste via les Dulles Brothers, ses mentors ; sans oublier l’inévitable Fondation Rockefeller qui l’avait pris sous son aile *. Mais que venait faire l’un des hommes les plus influents de la guerre froide culturelle anticommuniste, un superviseur de la propagande capitaliste, dans le dos des écologistes français ?

* « (…) Stephen Kinzer says the Dulles brothers shaped America’s standoff with the Soviet Union, led the U.S. into war in Vietnam, and helped topple governments they thought unfriendly to American interests in Guatemala, Iran, the Congo and Indonesia. In his new book, The Brothers, Kinzer says the Dulles’ actions « helped set off some of the world’s most profound long-term crises.« , The BrothersJohn Foster Dulles, Allen Dulles, And Their Secret World War, Stephen Kinzer, Times Books 2013.

Quelques dizaines d’années après les premiers étonnements, la révélation de la composition de ce « comité » évoqué dès 1971 par un Alain Hervé dressé contre l’alerte à la pollution par les plastiques jetables – ce collège soigneusement dissimulé – fut comme un sésame découvrant un univers de calculs et de manoeuvres florentines, et réveillant maintes suspicions. Cela nous permit de mettre des noms sur ce que avions eu tant de peine à seulement deviner.

Quelque chose avait profondément changé depuis le lancement de la conquête capitaliste mondiale (la globalisation) maquillée en lutte contre le communisme autoritaire… C’est la prise de conscience écologiste et l’essor des alertes et des alternatives. Les capitalistes avaient vite compris que la défense de la biosphère et, naturellement, du bien commun représentait une menace comparable à celle des revendications sociales, voire du grand méchant loup communiste. Une menace peut-être pire que les aspirations à la justice sociale, car, à la différence du « communisme » hérité des penseurs barbus, la culture écologiste n’avait guère de points communs avec celle, impérialiste en tous domaines, du capitalisme. D’ailleurs, les écologistes ne séparaient pas celui-ci de celui-là. Même si les écologistes n’étaient guère nombreux (en France), leur révolte et leur vision représentaient une menace pour les fondements mêmes du capitalisme.

Vu l’énormité des projets auxquels ils travaillaient, les prédateurs du bien commun imaginaient sans peine que la révolte contre les destructions qu’ils avaient déjà perpétrées n’était que le début d’un phénomène de rejet de grande ampleur. Les simples connivences de caste, même les concertations ponctuelles entre dominants ne suffisaient plus. Comme cela avait été fait pour les autres résistances, il fallait donc des outils spécifiques pour endiguer la nouvelle vague ; des outils de surveillance permanents, avec une forte capacité de réaction. Très vite, une partie des forces de la guerre froide a été redirigée contre le mouvement écologiste et toute la nouvelle gauche des années soixante *. Et, comme les clubs de la fin des années cinquante, les cercles, collèges et autres « think tanks » allaient fleurir dix ans plus tard pour entraver l’écologisation qui s’amorçait. Impossible de les ignorer ! Plus exactement : impossible de ne pas subir leur influence. Nous allions butter sur eux à chaque pas, et tout particulièrement sur le « collège invisible » Diogène-Écoropa – toujours sans pouvoir l’identifier.

* Dès 1962, le front propagandiste levé contre Le Printemps Silencieux de Rachel Carson l’illustre parfaitement. On le retrouvera à chaque fois, constitué à peu près de la même façon, avec pour stratégie principale l’insinuation du doute (la fabrique du doute) et la mobilisation de journalistes, de scientifiques – ou d’historiens – à la solde et déjà rodés dans tant d’autres opérations (dissimulation des crimes de la colonisation et glorification de la mise en coupe réglée des « pays vides« , propagande pro-remembrement-démembrement des campagnes, odes à la « Grande Distribution » et à ses « prix bas » si avantageux, omerta sur les crimes de masse du stalinisme puis du maoïsme, nucléaire, plastiques jetables, amiante, Appel de Heidelberg visant globalement l’alerte écologiste, inépuisabilité de la biosphère, réchauffement climatique, etc.).

Aron, Josselson et Rougemont au Mont-Pèlerin

La guerre froide anticommuniste, puis anti-nouvelle gauche écologiste est la fille des manipulations de masse de la « fabrique du consentement » de Lippmann et Bernays. Avant de se pencher sur les écologistes, Denis de Rougemont y avait occupé l’une des plus hautes fonctions entre 1952 et 1966, comme président du CCF (Congrès pour la liberté de la Culture). Et, sans doute, a-t-il eu encore quelque influence dans ce qui a succédé à celui-ci : l’Association Internationale pour la liberté de la Culture. Étroitement connecté à ces précédents développements du « gouvernement invisible » de la conquête capitaliste, le « collège invisible de l’écologisme » du même Rougemont était un « mécanisme social imperceptible« , une main invisible manipulant la masse des écologistes considérée avec autant d’aménité que le peuple immature, irrationnel et inculte vu par Bernays and Co. Infiltrer et désinformer, isoler les acteurs du mouvement et les remplacer par des agents dociles, contrôler les excès de l’alerte écologiste (selon eux), et effacer celle-ci sous un simulacre de critique environnementaliste pour détourner les néophytes. Pour faire illusion, il fallait une critique de bon aloi, de « bon père de famille bourgeoise« , sans remise en cause menaçante pour l’ordre établi. Ainsi, le mouvement porteur d’une critique si radicale qu’elle changeait les perceptions et les perspectives, celui que Bernard Charbonneau, après Murray Bookchin, reconnaissait comme « une véritable révolution« , allait-il être désorganisé, stérilisé et remplacé par de pleines bassines d’eau tiède.

Ce « collège« , cette loge était si « invisible » qu’il faudra attendre les années 2000 pour que des écologistes du coeur de l’action (les survivants !) commencent à en apprendre l’existence. Comment ? Grâce à la vigilance enfin relâchée de plusieurs de ses membres, grâce aussi à leur envie de gloire, même répugnante. Parallèlement, la lente révélation des appareils secrets de la guerre froide et de leur engagement contre la nouvelle gauche des années 1960/70 complétera le tableau. Après si longtemps d’étonnements et d’interrogations, ce n’est qu’alors que j’obtiendrai la confirmation du double jeu de nombre de mes « compagnons » d’hier, et pourrai commencer à deviner leurs étranges coordinations sous contrôle de quelques personnages sulfureux, dont Denis de Rougemont.

