juin 1972 – Le féminisme détourné
juin 1972 – Le féminisme détourné une nouvelle fois
« La bande » des quarante voleurs
Alliances contre nature contre les écologistes
Une « génération » de Rastignacs
Des dindes Gigogne de la farce
Hallucinations maoïstes et falsifications historiques
C’était une belle soirée d’été sur les terres de Saint-Germain-des-Prés. Mais une partie des écologistes parisiens s’était cloîtrée dans une salle pour mieux se connaître et envisager de nouvelles actions. La salle était un peu grande et guère confortable pour cette réunion. Pensez, une salle de danse (dans l’ancien Couvent des Récollettes) ! Pourquoi une salle de danse, alors que nous pouvions disposer d’une vraie salle de réunion, avec grande table et chaises tout autour ? Qui avait eu cette idée saugrenue ?
« La bande » des quarante voleurs
Nous avions à peine commencé que la porte s’ouvrit sur une troupe bruyante. Apparemment que des femmes. Et quelles femmes ! Des femmes qui chargeaient dans le couloir d’entrée. À leur tête, et avec une trogne revêche que je ne lui connaissais pas, une égérie du mouvement féministe : Françoise d’Eaubonne. Nous ne l’avions pas invitée. Ni elle, ni ses copines.

Également en 1972, Françoise d’Eaubonne monte à l’abordage de la tribune d’un congrès de psychiatres de la vieille école (probablement à San Remo) avec la même détermination qu’elle en a mis dans l’assaut contre les écologistes
Françoise s’effondra sur le plancher, devant moi. Sans même un bonjour ! Que venait-elle faire ? Et pourquoi débarquait-elle avec cette troupe ? Elle n’avait pas du tout l’air d’être venue pour jouer, ni pour parler émancipation. Loin de vouloir constituer un parti, nous avions toujours été ouverts aux contributions les plus diverses. Tout le monde pouvait venir à la plupart de nos réunions. Plutôt qu’un risque, nous y voyions la possibilité d’un enrichissement. Mais, ce soir-là, nous avions besoin de faire le point entre nous… Et ces dames ne semblaient pas être venues pour faire tapisserie. Elles étaient parties en guerre et, c’est sûr, nous allions en faire les frais.
« Françoise, c’est une assemblée générale de l’association, tu peux assister, mais pas participer« … Elle fit mine de me découvrir et ricana en engageant ses acolytes à le faire. La soirée commençait bien.
Nous n’eûmes pas le temps de demander plus d’explications. La porte céda sous la poussée d’un troupeau. Que des mâles qui se bousculaient pour passer le couloir. Tous étaient très échauffés et s’encourageaient mutuellement, comme s’ils se préparaient pour la bagarre. Comme à la grande époque : une bande de spadassins déboulant sur le Pré aux Clercs pour un mauvais coup ! Enfin, spadassins… traîneurs de manches de pioches convenait mieux à ceux-là. En feignant d‘ignorer notre présence, sans un salut, ils s’effondrèrent bruyamment en remplissant l’espace.

Ça, on ne l’avait jamais vu. Qui étaient ces envahisseurs ? Que venaient-ils faire ?
Ensemble, féministes et spadassins étaient au moins une bonne quarantaine, donc plus nombreux que les écologistes présents ce soir-là. C’était sans doute un seul et même assaut, car Françoise d’Eaubonne et ses nonnes de combat n’étaient pas du tout surprises par l’irruption des autres. Au contraire, l’arrivée des seconds avait été saluée par les sourires satisfaits des premières. Pourtant, les rouleurs d’épaules ne ressemblaient guère aux sympathisants habituels du féminisme. Pas vraiment. Nous étions stupéfaits.
D’où sortaient tous ces gens ? Comment savaient-ils la réunion ? Qui les envoyait ?
Les leaders du troupeau ne perdirent pas de temps en salamalecs. Ils n’étaient pas venus pour débattre, confronter les informations et les idées *. Ils commencèrent à gueuler. Nous tentâmes de leur faire réaliser l’incongruité de leur présence et de leur comportement. Pourquoi étaient-ils là ? Pourquoi s’intéressaient-ils à nous, tout à coup ? Venaient-ils pour adhérer ? Gros rire. Non, ils n’étaient pas venus pour payer une cotisation. Quel dommage qu’ils ne nous aient laissé ni bulletins d’adhésions tardives ni procès-verbal de séance avec leurs identités ! Ils n’étaient pas non plus venus pour discuter. Cyniques et provocants, ils affichaient sans fard la volonté de nous assujettir, ou de nous casser. La morgue des nervis. « Camarades ! » braillaient-ils ; et ils se lançaient dans des discours farcis de formules toutes faites pour tenter de nous faire taire, ou de nous impressionner. De dissimuler leur vacuité, surtout, car leur présence et leur comportement démentaient chacune de leurs prétentions.
* Cela ne les empêchera pas de nous plagier.
Qu’avions-nous fait pour mériter cela ? Pour la nouvelle gauche française, cette soirée allait rester comme le premier acte de la révélation d’une tartufferie sans limites.
Nous nous étions réunis avec l’esprit de sympathie et d’ouverture de ceux qui partagent beaucoup, convaincus de vivre une évolution importante, impatients des nouveaux développements de la prise de conscience en cours, et c’est une société plombée par le nombrilisme et l’inconséquence, rancie par l’élitisme, stratifiée par une cascade de mépris et les partis pris d’un autre âge, qui nous tombait dessus. Cette brutalité, cette langue de bois aboyée, ces rodomontades… Des gauchistes ! Pourquoi ceux-là ? Nous n’avions pas de contacts. Même pas une détestation ou une bonne querelle à vider. Alors, que venaient-ils faire chez les écologistes ? Ils n’avaient jamais manifesté le moindre intérêt pour les dégradations et les périls qui nous mobilisaient, ni pour nos propositions alternatives, ne remettaient surtout pas en cause la mythologie du progrès, bien au contraire, et ne partageaient pas exactement notre sens de la démocratie liée au bien commun dans sa conception la plus étendue (sans limitation anthropocentriste). Leur obsession était « la prise du pouvoir » ; même là où celui-ci était rejeté – surtout là ! La preuve : l’invraisemblable agression dont ils nous gratifiaient.

Quelle chance ! Nous pouvions vérifier les mises en garde de Fournier contre « ces connards » qui lui avaient pourri la vie plus d’une fois, et contre tous ceux qui se tenaient derrière (1). « Connards » en effet ! Vu la grossièreté de l’action, on peut penser que, ce soir-là, ils auraient mieux fait de s’abstenir. La suite nous démontrera qu’ils pouvaient tout se permettre sans craindre la moindre sanction.
D’évidence, l’alerte écologiste n’avait rien bougé en eux – ou pas dans le bon sens. Qu’étaient-ils capables d’en comprendre ? Vu ce qu’ils nous montraient, en plus d’un minimum d’information, il leur manquait quelques dispositions pour accéder à cette conscience; par exemple un peu d’humilité, la sensibilité et l’attention aux autres.
