Sous les dorures du productivisme et des Trente Glorieuses

Sous les dorures du productivisme et des Trente Glorieuses, avec la « Révolution Verte », la colonisation et le saccage des campagnes


Là où le désarroi est le plus grand, c’est dans les campagnes, ou ce qu’il en reste. Les paysans du monde entier sont sous la coupe des marchés dérégulés et toujours maintenus en position de faiblesse. Même les agriculteurs industriels perçoivent qu’ils ont été entraînés dans une impasse. Savoir comment nous en sommes arrivés là permet d’identifier les sucs toxiques qui ont nourri le personnel politique et technocratique. Indispensable pour faciliter le développement des solutions.

sommaire

C’était une colonisation !

Déraciner la vie

Désorienter pour mieux exploiter et spolier

Une razzia planétaire mondiale

les INDEX

Bien entendu, pour développer le système de la marchandise et démultiplier les profits, il fallait diffuser des logiques comptables déconnectées des réalités du bien commun et faire croire au plus large public possible que cela correspondait à ses choix. Il fallait donc supprimer les « obstacles » anciens et les nouvelles résistances, donc saper tous les ensembles écologiques, économiques et sociaux structurellement incompatibles avec la « croissance marchande » – une expression sanctifiée par l’usage jusque dans une certaine extrême-gauche (1). Faisaient obstacle toutes les entraides familiales et communautaires, et la cohésion qui en résultait. Obstacle également le Mouvement Coopératif développé depuis le XIXème siècle. Obstacles, la paysannerie et la majeure partie du peuple des campagnes, le « petit commerce » et les coopératives de consommation, une large partie des artisans (en attendant de régler leur compte aux éveilleurs et aux inventifs).

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C’était une colonisation !

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L’offensive était si massive et si sournoise qu’elle avait déjà infiltré et soumis la majeure partie des institutions. Nul doute que, comme dans les précédentes offensives de manipulation de l’opinion publique, cela ait été obtenu au prix d’une forte mobilisation d’« experts en relations publiques ». Le Congrès pour la Liberté de la Culture et ses filiales avaient bien travaillé. Les Plans de la fin des années cinquante et la Circulaire Fontanet renversant l’ordre des priorités économiques entre producteurs et distributeurs en témoignent. Au nom de pseudos « lois du commerce » (mais à l’envers), ils ont inauguré la politique des « prix bas« , les plus bas, en la vendant même à ses victimes. Et tant et tant ont été enivrés par l’illusion du « niveau de vie » et du « pouvoir d‘achat« , réglés par le prix des produits et non par le montant des revenus. Ainsi ont été étranglés la plupart des producteurs par les grossistes de la « grande distribution » ; jusqu’à ce qu’ils ne puissent couvrir leurs frais (céréales, lait, viande, fleurs…), en dépit des « aides » payées par les contribuables-clients du grand commerce. Arme de la mensongère « Révolution Verte«  chimique et mécanisée, le Plan de stabilisation Pinay-Rueff élaboré dès le début de la cinquième République, entre septembre et décembre 1958. Il sera vite complété par un Plan de suppression des obstacles à l’expansion économique concocté par le Comité Rueff-Armand présidé par le Premier ministre Michel Debré, en 1959. Cette littérature était explicite :

« Dans le secteur agricole, le mécanisme des prix devra presque en permanence repousser vers les activités industrielles les éléments de main-d’œuvre agricole en excédent. Son action à sens unique tendra constamment à définir les revenus agricoles pour les maintenir au-dessous des revenus industriels (…) Ainsi le mécanisme des prix ne remplira son office dans le secteur agricole qu’en infligeant aux agriculteurs, presque en permanence, un niveau de vie sensiblement inférieur à celui des autres catégories de travailleurs.« , (source Philippe Desbrosses, Le Krach alimentaire – Nous redeviendrons paysans, éditions du Rocher 1988).

Également dans le Rapport Général de la Commission des Finances, du Contrôle budgétaire et des Comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 1970, adopté par l’Assemblée nationale, page 40.

« Mécanisme des prix« , « éléments de main-d’œuvre agricole« , « à sens unique« , « maintenir au-dessous« , « en infligeant aux agriculteurs« En des termes à peine différents, une source de l’époque confirme la volonté de spolier la paysannerie et toutes les populations des campagnes :

« Le mécanisme des prix, dans le domaine agricole, comme dans tous les autres, tend à adapter constamment l’offre à la demande. Mais, puisque, dans le secteur agricole, il devra, presque en permanence, repousser vers des activités industrielles les éléments de main-d‘œuvre agricole en excédent, son action à sens unique tendra constamment à déprimer les revenus agricoles pour les maintenir au-dessous des revenus industriels. »

Intervention de Georges Bonnet citant Jacques Rueff à la tribune de l’Assemblée Nationale, séance du 23 octobre 1959 (Journal Officiel, samedi 24 octobre 1959, page 1945 du compte-rendu).

Les éléments de main-d’œuvre et les « obstacles » étant des personnes, des travailleurs, des métiers, des populations, des façons d’être, une civilisation (2) ! La volonté de domination est totale. Mépris pour les hommes, leurs cultures diversifiées, leurs modes de vie, leurs compétences. Mépris pour les campagnes et le vivant. Exclusion et réification. L’absence complète d’intérêt pour les autres – d‘empathie – et l’utopie totalitaire révèlent un univers mental particulièrement nocif et borné ; incapable de concevoir les conséquences générales de son action – ou qui s’en moque. L’exact contraire de la sensibilité écologiste.

Le temps des paysans, documentaire ARTE

https://www.arte.tv/fr/videos/RC-024861/le-temps-des-paysans

La civilisation paysanne résistait depuis très longtemps au déferlement des prédateurs de tous poils ; au moins depuis l’Empire Romain. Son histoire était marquée par une succession de soulèvements sanglants contre les usurpateurs ; parfois de véritables guerres *. Mais, là, avec les planificateurs de la pseudo « Révolution Verte » **, l’offensive dépassait, à la fois en puissance, en dissimulation et en falsification, tout ce qui avait précédé. Comme les deux guerres qui lui avaient ouvert le chemin, l’offensive était mondiale. Sournoise, elle avançait à la faveur de l’attrait trompeur d’une mutation technologique – l’énergie facile du pétrole et la mécanisation – plus la croyance en une supériorité magique de la chimie sur le vivant. Le type même de mutation qui, du fait des risques de déstabilisation économique, sociale, écologique, avait toujours été accueilli avec circonspection. Mais, cette fois, Plus discrète, avec la prétention croissante à la démocratie et au progrès, une autre mutation avait déjà pris ses aises : la fabrique du consentement. Inégalable dans la manipulation des foules, nous l’avons déjà rencontrée. En faisant miroiter des illusions de pochette surprise, elle allait entraîner la plupart des jeunes paysans dans l’engrenage du productivisme pour l’exportation.

* L’entr’aide, un facteur de l’évolution, par Pierre Kropotkine, chapitres VII et VIII.

Les Paysans – Les républiques villageoises, 10e-19e siècles, chapitre IV : Les grandes révoltes agraires, Hervé Luxardo, édit. Aubier-Montaigne 1981.

** L’expression, qui associe l’idée d’un bouleversement favorable et la couleur dominante de la nature, apaisante et positive, semble sortir tout droit des ruminations d’Edward Bernays (À l’origine des fausses nouvelles, l’influence méconnue d’Edward Bernays

https://www.franceculture.fr/societe/a-l-origine-des-fausses-nouvelles-l-influence-meconnue-d-edward-bernays)

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Déraciner la vie

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C’était une guerre culturelle, comme celle qui s’abattait déjà sur les écologistes et toute la nouvelle gauche. Pour les usurpateurs brandissant les faux drapeaux de la croissance marchande et du progrès, le peuple des campagnes n’était qu’un gibier à plumer. Quant aux biens communs soigneusement entretenus de génération en génération, ceux qui avaient résisté aux précédentes offensives, ou avaient été restaurés, cela n’était, pour eux, que des « obstacles » ou des zones « à valoriser« . Mêmes les prairies permanentes ne trouvaient pas grâce aux yeux de leurs technocrates obtus ! Quant aux sols soignés depuis maintes générations, ils ne devaient en avoir aucune connaissance. La réalisation des fantasmes doctrinaires et la prospérité de quelques-uns allaient être construites sur un charnier.

Sous la Green Revolution, on décèle sans peine l’onde persistante de l’offensive mondiale du capitalisme dirigée par le lobby militaro-industriel états-unien en quête de nouveaux marchés pour l’après guerre. Le Plan Marshall et le Plan Monnet « de modernisation » (1949)* faisaient déjà partie du même front.

La composition du Comité Pinay-Rueff de 1958 le confirme. Aux postes de commande :

– Antoine Pinay (Bilderberg Group et Cercle Pinay en lien étroit avec le précédent, au top de l’ultra-capitalisme),

– Jacques Rueff (dérégulateur « libéral« , participant au Colloque Walter Lippmann initiateur du néolibéralisme en 1938 {Lippmann était l’alter-ego d’Edward Bernays, co-auteur de la « fabrique du consentement« }, membre dès 1947 de la Société du Mont Pèlerin créée par Friedrich Hayek),

– Roger Goetze (ex-inspecteur des finances, sous-directeur du Crédit Foncier),

– Georges Pompidou (alors directeur général de la Banque Rothschild).