Au fur et à mesure des aveux ou des vanteries tardives, la révélation de la composition du collège Diogène ne manqua pas d’étonner, car, en plus de Denis de Rougemont, il rassemblait quelques poids lourds du capitalisme… Dès la fin des années soixante, le collège invisible rassemblait :

  • Jean Carlier : directeur de l’information de RTL (famille Monod),
  • Jacques Delors : acteur du Club mendésiste Jean Moulin dès 1958, donc, d’après Pierre Grémion, un pur adversaire de la nouvelle gauche (la suite le confirmera amplement). Sa proximité avec Denis de Rougemont dans le « collège invisible de l’écologisme » confirme son rôle d’agent de la politique européiste américaine, celle de la croissance marchande. On retrouve là la complémentarité avec Michel Rocard dans l’assassinat de la nouvelle gauche au profit du capitalisme le plus extrême. Qu’un activiste de »l’adaptation de la France à la donne mondiale (de l’impératif économique d’une économie en mutation rapide« , et ennemi de la nouvelle gauche s’agite dans un réseau invisible consacré au mouvement écologiste… cela, seul, renseigne sur la fonction de ce dernier.
  • Jean-Pierre Dupuy,
  • Jacques Ellul : celui-ci n’était-il qu’un faux semblant, ou a-t-il été abusé de bout en bout ?
  • Solange Fernex (famille de Turckheim),
  • Edward Goldsmith,
  • Jacques Grinevald, l’auteur de la formule « collège invisible de l’écologisme« ,
  • Robert Hainard,
  • Edouard Kressmann : grand négociant des vins de Bordeaux, membre du Mouvement Européen, comme par hasard le lobby US de la guerre froide pour une Europe capitaliste unie, partenaire des USA contre les régimes communistes.
  • Alain Hervé, bien sûr !
  • Brice Lalonde : alias Oliver Forbes, sa signature dans Le Sauvage (famille Forbes de Boston),
  • Philippe Lebreton : Pierre Fournier lui-même, dès le début de La Gueule Ouverte, et même avant, n’avait pu échapper au chapeautage : un poisson-pilote lui avait été adjoint. Venant de « la protection de la nature » qui avait jeté dehors les écologistes, Lebreton figurait dans l’équipe ! Il signait « professeur Mollo-Mollo« .
  • Roland de Miller,
  • Serge Moscovici : même interrogation que pour Jacques Ellul,
  • Armand-Marcel Petitjean : « Arriviste triste » (d’après Sartre) devenu propagandiste pétainiste, héritier de la Maison Lancôme, acteur de Transversales science/culture avec Jacques Robin et Edgar Morin, de CoEvolution aussi. Toujours élitiste, il est passé du sauvetage de la « race française » au collège invisible de la caste dirigeante.
  • Philippe Saint-Marc,
  • Denis de Rougemont : le maître manipulateur du CCF :1940-1985 : Denis de Rougemont, ou le personnalisme détourné contre la nouvelle gauche écologiste
  • Antoine Waechter,

etc. 

Toujours grand amateur de nouvelles interrelations, l’écologiste était gâté par cette découverte !

Avec le recul de maintes expériences énigmatiques avec la plupart de ces collégiens, force est de reconnaître qu’il y avait là les plus perfides ennemis de la nouvelle gauche écologiste, mais d’excellents amis des supporters de la croissance marchande – pourvu qu’elle reste à peu près propre. Tous parfaitement dissimulés. Entre coupe-jarrets et imposteurs chargés de récupérer l’image du mouvement qu’ils vidaient de sa substance en en éliminant les acteurs. La quintessence de l’hypocrisie – à l’inverse de la culture écologiste qui, avec l’empathie première, implique l’ouverture, la sincérité et la confiance. Mais comment avaient-ils été sélectionnés par Rougemont et ses services ? Dans quel(s) vivier(s) d’ennemis du mouvement social ? Par quoi étaient-ils tenus (…qui, pour les survivants, les tient encore) ? Bernard Charbonneau, les connaissait personnellement et a beaucoup coopéré avec eux. Cela ne l’a pas empêché de parler de « caste dirigeante« , de « notabilités » et de « société industrielle » récupératrice du mouvement. Et, en effet, dans cette seule liste probablement incomplète, un bon nombre de grosses fortunes représentées disent le pouvoir et la longévité des forces mobilisées. On remarque aussi une signature protection de la nature particulièrement conservatrice (mais pas tout à fait dans le bon sens). Nantis, ils avaient été gâtés par le système exploiteur, mais les destructions croissantes perpétrées par celui-ci les inquiétaient quand même un peu. Pas au point, cependant, d‘oublier leurs intérêts matériels immédiats. L’étendue des remises en causes écologistes les alarmait davantage. Comme leur ami Alain Hervé, ils avaient eu bien trop peur en 68 ! Alors que nous commencions tout juste à donner de la voix, leur but était déjà défini : nous retirer la parole et nous remplacer par des fac-similés émasculés. Tandis que nous espérions une mutation générale, la lutte des classes prédatrices contre l’éveil des consciences avait déjà commencé. Maîtres ou valets avides, ils ont constitué un bloc parfaitement uni, inaccessible, immuable. Avec le recul, on ne peut qu’être impressionné par la qualité de la sélection initiale. Un haut cadre de l’appareil propagandiste du capitalisme, des auteurs respectés, des journalistes intéressés (?) par l’environnement. L’influence de la mobilisation laisse rêveur. Sa relation étroite avec la « Deuxième Gauche » également. Quant aux journalistes… Leur participation à ce cénacle secret confirme les constatations que nous avions pu faire. L’implication des media correspond bien à l’une des priorités de l’appareil propagandiste du néocapitalisme pour diffuser la bonne pensée (bientôt baptisée pensée unique). On mesure mieux la redoutable efficacité du dispositif en réalisant que le succès de l’écologisation passait par la participation des media à l’information de la plupart – ce pourquoi je m’étais rapproché des journalistes qui affichaient un intérêt pour l’environnement !