Tous s’entendaient comme larrons en foire. La pantomime avait été bien réglée… C’était donc cela : un guet-apens. Un guet-apens sur le Pré aux Clercs ! Voilà pourquoi la salle de danse avait été choisie de préférence au local de l’association moins pratique pour le mouvement des troupes et où, assis autour d’une table, nous aurions pu accueillir les importuns dans une meilleure posture… La grande salle de danse remplissait enfin son office : elle était comble.

La camarade Françoise d’Eaubonne était méconnaissable, hautaine, butée, bornée, hostile. Elle me toisait comme si elle ne m’avait jamais vu et avait prêté l’oreille aux pires calomnies. Oui, celle-là même qui, avec Guy Hocquenghem, avait lancé le FHAR, le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, quand nous préparions la Semaine de la Terre. Elle avait signé le Manifeste des 343 pour la légalisation de l’avortement un an avant. Comme beaucoup d’autres, dont Guy Hocquenghem, elle venait nous voir, sympa, normale, et nous avions des rapports qui semblaient de bonne intelligence. Comme nous, elle dénonçait les rapports de domination. Comme nous, elle voyait la relation entre l’exploitation des hommes et des femmes, et l’exploitation de la biosphère. Comme nous, elle ne portait donc pas le colonialisme et le capitalisme – y compris celui du pouvoir – dans son coeur. Comme nous, elle allait alerter contre la surpopulation qui démultiplie l’impact des prédations, etc. Enfin, c’est ce qu’elle prétendra en nous faisant écho… après nous avoir tourné le dos. Croyant qu’elle était vraiment sensible à l’alerte écologiste, que nous étions à peu près sur la même ligne, comme des parties complémentaires de la nouvelle gauche, nous la tenions pour une nouvelle amie… Et voilà qu’elle faisait volte-face ! Mais pour rejoindre quoi ?
Comme possédée, Françoise d’Eaubonne ne parlait pas. Elle gueulait d’une voix rauque les mêmes compliments que la bande des singes hurleurs *. À l’entendre, la « camarade » n’en avait pas après nous en tant que personnes. C’est ce que nous représentions qu’elle vomissait **. Mais que représentions-nous ? Mystère.
* La bande leur convenait si bien que nous apprendrons plus tard qu’ils se désignaient ainsi entre eux : « la bande« .
** Nous nous en souviendrons quand elle prétendra prendre le relais de notre action.
Eaubonne était probablement la plus fourbe de nos agresseurs – ou, peut-être, la plus manipulée. En effet, quelque temps après, elle allait se prétendre « libertaire » et se réclamer de… l’alerte et de l’alternative écologistes ! « Écoféministe » osera-t-elle, en pompant allègrement chez ceux qu’elle avait voué aux Gémonies.
Alliances contre nature contre les écologistes
Là, ce soir du 23 juin 1972, Eaubonne rompait avec la nouvelle gauche écologiste pour appuyer de toutes ses forces ce qu’elle prétendait dénoncer : le « système mâle » – le patriarcat – contre les écologistes. Qui plus est, elle n’avait pas de mots assez insultants pour condamner ceux qui, pourtant, devaient être ses meilleurs alliés. La féministe dressée contre les abus de pouvoir machistes voulait nous imposer des rapports de domination, à nous, nous qui ne l’avions pas attendue pour dénoncer, et le principe de domination, et ses conséquences sur les femmes et la vie ! Quelle magnifique démonstration. Complètement décrédibilisée la féministe : elle a été la première à poignarder l’écoféminisme avant même de prétendre le représenter. Et elle fourrageait rageusement dans la plaie.
Le commando qu’elle dirigeait correspondait à la description d’une action du FHAR menée à la même époque :
« En France, les tenants de la libération gaie frappent pour la première fois au début de l’année 1971. Regroupés au sein du burlesque Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR), ils interrompent avec succès une tribune de radio, qui porte en ce 10 mars 1971 sur le thème: « L’homosexualité, ce douloureux problème »… Le gros du commando est alors constitué de lesbiennes, dont parmi elles de nombreuses militantes féministes (…) »
Une histoire courte de la révolution gaie (http://www.lespantheresroses.org/textes/liberation_gaie.htm).
Les FHAR et leurs copines féministes feront longtemps des gorges chaudes à propos de plusieurs de leurs actions commando (encore aujourd’hui), telle une intervention à l’Institut Catholique, contre un meeting de « Laisser les vivre » et lors d’une émission de Ménie Grégoire. Mais – n’est-ce pas étrange ? – ils ne se vanteront jamais de l’agression contre les écologistes. Curieux que des gens qui réclamaient la liberté d’être attentent à celle de ceux – rares – qui plaidaient l’émancipation ! L’explication serait-elle dans l’une de leurs proclamations de… avril 1971, juste après la Semaine de la Terre, dans Tout – un journal maoïste (!)* : « Aussi les homosexuels révolutionnaires sont-ils prêts à un effort autrement important : dresser, avec le concours de tous les autres révolutionnaires, un projet crédible de monde nouveau (…) Si les homosexuels se bornent à revendiquer leur liberté, cette demande seule ne sera pas révolutionnaire, et on peut imaginer qu’elle entrera un jour dans le champ de la récupération bourgeoise et réformiste » ? Un texte où est dénoncée l’hostilité de « beaucoup de gauchistes« . Hélène Hazéra prétendra même que le FHAR était « un mouvement anti-gauchistes » (France-Culture, Les années révolutionnaires, 29 août 2017)… Alors que faisaient-ils ensemble ? Homosexuels révolutionnaires et féministes n’expliqueront jamais leur alliance avec ces gauchistes qu’ils/elles considéraient – à juste titre – comme « aliénés » avec déviances capitalistes. D’autant que nombre de ces « gauchistes » n’étaient autres que des capitalistes maladroitement maquillés**. Apparemment, en seulement 1 an, la détermination première avait fait long feu. Avec la prétention « révolutionnaire« , la récupération bourgeoise et réformiste était déjà pleinement accomplie. Pour de tels bavards intarissables sur leurs exploits, quel silence sur le sujet ! Pour comble, toujours en juin 1972, les mêmes avaleurs de propagandes totalitaires sortirent le premier numéro d’un journal donneur de leçons « révolutionnaires » : Le Fléau social. « Fléau social« , en effet !
* de l’un des régimes les plus totalitaires dont nous savions à peu près tous les délires écocidaires depuis une dizaine d’années…
When Sparrows Fall: China’s Great Famine https://www.youtube.com/watch?v=ojOmUWLDG18
RED CHINA: Death to Sparrows https://time.com/archive/6800787/red-china-death-to-sparrows
Leys, l’homme qui a déshabillé Mao https://www.youtube.com/watch?v=6bOI2B68GsY
Simon Leys dont l’étude, Les habits neufs du président Mao, était parue au début de l’année 71. Contrairement aux gauchistes, sa dénonciation ne nous avait pas étonnés puisque nous savions déjà les délires du Grand Bond en avant.

** « Gauchistes » curieusement apparus durant la période de la Guerre Froide, quand le système capitaliste mobilisait tous les moyens imaginables pour fragiliser les partis communistes et, généralement, toute manifestation critique et de résistance.