* largement inspiré par la politique de Vichy, elle-même prenant modèle sur l’agro-chimie allemande

Suivre ces gens qui semblent sortis de la féodalité la plus brutale, c’est découvrir la voracité de la prédation capitaliste, la crainte grandissante des alertes et des résistances, et l’intensification planifiée de la mobilisation réactionnaire. Ils se rencontrent, s’allient, se coordonnent, débattent stratégie et organisent la résistance à la résistance. À partir de la Seconde Guerre Mondiale, ils élaborent des « Plans » pour déstructurer tout ce qui contrarie leur boulimie (« les obstacles »), et renforcer la spoliation et la capitalisation à long terme par effets cliquet successifs (l’action à sens unique). À chaque « Plan« , à chaque « réforme » son engagement plus avant dans l’engrenage au moyen d’une déconstruction sociale, d’une restructuration verticale et d’une technologie sélectionnées en fonction de leurs capacités à s’imposer comme monopoles radicaux accroissant indéfiniment les dépenses d’argent public *, etc. Tous changements réduisant les possibilités d’inverser le cours des effondrements qu’ils provoquent – ainsi pour le réchauffement climatique dans lequel la destruction des bocages, des prairies permanentes et des zones humides tient une place de choix **.

* tel le TGV : Le vol suspendu de l’Aérotrain (https://planetaryecology.com/laerotrain-descendu-en-plein-vol/)

** « (…) The loss of the family farm and the increase in industrial farms has created a plethora of environmental concerns. The current agricultural industry relies on the use of large amounts of water, fertilizers, pesticides, and fossil fuels. The use of these resources has severe environmental impacts on water, land, wildlife, and air. The shift to larger farms has also induced a transition to larger livestock operations (…) », Goodbye Family Farms and Hello Agribusiness: The Story of How Agricultural Policy is Destroying the Family Farm and theAgricultural Policy is Destroying the Family Farm and the Environment

https://digitalcommons.law.villanova.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1016&context=elj

Au début des années soixante, c’est Edgard Pisani qui, ministre de Charles De Gaulle, s’attelle à une mise en œuvre forcenée des Plans néolibéraux sur le terrain. Dès lors dominent les préjugés technocratiques à l’égard des peuples des campagnes.

L’agriculture pérenne, saine, familiale, diversifiée, nourrissant les communautés villageoises, soucieuse de la vie des écosystèmes, de la fertilité des sols et de la protection des eaux, garantissant une autonomie pour beaucoup, etc., cette économie n’a plus droit de cité. Désignée comme « obstacle » (voire « difficulté structurelle« ), elle est l’ennemi à abattre pour faire place au modèle dit productiviste* tourné vers l’exportation – précisément le modèle qui permet la concentration du capital spolié aux familles et aux communautés. Un modèle importé des États-Unis où la destruction de l’agriculture pérenne allait bon train depuis longtemps.

* encore une manipulation du langage, façon « relations publiques » à la Bernays.

Technocrate sans expérience de la campagne, comme ceux qui l’entouraient, Pisani regardait celle-ci au travers d’une grille idéologique déformante : « Le premier obstacle à la solution du problème agricole est le conservatisme de la profession elle-même qui offre à toute réforme, à toute entreprise de rénovation, une résistance extrêmement lourde… Nous n’avons pas le droit, au nom du respect monstrueux que nous vouons à tout ce qui est petit, de maintenir en esclavage des familles dans des exploitations qui ne pourront jamais les nourrir » (discours au Sénat en juillet 1961) ! Pensait-il vraiment ce qu’il disait* ? Qu’importe, il faisait écho au Plan livré deux ans plus tôt par la technocratie néolibérale personnalisée par Rueff et Armand : « La situation actuelle est imputable à l’archaïsme des structures parcellaires, à la faiblesse des surfaces cultivées par bon nombre d’agriculteurs, à l’inadaptation de certaines méthodes de production aux possibilités et aux exigences des progrès techniques, enfin, à l’insuffisance des stimulants, imputable, jusqu’à un passé récent, à un excès de protectionnisme« . À entendre ces gens, l’agriculture française abordait une ère de rationalisation et de progrès – de progrès aussi inéluctable que bénéfique, s’entend. On était déjà très éloigné des tentatives d’interprétation d’un Gaston Roupnel :

« Les champs furent disposés de manière à exploiter les avantages d’un relief choisi et comme façonné pour eux.

Les reliefs les plus favorables furent en effet ces heureuses pentes qui ne dépassaient pas le mouvement suffisant pour assurer l’écoulement des eaux. Ces légères déclivités, le champ les chercha et les adopta. Il s’aligna dans leur sens ; et ses sillons furent les lignes naturelles où s’écoulèrent lentement des eaux qui avaient le temps d’abreuver la terre sans la saturer. (…) », Histoire de la campagne française (Quatrième partie, III Les Champs, Les caractères du morcellement parcellaire).

* Cela ressemble étrangement aux réflexions philosophiques d’Édouard Leclerc dans Le Nouvel Observateur (en 1966) :

« Il ne s’agit pas d’attaquer la boulangerie, mais l’ensemble des fabrications artisanales et qui veulent le rester à tout prix… Quant aux 40 000 boulangers, pourquoi voulez-vous les retenir dans un travail qui peut être mieux fait à l’échelle industrielle, mieux vaut libérer les énergies humaines pour d’autres conquêtes… Le bâtiment et la route manquent d’hommes. Je crois qu’on sortirait les boulangers de leur pétrin en leur apprenant, par exemple, à conduire un bulldozer« .

Edgard Pisani, ses conseilleurs et ceux qui les avaient précédés avaient sous les yeux des « unités de production » qui conciliaient la satisfaction des besoins d’une population dense avec le maintien de la biodiversité et la régulation du climat. Mais ils n’en avaient cure. Ou, plutôt, ils n’étaient pas là pour apprendre et comprendre. Ignorants et insensibles, ils étaient – et sont encore – comme les seigneurs d’autrefois qui ne s’intéressaient qu’à la monoculture des céréales faisant leur fortune, avant d’être cause de famine au premier aléa climatique. Pour ces exploiteurs, les landes, les bosquets, les haies, les talus, les chemins, les cours d’eau et leurs ripisylves, les zones humides, etc., n’étaient qu’espaces inutiles, perdus pour les choses sérieuses, encombrements improductifs, vides à valoriser. Enfin, c’est ce qu’ils disaient. Pourtant, les espaces naturels et les ouvrages n’avaient pas été ménagés et faits au hasard. Comme auparavant avec les précurseurs des agronomes : les Physiocrates, pour les technocrates et les nouveaux accapareurs du bien commun, la connaissance ne pouvait venir du peuple, et la réalité n’était pas sur le terrain. Celle-ci ne prenait consistance que sur le Plan. Ils voulaient tout ignorer de l’agroforesterie pratiquée par des paysans qui, même si les mots n’étaient pas encore inventés ou utilisés, et à la différence de Monsieur Jourdain, savaient parfaitement ce qu’ils faisaient. Les témoignages d’époque, et d’avant, sont assez édifiants : les gens des campagnes parlaient :

– de la masse végétale,

– de la diversité des animaux hébergés par les talus et les haies,

– de la protection des cultures contre la prolifération d’éventuels « ravageurs« ,

– de la protection des cultures, des élevages et des habitats vis-à-vis du soleil, des vents, de l’assèchement comme du ruissellement,

– des bonnes nourritures, de la pharmacopée et du confort offerts par les haies aux animaux d’élevage,

– des pollinisateurs, des légumes sauvages, des champignons, des fruits, des gibiers…

– des fruitiers, des feuillages fourragers, du bois de chauffage renouvelé chaque année (aussi du paillage et de la litière),

– de la fertilisation des prairies et des champs, du renouvellement de l’humus,

– de la dynamique de l’eau retenue en période pluvieuse et relâchée par temps sec,

– de la régulation de l’humidité de l’air et du climat (généreuse évapotranspiration et pluies régulières de proche en proche), etc.

Dans le mépris pour les populations et leurs écosystèmes qu’elles observaient et jardinaient depuis des siècles, on retrouve le discours menteur du colonialisme. Le pays est « vide« , la forêt est « vierge« , elle est un « désert vert » improductif… C’est, encore dans les années 70 (!), Michel Foucher rêvant que l’Amazonie puisse devenir « un espace complémentaire de la croissance économique nationale« , et sa terre un « facteur de production très bon marché« . C’est Charles Vanhecke voyant le Brésil « encombré par une masse végétale dévoreuse d’énergies » (3). On n’est pas loin de ce que pensaient les seigneurs responsables des grands défrichements du Moyen-Âge. Les cupides bégaient ! Nous savons aujourd’hui quels en sont les résultats, et combien l’écologisation que proposaient les écologistes aurait été utile.

Le programme allait donc se déployer dans une totale ignorance du terrain. Pas l’ombre d’une étude d’impact. Ni pédologues, ni hydrologues, ni écoute des « violentes protestations élevées par la plupart des amis de la nature, des services officiels (…), des écologistes, et même par certains entomologistes » (Rachel Carson, Printemps Silencieux p. 186) (4).

Comme en Amérique et en Grande-Bretagne, les services de l’État et la plupart des élus étaient tombés entre les mains des experts en relations publiques de l’industrie.

Pour mieux « repousser les éléments de main-d’œuvre agricole en excédent » et araser les « obstacles à l’expansion économique« , le remembrement a été utilisé comme une arme de destruction massive. Seconde loi d’orientation agricole de Pisani en 1962 :

« Les bases des grandes opérations d’aménagement foncier que sont le remembrement, le drainage des terres et zones humides et l’irrigation, ont été posées au cours de la période précédente. Leur mise en œuvre va connaître un développement spectaculaire dans un cadre volontariste de modernisation de l’agriculture, désormais porté conjointement par l’État et les organisations professionnelles agricoles. L’un des objectifs de la loi d’orientation agricole de 1962 est en effet formulé en ces termes : Pour diminuer les coûts de production : conduire plus avant l’aménagement foncier et mieux organiser les surfaces agricoles (…) ». La fabrique de l’agronomie. De 1945 à nos jours, Éditions Quae, 2022.

Moderniser (bien sûr, sans préciser de quoi il s’agit), diminuer les coûts de production, aménager (en déménageant), organiser (en déstructurant)… Comme un prolongement du mouvement de contrôle des masses, d’organisation du travail, de « rationalisation de l’économie » et des unités de production industrielles pour augmenter les rendements, etc., développé sur l’élan des dirigismes perfectionnés pendant la Première guerre mondiale. Avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, les expériences totalitaires menées dans les campagnes par le IIIe Reich*, puis le gouvernement du Maréchal ont préfiguré les bouleversements imposés dans les années soixante. Des oppressions coloniales aux totalitarismes nationaux et à la mondialisation de l’agribusiness, une même planification productiviste accompagnée par une réduction drastique de la diversité biologique.