Sur la forme, ce secret collège évoque le Plan Cloven destiné à réduire l’influence du Parti Communiste *. Dès le début des années 1970, entre réactionnaires bon teint et « Deuxième Gauche« , nous avions sur le dos l’assemblage des forces qui allaient constituer, ou suivre, la Fondation Saint-Simon (laquelle ciblait aussi le Parti Communiste). Tout ce monde et cet investissement pour les écologistes français qui n’en étaient qu’aux balbutiements ! Heureusement que deux membres de ce collège (Grinevald et Miller) se sont laissés aller à quelques confidences tardives, ou imprudences, car nous serions encore dans l’ignorance de cette chose tapie dans l’ombre qui renvoie aux plus nocives cabales contre le bien commun..

* La C.I.A. en France, 60 ans d’ingérence dans les affaires françaises, par Frédéric Charpier, Éditions du Seuil 2008.

Une sorte d’écran à double face avait été interposé entre la nouvelle gauche écologiste et le reste du monde. Du côté de l’alerte et des alternatives, tout était stoppé et absorbé par l’entrelacs des faux-semblants, des censures et des récupérations. De l’autre côté, une image délicatement affadie était offerte aux curieux, comme une cape d’invisibilité jetée sur le mouvement, et un théâtre de tartuffes s’employait à détourner les nouveaux indignés, voire à les dégoûter de tout engagement.

Le piège était proprement diabolique (de diabolus – qui déstructure). Tout y était : la séduction perverse et, à l’inverse de la proposition, une stratégie à long terme de délitement méthodique des forces. L’ampleur du déploiement et la sournoiserie des méthodes disent à quel point les exploiteurs et les simples réactionnaires ont eu peur de la nouvelle gauche et, particulièrement, du mouvement écologiste. Elles disent aussi l’étendue des résistances qu’ils ont dû vaincre pour imposer leur loi. S’il n’y avait que Denis de Rougemont, cela suffirait à révéler la relation avec l’appareil propagandiste de la guerre froide qui avait été en partie redirigé contre les mouvements de l’alerte et de l’alternative au capitalisme. Cela autorise aussi à penser que d’autres collèges invisibles avaient été constitués pour coiffer les autres courants de la nouvelle gauche. Un collège pour les défenseurs des campagnes et du patrimoine paysan, un collège pour les peuples autochtones sous domination française, un pour les homosexuels en lutte, un pour les libertaires et les communautés qui se multipliaient, un pour les pacifistes et les internationalistes, encore un pour les féministes, et un autre pour les paysans critiques du modèle dominant, etc. ? Ou le même grand collège, mais avec différents départements ? Vu l’apparente dérive spectaculaire de tous les courants de la nouvelle gauche, on ne peut en douter.

Même sans les interactions avec la guerre froide, il serait difficile de ne pas faire le rapprochement avec les réseaux stay-behind façon Loge P2.

Sans doute, ceux qui contrôlaient « la protection de la nature » avaient-ils été coulés dans le même moule, car nous avons été exclus dès 1971 pour avoir osé lancer une action « politique » (La Semaine de la Terre). Les membres de l’invisible Diogène connus pour leur engagement à droite, voire très très à droite, étaient parfaitement accordés avec l’identité ultra-capitaliste de ses initiateurs (entre Dulles brothers et neocons anti-New Left). Un nid d’ennemis viscéraux de la démocratie telle que les écologistes la concevaient. Excepté Charbonneau qui a hésité un peu, réactionnaires les définit bien, puisque tous ont démontré leur détermination à effacer la réponse aux agressions de la conquête capitaliste, l’émergence critique et alternative des années soixante, et son enthousiasme contagieux. Usurpateurs précise encore le portrait. Pas un qui ne défende des intérêts particulièrement juteux, ou qui n’ait emprunté idées, actions et apparences à la nouvelle gauche pour mieux tuer celle-ci en détournant tous ceux qu’elle séduisait (et séduit encore).

Une petite cinquantaine d’années plus tard, d’aucuns semblent découvrir la cohérence entre « l’écologique » et « le social« . La démonstration de cette cohérence causait déjà des cauchemars aux agents du capitalisme regroupés dans le « collège invisible« .

« Anti-nature« , anti-bien commun, anti-démocratique, le système aggloméré autour de la croissance est totalitaire – absolument totalitaire. C’est bien pourquoi il utilise tous les artifices pour se grimer en son contraire. Comme pour faciliter cette identification, la propagande populationniste fait partie du paquet.

C’est à l’un de ses dignitaires, un connaisseur de toutes les manoeuvres, que Diogène-Ecoropa doit d’avoir été qualifié de « collège invisible de l’écologisme » : Jacques Grinevald. Invisible, en effet ! J’ai eu à mes côtés plusieurs de ses membres dès les années soixante, à Jeunes et Nature, en organisant la Semaine de la Terre à partir de l’automne 70, puis aux Amis de la Terre et ensuite, mais je n’ai jamais pu cerner leur double jeu. Tous avaient déjà plusieurs années de vol en formation de combat, y compris René Dumont avant même que je pense à lui. Sympathie feinte des années durant. Ils ont été parfaits. Je n’ai pu commencer – juste commencer – à prendre conscience de l’existence de ce réseau qu’en découvrant le mystérieux Ecoropa à la fin des années… 1990, à l’occasion d’une action de défense des forêts tropicales. Or, le comité de parrainage fantôme des Amis de la Terre, celui dont Alain Hervé se disait l’exécutant docile, devait être ce « collège invisible« ; autrement dit : la première mouture d’Ecoropa (1975) et ce qui l’a précédée, Diogène (1968 ou 69). L’expérience tardive des années 1990 tend à le confirmer. Intrigué par cette « association » qui semblait avoir les mêmes préoccupations que moi, j’ai tenté de la contacter pour en savoir plus. J’ai trouvé porte close. On ne pouvait rencontrer, découvrir, adhérer, agir ensemble.

L’expression « collège invisible » n’est pas plus reluisante que « cabinet noir« . Comme on peut s’y attendre, les antécédents historiques sont fâcheux et accoler collège invisible à écologie relève de l’oxymore. Il est curieux qu’un membre d’une organisation secrète reconnaisse la dissimulation, donc tout ce que cela implique. Était-ce une imprudence, une critique tardive ou, peut-être, l’expression d’un besoin irrépressible de faire savoir que l’on a appartenu à un cénacle richement doté ? Un autre – Miller – s’est découvert davantage en le baptisant « club des têtes pensantes de l’écologie » ! En toute modestie. Il est des vanteries révélatrices. Je n’ai pas réussi à obtenir de leurs auteurs le moindre éclaircissement. Ils se sont refermés aussitôt et ont mis fin à la relation.