Des gens que nous considérions comme des proches, accoquinés avec des ennemis du mouvement, prenant part à cette embuscade, et avec quelle conviction ! Tout se brouillait. Rien que cela aurait dû nous convaincre de sortir les armes ; enfin, vu leur consistance, quelques claques auraient suffi… si nous avions été éveillés aux magouilles « de gauche » et de droite. Mais, par définition, cela n’était pas dans notre culture ! Et c’était précisément pour cela, pour effacer la culture du bien commun inverse de leur culture de l’exploitation du vivant (autres hommes compris) qu’ils avaient été mobilisés. Effacer ce qui est différent est primordial pour changer l’avenir ; mais pas dans le bon sens : pour imposer une domination (le FHAR aurait dû le savoir). Nous verrons que la stratégie de l’effacement était déjà largement pratiquée, et qu’elle l’est encore.
1969-1973 – Pierre Fournier
Comme un seul, minimisant notre parole, notre action, nos expériences, les quarante volaient notre liberté de réunion et d’expression. Nous allions découvrir qu’ils volaient déjà notre identité. Quarante Voleurs nous crachaient leur mépris au visage et promettaient de nous effacer, tout en se réclamant de la liberté d’expression. C’est que, eux, ils étaient plus que nous. Ils nous le disaient les yeux dans les yeux (un métier !). Ils étaient plus révolutionnaires, ils étaient plus alternatifs, ils étaient plus féministes, etc. Mais ils nous faisaient tous et toutes un impeccable numéro de violence dominatrice – précisément ce que nous dénoncions comme étant cause de toutes les exploitations destructrices. Pas un qui s’étonne de l’absurdité de la situation, ni de l’outrance des propos. L’humour n’était pas leur fort. Pas la moindre manifestation de doute. Leur présomption était à la mesure de leur ignorance. Butés-bornés, menteurs. Incapables d’écouter les autres. Une meute à la curée ! Comme drogués, ils étaient dans une toute-puissance déconnectée de notre monde, un territoire fantasmé où tout est permis.
D’où leur venait cette arrogance ?
Et d’où tenaient-ils ce savoir-faire ? Car ils nous imposaient des injonctions parfaitement contradictoires qui allaient nous perturber longtemps, puisque nous ignorions tout des personnages qui les dirigeaient, ou manipulaient. Tout à l’alerte écologiste, à l’étude de notre sujet, et aux tentatives de promotion des alternatives, nous ignorions tout dudit savoir-faire et des jeux en vogue dans les lieux d’aisance du pouvoir. Mais se revendiquer de ce que l’on veut confisquer ou détruire était déjà une vieille technique entriste et propagandiste ; un classique de la politique la plus sale. La technique était très largement appliquée, en particulier depuis 68, pour créer de la confusion dans le mouvement social ; et elle l’était par ceux-là mêmes que nous avions devant nous. Avec l’action contre l’alerte et les alternatives écologistes, ceux qui se prétendaient révolutionnaires s’affichaient en parfaits réactionnaires.
Pour agir ainsi, il fallait qu’ils se sachent soutenus, puissamment soutenus et protégés ; si bien que leur perception des autres en était altérée. Tout démontrait que le coup n’était pas improvisé. Il devait venir de très loin. Et, en effet, ils avaient des protecteurs. Et quels protecteurs ! Cela n’est que longtemps après qu’ils eurent efficacement contribué à nous pousser dehors et à nous condamner au silence que nous pourrons identifier les marionnettistes qui les nourrissaient et les dirigeaient.
Avec un bel ensemble, ils nous retournèrent les interrogations, tentant de nous déstabiliser. Non, ils ne repartiraient pas. Ils nous avaient envahis, mais ils étaient à la bonne place. Qui étions-nous pour oser leur parler ainsi, nous qui ne savions rien et étions dans l’erreur et l’ignorance ? Il était temps que nous découvrions la juste cause et sa « stratégie révolutionnaire« , temps qu’ils nous montrent la voie, bla, bla, bla. Ils n’écoutaient rien et débitaient des énormités avec l’aplomb d’une longue pratique. En bons marchands de cravates, ils nous abreuvèrent d’un déluge idéologique sans aucun rapport avec leurs agissements, et moins encore avec la raison de leur présence – un modèle de langue de bois sans queue ni tête. Ils voulaient nous rééduquer, mais il n’y avait rien de logique en eux. Rien que l’on puisse appréhender, sinon la profondeur de leur dérangement. Par leurs actes et leurs paroles, ils ne faisaient que dissocier et déconstruire. Excellent pour le système ! Ils étaient inaccessibles, définitivement juchés sur un piédestal de certitudes sans fondement. Comme d’autres déjà croisés. Comme toujours dans cet emploi.
Tous avançaient en arborant beaucoup de bannières joliment colorées, mais cela n’était que faux drapeaux. Et, comme cela ne suffisait pas, ils y ajoutaient pseudonymes, maquillages et fausses nouvelles. Pour eux, la dissimulation, le travestissement et le mensonge étaient une règle de vie. Ils se prétendaient gratin. Nous ne voyions que crétins.
Manifestation des mouvements de la nouvelle gauche, l’éveil de la conscience du bien commun qui courait également les usines, les bureaux, les campagnes en 68… était un élan vital, un sursaut de défense du vivant ; tandis que les gauchismes ne cessaient de démontrer leur aversion pour celui-ci. S’inquiéter pour le vivant menacé partout leur paraissait même ridicule, voire hautement suspect. Fallait-il que nous soyons politiquement faibles, voire faibles d’esprit, voire réacs, carrément « de droite », pour nous préoccuper des petites fleurs et des petits oiseaux ! Nombre d’entre eux allant même jusqu’à désigner « la nature » comme source du mal *. Quelle aubaine pour les stratèges de la conquête capitaliste ! Ceux-ci ne pouvaient rêver de meilleurs alliés objectifs. Et quelle coïncidence !
* Bien plus tard, après quelques dizaines d’années de réflexion et d’ascension dans l’université, l’un d’eux me dira : « la nature est fasciste« . Quant aux autres esprits forts qui se serraient sous la bannière de la croissance, ceux qui ne sont pas déjà morts ou pas encore à la Blédine se sont peinturlurés en vert et réécrivent l’histoire.
Se rengorgeant comiquement, cherchant la voix la plus forte et basse, celle de l’aboiement du chef et de la cheftaine, ils rejetaient tout ce que nous disions. Peut-être étaient-ils éméchés, mais cela n’explique pas tout et n’excuse rien. Comme j’essayais de leur représenter l’absurdité de la situation et le ridicule de leur présence : ils s’esclaffèrent, entraînant la réaction en chaîne de la claque. Des mal dégrossis. Ils avaient du « Camarades ! » plein la bouche, mais cela sonnait comme une insulte. Pour ces braves, nous n’étions que des bourgeois dégénérés. La preuve : nos sujets de préoccupation, notre sensiblerie, notre immaturité ! Tandis qu’eux étaient des grands dont nous avions tout à apprendre… Entre autres, qu’ils étaient – eux – des bons bourgeois, parfois descendants de colonisateurs-pilleurs-esclavagistes-massacreurs, ou de futurs embourgeoisés étroitement mêlés au monde qu’ils prétendaient vomir ; et bientôt tant satisfaits d’être « arrivés » qu’ils ne pourront plus se retenir et continuer à dissimuler ! Les autres étaient à l’unisson. Un torrent de tchatche qui trahissait une longue pratique. Ils et elles avaient du métier ! Et, sans nul doute, plusieurs verres dans le nez, voire quelques joints comaques. N’avaient-ils pas fait un brainstorming de comptoir, ou banqueté ensemble, pour mieux se coordonner* ? C’était peut-être une autre explication à l’heure tardive du rendez-vous. Mais peu importe les modalités, ils n’étaient pas là par hasard. Ils étaient en service commandé.