* Surtout à partir de 1936, dans le cadre du Plan de Quatre Ans destiné à supporter l’effort de guerre déjà planifié. Le saccage des campagnes qui suivit préfigurait les ravages de la Révolution Verte.

La WOL dans les Ardennes et les rapports géographie – nazisme au sein du IIIe Reich

https://journals.openedition.org/mappemonde/6624

Les nazis et la « nature » Protection ou prédation ?, par Joham Chapoutot

https://shs.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2012-1-page-29?lang=fr

La « modernisation » avant la lettre : le patronat français et la rationalisation (1925-1940)

François Denord, Odile Henry

Les origines allemandes et vichystes de la modernisation agricole française d’après 1945 par Margot Lyautey et Christophe Bonneuil

https://shs.hal.science/halshs-03931731/document

Seuls sur les chantiers : des VRP de l’endettement, géomètres et techniciens « intéressés au volume des travaux et études faits pour le compte des collectivités locales« , tels les ingénieurs du génie rural. « Des collectivités locales« , et des intérêts étrangers au local, surtout. Les résultats sont à la mesure de l’incompétence et de l’intéressement aux saccages. En 1971, dans un paysage promis à la dévastation, un paysan dit son écoeurement : « Les bourrins, ils prennent la terre pour faire la route, et les pierres pour faire de la terre labourable« , et d’ajouter : « Ça n’sert à rien d’parler« , Adieu Terroir, un reportage d’octobre 1971, https://www.facebook.com/watch/?v=156848389799469

Tout est dit en une formule !

Si les voix des paysans et des écologistes étaient inaudibles, les agronomes et les techniciens missionnés par l’agribusiness multipliaient les conférences pour imposer la destruction la plus massive depuis les grands défrichements

Langon, qui termine son remembrement, entend poursuivre ses infrastructures rurales,

http://www.langon35660.fr/ouest-france/1967/1967_10_27_remembrement.pdf

« Une collaboration étroite entre État et syndicalisme se met alors en place, fondée sur la convergence des revendications du CNJA avec les objectifs de modernisation de l’agriculture visés par les responsables politiques de la Vème république : une agriculture française compétitive en vue de la création du marché commun européen« 

Le syndicalisme agricole et sa place dans la mise en place de la politique agricole(Lisa Gauvrit 2012, agter.org).

Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER)

Comme c’est bien tourné, retourné ! Pour décrire une si remarquable proximité au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le terme collaboration est bien choisi. Mais, au moins, il est dit que tout cela est fait pour l’exportation et les fortunes que cela nourrit. Pas pour le local. Pas pour le pays.

Souvent puisés dans les discours de la colonisation agraire du IIIe Reich et chez ses suivistes de Vichy*, les prétextes les plus faux furent diffusés pour justifier la destruction des campagnes – à commencer par ce qui restait des communaux – et la création d’openfields stérilisés, exposés à toutes les agressions, érodés massivement au point d’encrasser les canaux, les rivières et les estuaires**, et générateurs de besoins infinis faisant la fortune des spéculateurs. Premier des prétextes : le fameux remembrement des parcelles dispersées. Encore une manipulation du langage pour détourner l’attention, ce remembrement, puisqu’il n’explique en rien les grandes destructions. « Impératifs de production » nous dit-on encore maintenant. Mais quels impératifs, quelle production, et pour qui ? Déjà, les saigneurs, les nouvelles cités et les monastères tenaient ce langage il y a dix siècles…

* La Loi sur la réorganisation de la propriété foncière et le remembrement date du 9 mars 1941.

** Comme dans le Pas-de-Calais durant l’hiver 2023/2024.

Entre les politiciens, les technocrates rigidifiés par l’idéologie néo-libérale et conseilleurs du gouvernement*, les stakhanovistes de la compétitivité, les amoureux des butins soustraits à leurs communautés, et les entreprises de travaux publics, la « collaboration » fut parfaite ; comme le fut l’entente pour éliminer les défenseurs de la paysannerie et les naturalistes déjà engagés dans l’alerte écologiste. Une « collaboration » si étroite que le ministre Pisani recevait les bons élèves de cette très spéciale « modernisation » chez lui. Cette « collaboration » encourageait déjà les appétits les plus féroces. Les uns ciselaient des règlements et des formules juridiques hors-sol, tandis que les autres s’armaient pour la razzia. D’autres encore étaient dans la coulisse qui tiraient les ficelles depuis longtemps. C’était de plus grands prédateurs encore dont les précédents quémandaient l’approbation et l’appui : les très puissants industriels américains en manque d’une nouvelle guerre mondiale – guerre économique cette fois – pour écouler leurs machines, leur chimie mortifère immédiatement et à long terme, leurs semences, leur carburant. Entre autres bonnes fées à la tête du consortium – dont le gouvernement US qui aspergeait de DDT tout ce qui bougeait – les fondations Rockefeller et Ford poussaient ici leur « Révolution Verte » ultra-mécanisée et droguée aux biocides. Celle-ci ravageait déjà l’agriculture familiale américaine et changeaient les campagnes en zones de mort**. Cela n’était pas assez. Il fallait en faire profiter les autres, exporter tous azimuts pour accroître les profits ! Comme au bon temps de la Commission Creel, de la campagne du bacon au petit-déjeuner, des cigarettes « flambeaux de la Liberté« , etc., les « experts » infiltraient tout et multipliaient les formations agricoles pour conditionner les jeunes à la déstructuration des communautés et de l’économie des campagnes (« optimisation des facteurs de production« , qu’ils disaient).

* Dans la ligne du Colloque Walter Lippmann (1938) et de la Société du Mont-Pèlerin (1947).

** La couleur verte a beaucoup de succès chez les empoisonneurs. 60 ans après le premier verdissement révolutionnaire, une nouvelle « Révolution Verte » se profile ; avec un vert écologisé par les technocrates au service de la poursuite de la croissance marchande, bien sûr.

Première étape de la marchandisation généralisée : obstacles au progrès (du capitalisme), les cultures communautaires et leurs échanges, leurs partages, leurs entraides devaient être fragilisées, déstructurées, cassées. Il fallait faire perdre la compréhension de la dynamique des interrelations, faire perdre tout repère aux paysans, artisans, commerçants. Il fallait faire perdre le sens – le « sens commun« , le sens du commun et des communs. Donc, tout devait être renversé, inversé. Révolution Verte du mirage mécanique et chimique, coopératives du bien commun métamorphosées en relais de la croissance marchande, Grande Distribution boostée par la finance imposant ses prix et ses impératifs gestionnaires aux producteurs, remembrement prétexte au saccage des ressources, donc à la destruction de l’autonomie des campagnes… le grand œuvre de désorientation était lancé :

« La propagande la plus efficace est celle où le sujet va dans la direction que vous désirez pour des raisons qu’il croit être siennes » (directives du National Security Council américain* sur « la guerre psychologique« , 10 juillet 1950)

* NSC, un acteur majeur de la stratégie des USA.

On devine sans peine quelle en est l’origine : « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible (…) » (Bernays)

Fragilisées à l’extrême, sinon expulsés de leurs campagnes, arrachés à leurs villages et à leur histoire, les victimes innombrables ne trouvaient aucun secours. C’était le plan. En manière d’alternatives, seules des dépendances toujours plus exigeantes allaient leur être offertes. Encore l’illusion. Il ne devait plus subsister qu’un total désarroi et le néant individualiste.

« La seule vie libre, c’est la vie de paysan« , Henri Nanot, un amour fou de liberté (1921-1962), René Rougerie, éditions Lucien Souny 1988

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Désorienter pour mieux exploiter et spolier

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Aucune violence ne fut économisée pour faciliter la pénétration des prédateurs qui allaient s’attaquer au capital biologique accumulé de générations en générations – bien commun entre les biens communs – et à ses intolérables capacités de régénération. C’était une colonisation ! Même la force militaire était mobilisée : les bulldozers ravageaient les campagnes sous la protection des gendarmes. Comme les autres colonisations, elle détruisait les écosystèmes pour créer la pénurie, pour désemparer, fragiliser en dissociant les familles et les sociétés, et ruiner une civilisation. Comme le sabreur Gallieni obligeant les Malgaches « à sortir de leur économie de pure subsistance pour s’employer comme salariés ou développer les produits d’exportation« *. Comme un autre d’aussi bonne réputation : Bugeaud qui saccagea les campagnes algériennes pour mieux asservir le pays. Comme, hélas, à peu près partout. Ici même, tous les moyens furent employés pour changer les paysans et les artisans enracinés dans le pays et fiers de leur travail en arracheurs de haies, en lumpenproletariat dépendant des intrants les plus nuisibles, des usines à malbouffe, de la torture animale et des épidémies mutantes, et en clients des comptoirs de l’illusion des « prix bas » qui les avaient ruinés.

* Encore une pensée inspirante pour Édouard Leclerc et ses protecteurs « de gauche« .

La conquête des imaginaires et des marchés était facilitée par l’amoindrissement des résistances. Il s’agissait déjà d’une « guerre économique systémique« *. D’ailleurs, colonisation est bien employé à l’époque pour décrire la conquête des campagnes : « Cette Camargue est en voie de colonisation. Grâce à des méthodes nouvelles, à un matériel puissant et à un effort gigantesque, d’énergiques défricheurs édifient des domaines exemplaires.« , Rapports France-États-Unis n°51, de juin 1951, rapporté par Roger Heim qui poursuit en dénonçant la propagande en faveur de la « productivité ».

* (La guerre économique systémique, par Christian Harbulot, https://cr451.fr/champ-de-recherche/la-guerre-economique-systemique/)

En 1971, venant avec ma proposition de développement du bio dans un mouvement coopératif qui n’était plus, j’avais bonne mine !