En cette période particulièrement critique, ces « têtes pensantes » n’avaient rien trouvé de mieux que d’éliminer le mouvement profond correspondant au défi majeur de l’époque.

Jacques Grinevald est de ceux qui connaissent bien leurs classiques. Aurait-il voulu donner une précieuse indication à ceux qui cherchent à comprendre ?

Nous étions presque tous dans l’ignorance de ce monde parallèle qui s’affairait autour de nous, comme autour de toutes les autres manifestations critiques et alternatives. Presque… car certains savaient.

Jusque-là, j’étais complètement dans le brouillard, ne sachant à qui ou à quoi attribuer l’impressionnante collection de « c’est pas d’chance« , de trahisons apparentes et de mauvaises actions accumulées depuis les tout débuts. Et je n’étais pas le seul à ignorer l’essentiel ! Même Hervé le Nestour, bien qu’il ait dénoncé « les complicités américaines« .

Bernard Charbonneau était l’un de ceux qui savaient ce qui nous était soigneusement caché; enfin, il en savait assez pour faire sens là où nous ne comprenions rien. Lanceur précoce et longtemps incompris de l’alerte écologiste, son parcours est édifiant. Il s’est lâché un peu dans La Gueule Ouverte n° 21 de juillet 1974 (Le « mouvement écologiste« , mise en question ou raison sociale). Une lecture attentive laisse deviner qu’il n’avait pas conscience de révéler des grands secrets. Pourtant, à la lumière de ce que l’on a pu apprendre depuis, la lecture de l’article dévoile, au moins, deux faits majeurs que l’on a mis longtemps à décrypter :

« (…) Tout intellectuel ou militant français engagé dans cette lutte (l’opposition à la société industrielle) ne devrait jamais oublier à quel point l’éveil de l’opinion a été une entreprise préfabriquée.

C’est en 1970, année de la protection de la nature que tout a été brusquement mis en train par la caste dirigeante. On peut parler d’un véritable « feu vert » donné cette année-là à la critique de la pollution et de la destruction de la nature. Jusque-là, aveugles au ravage qui s’étendait depuis au moins dix ans devant leurs yeux, les Français le découvrent sur l’écran de « La France défigurée », la presse prend le relais, du Figaro au Monde, qui inaugurent la rubrique « Environnement », que confirme la création d’un ministère. Chaque grande maison d’édition ou revue a son secteur écologique.

L’« environnement » devient soudain source de notoriété et de places. Les intellectuels (qui sont de gauche comme la banque et l’industrie sont de droite), à la suite de l’Amérique représentée par Ivan Illich, découvrent les problèmes de la société industrielle qu’ils s’étaient obstinément refusés à se poser. Et Morin, Domenach, Dumont, etc. se convertissent à l’écologie (…) »… ou, plus exactement, sont invités à simuler la conversion. Car, tout en donnant de précieuses informations sur ce qui se tramait, Charbonneau ne poussait pas plus avant la critique, se méprenant sur les motivations et les identités, prenant les imposteurs et les carriéristes pour des lanceurs d’alerte et allant jusqu’à leur attribuer « l’éveil de l’opinion » !

https://planetaryecology.com/1974-07-le-mouvement-ecologiste-mise-en-question-ou-raison-sociale/

Pierre Fournier avait bien vu la manipulation sous l’apparence d’une prise de conscience officielle. Peut-être en avait-il eu quelque écho :

« Il était grand temps de créer un service officiel de récupération pour canaliser la prise de conscience » a-t-il écrit en constatant la mobilisation des dominants autour de l’environnement (C’est la lutte finale, Charlie Hebdo n°12, 8 février 1971). Fournier précédait l’analyse de France Stonor Saunders sur la guerre froide culturelle menée sur tous les fronts pour imposer le capitalisme le plus brutal. Car, contrairement à ce que semble avoir cru Charbonneau, cela n’est pas un « feu vert à la critique » que l’éveil écologiste avait inspiré à la caste dirigeante, mais l’organisation d’un plagiat pour capter les nouvelles énergies, les contrôler et les diminuer – une belle et bonne « réaction », comme l’on disait alors. Beaucoup plus tard, Bruno Latour souhaitera une « bataille culturelle » : « les écologistes ne peuvent pas espérer mobiliser sans faire le travail idéologique« . Latour paraîtra ignorer que la nouvelle gauche avait lancée cette bataille longtemps auparavant, et qu’une puissante contre-offensive avait répondu à ses tentatives d’écologisation *. Pourtant, déjà dans L’Empire américain paru en 1968, Claude Julien détaillait les opérations du contrôle culturel, en particulier la production massive de livres de connivence signés par des auteurs particulièrement dociles ; disons, habitués à servir la caste dirigeante et à profiter de la manne offerte avec tant de prodigalité. Dans l’après 68 qui avait fait si peur aux dominants, alors que la nouvelle gauche était en plein essor, l’effort propagandiste – déjà énorme – avait été démultiplié.

* Bruno Latour qui n’avait pas compris quand, au début des années 2000, répondant à son invitation, je lui disais que, depuis longtemps, les écologistes ne montent pas à la tribune, mais échangent avec les autres sur le même plan – dans la salle.

Sous la tribune, la vie, Silence n°291/292, janvier 2003.

À Jeunes et Nature, une dizaine d’années après le lancement du saccage de la civilisation paysanne, une bien curieuse plaquette propagandiste était tombée des hauteurs ministérielles. Je m’en souviendrai quand, quelques années bien remplies plus tard, Charbonneau dévoilera : « tout a été brusquement mis en train par la caste dirigeante« . L’oeuvre était réalisée « sous l’égide du Comité français d’organisation de l’Année européenne de la Nature 1970, par la Section technique centrale du remembrement et de la voirie agricole » (sic). Le titre invitait aussi à la méfiance : Remembrement rural et conservation de la nature.