* bien sûr, à une terrasse de Saint-Germain-des-Prés, tout près. À la Rhumerie, peut-être, où j’apprendrai plus tard que beaucoup débattaient de la ligne révolutionnaire en sirotant des cocktails.
La diversité, qu’elle soit biologique ou culturelle, ces gens-là s’en foutaient complètement – comme de l’autogestion et de la démocratie. La conscience de la complémentarité et de l’interdépendance ? Ils ne connaissaient pas. Ils ignoraient tout de la gravité de la crise écologique et sociale planétaire *, n’avaient aucune compréhension de l’alternative écologiste, de la contre-culture, et ils n’avaient aucune envie de découvrir. Il était évident que nous n’étions pas de la même sensibilité, que nous n’appartenions pas à la même société. Nous n’avions rien à partager. Leurs réponses à la salve des questions furent très claires : ils ne voulaient pas que nous existions ! Pour eux, nous étions moins que rien. Mais ils s’étaient quand même dérangés pour nous priver du pouvoir de décider de ce que nous étions… Au fond, en mettant les choses au mieux, ils étaient venus pour nous sauver de nous-mêmes. Et astiquer encore leur ego turgescent.
* son évocation ne provoqua que des rires bêtes. Le rire des aliénés croyant se valoriser en copiant le mépris du système dominant pour le vivant.
Pour les écologistes (de l’époque) qui misaient sur l’ouverture, sur l’échange, qui proposaient de cultiver précautionneusement toutes les interrelations, les synergies, de restaurer et d’élargir la démocratie à tous ceux qui ne peuvent s’exprimer dans un langage humain, à tous les vivants, à la nature entière, le choc était énorme. Nous étions pris à contre-pied. Forts de leur inculture et de leur fermeture d’esprit, nos visiteurs du soir nous démontraient l’impossibilité de communiquer, seulement communiquer, avec les conditionnés par la culture contre le vivant (« anti-nature » disent-ils). Tous étaient odieux. Leurs tronches et leurs vociférations étaient assez éloquentes. Seule une haine méprisante, une haine « de classe » et l’envie de nous dépouiller, de nous réduire à rien, de nous « rectifier » peut-être*, avaient conduit leurs pas. Tant d’aveuglement et de fanatisme ruinait nos espoirs d’évolution rapide pour sauver la biosphère. C’était le but de l’opération. Il nous faudra longtemps pour recueillir plus d’information et la digérer !
* comme disaient alors les totalitaires énamourés de Mao qui aimaient à se rejouer les cent fleurs et la révolution culturelle.

Combien d’autres réunions ces énergumènes avaient-ils déjà saccagées ? Combien d’autres mouvements avaient-ils pourris ? Combien de bonnes volontés avaient-ils désespérées pour prendre leur place ? Sous la conduite de Françoise d’Eaubonne, les féministes ne semblaient pas moins déterminées à tout foutre en l’air. Les tentatives de rappel aux valeurs communes se heurtaient à un mur de ricanements. Aucune chance qu’elles reviennent à la raison. Mais, au fait, pourquoi Françoise nous avait-elle fait risette auparavant ? Comment pouvait-elle être si tordue ?
Une « génération » de Rastignacs
Nous l’apprendrons un peu tard, face à nous, il y avait un échantillonnage de ceux qui allaient bientôt pouvoir se vanter, se vautrer dans l’autosatisfaction replète des parvenus. Les vociférations contre les bourgeois allaient se muer en râles de contentement : « Tout m’a profité (…) Tout s’est filé sans heurts, sans débat intérieur. Et, à chaque fois, l’expérience a été formidable » (Serge July dans le texte, en 1985). C’était une sélection de ceux qui allaient s’esbaudir devant la profondeur des tapis des salons du pouvoir mitterrandien, tout en se gobergeant, et toute la suite du cortège jusqu’à aujourd’hui : futurs « nouveaux philosophes« , chargés de mission, directeurs d’étude, ministres, sénateurs, journalistes encensés, ambassadeurs *… toute cette « bande » imbue d’elle-même au point de charger une classe d’âge de son caractère et de ses turpitudes (« la génération« ). Sans négliger de poursuivre censure et falsification pour s’assurer des lendemains chantants. Avant d’être exécuté par leurs semblables, Gracchus Babeuf avait su apprécier la qualité de ce genre de personnages : « Je conçois que des hommes qui rapportent tout à eux, disent que c’est assez révolutionner, lorsque la révolution les a conduits à ce point où ils sont à merveille ; à ce point où, individuellement, ils ne peuvent plus rien désirer. Alors, sans doute, la révolution est faite, mais pour eux (…) », La révolution, c’est l’ordre !, Le Tribun du peuple n° 36.
* « (…) et puis vous, les féministes de tous poils et de toutes moustaches, choyées des ministères, et tant d’autres, ayant reçu pour denier de Judas une petite ambassade, une direction de centre culturel à l’étranger, une place à la Villa Médicis ou un lit à l’hôpital de la culture d’État (…) », Guy Hocquenghem, Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, page 141.
Fidèles à l’impression qu’ils allaient nous laisser – capables de toutes les prédations – ces gens de « la génération » ne décevront jamais, ne rateront jamais une occasion d’accroître le divorce entre eux et le peuple, entre eux et le vivant. « (…) Fidélité apparente, reniement et beurre étaient du même côté de la tartine. Quelle chance ! », Guy Hocquenghem, Lettre ouverte (à S. July, A. Glucksmann, R. Debray, J-F. Bizot, B. Lalonde, B. Kouchner, P. Chéreau, B.-H.L., J.-H. Hallier, R. Castro, J. Lang, Coluche et autres de ma génération).
(…) il y avait le groupe, il était comme ça en osmose, il mêlait une pratique artistique, une pratique personnelle à une pratique de joie de vivre, et puis par la suite…voilà c’était complètement folklorique, avec des pièces de théâtre dans la rue, tout ça c’était totalement informel et c’est de ça, de ça dont le pouvoir a eu peur…les trotskistes, les maoïstes et les gens qui veulent le pouvoir , qui veulent nous enfermer et nous mettre dans un système…
Il était une fois l’écologie, Pierre Merejkowsky, 2010
Heureusement que Guy Hocquenghem a pu témoigner au-devant de la scène. Il a dit combien il avait été abusé par les faux-culs qui abondaient à l’époque du guet-apens du Pré aux Clercs. Comme d’autres vedettes de la fausse gauche, peut-être était-il là, juste en face de moi ! Dans la salle de danse, comme son amie Françoise d’Eaubonne, il était peut-être mêlé à nos vrais ennemis communs pour mieux tuer ce en quoi il espérait.