Détruire. Détruire vite et totalement pour mettre tout le monde devant le fait accompli. Une tactique commune dont le mouvement écologiste fera aussi l’expérience ; parmi d’autres. Comme le préconisait un certain René Dumont, il était important de faire vite pour prendre les communautés paysannes de court, pour déborder la prise de conscience et les réactions, et interdire tout retour en arrière.

Ce fut un massacre :

  • dévalorisation des savoirs, des ouvrages, des patrimoines
  • rabaissement des hommes
  • dissociation des familles et des communautés
  • désorganisation des fermes forcées de devenir « exploitations« 
  • massacre des écosystèmes devenus « bassins de production » gérés par l’industrie

Tout fut passé à la moulinette de la rationalisation productiviste, cette rationalisation d’autant plus prétentieuse et autoritaire qu’elle ne voyait dans le vivant que des « ressources » à extraire, un gisement à épuiser, une source de profits *. Voire une gêne.

* pour quoi en faire ?

Sous la protection des gendarmes, la grande entreprise de destruction anéantit rapidement :

  • sols enrichis en matière organique par des siècles de bonnes pratiques
  • sols de prairies jamais labourées, grouillants de vie*, traités en substrat inerte confié aux laborantins et aux conducteurs de chars
  • sols mis sens dessus dessous, l’humus enterré sous le sol profond, violentés, tassés sous des machines trop lourdes, leurs vies écrabouillées.
  • Sols détruits, épuisés en quelques récoltes

* et de carbone séquestré“ (comme les talus)

Il fallait détruire l’autonomie alimentaire et économique. Il fallait défaire la régulation climatique et la régénération biologique à l’oeuvre dans les bocages, les clos, les terrasses, toutes les parcelles protégées, les pâturages, les jachères, les zones humides, les mares (pour cela, ils disent « assainissement »)… Détruire sans frein pour vider les campagnes des éléments de main-d‘oeuvre agricole en excédent et favoriser le développement de la grande distribution.

C’est la guerre

Très bien implanté et engagé dans l’amélioration des techniques de travail et des conditions de vie à la campagne, le « catholicisme social« * intéressait particulièrement les prédateurs. Dans la plupart des cas, les améliorations tentées et projetées par les jacistes n’impliquaient pas une rupture avec le modèle familial de la polyculture-élevage. Mais les promoteurs du totalitarisme industriel surent exploiter l’inexpérience et la malléabilité des jeunes et acheter des complicités pour inoculer le venin de l’illusion d’un contrôle total sur la campagne, voire d‘un affranchissement (avec le hors-sol), et glisser leurs produits dans le catalogue des changements souhaités.

* de la JAC, Jeunesse Agricole Chrétienne, qui pouvait réunir plus de 50 000 personnes à Paris en 1950.

Comme dans toute bonne colonisation, comme toujours en matière de contrôle politique (comme, entre autres, avec l’alerte écologiste), les jeunes paysans furent infiltrés par les agents de la religion anti-nature*. Ceux-ci avaient été formés au modèle productiviste dans « les grandes écoles » et les séminaires de la croyance en un progrès obtenu par la croissance marchande. Ne comprenant rien aux paysages, n’y voyant que fouillis, ces missionnaires devenus enseignants et « conseillers« ** n’avaient que mépris pour le vivant et les savoirs éprouvés des anciens…

« L’aisance avec laquelle des paysans formés dans le monde traditionnel peuvent se mouvoir dans un monde moderne est un objet de surprise constante pour l’observateur. Pourvu qu’elles s’inscrivent dans un jeu économique cohérent et significatif, les « motivations économiques » viennent aux jeunes agriculteurs avec une rapidité déconcertante. Bien plus, sortant de leurs fermes, ces rustres mal instruits créent, avec une sûreté d’intuition étonnante, des institutions entièrement neuves (…) et parfaitement adaptées aux conditions modernes« . Cet observateur condescendant était Henri Mendras : La fin des paysans, Armand Colin 1967. C’est révélateur : Mendras ne peut se départir du mépris séculaire vis-à-vis de la paysannerie. Les promoteurs du totalitarisme industriel avaient su exploiter l’inexpérience et la malléabilité des jeunes, et acheter des complicités, pour inoculer le venin de l’illusion d’un contrôle total sur la campagne, voire d‘un affranchissement (avec le hors-sol), et glisser leurs produits dans le catalogue des changements souhaités.

* En particulier, ceux du Catholicisme Social : la JAC, Jeunesse Agricole Chrétienne, qui pouvait réunir plus de 50 000 personnes à Paris en 1950. André Pochon lui-même, acteur de l’opposition à l’industrie agricole destructrice des campagnes, avait été actif au sein de la JAC (Jeunesse Agricole Chrétienne) et avait cru au récit propagandiste.

** rêvés par René Dumont, qui en était un, au moins dès l’orée des années cinquante.

le résultat : la mort des sols

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Une razzia planétaire

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L’une des plus grandes et longues opérations de déculturation et d’aliénation était lancée. Plus encore qu’une colonisation, c’était une domestication.

Sous l’activisme des agronomes dédaigneux du savoir des « rustres« , avec la force de la JAC détournée, entraînés par le CNJA (les Jeunes Agriculteurs membres de la FNSEA), beaucoup de jeunes en vinrent à suivre, voire à soutenir aveuglément le développement et l’application des « lois d’orientation« . L’aspiration à l’amélioration fut changée en « modernisation » à la mode biblique prise au pied de la lettre : « remplissez la terre et soumettez-la, dominez les animaux (…) »*. Les accapareurs locaux alléchés par la perspective de grasses subventions et envieux des champs de leurs voisins s’engouffrèrent dans la brèche. Ce fut le début de la fin.

* Lynn White (Les racines historiques de notre crise écologique, 1966)

Et les pires aberrations devinrent vérités scientifiques assénées par des propagandistes saupoudrés partout…

« Dans ma formation de BTS agricole, on nous emmenait, au début, dans une ferme qui tournait pas rond ». Fallait penser un plan pour la redresser. On avait six heures. Tout le monde a eu une note entre 2 et 3 sur vingt, la première fois. On s’est fait engueuler par le professeur de gestion : vous avez rien compris, on vous forme pour pousser les paysans à produire ! Après, on a compris. On avait 18 sur 20. Première chose : appeler l’abattoir. Toutes les vaches de races rustiques locales, dehors, remplacées par des Holstein. Deuxième coup de téléphone : bulldozer. On rase toutes les haies. Troisième coup de téléphone : pelleteuse-draineuse. On assèche les zones humides. Quatrième coup de téléphone : on commande 25 tonnes d’ammonitrate. Cinquième : 25 tonnes de soja. C’était en 1975-1976. Je vous passe les doses d’herbicide« . Silence dans les champs, Nicolas Legendre, Arthaud 2023.

Le battage de la « Révolution Verte » venant après les exemples des réformes agraires de l’URSS, du IIIe Reich, de l’Italie fasciste et des USA, les planifications technocratiques et l’activisme des gouvernements téléguidés par les lobbies ne devaient pas encore suffire pour forcer les feux de la colonisation industrielle. Nous l’avons vu, à l’échelle de la nouvelle Communauté Économique Européenne fut adopté un système d’intensification de la dérégulation commencée – la « Politique Agricole Commune » (PAC). En distribuant l’argent public à ceux qui rompent avec la civilisation paysanne en s’engageant à fond dans l’élimination des modes d’agriculture durable, contribuant ainsi à la destruction des campagnes, cette PAC allait achever de tout bouleverser. La PAC « garantit des prix en hausse chaque année ! (…) il n’y a plus de freins à la production, mais au contraire un encouragement explicite à augmenter les volumes« , donc à détruire davantage (La fracture agricole, par Vincent Gallon et Sylvie Flatrès, Delachaux et Niestlé 2008).

Avec le soutien de tous les partis politiques et un détournement massif de l’argent public, cette fureur destructrice sera encore maintenue quelques dizaines d’années. Le temps de générer une énormité toute puissante : le complexe agro-industriel. Il faudra attendre les années 2020 pour remarquer l’amorce d’un début de retour à la raison ; par exemple avec Marc Dufumier, un ancien de l’INRA – de l’INRA !

L’avenir ne sera assuré qu’avec une agriculture paysanne relevant de l’agroécologie

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/20/l-avenir-ne-sera-assure-qu-avec-une-agriculture-paysanne-relevant-de-l-agroecologie_6217532_3232.html

La collaboration entre l’État en mutation néolibérale et les jeunes subvertis par les lobbies était si forte que la FNSEA et le CNJA resteront les seuls interlocuteurs du pouvoir politique jusqu’en 1981…

À vrai dire, cela n’a guère changé : une soixantaine d’années plus tard, l’étroite collaboration maintient toujours ce système destructeur du bien commun. Cela, même au détriment de beaucoup d’exploitants « productivistes« , à leur tour exploités, voire conduits au suicide.

« Des Chambres d’Agriculture au Crédit Agricole, en passant par la Mutualité sociale agricole (MSA), l’accompagnement de toute la vie professionnelle d’un agriculteur français a ainsi été délégué à des organisations plus ou moins contrôlées par la FNSEA« , La fracture agricole.