Pas de titres d’articles, pas de sommaire, pas de pagination, pas d’index, un style à s’endormir debout, une typographie décourageant de tout lire, surtout au milieu de ce document de 16 pages. Justement, perdu au centre figurait un article de François Terrasson qui, à la suite de Roger Heim et Jean Dorst, s’employait à dénoncer le désastre écologique et social créé par « les exigences du remembrement« . Ainsi, le seul article critique correspondant au prétendu sujet de l’ouvrage, se trouvait comme invisibilisé au milieu des odes à la suppression de tout ce qui gène l’intensification de l’exploitation. Bien sûr : au mieux, l’écologie était réduite à l’esthétique d’un paysage. Porté par les Chambres d’Agriculture façonnées par le productivisme, l’Ordre des Géomètres-expert fonciers qui pérore sur l’écologie et le climat, et une paysagiste nourrie par les opérations de « modification des paysages », la majeure partie du message accessible associait le remembrement destructeur des campagnes à « la protection de la nature » – jusqu’à sous-titrer un passage particulièrement gratiné : Le remembrement au secours de la protection de la nature ! Cela tout en proclamant que « les haies, talus, chemins creux (sont des) obstacles à l’utilisation rationnelle des sols » – toujours en feignant l’ignorance de leurs multiples fonctions écologiques et climatiques *, au point de parler d’ »une remise en état des sols » dont les remembreurs organisaient systématiquement la mise à mort. Comme dans toute bonne propagande, tout est retourné en son contraire pour mieux dissimuler le sens de la politique suivie : l’éviction de la plupart des paysans pour industrialiser à outrance en intensifiant la croissance marchande et gavant les lobbies **. Et le ministère de charger davantage en affirmant « que, pour améliorer les conditions de vie des milieux agricole et rural et pour préparer l’agriculture de demain, le remembrement est une opération indispensable« . Là, pas d’information sur les Plans pourfendant l’ »archaïsme des structures parcellaires« et recommandant de « déprimer les revenus agricoles pour les maintenir au-dessous des revenus industriels » pour « repousser vers des activités industrielles les éléments de main-d‘oeuvre agricole en excédent » (rapport Rueff/Armand de 1959). Pas de citations d’agronomes productivistes contre le « nanisme » des fermes familiales (Dumont). Au contraire, la dissimulation et le mensonge sont poussés à l’extrême : « dans certaines régions où le remembrement freine le dépeuplement, on peut dire qu’il contribue à la protection de la nature dont l’agriculteur est le gardien » (les Chambres d’Agriculture). On est loin de Gaston Roupnel : « Dans toute cette campagne taillée partout aux tâches quotidiennes des hommes, pas une de ces lignes qui ne nous parle…, qui ne nous parle d’entente entre l’homme et la terre !« , Histoire de la campagne française page 184, Plon, collection Terre humaine 1984 (1ère édition : Grasset 1932).

* « Il faut noter en effet que les raisons économiques de leur création ont bien souvent disparu « . Comme s’il n’existait que « les raisons économiques » de l’idéologie productiviste obsédée par l’exportation et une compétitivité mondiale déconnectée de la biosphère. Disparus la nécessité de la régénération biologique, du renouvellement de l’humus, de la régulation climatique, etc. ?

** « (…) nous préférons parler des lobbies agricoles plutôt que du lobby agricole. Ce sont tous ces intérêts réunis (ce qui ne veut pas dire unis) qui concourent au paradoxe de l’explosion dans les pays industrialisés, d’une agriculture minière, peu rentable pour la majorité des agriculteurs) et source de nuisances environnementales considérables pour les nations concernées« , La fracture agricole, par Vincent Gallon et Sylvie Flatrès.

Sous les dorures du « productivisme«  et des Trente Glorieuses

La propagande se répète, se perd en démonstrations oiseuses, fait tourner en boucle un charabia solipsiste pour mieux anesthésier. « Plus le mensonge est gros, plus il passe« , Joseph Goebbels inspiré par Edward Bernays. Bernays, justement, dont on devine encore la patte dans la manière dont ce document avait été entièrement pensé pour désinformer et susciter le doute.

Jeunes et Nature n’était pas tombé dans le panneau et avait dénoncé le point de vue développé, surtout dans la première partie : « fondamentalement erroné et dangereux » (Additif à la brochure du Ministère de l’agriculture sur le remembrement). Nous entendions le mensonge, mais nous étions encore bien loin de mesurer l’ampleur du phénomène auquel nous tentions de résister.

C’est ce remue-ménage propagandiste que Charbonneau a observé et dont, heureusement, il a tout de même témoigné.

C’était le moment de serrer les rangs entre complémentaires, pour étendre la résistance !

Dans cette opération de la caste dirigeante (l’oligarchie, la classe prédatrice), la présence d’Edgar Morin ne peut surprendre. Mais elle permet de relativiser sa prétention tardive à avoir été un pionnier du mouvement écologiste; tout en taisant sa période maoïste (à la même époque)… Répondant à Claire Servajean, une journaliste de France Inter sans connaissance du sujet :

« (…) Vous, ça fait un p’tit moment que vous vous préoccupez de l’environnement, depuis le début des années 70. Vous n’étiez pas très nombreux à l’époque ? »

Edgar : « (…) on était 2 ou 3. Mais il faut dire qu’on était alertés par ce fameux rapport Meadows qui était le premier rapport qui disait que c’était l’ensemble de la planète qui était menacé de dégradation, et il a fallu des catastrophes pour secouer un peu l’opinion, pour créer un début de conscience écologique (sic), mais c’était très faible. Il y a eu Tchernobyl, il y a eu plein d’exemples…« 

https://www.franceinter.fr/emissions/une-semaine-en-france/une-semaine-en-france-27-janvier-2017 (à partir de la 16ème minute).

Extraordinaire ! « On était 2 ou 3″… C’est peu pour un mouvement social. Avec l’aveu d’ignorance, c’est reconnaître qu’il n’avait aucun contact avec le mouvement. Sa confusion sur les phénomènes ayant stimulé l’alerte et la résistance écologistes, et sur leur chronologie*, révèle la fabrication de sa conversion et son but : supplanter les écologistes en récupérant leur action.

* Tchernobyl c’était 15 ans plus tard, plus de 20 ans après les grandes destructions qui avaient alarmé les écologistes !

En cette fin des années 1960, toute la caste dirigeante avait été mobilisée pour donner le change. Même Georges Pompidou s’est fendu d’un discours environnementaliste le 28 février 1970, à Chicago. Il s’agit bien du Pompidou des autoroutes urbaines, des tours et des essais nucléaires aériens en Polynésie.