Guy Hocquenghem n’a rien dit du saccage de l’assemblée des écologistes. Pourquoi s’est-il privé d’une aussi belle illustration de la fausseté de ses ex-copains ? Car, même s’il n’est pas venu au Pré aux Clercs, il n’a pu ignorer l’exploit. Non seulement il animait le FHAR avec Françoise d’Eaubonne, mais il était, lui aussi, possédé par la transe maoïste germanopratine.
Combien de temps lui a-t-il fallu pour réaliser qu’il avait été instrumentalisé ? Alors pourquoi n’a-t-il rien dit ? Même trahies, les vieilles complicités l’ont-elles retenu ? Avait-il honte des actions auxquelles il avait été entraîné ? Il est certain que Guy Hocquenghem n’avait pas encore tout digéré. Il a manqué de temps pour approfondir l’analyse de ces événements renversants, en découvrir les choses cachées, et prendre conscience de leur importance. Il est mort du VIH en août 1988.
Quel insigne honneur ! Quelle chance nous avions ! Les énergumènes de « la gauche radicale » nous offraient une nouvelle démonstration de leur naturel totalitaire, rien que pour nous.
Peut-être même toutes les vedettes à venir étaient-elles là, car les ex-amis de Hocquenghem formaient une coterie dont les liens indéfectibles me seront involontairement révélés une quarantaine d’années plus tard par un « camarade » de l’époque. Sa maladresse me dévoilera d’un coup l’étendue de ce qui reste dissimulé (en 2015, 16, 17, etc. !) et me confirmera la permanence des complicités mobilisées pour l’effacement des mouvements critiques de l’impérialisme.
30 ans plus tard, En octobre 2001, Edward Goldsmith me dira « Every movement needs a heroes »… Chaque mouvement manipulé ! Les potiches écolos modelées par les complicités sont, en effet, nécessaires pour l’édification des nouvelles générations – encore aujourd’hui. Le personnage de Françoise d’Eaubonne aussi. Depuis le nouvel essor du féminisme dans les années 2000/2010, lavée de ses alliances paradoxales et de ses actions coupables, l’image pieuse de la féministe écolo est à nouveau brandie.
Pour faire pièce à cette nouvelle bouffée de propagande, j’ai tenté d’éclairer plusieurs combattantes féministes sur la spectaculaire contribution de Françoise d’Eaubonne à la démolition de la nouvelle gauche, au refoulement de la culture écologiste (holiste, communautaire, coopérative, démocratique), donc à l’affaiblissement du mouvement social : à l’extinction des alertes et des alternatives au capitalisme. Après la surprise, plusieurs semblaient intéressées. Ainsi Émilie Hache et Isabelle Stengers rencontrées à la Maison des Métallos, à Paris, lors d’une soirée sur l’écoféminisme. Comme ces deux-là, la plupart des combattantes émérites ont vite rompu le contact, et n’ont pas répondu aux rappels (avec Stengers, on verra que cela n’a rien d’étonnant). Je n’ai pu trouver que deux interlocutrices ouvertes à l’information – mais bonnes connaisseuses du sujet, celles-ci. Nelly Trumel (12 août 1938, 3 décembre 2018), peintre talentueuse, anarchiste et créatrice de l’émission Femmes Libres sur Radio Libertaire *, n’était pas étonnée par la volte-face d’Eaubonne et son soutien, mode bulldozer du grand remembrement, à la réaction anti-nouvelle gauche. Elle s’est exclamée : « Françoise d’Eaubonne n’était pas à ça près ! Elle se disait libertaire, ce n’est pas pour autant qu’elle l’était !!! » (en mai 2009). Tout en m’affirmant n’avoir pas été proche d’Eaubonne et n’avoir pas su l’agression contre les écologistes, une autre ancienne du mouvement féministe, Marie-Jo Bonnet était sensiblement du même avis **.
* Femmes Libres, 1986-1999 : une émission féministe de Radio Libertaire http://dune.univ-angers.fr/documents/dune5580
http://odysseo.generiques.org/ark:/naan/a011483699806op3sxn
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nelly_Trumel
** (MLF, FHAR, Gouines Rouges, à l’époque des faits) https://mariejobon.net/ (deux rencontres en novembre 2013)

Les féministes de Françoise d’Eaubonne et le FHAR ont été utilisés comme de vulgaires troufions – casseurs de la critique et des alternatives, « opérateurs de la mise à plat des forces vives« , comme Guy Hocquenghem l’a observé de l’intérieur, naufrageurs du mouvement de l’intelligence collective pour laisser toute la place aux produits les plus destructeurs et profitables aux spéculateurs. « Utilisés« … Vu l’ampleur et la sophistication de la manipulation, c’est probable. Mais cela n’explique pas tout ; par exemple, la violence qu’ils ont imposée aux écologistes, même à ceux qu’ils connaissaient (justement à ceux-là ?).
À priori, les contradictions et les incompatibilités des féministes et des activistes gays avec leurs nouveaux alliés étaient assez évidentes pour qu’ils aient conscience de l’étrangeté de leur comportement. Ainsi, on pouvait admirer l’assemblage de libertins débridés et de réprimeurs des amours militantes (révélation d’Olivier Rolin dans Tigre en papier, Le Seuil 2002), d’anti-machistes et de machos revendiqués, d’homosexuels en lutte et de ratonneurs de « pédés » (Rolin page 178). À cet égard, le ralliement de Françoise d’Eaubonne et des femmes « antimecs » du FHAR aux rustres anti-écologistes primaires était particulièrement déstabilisant. On ne pouvait imaginer alliance plus improbable, et meilleure introduction à la régression du mouvement. Quel joli cadeau empoisonné à toutes les femmes ! La permanence du machisme gauchiste dans le « socialisme » tombé de la croissance marchande en sera le prix. Avec le dos tourné aux alternatives démocratiques et économiques, le renversement était complet. L’enterrement des alertes et des mouvements démocratiques sous les nouveaux arrivismes réactionnaires suivra. Et l’avilissement de l’écologisation récupérée par n’importe qui *. Car… car, durant la décennie suivante, les spadassins de 1971 allaient faire partie des fameux « gagneurs » achevant d’éteindre les lumières allumées dans les années soixante. Autant dire que la sauterie du Pré aux Clercs était révélatrice d’un système de relations d’intérêt primant sur tout le reste **. Ainsi pour l’extraordinaire dérapage de prétendus défenseurs de l’émancipation vers l’exploitation sexuelle des enfants. Malheureusement, au temps de ses hallucinations maoïstes, Hocquenghem en était. Françoise d’Eaubonne aussi, au moins comme signataire de la pétition de Gabriel Matzneff exhibée dans Le Monde du 26 novembre 1977 (« L’enfant, l’amour, l’adulte ») ***. Pareil avec la posture anti-capitaliste de la même Françoise d’Eaubonne accoquinée avec des agents du capitalisme conquérant, et partisans de la croissance démographique (!), au moins depuis ce triste mois de juin 1972. Bizarre leur « révolution sexuelle » !