Les lobbys agricoles toujours aussi influents dans la sphère publique

https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/les-lobbys-agricoles-toujours-aussi-influents-dans-la-sphere-publique

Le céréalier et industriel des huiles Arnaud Rousseau élu à la tête de la FNSEA

https://www.bienpublic.com/economie/2023/04/13/le-cerealier-et-industriel-des-huiles-arnaud-rousseau-elu-a-la-tete-de-la-fnsea

Le lobby agricole s’arc-boute sur le vieux monde

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/02/24/le-lobby-agricole-s-arc-boute-sur-le-vieux-monde_6163170_3232.html

Un film a bien montré le paradoxe entre ceux qui ont résisté à ce système et ceux qui ont cru bon s’y engager : HERBE de Matthieu Levain et Olivier Porte (5)

https://www.herbe-lefilm.com

Également Le temps des grâces, film de Dominique Marchais

https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=173265.html

Entièrement dépendante des approvisionnements livrés par des norias de bateaux et de camions, coupée de son environnement, dans l’engrenage des investissements et des crédits à vie, assoiffée d’énergie, coupée même des animaux qui la font vivre et qui ne sont plus que des numéros, des performances de production, cette exploitation est suspendue aux crédits et aux subventions extorquées à des contribuables qui sont loin d’imaginer quel mal va faire le produit de leur travail, ici et jusqu’au-delà des océans.

Un regroupement des prairies et des champs trop dispersés était sans aucun doute souvent utile pour économiser du temps et de l’énergie, mais cela ne justifiait en rien les saccages commis dans un total mépris des populations humaines et non-humaines – bref, de l’écosystème et de ses « services » irremplaçables. Arrêtons-nous un instant pour constater que les fermes familiales en polyculture-élevage ont été remplacées par des exploitations disproportionnées en quasi monoculture, si étendues que les énormes engins qu’elles imposent n’économisent pas les dizaines de kilomètres parcourus à pleine vitesse.

Un prétendu « rationalisme scientifique » complétait le récit propagandiste en promettant une « diminution des coûts de production » et une spectaculaire augmentation de productivité… Tout en ignorant la contribution jusqu’à épuisement des riches sols légués par le bocage ; mais aussi les travaux d’infrastructure, les ruptures écologiques, la nouvelle lutte contre l’érosion et la sécheresse, et l’investissement dans les intrants compensateurs. La substitution de l’application des directives des fabricants de poudres de perlimpinpin aux savoir-faire mûris par des siècles d’expérience était vantée comme une amélioration du « niveau technique » des paysans ! « À tous points de vue, meilleure utilisation du capital terre » claironnait un petit film propagandiste de l’époque, tout en montrant un paysage saccagé où s’avance un tracteur chenillé comme un char de combat. Ah, la « valorisation« , ou « mise en valeur« , vue par le « rationalisme scientifique » !

ttps://www.facebook.com/watch/?v=422254339050789

Poudre aux yeux ! La diversité des productions des fermes familiales est toujours ignorée. Comme la production diversifiée des forêts denses que les accapareurs ne veulent surtout pas reconnaître *. Les années maigres, la polyculture-élevage familiale et coopérative garantissait la subsistance, sinon des revenus confortables. Bien sûr, cela n’intéressait pas les lobbies industriels et financiers.

* D’après des estimations faites en Amazonie, le rendement de la récolte régulière des produits autres que le bois peut être deux à trois fois supérieur à celui des formes d’exploitation destructrices. Pour les forêts asiatiques, Jenne H. de Beer et Melanie J. McDermott ont publié The economic value of non-timber forest products in southeast Asia, IUCN, Plantage Middenlaan 2B, 1018 DD Amsterdam (Pays-Bas)

« La vie s’y entretient des champs et du bétail, des prés et des vignes, des bois et des vergers. Le poulailler et le jardin, la laiterie et la cueillette sont tout autant productions lucratives que les moissons, les forêts, les carrières. Il y a mille manières de vivre dans ces coins blottis et ces frais pacages.

Toutes ces activités se suppléent et s’associent, s’entretiennent l’une par l’autre. Toutes ces productions variées se compensent dans leur défaillance ou leur abondance. Il n’y a point d‘année vraiment mauvaise, et qui n’apporte, par quelque artifice, son gain suffisant.

Or, notre régime foncier, avec son morcellement, épouse cette variété des sols et favorise cette variété de la production. Notre campagne, partout emplie de biens et de domaines, de lieux et d’aspects, est un Monde qui suffit. Chacune de nos campagnes, minuscule dans son étendue, est grande de toutes les choses qu’elle contient. (…) Cette campagne française, c’est elle qui est défendue par sa masse. Cette masse n’est certes pas la réalité superficielle de l’étendue ; mais elle est composée de la densité et de la richesse d’éléments qui sont chacun un petit coin ouvragé comme le Monde, une œuvre totale de l’art premier des hommes.« , Histoire de la campagne française (Quatrième partie, III Les champs), Gaston Roupnel. Roupnel qui, au début des années trente, approuvait la mécanisation, mais sans détruire les avantages du morcellement et de la diversité : « (…) notre pays sera armé pour les luttes de la vie agricole dans le Monde. Avec sa vieille campagne composée de toutes choses, il pourra tenir tête aux pays qui n’ont que leur immensité d’un sol et leur massive fortune d’un produit et d‘un jour.« , et d’ajouter en conclusion : « L’antique et puissante structure de notre campagne française, le régime foncier de sa terre, la variété de ses sols, l’attachante beauté qui la pare, voilà des droits suffisants à triompher des pays qui nous menacent de leur colossale production !« . Hélas, avec leur massive fortune renforcée de subventions et de politiques totalitaires, les productivistes se préparaient à tout infiltrer, à tout corrompre, y compris les vieilles campagnes riches de leur diversité.

« Le système de polyculture-élevage présente dans la nouvelle optique le gros défaut d’être très économe et de laisser une grande autonomie aux agriculteurs. Il nécessite peu d’intrants (…) et permet encore le maintien d’une main-d’oeuvre agricole importante. Depuis longtemps en fait, la décision politique est prise : il doit disparaître. Aux yeux des gouvernants, le contexte de la guerre froide ne fait qu’accentuer l’urgence de sacrifier la paysannerie pour transformer la France en véritable puissance industrielle » *. Alors, au début des années 1960, la Politique Agricole Commune (PAC) tombée d’une Europe lancée dans la compétition mondiale des prédateurs a achevé le travail, détruisant la diversité des cultures, des fermes et des écosystèmes. « La PAC achève l’intégration de l’agriculture familiale au système capitaliste industriel. Elle est née de la volonté politique unanime des dirigeants européens, et en particulier français, décidés à assurer la consolidation des filières agro-industrielles. » *. Une « volonté politique unanime » sortie des planifications dont le mépris des paysans et du vivant n’avait pour équivalent que l’amour des profits rapides réalisés grâce à l’artifice du hors-sol et de ses intrants exotiques. C’est cette première destruction programmée, et applaudie par une « gauche modernisée » par le capitalisme, qui a entraîné l’effondrement social et culturel préalable au désastre écologique.

* La fracture agricole, par Vincent Gallon et Sylvie Flatrès, Delachaux et Niestlé 2008, pages 91 et 94.

Le regroupement des parcelles et l’illusion de la productivité ont surtout servi de cache-sexe aux prédations locales, de prétextes à la création des grandes « exploitations » sous le joug des banques et des lobbies – bref, d’écrans de fumée masquant les spoliations sans nombre, la concentration du capital partagé, et son transfert vers les financiers et les industriels.

Côté carotte, les achats d’engins agricoles furent souvent détaxés, et le Crédit agricole (une banque coopérative !) distribua des subventions aux Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole (CUMA) créées après-guerre, juste à temps pour aider au déploiement du Plan Marshall et de ses tracteurs – déploiement supervisé par l’agent US Irving Brown (6).

Côté bâton, dans la suite d’une loi sur le remembrement de mars 1941 sous influence allemande, la première loi Pisani, celle de 1960, avait créé des « commissions » souveraines, telles les Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural (SAFER), dans le but d’accroître la taille des « exploitations« , sans aucune réflexion sur la relation à l’écosystème – donc l’exclusion de la majorité des paysans*. SAFER, Commissions Communales d’Aménagement Foncier (CCAF), Association Foncière de Remembrement (AFR)… les officines imposées par la planification de la réification du vivant furent saupoudrées partout. Toutes puissantes, disposant de la prérogative du droit de préemption sur l’achat des terres, et de celui d’expropriation, elles étaient remplies par les sectateurs de l’agriculture productiviste à outrance. Surtout intéressés à la ruine des autres (avec des fonctionnaires payés au pourcentage !), ces bonnes personnes n’hésitèrent pas à soumettre les opposants par la force, à les jeter prison, voire à les faire interner. Tout était paré pour placer les populations à trier devant le fait accompli. Une tactique totalitaire classique des colonisateurs faiseurs de ruines écologiques et de famines.

* Depuis la seconde guerre mondiale, la population active des campagnes a été divisée par 14. Cela n’est pas involontaire, comme un dégât par inadvertance. Déjà au temps du Maréchal, les agronomes parlaient de « surpopulation rurale » et préconisaient la disparition des petites fermes familiales jugées improductives (sans la moindre compréhension de leur rôle dans les dynamiques d’ensemble).

Totalitaire n’est pas excessif. Les saccages et les exactions des colonisations, de l’Amazonie à la Chine, en passant par l’Afrique, nous avaient alarmés. Mais un processus équivalent était à l’oeuvre ici même ! De leur déclenchement à leur exécution, captés par des prédateurs protégés par l’État, l’extrême brutalité des remembrements semble avoir été pensée pour gagner de vitesse l’éveil des consciences et les résistances. Les paysans soulevés contre ce remembrement tombé d’en haut parlaient de « dictature« . Dictature, en effet ! Pas d’information, pas de consultation, une dissimulation telle que la plupart ne pouvaient apprécier le bouleversement civilisationnel en cours. La politique du fait accompli employait tous les moyens pour surpasser les oppositions et prévenir un plus grand réveil. Encore à la fin des années 1980, à Geffosses (Manche), dès le lundi suivant la victoire des opposants aux élections municipales, le préfet envoie les gendarmes mobiles et des entreprises de travaux publics pour saccager la campagne avant l’élection du maire par le nouveau conseil municipal quelques jours après.

https://www.ouest-france.fr/normandie/geffosses-50560/video-dans-les-annees-1980-geffosses-se-dresse-contre-le-remembrement-f375c824-2543-346f-a451-3e8031e205c0

Alors que le désir d’une civilisation conviviale gonflait les coeurs tout autour de la planète et soulevait la multitude de la nouvelle gauche, les brutes exaltées par la croissance marchande multipliaient les agressions . . .