Dans la liste de Charbonneau, la présence de René Dumont, l’homme des lobbies de l’agrochimie (la « Révolution Verte« ), ne surprend pas davantage.

La publication tapageuse de livres propagandistes n’était qu’un aspect de l’opération dirigée contre le mouvement social. Comme le montre le piratage du 23 juin 1972, d’autres s’étaient aussi lancés dans une curieuse conversion, moins médiatique, un tantinet plus perfide.

Revenons à Edgar Morin sur France Inter en 2017… « (…) ce fameux rapport Meadows qui était le premier rapport qui disait que c’était l’ensemble de la planète qui était menacé de dégradation« . Le premier ? Morin était bien mal informé ! Ignorait-il encore que l’alerte avait été lancée sur la base de maintes expériences, observations et études, et depuis longtemps, et qu’il y avait même un mouvement écologiste ?!

« C’est en 1970, année de la protection de la nature que tout a été brusquement mis en train par la caste dirigeante » a dévoilé Bernard Charbonneau. C’était donc ça ! Ce soudain écho aux cris d’alarme des écologistes. Ces gens déjà confortablement installés dans le système dominant et qui, tout à coup et tout sourire, leur tendaient la main, leur ouvraient leurs locaux, créaient des « associations » et des journaux, organisaient des manifestations… Par exemple, the Earth Day de 1970 qui nous avait tous étonnés trouvait là son explication. Avec ses dizaines de manifestations et ses centaines de milliers de participants, ce Jour de la Terre nous avait fait rêver et croire à un mouvement de masse spontané. Car il y avait bien un mouvement, un mouvement planétaire dont nous-mêmes faisions partie. La mobilisation correspondait à la prise de conscience qui enflait depuis une dizaine d’années. Mais l’ampleur de la manifestation, sa soudaineté, et, surtout, l’importance de sa couverture médiatique étaient très éloignées de la référence en la matière : les performances des Provos aux Pays-Bas. Bien sûr, les sociétés de protection de la nature américaines avaient soutenu, tandis qu’ici les associations équivalentes poussaient les écologistes dehors. Mais il y avait mieux encore… D’après le récit officiel, l’idée ne serait pas née dans le mouvement des alertes et des alternatives, pourtant peu avare en propositions et en initiatives. La paternité en est communément attribuée à Gaylord Nelson, un sénateur du Wisconsin, après en avoir été gouverneur. Un politicien des plus classiques lançant, seul, une initiative écologiste en plein mouvement de l’alerte écologiste… Voilà qui est original. Et, comme ce monde-là est bien fait, ce politicien avait pour ami une vedette des « relations publiques » – le nouveau maquillage de la manipulation et de la propagande depuis Edward Bernays : Julian Koenig. L’histoire ne dit pas que c’est ce disciple de Bernays qui aurait suggéré l’idée au sénateur, mais qu’il serait le père de l’excellente appellation mettant en scène la Terre – la Terre Mère, etc. Bien entendu, tout est faux. L’initiative of the Earth Day a été lancée dès 1968 par un acteur de la nouvelle gauche, John McConnell *. La réécriture de l’histoire du mouvement écologiste n’est donc pas réservée à la France ! Elle était déjà à l’oeuvre avant que nous en fassions l’expérience – et par ceux auxquels nous allions avoir affaire, ou leurs frères en intérêts et idéologie réactionnaires. D‘ailleurs, à l’heure du Earth Day détourné, en France même, la préparation du remplacement de la nouvelle gauche écologiste était déjà commencée, avec la constitution du réseau Diogène. Avec ce seul Earth Day, on identifie déjà les différentes étapes du détournement de l’alerte pour en prendre le contrôle et l’affadir : récupération, effacement des acteurs, et substitution d’agents mimant leur action ; enfin, effacement de la mémoire et falsification historique pour mieux détourner et instrumentaliser.

* Vagabond youth led Earth Day founder John McConnell to life of peace

Récupération, effacement, substitution, révision de l’histoire… C’est la recette éprouvée que Bernays avait suivi pour faire fumer les femmes. En avril 1929, sur commande du cigarettier Lucky Strike, Edward Bernays avait fait intervenir des fausses suffragettes dans une grande parade new-yorkaise. Fumant ostensiblement devant les photographes de presse convoqués, ces figurantes de l’imposture s’étaient réclamées de la statue de Bartoldi (!) en déclarant que, pour les femmes, les cigarettes étaient « les flambeaux de la Liberté« . Images et message furent servilement et massivement relayés par les media. Entre déclarations aussi enthousiastes que commandées, et indignations, la polémique enfla et fit le succès de la campagne publicitaire. Déjà une manipulation instrumentalisant l’aspiration à l’émancipation. Beaucoup d’autres manipulations de ce style allaient suivre ; toujours effaçant les acteurs d’un mouvement pour les remplacer par des agents de propagande.

En 1970, le publiciste Julian Koenig supervisa une superproduction à la Edward Bernays. Logistique impressionnante et impeccable couverture médiatique nourries par de généreux et nombreux donateurs. Si elles n’étaient pas déjà présentes, des fondations du coeur même du système capitaliste n’allaient pas tarder à emboîter le pas. Ainsi, au premier plan, les promoteurs de la désertification des campagnes « Révolution Verte » chère à René Dumont : Rockefeller Brothers Fund et Ford Foundation, sans oublier les fonds du spéculateur Jimmy Goldsmith – le propre frère d’Edward… Substitué au Earth Day de la nouvelle gauche écologiste, le Earth Day de 1970 était un coup d’envoi de la récupération par la caste dirigeante. Ce que, abusé sur l’intention, Bernard Charbonneau allait interpréter comme un « feu vert » donné à l’alerte écologiste. Un coup de maître pour Julian Koenig, l’émule d’Edward Bernays !

Également créée durant la même période, l’organisation Friends of the Earth a immédiatement été dotée de moyens exceptionnels. Le fait qu’elle ait été portée sur les fonts baptismaux par des fondations telles que Rockefeller et Turner ne devait pas être étranger à l’affaire.

Parmi les révélations faites par Bernard Charbonneau, on a noté la participation (et non une quelconque « conversion » !) de René Dumont à la récupération de « la critique de la pollution et de la destruction de la nature par la caste dirigeante« .