* 1974 – Écologiser la politique ? https://planetaryecology.com/2063-2/
** Comme allait, très longtemps après, me le confirmer un « camarade » de l’époque.
*** en compagnie d’un certain Pierre Samuel qui, lui aussi, se distinguait en manoeuvrant contre la nouvelle gauche écologiste.
Avec Eaubonne, comme avec Ellul, comme avec Bosquet-Gorz, toujours éclairer le discours à la lumière des actes pour débusquer mensonges et incohérences ! Mais ne serait-ce pas là l’une des manifestations les plus spectaculaires de la manipulation des courants homosexuel et féministe, lesquels – on l’a vu – n’ont échappé ni à l’entrisme ni au détournement vers la prédation capitaliste ?
Pour entretenir la confusion propice à la poursuite de l’exploitation, la propagande utilise tout. 50 ans après son spectaculaire retournement (mais en était-ce un ?), plus de dix ans après sa disparition en 2005, la figure de Françoise d’Eaubonne est encore mise en avant comme un exemple de ce qu’elle a furieusement foulé aux pieds et souillé pour longtemps. C’est ainsi qu’un livre d’éloges a pu encore paraître en 2019 :
Françoise d’Eaubonne : l’écoféminisme, par Caroline Goldblum, Le Passager clandestin, coll. « Précurseurs de la décroissance » (2).
Bien sûr, le livre a aussitôt été encensé par tous les révisionnistes de l’histoire sociale. Plus c’est gros… Depuis, des articles, des émissions et, au moins, quatre livres ont entonné la même chanson. Tant de publications, soudain ! Un festival de fantaisies essentiellement fondé sur les écrits mensongers dont Eaubonne n’a pas été avare – comme pour faire oublier le soutien à ses amis, capitalistes bon teint, pour saquer l’alternative écologiste.
Exemple : « C’est aussi au FHAR qu’elle a l’un de ses déclics écologiques » *. Et encore : « Tout au long des années 70, elle s’attache à articuler écologie et féminisme en théorie, en littérature et en pratique(s). Face à un capitalisme – dernier stade du patriarcat – responsable selon elle de la négation et de la mort du vivant (illimitisme, surpollution, impérialisme, génocides, surpopulation, destruction de la biodiversité…), elle en appelle à une mue – féministe – de l’humanité (…) » **. Quelle imagination ! Dommage que ces chercheuses n’aient pas eu l’idée de… chercher du côté des écologistes contemporains de Françoise d’Eaubonne. Elles auraient pu apprendre ce que savaient les témoins directs des si remarquables efforts théoriques et pratiques de cette bonne dame. Les écologistes qui ont un peu d’expérience gardent un souvenir vif et cuisant des « déclics écologiques » et de la « mue » de Françoise d’Eaubonne ! Ainsi est déformée la mémoire collective et écrite l’histoire officielle : en oubliant opportunément son comportement, ses actions, ses complicités étranges et ses turpitudes.
* Le FHAR a été fondé en mars 1971, quelques semaines avant les manifestations de la Semaine de la Terre.
** Ces commentaires élogieux accompagnaient une émission de France-Culture en novembre 2020. Délice de la mémoire sous influence, Marie-Jo Bonnet y disait le contraire de ce que, les yeux dans les yeux, elle m’affirmait sept ans auparavant, quand elle disait le peu d’estime qu’elle avait pour Eaubonne.
On peut se demander si les saboteurs sociaux qui s’en sont pris aux écologistes, et sans doute à beaucoup d’autres, étaient tous bien conscients de ce qu’ils faisaient – de ce qu’on leur faisait faire ? Françoise d’Eaubonne, par exemple. Complètement à contre-emploi. Quand on considère le parcours de celle-ci et ce qu’elle a prétendu être ensuite (écoféministe !), on est sidéré qu’elle ait pu nous traiter ainsi puisque, pour faire le spectacle, elle empruntait l’essentiel à la nouvelle gauche, voire aux Situationnistes. À cette époque, nous voulions croire que le recul du patriarcat permettrait l’épanouissement de l’intelligence sensible, et que celle-ci stimulerait la prise de conscience des crimes commis par les prédateurs, essentiellement des mâles d’autant plus valorisés qu’ils étaient nuisibles. Le surgissement de Françoise d’Eaubonne et ses amies au beau milieu de prédateurs caricaturaux a effacé cette espérance. Mais, l’ignorant, tous ceux qui n’avaient pas assisté à la trahison, ont été attirés par leurs récits enluminés.
Nous nous sommes longtemps demandé comment des féministes et des militants homosexuels du FHAR avaient pu s’acoquiner avec ces faux gauchistes. Nous ne savions pas que des « maos » connectés à Lalonde avaient facilité leur expression (dans le journal « Tout » du groupe « Vive la Révolution« ) *. Ainsi s’étaient peut-être tissées des relations anti-nature et anti-culture alternative – si elles ne préexistaient pas. Mais dans quel but ? Pourquoi des maoïstes claquemurés à double tour avaient-ils si obligeamment invité des acteurs de la nouvelle gauche (enfin, ceux-là) ? Et pourquoi ces derniers ne s’étaient-il pas méfiés ?
* Peut-être Hocquenghem lui-même qui aurait pu confesser beaucoup plus qu’il n’a fait.
Dix ans après s’être mise en vedette comme pourfendeuse de la nouvelle gauche écologiste, Eaubonne osera :
« l’originalité du FHAR, comme du MLF, c’est que, pour la première fois, on sortait du vedettariat, du nominalisme, des structures centralisées. Pour la première fois, on voyait des mouvements spontanés qui menaient des actions, qui marquaient des points. C’était nouveau, la réalisation du vieil idéal anar qui ne s’était jamais concrétisé (…) », Rencontre : Françoise d’Eaubonne par Alain Sanzio. Masques 1981.
Eaubonne était-elle mythomane ? Sans doute voulait-elle oublier sa participation à l’effacement de l’un de ces « mouvements spontanés« . Ou voulait-elle dissimuler sous les fanfaronnades son rôle dans l’un des sabotages politiques majeurs de l’époque !
Des dindes Gigogne de la farce
Hocquenghem a compris, et, avec sa Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, s’est, en quelque sorte excusé en expliquant combien il avait été berné par ses anciens « camarades« . Même en étant mêlé à l’imposture, en pouvant l’observer de l’intérieur, il lui a tout de même fallu une dizaine d’années pour commencer à la reconnaître. Mystérieusement épargnée par Hocquenghem*, Françoise d’Eaubonne ne semble pas avoir été inspirée par l’exemple de son camarade du FHAR. On cherche en vain un témoignage, une explication sur son empressement à soutenir ceux que Hocquenghem allait se sentir obligé de dénoncer. Ses mémoires sont muettes. Eaubonne est restée murée dans le simulacre et l’auto-satisfaction.