L’exemple de Langon (Landegon en Breton), un village français situé dans le département d’Ille-et-Vilaine. Son saccage est décrit dans un article de Ouest-France d’octobre 1967 : « 101 kilomètres de chemins d’exploitation ont été créés ; 25.600 km de chemins ruraux ont vu le jour, 376 km de talus ont été arasés et 16.160 km de vieux chemins ont été mis en exploitation. » Et les marais asséchés : (http://www.langon35660.fr/ouest-france/1967/1967_10_27_remembrement.pdf)

Toute forme de régulation abolie, le peuple des campagnes – aussi les artisans et les commerçants – a donc été livré sans défense aux lobbies du productivisme et à leurs obligés. Propagande intense et corruption, tripotages, harcèlement, exactions… les prédateurs s’abattirent sur les campagnes comme une troupe de lansquenets, et le programme totalitaire se déploya en écrasant tout sur son passage – comme dans toute bonne colonisation (avec l’expérience des saccages et des pillages commis ailleurs). Ce fut pire encore. Les fables du « progrès » et les promesses de subventions et de butins déclenchèrent des ruptures en chaîne ; ruptures avec les cultures immémoriales, avec la compréhension du vivant et les savoir-faire, avec le sens de l’entraide et du bien commun, avec les voisins dépossédés (humains et autres), etc. L’objectif principal était atteint : rompre la cohésion culturelle et sociale, désocialiser et désécologiser pour « conquérir l’esprit des hommes », stimuler comme jamais l’individualisme nombriliste, afin d’ouvrir la voie au parasitisme de la croissance marchande. Nous sommes toujours en plein dedans !

Tandis que les résistances et l’émergence de la culture écologique tentaient de s’affirmer, le mépris pour l’oeuvre des anciens et l’aliénation culturelle au système destructeur étaient en plein développement. Une fois dépréciée, brocardée et refoulée la connaissance des écosystèmes, La peur de la nature*, et même une haine hallucinée, allait se répandre et faciliter le développement de l’intensification de toutes les exploitations. Volonté de tuer, d’anéantir, d’extirper toute vie, chez les uns, apathie complète chez les autres, avec la banalisation de la violence, la dégénérescence sera spectaculaire. L’exact contraire de l’écologisation que j’allai bientôt proposer ! Et l’on verra se multiplier les saccages aussi gratuits qu’absurdes, jusque dans les cités, comme l’on en avait jamais connus.


* titre d‘un livre de François Terrasson

Tout ce que les anciens avaient construit depuis des dizaines de générations, su préserver et améliorer sur la base d’une fine connaissance de leurs écosystèmes fut dévasté au nom d’une rationalité hors sol. Les photos des saccages perpétrés à l’époque montrent généralement des arbres couverts de feuilles devant la lame des bulldozers. On peut en déduire que les chantiers ont été menés sans aucun soucis de la période de reproduction des animaux, justement “parce qu’il fait beau“ ! Nids, terriers, gîtes, talus, systèmes racinaires séculaires, chemins, cours d’eau, mares, murs de pierre sèche… Tout est assassiné, mis à bas, arraché, défoncé, arasé, stérilisé. Les cours d’eau remplacés par des fossés anti-chars et les chemins creux par davantage (en longueur et en surface) de “voies d’exploitation“ qui ouvrent les moindres recoins à la destruction. Même les constructions traditionnelles tombent. Les fermes transmises de génération en génération sont abandonnées ; quand elles ne sont pas détruites* ! Cette guerre est subventionnée à 90 % par l’argent public détourné du service de l’intérêt général (80 % par l’État et 10 % par les départements) ! On n’avait jamais connu une telle malfaisance, au moins depuis si longtemps que la mémoire en était perdue.

* d’où la constitution des réseaux de sauvegarde du bâti, comme Maisons Paysannes de France en 1966.

Pas plus que l’occupant nazi, les vichystes et les collaborateurs de Pisani ne prêtaient attention à leurs victimes, ceux qui colportent encore le récit de la « cogestion » et les légendes sur les Trente Glorieuses taisent les résistances, les spoliations, les désespoirs, les suicides, les blessures toujours ouvertes. Car c’était un écocide doublé d’un ethnocide.

C’était un labyrinthe de petits chemins. On allait chercher des mûres, des châtaignes. C’était un terrain de jeu magnifique. Il y avait des bois, il y avait des clairières, des champs entourés de talus avec des arbres. Les talus, ce sont des constructions humaines qui partagent les terrains, faites pour protéger les champs de l’érosion et aussi pour permettre à la faune et à la flore de se développer. Sur ces monticules de terre, il y avait des arbres.

Un jour, j’ai assisté… Je le revois encore… Je revois l’apparition des bulldozers sur la colline en face de chez moi… qui saccagent… qui détruisent tout, les arbres, les talus… Ils empilent ça, comme si tout ça cela n’avait plus d’importance…

J’assistais à cela, impuissante… C’était un remembrement, un démembrement. C’était le chaos. C’était un saccage qui m’a beaucoup marqué, qui m’a… J’en ai encore l’émotion de voir tout cela… Y’avait plus rien. Je le vois encore… Ces tas d’arbres qui s’empilaient, qui s’empilaient… Et j’ai cette image des vaches folles qu’on empile, là aussi. Cela m’a fait exactement le même effet. J’ai encore une vue de…

Après toutes ces années, quand j’en parle… Et, donc, c’était des choses que les hommes avant nous avaient fait patiemment, qu’on a détruit avec tellement de facilité, tellement vite !

Sur moi, cela a eu énormément d’impact. Ça a mis de la rage en moi. Une révolte terrible.

Témoignage de Jacqueline Le Goff

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/le-grand-remembrement-7583513

C’était la longue communion avec les plantes, les animaux, le vivant qui était détruite d’un coup. C’était la beauté, la joie et la liberté qui étaient anéanties ! Tout un univers d’émotions et de compréhensions. Il ne devrait plus être utile de le préciser… Avec les racines du bocage étaient arrachées celles de la démocratie à laquelle nous aspirions.

C’est la même “révolte terrible“ qui a accouché des alertes, des analyses et des propositions alternatives du mouvement écologiste. Et c’est la même répression qui allait le réduire à l’impuissance.

ACG

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(1)

Bientôt, l’objectif de la croissance marchande rassemblera les croissancistes français au sein de la Fondation Saint-Simon (1980).

Presque simultanément (1983), sera créé l’ERT (Table ronde européenne de l’industrie), une coordination des grands patrons européens, pour « stimuler la compétitivité mondiale de l’industrie européenne » en sacrifiant les sociétés et les écosystèmes.

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(2) Soixante ans de saccage des campagnes plus tard, la Confédération Paysanne réclamera encore :

« (…) l’interdiction formelle de l’achat des produits agricoles en dessous de leur prix de revient (coût de production + revenu agricole). Il s’agit enfin de mettre en place une vraie protection du revenu des agriculteurs (…) »

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(3) La mise en valeur de l’Amazonie brésilienne – Les routes transamazoniennes, Michel Foucher, 25 pages, La Documentation Française N°4 110 – 4 111, 15 septembre 1974.

L’Amazonie en train de naître, Charles Vanhecke, le Monde du 12 mars 1976

(https://www.lemonde.fr/archives/article/1976/03/09/i-le-paradis-perdu_2962055_1819218.html).

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(4) Rachel Carson, donc, qui observait les méthodes totalitaires et les saccages de la Green Revolution. Et puis un écologiste français d’alors qui dénonçait « l’américanisation du pays » avec les nouvelles machines qui détruisent les terres :

« (…) dans des pays où l’agriculture est intensive, la propriété morcelée, les fermes serrées l’une près de l’autre sur un faible espace, comme il en est chez nous, vouloir appliquer les méthodes à large échelle (…) relève d’une aberration magistrale. (…) C’est pourtant ce que persistent à recommander des esprits entêtés qui jouissent malheureusement parfois d’une position administrativement responsable. (…) l’incompréhension de trop nombreux agriculteurs et la surdité de quelques hauts fonctionnaires ont conduit à tolérer et même à encourager de dangereuses pratiques « , Destruction et protection de la nature, pages 98/99, Roger Heim, alors directeur du Muséum national d’histoire naturelle, 1952.

Et Jean Dorst : « Le maintien de haies, de rangées d’arbres disposés en brise-vent et de talus fait également partie de la défense des sols. Les expériences de remembrement (…) poussé à l’extrême et sans études agronomiques et écologique approfondies se sont souvent soldées par des échecs. La destruction des haies a abandonné les terres à l’érosion éolienne et à un dessèchement excessif. La suppression des talus entraîne une érosion hydraulique accélérée et une perturbation générale du régime des eaux. Haies et boqueteaux sont par ailleurs favorables à la conservation des animaux, insectes et oiseaux, entre autres, parmi lesquels beaucoup sont « utiles » à l’agriculture ». Dans le bocage, les pullulations de rongeurs déprédateurs sont inconnues, alors qu’elles sont fréquentes dans les zones transformées (…) », Avant que nature meure, page 250 de l’édition Delachaux et Niestlé 1965.

Hommage à Roger Heim

https://www.persee.fr/doc/barb_0001-4141_1980_num_66_1_63369

Roger Heim et la déforestation : l’inconscience des hommes

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i22340850/roger-heim-et-la-deforestation-l-inconscience-des-hommes

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(5) commentaire sur HERBE de Matthieu Levain et Olivier Porte

suivi d’un commentaire sur Le temps des grâces

C’est comme le jour et la nuit. Le film balance entre deux univers. L’un a toujours les pieds sur la terre, la connaît et l’aime. L’autre est un pur produit de la culture anti-nature.