J’ai cru, moi aussi, à la conversion de Dumont. L’histoire était séduisante. Agronome, il avait fait carrière en courant la planète pour vendre « la Révolution Verte« . Celle-ci, qui n’avait de verte que le nom, était née dans les officines des trusts nord-américains, le comble de l’agriculture dévoyée par la chimie et le machinisme lourd issus des industries de guerre, et un choc irrémédiable pour les populations des campagnes. Et un tel homme venait d’être frappé par la grâce au point d’écrire L‘utopie ou la mort et de se changer en lanceur d’alerte (publié en 1973)… Après Sicco Mansholt en 1972, cela ne pouvait être qu’un nouveau témoignage du développement de la prise de conscience. Enfin, nous voulions y croire. C’était si beau que beaucoup ont refoulé leurs doutes et n’ont pas cherché à lire entre les lignes. J’en étais. Aussi, quand, en 1973 à la Cité Universitaire, Georges Krassovsky organisa une conférence avec le nouveau converti, j’accourus. C’était séduisant. Bien fait. Dumont proposait une « plate-forme d’action commune ayant un double objet : moins d’inégalités et survie à l’échelle mondiale (…) qui s’allierait logiquement au mouvement écologique« . Incroyable ! Nous n’aurions pu mieux dire. Défendant mordicus l’ouverture à toutes les compétences et énergies complémentaires, j’ai cru trouver un interlocuteur. À l’issue de la réunion, je voulais lui parler, mais ne pus même pas m’approcher tant il se retrouva entouré. Alors je lui ai écrit. Une première lettre du 9 octobre 1973 resta sans réponse. Nouvelle tentative le 26 novembre 73. Cette fois, il répondit le lendemain :

27.11.73

Cher ami,

Votre lettre du 26-11

Débordé de tous les côtés, je dois me concentrer sur les problèmes les plus urgents, que je connais mieux : le 1/3 Monde.

En gros, je suis d’accord avec beaucoup de points. Mais l’agric. biologique est incapable de nourrir un 1/3 Mde. déjà affamé. La condamnation des excès des engrais et surtout certains pesticides est la seule que je puisse admettre, il nous faut combiner fumure organique et minérale, donc l’azote pour qu’elle arrive aux plantes et ne descende pas trop, etc. etc. Mais une position dogmatique comme celle de la Baleine, une affirmation erronée la monoculture épuise les sols (et la rizière**asiatique depuis 2 ou 3000 ans ?)

Pour un sympathisant proposant une « action commune« , l’entrée en matière n’était guère engageante. D’ailleurs, il n’y eut pas de suite (jusqu’à Orly) ! Et puis, entre autres, cette défense de la monoculture industrielle en s’appuyant sur un exemple exceptionnel d’agriculture traditionnelle (biologique)… Bichonnés comme ne le sont évidemment pas ceux des monocultures industrielles sous les biocides et les engins (!), les sols des rizières traditionnelles sont protégés de l’érosion, nourris par des apports de boue de rivière, de compost, de fumier de ferme, etc., en plus des dynamiques d’auto-fertilisation par décomposition végétale et apports organiques des animaux d’élevage.

René Dumont n’avait pas dû lire Rachel Carson : « (…)la monoculture, cette monstruosité écologique qu’il faut considérer dans la plupart des cas comme un des fléaux de l’agriculture moderne, quand on l’envisage dans son contexte économique et politique. Certes dans l’absolu, et sur un plan strictement biologique, on peut assurer la pérennité du rendement en ne cultivant qu’une seule plante à condition de protéger le sol, et de lui restituer les débris de culture (…) et les éléments enlevés. Mais cela n’est que rarement possible et de ce fait cette pratique culturale a pour effet d’appauvrir le sol cultivé et de faire peser toute la pression de la culture sur certains éléments minéraux et organiques (…) », cité par Jean Dorst, Avant que nature meure, page 242, Delachaux et Niestlé 1965. Dorst qui dénonçait avec plus de force encore la monoculture industrielle sous les Tropiques. Et pour cause ! J’avais déjà connaissance de plusieurs monocultures à la mode « Révolution Verte » menées à Madagascar : toutes grosses responsables de lessivage des sols et productrices de latérite après déboisements massifs – d’inondations catastrophiques aussi. Pire encore que la destruction de sols déjà cultivés : la déforestation de régions jusque-là épargnées, comme dans le Cerrado brésilien où l’un des écosystèmes les plus diversifiés de la planète a été dévasté par l’agriculture d’exportation. C’est l’oeuvre de la « Révolution Verte » chère à Dumont.

Sur le Cerrado et, généralement, les destructions écologiques de « la Révolution Verte » :

L’invention du biome Cerrado, Catherine Aubertin et Florence Pinton, Confins 2013, https://journals.openedition.org/confins/8218

La terre des hommes rouges(BirdWatchers), film de Marco Becchis 2008.

Page 251 de Avant que nature meure, Jean Dorst répondait par avance à Dumont : « L’agriculture moderne s’est prise pour une industrie ; elle a de ce fait oublié qu’elle dépendait de phénomènes vitaux (…) Les grandes catastrophes qui ont ravagé ou ravagent encore le monde actuel résultent de cet oubli. La faim des hommes ne sera pas apaisée par le viol de la terre.« 

Même les collègues de René Dumont rejoindront les écologistes en redécouvrant le bocage (protection contre l’érosion, production d’humus et régulation du cycle de l’eau, corridors et réseaux écologiques, etc.). Plein d’audace, ils préconiseront la diversification végétale : « Diversifier la végétation des parcelles et des paysages agricoles est un levier pour protéger les cultures » (Synthèse de l’expertise scientifique collective – Octobre 2022, Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement – INRAE). Il leur aura fallu quelques dizaines d’années d’études pour redécouvrir les haies, même les talus, les bosquets, la « flore adventice« , la rotation des cultures, conclure que l’agriculture diversifiée est à la fois bonne pour la biodiversité et… le rendement (Des paysages bocagers pour favoriser la diversité végétale dans les champs cultivés : https://www.inrae.fr/actualites/paysages-bocagers-favoriser-diversite-vegetale-champs-cultives).

En novembre 1973, René Dumont terminait son courrier sur :

Il faut réfléchir à toutes les conséquences et en tant qu’agronome je ne puis accepter des raisonnements trop excessifs.

