Le vol suspendu de l’Aérotrain
Le vol suspendu de l’Aérotrain
Le TGV, prototype de la civilisation anti-nature
Retour à la pesanteur
Doc
Demain, l’aérotrain…
En 1974, à peine élu au suffrage universel, le nouveau Président de la République tombe le masque en accordant une première victoire aux lobbies boulimiques aussi dominants que rétrogrades qui contrôlent, voire occupent l’appareil d’État. Entre autres déliquescences, le spectacle des destructions croissantes engendrées par les politiques décidées au plus haut niveau avait révélé le compérage des institutions avec le pire du capitalisme. En examinant les entrailles du système, d’autres arriveront au même constat : « (…) après-guerre, (…) le parlement devient la citadelle des milieux d’affaires » *. Ajouté à ce que nous découvrions de « l’emprise du monde patronal sur la sphère médiatique » **, seulement à notre niveau, cela ne rendait pas optimistes les partisans d’une démocratie de l’intérêt général par la vertu de l’écologisation des consciences et des pratiques. Très loin de la démocratie tant évoquée, n’étions-nous pas tombés en ploutocratie ?
* Les alliances du patronat et de l’État planificateur, Frédéric Charpier, dans Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours.
** Benoît Collombat, David Servenay, Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours (op. cit.).
Le 17 juillet 1974, Valéry Giscard d’Estaing donne une illustration éclatante de la toute puissance de l’affairisme contre l’intérêt général. D’un oukase, sans consultations, sans même passer par le Parlement, il met fin à l’essor de l’Aérotrain de Jean Bertin, Louis Duthion et Maurice Berthelot. À priori, du fait des vitesses recherchées, ce nouveau moyen de transport n’était pas tout à fait « écologiste« . Mais, en comparaison avec l’ère de grandes destructions et des gaspillages de matière et d’énergie que cette seule décision allait déchaîner, aussi avec les pillages accrus au Sud, on ne peut que regretter l’abandon de l’Aérotrain, ce véhicule qui glissait en souplesse, sans blesser, et voir en lui une technologie presque douce. En tout cas, aujourd’hui encore, une technologie d’avenir. Les différentes formules de l’Aérotrain – car il y en avait plusieurs – constituaient des innovations élégantes et prometteuses. Elles étaient donc annulées d’un trait pour privilégier un nouveau train porté par la SNCF pour résister à l’avance de l’Aérotrain : le TGV (alors Turbotrain à Grande Vitesse toujours au stade des essais). Un train dont les coûts faramineux étaient habilement dissimulés. Notons que la SNCF avait déjà sacrifié le Pendulaire qu’elle portait aux nues à la fin des années soixante *. Comme le Pendulaire développé depuis par d‘autres **, l’Aérotrain n’a pas été un « échec« , il n’a pas été abandonné, il a été sabordé.
* « Le TGV, très vite mais trop cher. Le gouvernement privilégie désormais le train pendulaire, plus rentable », « La France en retard d’un pendulaire« , Libération du jeudi 3 octobre 1996. « La grande vitesse » sur le plancher des vaches semblait avoir fait long feu. L’annonce, discrète, en avait été faite en mars 1996.
** Ce qui ressemble à l’abandon de la Caravelle de Sud-Aviation pour privilégier Concorde. Caravelle qui inspirera beaucoup l’avion vedette de Douglas : le DC9, puis ses successeurs.