L’herbe broutée par les vaches laitières des éleveurs que nous rencontrons tout d’abord est la vedette de ce film éclairant. Adeptes de ce que l’on nomme maintenant la filière herbagère qui allie les connaissances des anciens et celles de la bio, ces éleveurs toujours paysans promènent, avec le chien, le troupeau de la pâture à la salle de traite. Ils foulent l’herbe dont ils connaissent chaque espèce, les très bonnes pour les ruminants et le lait, le meilleur lait, et les autres qu’il faut contrôler avec doigté. Ils jardinent prairies et champs avec la connaissance des cycles des végétaux et des animaux. Ils entretiennent de belles haies riches de tous les bois, entre le taillis pour le feu et le bois d’oeuvre qui grandit pour les petits enfants. Ils ont le temps de regarder la vie qui grouille autour d’eux. Ils donnent envie de faire sa vie à la campagne.

Silos, grands bâtiments industriels, gros engins flambant neufs, animaux en stabulation, et endettement en proportion, nous découvrons ensuite une « exploitation » de l’agriculture intensive. Grosse consommatrice des gadgets profitables aux industriels et aux banquiers, c’est un maillon de cette industrie qui, en amont, produit les ravages écologiques et humains montrés par « La terre des hommes rouges » (BirdWatchers), le film présenté plus loin. De l’Amazonie, de l’Argentine, de la Chine, de tous les coins du monde dévastés par la spéculation agro-alimentaire, à ce coin de Bretagne, proviennent les aliments déversés sous le nez des vaches incarcérées. C’est la même machinerie ubuesque cornaquée par des conseillers en asservissement aux banques.

En aval de l’exploitation : un lait de bien moins bonne qualité que celui produit à l’herbe, et sans doute pas exempt des molécules déversées à tous les stades en amont. Aussi quelques effluents bien connus en Bretagne, jusque sur les côtes. Sans oublier la colossale contribution de toute la filière au bouleversement climatique.

Entièrement dépendante des approvisionnements livrés par des norias de bateaux et de camions, coupée de son environnement, dans l’engrenage des investissements et des crédits à vie, assoiffée d’énergie, coupée même des animaux qui la font vivre et qui ne sont plus que des numéros, des performances de production, cette exploitation est suspendue aux crédits et aux subventions extorquées à des contribuables qui sont loin d’imaginer quel mal va faire le produit de leur travail, ici et jusqu’au delà des océans.

HERBE n’aborde pas la triste condition des animaux de l’élevage intensif. Peut-être le temps manquait-il. Il y a tant à dire. Dans ces exploitations si bien nommées où le productivisme a aboli la connaissance et l’intelligence du vivant, les vaches sont maintenues en lactation par des grossesses rapprochées. 3 mois après un vêlage, elles sont à nouveau fécondées par insémination artificielle. Et, durant la grossesse, elles sont encore traites. Si bien qu’après 5 ou 6 ans de production forcée et de souffrance quotidienne, leurs corps épuisés tiennent à peine debout (quand elles ne sont pas maltraitées, les vaches vivent quatre fois plus longtemps avant la fatidique « réforme »). En remerciement de si bons services, les exploitants les expédient à l’abattoir. Leur chair martyrisée et immangeable sera débitée en viande hachée et promotions de grandes surfaces (70% des ventes).

Et tout cela pour quoi ? Quels avantages ? Quel agrément ? Pour une entreprise fragile jusqu’à la caricature qui est à la merci de la moindre fluctuation des cours des intrants, des subventions, et de la moindre variation du climat ici et là-bas, là où sont produits les aliments au détriment des écosystèmes et des populations. A la merci du coût de l’énergie dévorée. A la merci du coût de l’eau qu’elle consomme et pollue en abondance. A la merci aussi de multiples systèmes techniques consommateurs de juteux contrats de maintenance (machinisme agricole dernier cri, gestion technique centralisée des automatismes, informatique). Quant aux hommes qui essayent de se convaincre d’avoir eu raison de suivre les injonctions des représentants de la coopérative et de la banque qui les utilisent pour se nourrir des subventions publiques, ils sont enchaînés à vie à un système artificiellement soutenu qui n’est même pas fiable à moyen terme puisqu’il détruit localement et globalement. Leur vie entièrement absorbée par un travail taylorisé, de 6H1/2 à 20H30, la tête tout aux calculs de rentabilité, ils courent d’un atelier à un autre, l’oeil sur les torrents de chiffres des écrans de contrôle. Les pauvres ne font pas envie et achèveraient de nous convaincre de la valeur de l’élevage sur herbe, s’il en était besoin.

Un film qui remet les idées en place et montre que les alternatives au naufrage planétaire sont là, à portée de la main. A voir, même si l’on a déjà des notions sur le sujet. Il faut voir l’épanouissement et entendre la tranquille assurance des fermiers autonomes, tandis que les exploitants, devenus petits personnels des industriels-banquiers, cherchent à se rassurer en puisant dans un discours qui ne leur appartient pas.

ACG

http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=138954.html

Pour plus d’info :
Le site du Centre d’étude pour une agriculture plus autonome créé sur l’impulsion d’écologistes distingués, tel André Pochon
http://www.cedapa.com/


André Pochon est l’auteur du livre « Le scandale de l’agriculture folle » qui vient de paraître aux éditions du Rocher.
http://www.dailymotion.com/video/x8re4z_andre-pochon-l-agriculture-durable_webcam#from=embed

http://www.mescoursespourlaplanete.com/
beaucoup d’info, y compris sur les conditions de l’élevage industriel et les conséquences néfastes de ce système (rubrique « produits laitiers »).

http://www.protection-des-animaux.org/
En particulier un dossier bien informé : L’industrie agro-alimentaire

Et l’on pense, bien sûr, au peuple de l’herbe de Microcosmos , le film merveilleux de Claude Nuridsany et Marie Pérennou qui montre la diversité foisonnante de la vie dans l’herbe. Un petit coup d’oeil aux belles vidéos en ligne pour s’aérer la tête et retrouver le sens de la relativité.

http://www.dailymotion.com/video/x7jp6v_microcosmosscene-1_animals

Le temps des grâces
Un film de Dominique Marchais

La période est faste. Son titre ne le révèle guère, après We feed the world, Nos enfants nous accuseront, La terre des hommes rouges, Food inc., Herbe, voici un nouveau film sur la destruction des modes de vie, des campagnes et des sociétés par le mépris du peuple et de la vie, la cupidité et le productivisme. On y voit, on y entend comment des paysans ont cru aux illusions de la chimie et de la mécanisation à tout-va. Comme on entre en religion. Emballés dans une apparence de rationalité, les messages propagandistes martelés par des délégués et des élus détournés leur ont inoculé l’espoir d’un progrès magique ouvrant sur une ère de prospérité et de facilité. C’est ce qui les a fait tomber d’un coup dans tous les pièges des représentants de commerce.

Les connaissances acquises par toutes les générations précédentes ? Ridiculisées.
Les savoirs faire ? Radicalement dévalorisés.
Les architectures et les matériaux économes, beaux et sains ? Méprisés.
Les bocages, les boqueteaux et les sols ? Détruits.
Les chemins, les reliefs ? Rasés.
Les cours d’eau, les marécages, les tourbières, les forêts galeries ? Détruits.
Les plantes et les animaux, sauvages ou fruits de milliers d’années de sélection ? Détruits.
L’épouvantable souffrance des animaux dans les « circuits » industriels ? De quoi vous parlez ?
L’autonomie alimentaire et industrielle ? Détruite.
Les places des hommes dans leurs sociétés ? Détruites.
Ne pas détruire était devenu mal vu.

Il faut voir à quel point les gens de la génération des « trente glorieuses », désormais retraités, ont été intoxiqués par la manipulation. Enfin, il faut relativiser : le film montre surtout des « exploitants » qui ont « réussi » à profiter de la ruine des autres. Eux sont restés, ont grossi, grossi et compté les faillites alentour, sans se poser de questions. Devenus ignorants en quelques dizaines d’années d’application scrupuleuse des modes d’emploi bancaires et industriels, ils n’ont pas grande conscience des conséquences de leur action. Aveuglés par les rendements croissants qu’ils attribuaient uniquement à la chimie et à la mécanisation, ils n’ont même pas encore compris qu’ils « réussissaient » en profitant de la richesse biologique léguée par les générations précédentes. Et en l’épuisant ! En tout cas, ils n’avoueront pas. Dommage que leur babillage ne soit pas contrebalancé par les témoignages de ceux qu’ils ont contribué à exclure de leurs métiers et de leurs campagnes. Le bilan du grand démembrement de la paysannerie vu par des exclus du système réfugiés en banlieue, avec des enfants en difficulté, aurait été plus intéressant. Cela, seul, mériterait une étude et un film. Heureusement, Le temps des grâces comporte aussi quelques belles interventions de Lydia et Claude Bourguignon, et Marc Dufumier, qui donnent les éléments essentiels pour apprécier l’ensemble de la situation et corriger les paroles inconséquentes (a).

Là où l’on peut rejoindre le propos d’exploitants qui, à propos du vivant, parlent de « matière première », de « minerai », et ne voient dans les haies et les bosquets que des décorations paysagères, c’est sur le maintien des prix agricoles au plus bas niveau. Rappelons que c’est une politique qui a été ouvertement décidée dès les débuts de la Cinquième République pour ruiner les campagnes, produire à outrance et exporter en ruinant les autres. Une conception technocratique de la création de richesses par la dévitalisation généralisée, signée Louis Armand et Jacques Rueff, pour la partie française (b).