En toute hâte, très cordialement

René Dumont

Rien qui corresponde à sa proposition « d’action commune« . Mais une focalisation sur un point extérieur au sujet principal, et un seul ; point dont je n’étais même pas responsable – extrait d’une pièce jointe. Adressé aux lanceurs de l’alerte écologiste par un soutien historique des remembrements à la hussarde et de l’industrialisation des campagnes, le conseil « Il faut réfléchir à toutes les conséquences » ne manque pas de sel ! Quant à son affirmation : « l’agric. biologique est incapable de nourrir un 1/3 Mde. déjà affamé.« , nous l’avions déjà entendue. C’était puisé dans la propagande de la « Révolution Verte » censée être seule capable de produire en suffisance – surtout d’alimenter les fortunes des industriels et des financiers prédateurs des campagnes ! Dumont sera démenti par la FAO et, même, par son cher Institut National Agronomique*, et c’est d’autant plus remarquable que la population humaine aura doublé entre-temps**. Mais, maintes études démontrant la valeur de l’agriculture biologique, maintes victimes de la pollution des campagnes et des aliments plus tard, en 2021, le lobby mondial de la chimie s’efforcera de faire dérailler la stratégie européenne « de la ferme à la fourchette » (« Farm to Fork »). Et le même argumentaire sera présenté pour s’opposer à la programmation, non pas d’une suppression, mais seulement d’une réduction des biocides de 50 % d’ici à 2030 ***.

* « citadelle où s’élabore la théologie de l’agrochimie » écrivait Bernard Charbonneau, critiquant Dumont

** selon la FAO en 2007, dans le rapport « Agriculture biologique et sécurité alimentaire » présenté à la Conférence internationale sur l’agriculture biologique et la sécurité alimentaire, « (…) l’agriculture biologique a le potentiel de satisfaire la demande alimentaire mondiale, tout comme l’agriculture conventionnelle d’aujourd’hui, mais avec un impact mineur sur l’environnement« 

Agriculture biologique et sécurité alimentaire

https://www.fao.org/organicag/oa-specialfeatures/oa-foodsecurity/oa-listofdocuments/fr

La FAO appelle les Etats à intégrer l’agriculture biologique dans leurs priorités nationales

https://news.un.org/fr/story/2007/05/108882

https://culture-agri.fr/lagriculture-biologique-peut-produire-assez-pour-nourrir-la-population-actuelle-de-la-planete

Une étude de John Reganold et Jonathan Wachter :

https://www.natura-sciences.com/agriculture/biologique-conventionnel-comparaison922.html

La recherche pratique de Joseph Pousset :

https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/courses/INTROAGROECOLOGIE/document/uvae_agroecologie_intro/res/Retranscription_JPousset.pdf

*** La stratégie De la ferme à la fourchette de l’Union européenne – pour un système alimentaire équitable, sain et adapté à l’environnement

https://www.fao.org/agroecology/database/detail/fr/c/1277076

Le Pacte vert sous les assauts de la « lobby planet »

https://www.lecho.be/dossiers/coronavirus/le-pacte-vert-sous-les-assauts-de-la-lobby-planet/10223352.html

Avec une population moitié moindre qu’aujourd’hui, et une biosphère en bien meilleur état, les collègues agronomes de Dumont – les indépendants – n’auraient pas été tout à fait d‘accord avec lui.

Donc, Dumont n’était pas disponible pour honorer sa propre proposition. Et, surtout, le ton n’était pas exactement à la concertation tranquille et à la convivialité. Plutôt donneur de leçons. Belle différence avec les sympathiques personnes contactées pour la Semaine de la Terre, presque deux ans auparavant, toutes disponibles et sans chichi !

Bernard Charbonneau en savait beaucoup sur les coulisses dont nous ignorions jusqu’à l’existence. Mais il ignorait ce qui se passait sur le terrain, chez les écologistes. Entre autres, il ignorait comment Dumont était devenu porte-parole, et ce qui se tramait depuis.

Si beaucoup d’épisodes de l’histoire du mouvement écologiste semblent oubliés, « la Campagne Dumont » est régulièrement rappelée comme un fait d’armes, un repère, le début des temps historiques. Démonstration : comme j’écrivais ces lignes, un énième bouquin allait être publié : Une histoire de l’écologie politique – de René Dumont à Nicolas Hulot (éditeur La Tengo). L’amateur apprécie le judicieux rapprochement de Dumont et Hulot. C’est bien vu, mais c’est involontaire. Dès le titre, après « l’écologie » mise à la sauce politicienne, la personnalisation efface le mouvement social. Au moins, il n’y a pas d’ambiguïté sur l’intention. La lecture réserve une autre surprise. Ce récit à prétention historique commence en mai 1974 au moment où René Dumont entre en scène. Avant ? Rien n’en est dit, comme si rien ne s’était passé. Ou comme si cela n’avait pas d’importance. Ou, peut-être, comme s’il fallait le taire.

Pour moi et beaucoup d’autres, ce qui sera baptisé « Campagne Dumont » n’était qu’une nouvelle aventure. Elle avait commencé un après-midi d’avril 1974, en apprenant le décès de Georges Pompidou. C’était quelques semaines après l’échange proprement stupéfiant avec Rocard et le PSU révélant leur amour de la croissance marchande. Le spectacle des réunions du Comité de Liaison pour l’Autogestion Socialiste (CLAS), animées par des anciens de l’agression anti-écologiste de juin 1972, n’était pas fait pour rassurer. Chez les écologistes, les doutes et les interrogations nourrissaient les débats. Le sentiment d‘être les jouets d’un marché de dupes ne cessait de grandir, et l’agitation avait déjà accouché d’un numéro du journal de l’association, le n°6 du Courrier de la Baleine, enfin majoritairement produit par les militants. Certes, le numéro était moins léché : il avait été réalisé sur stencils avec tirage à la Ronéo dans le local de la rue du Commerce. Mais il était libéré de la censure exercée par Alain Hervé et consorts du Nouvel Observateur. Cette fois, les vrais acteurs du mouvement, derniers de la Semaine de la Terre, en avaient à peu près contrôlé la production. J’avais donc pu y publier un premier article, en plus de deux ans de tentatives :

Écologiser la politique ?

suivi de « 1974 – 2011 – Les surprenantes fortunes du verbe écologiser«