À entendre encore aujourd’hui les partisans du TGV, avec lui aurait été imposé un concept positivement génial : « la grande vitesse » au ras des pâquerettes ; cela sur roues. Des roues… comme les chars d’antan. Sur roues et rails, avec toute la charge reposant sur quelques points *, avec les efforts dus à la grande vitesse de rotation, ce qui implique aussi une voie pouvant supporter partout les efforts de freinage et d’accélération ! Sur roues et rails, comme les premiers trains, mais pour une machine considérablement plus lourde, et six à huit fois plus rapide, donc avec les contraintes mécaniques les plus grandes tout en frisant les limites de l’adhérence… Mais la roue ne peut être remise en question chez les technocrates du train (ils disent le ferroviaire !). C’est « un principe sacré« ** pour lequel ils sont prêts à tous les sacrifices (surtout pour les autres et tout l’environnement !). Cela explique leur obstination, leur indifférence aux dommages collatéraux, et leur résistance à une véritable innovation. Dès lors, rien ne sera épargné, non pas tant pour construire une machine rapide que pour réussir à… l’empêcher de dérailler à haute vitesse***. On mesure encore mieux la difficulté à vaincre en découvrant que le bogie qui permettra de donner un sursis au système roue-rail ne commencera à être expérimenté qu’à partir d’avril 1974 (3 mois avant le sabordage des Aérotrains et du coussin d’air sur rail central). Un véritable acharnement technologique !
* au total, une très faible surface, quelques dizaines de cm² pour une rame de TGV.
** Les Défis du TGV, Jean-François Bazin, 1981, page 35.
*** À condition que le matériel soit en parfait état, et le personnel toujours au top de sa forme !
À la différence de l’Aérotrain, l’engin est donc déraillable. Cette défectuosité impose les voies les plus droites et les moins pentues, ce qui accroît encore l’impact destructeur, ce que toute la propagande pro-rail dissimule en accusant l’Aérotrain d’être le seul à avoir besoin de voies spéciales * ! Cela impose aussi une importante masse du train pour assurer l’adhérence à grande vitesse, et une infrastructure d’autant plus lourde pour absorber les forces d’une telle machine en mouvement. Cela se traduit par des déblais et des remblais colossaux : des centaines de millions de mètres cubes (environ 30 millions pour 100km) et des centaines de milliers de tonnes de ballast composite et de traverses en béton qu’il faut constamment surveiller, arroser de biocides et de liant chimique **, et changer périodiquement (un change partiel = 100 000 tonnes pour Paris – Lyon, 2 millions de tonnes pour l’ensemble du réseau). Au fait, que deviennent les déchets chargés de produits nocifs ?
* Cependant, même en ligne droite, il y a eu plusieurs déraillements du TGV et de ses équivalents. Plus – au moins – un accident faisant des dizaines de victimes dans une courbe abordée trop vite (80 morts et 143 blessés près de Saint-Jacques de Compostelle en juillet 2013).
** pour éviter « l’envol de ballast » à grande vitesse.


À défaut d’un guide fiable et d’un système de pendulation, la moindre défaillance, et…
Le système roue-rail déraillable du TGV impose encore un parfait entretien du matériel. Parfait… Une gageure dans des temps d’effacement de la culture du service public, de minimisation des métiers de maintenance et de conduite, de confiance dans les capteurs et les écrans (style GTC ou GTB, « gestion technique » à distance !) plutôt que dans les personnels expérimentés et la réalité, de rentabilisation, de coupes budgétaires, de réduction des personnels, de sous-traitance en expansion, de pertes de motivations et de compétence, etc. Les alertes sont multipliées depuis longtemps. Les accidents illustrent leur bien-fondé. Ainsi la catastrophe de Brétigny-sur-Orge…
Dix ans après le drame de Brétigny-sur-Orge, la maintenance ferroviaire reste en crise
Le TGV, prototype de la civilisation anti-nature
Le coût écologique de ce gaspillage de matériaux, d’espace, de sols et de vies, est toujours négligé, voire dissimulé. Quelles sont les conséquences de l’extraction des « cailloux » (!) du ballast dans les campagnes ? Qu’importe ! Qu’importent les impacts, les coûts, les sacrifices, les risques, puisqu’il faut à tout prix démontrer que la roue peut encore rivaliser avec le coussin d’air sur rail central : « la gamme des vitesses 250-300 km/h est accessible au chemin de fer classique utilisant des roues en acier sur des rails en acier« , La vie du Rail n°1395 du 3 juin 1973 (rapporté dans Les coulisses du TGV – l’Aérotrain, Julien Blain, Connaissance du Rail n°132, février 1992, page 7). Comme pour toute technologie dure, le contexte ne compte pas. On l’a vu avec le système roue-rail qui monopolisait toute l’attention du côté de la SNCF et de ses appuis, qu’importe la vie autour ! D’ailleurs, quelle conscience en avaient-ils ? À peu près nulle. S’il en est besoin, les moqueries sur le viaduc conçu pour épargner l’environnement le démontrent. Qu’importe la vie puisque l’on peut faire malgré tout, sans se soucier des coûts, et que, comme par hasard, les difficultés et les destructions vont permettre d’engranger les plus grands profits. Tout est donc métamorphosé par la propagande officielle. En mai 2005, un dossier « Archives du Monde » en témoignait encore : « Du turbotrain à l’Aérotrain pour arriver au TGV« . Dès le titre, l’inversion chronologique annonce la couleur. Jacques de Barrin, l’un des journalistes, était « proche de la SNCF » (L’aérotrain ou la tragédie de Jean Bertin, Christelle Didier, Annie Gireaux-Geneau, Bertrand Hériard Dubreuil, 1998).