La grande déstructuration dont le film donne un aperçu a commencé avec la création de la municipalité élue entre propriétaires en décembre 1789, la vente aux spéculateurs des biens communaux qui avaient été spoliés par l’aristocratie et le clergé (dès novembre 1790), puis l’interdiction des langues régionales qui a commencé en 1793 sous l’impulsion de l’abbé Grégoire. Toujours la révolution détournée par la bourgeoisie déjà soucieuse de dérégulation pour le plus grand profit du commerce. La Première Guerre Mondiale a bousculé profondément la paysannerie et ses cultures tandis qu’aux USA on commençait à réfléchir à l’établissement d’un ordre capitaliste mondial, ce qui allait donner naissance au CFR en 1921. Avec la Seconde Guerre Mondiale s’est vraiment révélée la planification d’une systématisation de l’exploitation par le moyen d’une déstructuration sans précédent. Peut-être déjà cette guerre, au moins en partie, en tout cas toutes celles qui ont suivi ont servi à maintenir une tension extérieure pour affaiblir et détourner l’attention afin de déstructurer davantage. La déstructuration des sociétés et de leurs écosystèmes est aussi une guerre, la guerre du capitalisme dérégulé contre la vie. Et, là, pas de déclaration de guerre, pas de convention internationale pour protéger les populations, pas de casques bleus, pas d’aide humanitaire… La Seconde Guerre Mondiale, c’est la conférence de Bretton Woods et le lancement des institutions internationales dont chacun doit connaître, aujourd’hui, le triste bilan, c’est le plan Marshall et la conquête des marchés au détriment des économies autonomes, c’est le grand essor de la globalisation de la spéculation.

Cette offensive capitaliste généralisée a eu pour conséquences la réification du vivant et sa réduction en matière première, minerai, ressources et marchandises, la dissolution des relations sociales nombreuses et complexes, d’innombrables faillites, l’exil vers les banlieues et la désertification des campagnes. Comme le démontre l’histoire de la conférence de Bretton Woods, elle n’a pu être réalisée qu’avec le détournement des fonctionnements démocratiques par les lobbies financiers et industriels, cela à tous les niveaux des États, des syndicats professionnels, des coopératives, des médias. C’est pourquoi je l’appelle : la grande déstructuration. Affaiblir pour manipuler et manipuler davantage pour briser les dernières résistances.

La réponse à la phase contemporaine de ce joli programme est venue assez vite. Elle a mûri dans les années cinquante et a émergé avec les différentes révoltes qui ont généré le mouvement alternatif ; dont les régionalismes, le courant autogestionnaire, l’écologisme, le féminisme, etc. C’était le temps de la plus grande conscience du processus de dérégulation et de spoliation en cours, le temps où, en France comme partout ailleurs, l’on pouvait encore sauver l’essentiel et reconstruire avec l’aide de tous ceux qui n’avaient pas encore perdu leurs savoirs-faire. L’alerte fut chaude pour les prédateurs. Mobilisées pour l’offensive mondialisée et exaltées par son succès, les troupes de la domination étaient fin prêtes pour étouffer toutes les contestations et détourner l’attention afin qu’elles ne ressurgissent pas avant longtemps. Les émissaires de l’oligarchie du capitalisme mondial, et leurs serviteurs disséminés aux postes stratégiques (en particulier, dans les médias), pénétrèrent le mouvement social, en évacuèrent les éléments actifs et se substituèrent à eux pour pouvoir éteindre l’incendie. C’est dans la foulée de ce nouveau sabotage social qui faisait définitivement place nette aux prédateurs que fut lancé, avec l’appui des mêmes, la seconde vague de déstructuration : le néo-libéralisme qui balaya les années 1980/90, sans plus rencontrer de résistance notable.

Le temps des grâces reste dans les campagnes. Il ne dit rien de cette histoire qui éclaire leur destruction et pourquoi il n’a pas été possible d’enrayer le processus. Il survole trop vite plusieurs domaines interdépendants sans préciser assez leurs relations. Mais il donne les éléments d’un terrible constat : les vaches laitières de la filière industrielle ne tiennent plus sur leurs jambes à 4 ou 5 ans au lieu d’une vie de 25 ans entre prairies et étable, les vignes sont épuisées 80 ans à 120 ans avant l’échéance, les sols sont morts, et l’enseignement agricole porte toujours sur les modes d’emploi des lobbies industriels, en oubliant des détails tels que la vie du sol et l’écologie. C’est l’essentiel pour comprendre où nous en sommes.


(a) Le sol, la terre et les champs : pour retrouver une agriculture saine, Claude et Lydia Bourguignon, Sang de la terre.
Site du laboratoire d’étude des sols créé par Lydia et Claude Bourguignon :
www.lams-21.com

Plusieurs sites rendent compte du travail de Marc Dufumier.

(b) Le Krach alimentaire – Nous redeviendrons paysans, Philippe Desbrosses, éditions du Rocher 1988.
Pour éclairer tout à fait la question, il faut savoir que Jacques Rueff est l’un des fondateurs de la néolibérale – et ultra-élitiste et dirigiste – Société du Mont Pèlerin en 1947, avec des gens aussi recommandables que Friedrich Hayek et Milton Friedman.

Un film actuellement disponible sur les méthodes améliorant la vie des paysans et la vie des campagnes :
Cultivons la Terre. Pour une agriculture durable, innovante et sans OGM. Distribué par ADDOCS, 15 € en DVD.

Pour l’indication de plus de sources d’information, voir la rubrique « Alternatives pratiques et relations constructives » (sur le blog).

Et sur ce qui a été perdu – avec, d’abord, l’immense culture sociale et écologique de la vie sociale (avant les grandes surfaces et les écrans) :
« Au cadran de mon clocher » de Maurice Genevoix

http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=173265.html

(6) Irving Brown, The Most Dangerous Man

https://time.com/archive/6618433/labor-the-most-dangerous-man/

Quand la CIA reconstruit l’économie française

par Frédéric Charpier, Histoire secrète du patronat français de 1945 à nos jours, éditions de la Découverte

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INDEX des personnes

Louis Armand

Marco Bechis

Jenne H. de Beer

Edward Bernays

Christophe Bonneuil

Georges Bonnet

Claude et Lydia Bourguignon

Irving Brown

Rachel Carson

Joham Chapoutot

Michel Debré

François Denord

Philippe Desbrosses

Jean Dorst

Marc Dufumier

Michel Fouchet

Charles De Gaulle

René Dumont

Sylvie Flatrès

Vincent Gallon

Lisa Gauvrit

Roger Goetze

Christian Harbulot

Friedrich Hayek

Roger Heim

Odile Henry

Pierre Kropotkine

Édouard Leclerc

Nicolas Legendre

Jacqueline Le Goff

Matthieu Levain

Hervé Luxardo

Margot Lyautey

Melanie J. McDermott

Dominique Marchais

Henri Nanot

Claude Nuridsany

Marie Pérennou

Antoine Pinay

Edgard Pisani

Georges Pompidou

Olivier Porte

René Rougerie

Gaston Roupnel

Jacques Rueff

François Terrasson

Charles Vanhecke

Lynn White

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INDEX général

action à sens unique

agribusiness

agriculture pérenne

agriculture familiale

assèchement

Association Foncière de Remembrement (AFR)

Banque Rothschild

bassins de production

bâti ancien (sauvegarde du)

Bilderberg Group

biens communaux

bocages

bulldozers

Catholicisme Social

Centre d’étude pour une agriculture plus autonome (CEDAPA)

Cercle Pinay

chemins creux

cinquième République

Circulaire Fontanet

civilisation paysanne

CNJA (Jeunes Agriculteurs)

colonialisme

colonisation

Colloque Walter Lippmann

Commissions Communales d’Aménagement Foncier (CCAF)

Comité Rueff-Armand

Commission Creel

Communauté Économique Européenne

communautés paysannes

communaux

Confédération Paysanne

Congrès pour la Liberté de la Culture

la Coopération

coopératives

coûts de production (diminution)

croissance marchande

culture anti-nature

déforestation

démembrement

désertification

désert vert

détruire vite (tactique du fait accompli)

diminution des coûts de production

écocide

economic value of non-timber forest products

éléments de main-d’œuvre agricole en excédent

élevage industriel

élevage intensif

érosion

ERT (Table ronde européenne de l’industrie)

ethnocide

fabrique du consentement

family farms

FNSEA

Fondation Rockefeller

Fondation Ford

forêt vierge

fossés anti-chars

gauche modernisée

grande distribution

guerre culturelle

guerre économique systémique

guerre psychologique

haies

Herbe (film de Matthieu Levain et Olivier Porte)

Histoire de la campagne française

Geffosses (Manche)

INRA

JAC, Jeunesse Agricole Chrétienne

Le Krach alimentaire – Nous redeviendrons paysans (Philippe Desbrosses)

La terre des hommes rouges (film de Marco Bechis)

L’entr’aide (Pierre Kropotkine)

les entraides (réseaux d’)

Le temps des grâces (film de Dominique Marchais)

ingénieurs du génie rural

Langon (Ille et Vilaine)

mares

mécanisation

mécanisme des prix

Henri Mendras

Microcosmos (film de Claude Nuridsany et Marie Pérennou)

Mouvement Coopératif

National Security Council (NSC)

Le Nouvel Observateur

Maisons Paysannes de France

modernisation

Société du Mont Pèlerin

Mouvement Coopératif

obstacles à l’expansion économique

optimisation des facteurs de production

pays vide

les « Plans »

Plan de stabilisation Pinay-Rueff

Plan de suppression des obstacles à l’expansion économique

Plan Marshall

Plan Monnet « de modernisation »

André Pochon (fondateur du CEDAPA)

Politique Agricole Commune (PAC)

pollinisateurs

polyculture-élevage

prairies permanentes

Printemps Silencieux

productivisme

Rapport Général de la Commission des Finances, du Contrôle budgétaire et des Comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 1970

rationalisation de l’économie

rationalisme scientifique

régulation du climat

réification du vivant

remembrement

IIIe Reich

renouvellement de l’humus

républiques villageoises

revenus agricoles

revenus industriels

Révolution Verte

ruisseaux

ruissellement

Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural (SAFER)

Seconde Guerre Mondiale

souffrance animale

talus

tactique du fait accompli (détruire vite)

Trente Glorieuses

Vichy (régime de)

voies d’exploitation

W.O.L., direction allemande de l’agriculture dans l’Est de la France (Wirtschafsoberleitungen)

zones humides