* Curieux, d’ailleurs, qu’aucune femme ne figure à son tableau de chasse ! Pourtant, les illusionnistes et les apostats ne manquaient pas dans la gent féminine…
Françoise d’Eaubonne a-t-elle seulement réalisé son erreur – si erreur il y eut ? Le pouvait-elle ? Avait-elle été tourneboulée par les agents d’influence qui grouillaient autour de nous, autour de Pierre Fournier, de Claude Lévi-Strauss, de Henri Laborit, de Robert Lafont, de Guy Hocquenghem lui-même, de Henri Pézerat, etc. Eaubonne ne s’expliquera jamais, et nous ne la reverrons plus. En ayant à l’esprit les exploits du propagandiste Edward L. Bernays utilisant la lutte de libération des suffragettes pour vendre des cigarettes à la moitié de l’humanité qui ne fumait pas, on imagine que le fourvoiement est possible.
Et les femmes fumèrent…
https://www.monde-diplomatique.fr/mav/163/A/59478

On ne peut oublier que Françoise d’Eaubonne s’est particulièrement distinguée : elle est la seule à avoir approché les écologistes pour leur cracher à la figure – publiquement. Mais cette incontinence en révèle probablement plus sur une certaine société de l’époque que sur Eaubonne elle-même. En effet, il semble que Françoise d’Eaubonne ait eu ses entrées dans la nébuleuse maoïsante*, ce dernier avatar de la grande famille totalitaire qui prétendait tout régenter à la mode bernaysienne : « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. » (Propaganda, Edward Bernays 1928). Cette bande courant Saint-Germain-des-Prés et les salons bourgeois, appuyait frénétiquement le noyautage et l’élimination de la nouvelle gauche – surtout des écologistes. C’était « la génération » confidentielle de July, Hamon et Rotman ; justement celle qui venait d’agresser les écologistes en juin 72 : « À mesure que nous vieillissons, la génération s’impose, occupe des positions de pouvoir, meuble des hiérarchies, tient la scène et les journaux, écrit des livres, les publie, les commente”, Serge July… dès 1978 ! Faire un tel bilan en 1978 étonne ; surtout s’agissant d’un agitateur maoïste (!) qui, six ans avant, s’était distingué en brouillant l’enquête sur le crime de Bruay-en-Artois. Pourtant, Jean-François Bizot l’avait déjà devancé : « Imagineriez-vous à quel point la destinée d’une série de jeunes notables d’aujourd’hui s’est croisée et recroisée ? Glucksman et Roland Castro, Serge July et Bernard Kouchner, Brice Lalonde et Régine Desforges (?), Actuel et Virgin Records, les hippies et les stratèges, (…) tout ce mélange (…) a dominé la génération de 68« , Actuel n°55, juin 1975. « Une série de jeunes notables« … Alors que tant de gens s’échinaient encore à faire vivre les alertes et les alternatives au système des notables, on mesure le délire qui faisait courir « la bande » ! L’écologiste apprécie particulièrement l’évocation de la domination réalisée. Spoliation et imposture s’affichent sans vergogne. En 1978, en 1975, ces vanteries disaient déjà la fausseté des gesticulations précédentes. Elles révélaient également l’ancienneté des manoeuvres d’exclusion, de censure et d’effacement exercées à l’encontre de tous ceux qui n’appartenaient pas à « la bande« . Comme par hasard, tous ceux de la nouvelle gauche. Tout le mouvement social en était déjà défiguré, et l’affaissement critique et moral des années 1980 largement commencé. Les confessions montrent aussi que leurs auteurs ont bien conscience de la duperie à laquelle ils contribuent avec tant de contentement.
* cette « France intellectuelle en pleine hystérie maoïste post soixante huitarde : de Normale Sup à Vincennes » et du Nouvel Observateur au Monde (celui-ci épinglé par Guy Debord : « principal organe de presse maoïste paraissant hors de Chine ».).
Des connaisseurs désignent maintenant des MLF et l’ensemble du FHAR comme maolâtres militants. Décidément, avec des adorateurs d’une dictature écocidaire s’invitant dans nos réunions et s’infiltrant incognito, nous n’avions aucune chance – ni la biosphère !
Sur la dictature politique imposée par la bourgeoisie maolâtre pendant plus de dix ans, et la censure jusqu’à aujourd’hui pour dissimuler leurs forfaits :
Simon Leys quitte la Chine pour l’éternité
Et : Le désenchantement des clercs, par François Hourmant 1997 https://books.openedition.org/pur/24614?lang=fr
En 1969, à Genève, un certain Raymond Aron avait dévoilé la stratégie des néo-conservateurs ont il était un chef de file, avec Norman Podhoretz et Irving Kristol :
« (…) il me paraît dès maintenant possible d’affirmer sans hésitation que la Nouvelle Gauche n’accomplira partiellement ses aspirations dans la limite de la réussite historiquement possible, qu’à la condition d’échouer, autrement dit à la condition de rénover ou d’enrichir la synthèse démocratico-libérale. En tant que trotskyste, radicale, violente, la Nouvelle Gauche doit connaître la défaite pour qu’elle ait une chance d’étendre la citoyenneté et la participation à certaines institutions de la société civile« . Et encore : « L’entreprise (…) intégrera peut-être un élément de démocratie, élective ou participante, mais à la condition que les rebelles, renonçant à l’utopie libertaire, se soumettent, eux aussi, aux exigences du libéralisme (…) ». Liberté, libérale ou libertaire ?, « Études politiques » page 269.
Au moins en 69, Raymond Aron en était encore à confondre la Nouvelle Gauche avec les gauchistes violents (!). Mais cela n’a pas empêché le programme de récupération de ces derniers d’être promptement exécuté.

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Il n’est pas inintéressant de constater qu’il faudra encore 5 ans pour que, désormais domestiquées, les féministes osent sortir dans la rue, le 25 juin 1977 – comme les écologistes de la Semaine de la Terre en mai 1971. Cinq ans ! Cinq années dans les rets des censeurs, promoteurs de la croissance marchande, du monopole de la grande distribution et de la société nucléaire – les initiateurs de la future Fondation Saint-Simon… Si ces curieuses féministes n’avaient pas contribué à dissocier la nouvelle gauche, leur propre dynamique aurait sûrement été plus rapide et plus efficace.

Hallucinations maoïstes et falsifications historiques
Dissimulation ou manipulation, comme avec les suffragettes, la malhonnêteté pollue tout à long terme. En 2015, le journal Silence a consacré un numéro (439) au féminisme et, même, à l’écoféminisme. Et, l’un des auteurs, Margot Lauwers, a titré : Françoise d’Eaubonne, bonne source de l’écoféminisme, accordant foi à la parole de celle-ci, sans relativiser à son hostilité à la nouvelle gauche écologiste et à la censure qu’elle lui avait imposée. Margot Lauwers aurait mieux fait de s’intéresser au « flambeau de la liberté » qui a détourné Françoise d’Eaubonne. Qui lui a tendu ce leurre ? Peut-être Margot ignorait-elle les incohérences de Françoise d’Eaubonne ? Cela serait curieux, car j’avais collaboré quinze ans durant à Silence et n’y avais pas fait mystère de la véritable histoire du mouvement et, entre autres, du rôle particulièrement nocif de Françoise d’Eaubonne. Toute l’équipe du journal avait profité de l’information. Comme l’a décrit Paul Farmer, la manipulation de l’histoire « a dans son camp l’oubli« . Un oubli que certains se plaisent à cultiver.
Peut-être Françoise d’Eaubonne et plusieurs autres, dont Guy Hocquenghem*, étaient-ils, encore plus que nous, les dindes de la farce… Nous, écologistes, ne comprenions rien, mais, au moins, prémunis par l’allergie aux prises de pouvoir et aux hiérarchies sans compétence, nous ne risquions pas d’être entraînés sur la rive opposée ! En effet, vu le déploiement de la réaction en coulisses, et la parfaite perfidie de ses méthodes, rien n’interdit de penser que le guet-apens du Pré aux Clercs visait aussi une partie de nos agresseurs. Manipulation dans la manipulation dans la manipulation **… La stratégie de la dissociation est une constante des opérations politiciennes. Elle était l’une des armes favorites de la guerre froide culturelle pour imposer le néocapitalisme sur l’effacement des alertes et la ruine des résistances. Rien ne peut réparer les déchirures créées par ce colonialisme endogène. Elles se prolongent indéfiniment, toujours aggravées par les confusions induites et la falsification de l’histoire, pour effacer le crime. Les désormais fameuses dissensions entre « écolos » en sont un résultat.
* Qu’il ait été présent ou qu’il ait appris en écoutant les vanteries de nos agresseurs, Guy Hocquenghem n’aurait-il pas commencé à comprendre en analysant cette pantalonnade ?
** D’après la formule du poète de la contre-culture Gary Snyder : Révolution dans la révolution dans la révolution… Formule qui fut récupérée et entièrement retournée.
La conscience de la complémentarité des combats faisait partie de l’identité de la nouvelle gauche. Ce que l’on nomme depuis « la convergence des luttes » allait de soi. Nous voulions aider à faire circuler l’information, les idées et l’énergie de l’enthousiasme ; comme Henri Laborit allait bientôt le théoriser dans La Nouvelle Grille (comme nouvelle gauche). Or, c’est précisément ceux qui ne voulaient pas voir cultiver cette intelligence du mouvement social qui nous avaient piégés en se déguisant en frères de convictions. Ils grouillaient autour de nous, et pas seulement aux AT et à la Gueule Ouverte ! Comme le révèle le témoignage d’Aline et Raymond Bayard de Maisons Paysannes de France, les mêmes manigances visaient tous les autres de la nouvelle gauche.
Quel long travail d’approche, de séduction et de désinformation pour les amener à nous agresser aussi brutalement (voir l’exemple du toubib maoïste Rony Brauman qui soignait les déviances politiques supposées « à coups de manche de pioche« ) ! Et, pour la suite, quels moyens de pression développés dans cette complicité ! Cela correspond bien à « l’effort immense exercé en permanence pour capter les esprits » avoué par Edward Louis Bernays. Le « collège invisible de l’écologisme » (ou un autre) était aussi fait pour les autres courants de la nouvelle gauche.
* Rony Brauman : Je faisais partie de la piétaille du maoïsme français
(https://asialyst.com/fr/2016/05/16/rony-brauman-je-faisais-partie-de-pietaille-maoisme-francais/)
Avec la reconnaissance tardive du travail de Simon Leys (Pierre Ryckmans, 1935-2014), 12 ans après la parution de sa première étude : Les Habits neufs du président Mao (1971), plus que la nature du régime chinois, on a commencé à découvrir l’étendue de la cabale maoïste et de ses coulisses – seulement commencé. Le travail est toujours en cours, freiné par les révisions de l’histoire. Les éteigneurs appartenaient surtout à cette bourgeoisie qui était tombée sous le charme de la dictature maoïste, tout en n’oubliant pas de cultiver sa chère domination de classe :
« (…) La Chine maoïste secréta en effet un « maoïsme imaginaire » qui, pendant dix ans, de 1966 à 1976, allait capter et circonvenir le gotha intellectuel et artistique (…) plus qu’un style, le maoïsme mondain fut surtout un ensemble de postures et de pratiques qui culmina dans une forme singulière de snobisme idéologique ; il engendra une sociabilité singulière au sein du monde des clercs qui ne fut pas sans affinités avec le mode de fonctionnement des salons aristocratiques décrits par Marcel Proust dans La Recherche du Temps perdu« , Les « maoïstes mondains » ou le crépuscule ostentatoire de la Révolution, par François Hourmant 2017. Et, pour une visite intime de ce délire, toujours les confessions d’Olivier Rolin.
S’imaginant touché par la grâce, convaincu d’être au-dessus du lot, ce gotha pris de fièvre maolâtre n’a cessé de faire le vide autour de lui. Vain et stérile, il fallait qu’il stérilise tout autour pour exister. Il mit autant de savoir-faire et d’entrain à effacer la nouvelle gauche qu’il en déployait pour vilipender, censurer, ostraciser Simon Leys *. Depuis, les mêmes falsificateurs sont toujours là, agrippés aux sinécures du pouvoir et de l’argent. De ces positions élevées, ils peuvent contempler tout à loisir les saccages auxquels ils ont contribué.
* Simon Leys : de l’infâmie à la gloire, Pol Charles, Le Carnet et les Instants n°103 (1998).
Un Alain Badiou n’est possible qu’en France, Lucien Bianco, Marianne 13/12/2014.
Justement, il reste à faire le bilan : quel est le coût social, culturel, écologique, etc. de cette longue, longue phase d’abrutissement et de compromissions ? Combien de résistances et d’alternatives à la colonisation capitaliste, combien de mémoires et de vies ont-ils gâchées et effacées ? Plus les années passent entre omerta, falsification historique et censures, plus le capitalisme et les autres totalitarismes s’affirment, plus les effondrements progressent, et plus il est difficile de nier que le coût est énorme.
ACG 2020
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(1) Pierre Fournier les avait habillés pour la postérité : « Mai 68, c’était Marcuse. Ces connards ont cru que c’était Lénine » (ou, pire, Mao !), Concierges de tous les pays, unissez-vous, Charlie Hebdo n° 28 du 31 mai 1971. Quoique Marcuse n’avait guère été effleuré par la culture du vivant et du bien commun… Pour bien comprendre la nouvelle gauche écologiste et distinguer celle-ci des gauchismes qui la combattaient, il était beaucoup trop resté sous l’influence marxiste, voire impressionné par la Chine maoïste où il croyait voir une « révolution » * ! Mais Fournier devait avoir observé bien mieux que moi la méprise d’un bon nombre tombés dans le gauchisme (et l’aliénation) pour avoir cru y retrouver la critique des orientations dominantes, la contre-culture et les alternatives. Comme un petit problème d’aiguillage ! Et, probablement déjà, le résultat de belles et bonnes désinformations, façon relations publiques.
* encore plus de dix ans après la catastrophe du « Grand Bond en avant » !
(2) Original pour une personne qui s’est opposée aux lanceurs de l’alerte contre le projet capitaliste, afin de mieux serrer sur son coeur les adeptes de la croissance marchande. Pour comble, Le Passager clandestin est une Société Coopérative Ouvrière de Production qui affiche des positions proches de la nouvelle gauche ! On constate une nouvelle fois le bon fonctionnement de la production de faux lancée à l’époque de l’agression du Pré aux Clercs.
Mais comment les éditeurs ont-ils pu être bernés à ce point ?