Ainsi, les extractions, déplacements et remplacements de matières sont toujours présentés très positivement : « La régénération et la maintenance génèrent chaque année d’importants gisements sur l’ensemble du territoire national : plus de 120 000 tonnes de rails, plus de 2 Millions de tonnes de ballast, plus de 60 000 tonnes de traverses bois, plus de 300 000 tonnes de traverses béton, plus de 3 000 tonnes de câbles et fil de contact caténaire.

Carrière pour le ballast du TGV à Epiry, Nièvre, en pleine forêt du Morvan
Sur les voies de chemin de fer, le complexe ballasté est la couche d’assise permettant la répartition des charges sur le sol et dans lequel sont enchâssées les traverses. Il est constitué par des granulats de roches massives anguleux et concassées. Soumis à de fortes pressions mécaniques, ce matériau a une durée de vie de l’ordre de 15 à 40 ans, en fonction des tonnages circulés et de la vitesse. Ainsi avec le renouvellement et la maintenance des voies chaque année, près de 2 millions de tonnes de ballast usagé doivent être valorisés. »
https://www.optigede.ademe.fr/fiche/reutilisation-du-ballast-de-depose-des-voies-ferrees
On apprécie les « importants gisements générés » pour désigner la création de nouveaux saccages et les gaspillages de matières. C’est de la croissance marchande, donc c’est tout bon.
Le TGV rase la colline sur son passage, Libération du 28 mai 2001, et Mariette Cuvellier (Le TGV du prince, Éditions Dagorno) qui compte les impasses, les extraordinaires pagnolades et les destructions engendrées par la lourdeur de l’infrastructure TGV. Opposante au TGV, Mariette Cuvellier a été mise sur écoute (« légale« ) et blessée par « les forces de l’ordre » : Écoutée parce qu’elle militait contre le TGV Sud-Est – La justice a rejeté les preuves d’écoutes sauvages et conclu à une procédure légale, Libération du 7 février 1997. Plus de 20 ans après, le système roue-rail – à grande vitesse – est toujours défendu de manière totalitaire.
Un bolide roulant sur des collines de béton et de pierraille, et traversant exactement le mince espace – quelques dizaines de centimètres – où la densité de vie est la plus grande, là où l’essentiel se passe, transite et se décide – la biosphère !

Cette option dit tout de l’irréalisme et de la folie furieuse de ses concepteurs, et de la boulimie d’argent public de ses promoteurs. Pour un moyen de transport de temps de paix, difficile de concevoir un impact plus grand. Difficile de faire plus absurde. D’ailleurs, dans la première moitié des années soixante, « la grande vitesse » n’était pas au programme de la SNCF. Avec raison, car, au ras du sol, elle est la première limite du système – son péché originel. Pourvu que l’on soit capable de les voir (quelques notions d‘écologie peuvent être utiles).
C’est alors qu’ont surgi le coussin d’air maîtrisé par des jupes souples Bertin, et le rail central comme guide et support. En permettant de s’affranchir de la pesanteur et du contact entre le véhicule et le sol, donc des délicats problèmes d’adhérence et de voie, ce système promettait de transformer les transports, tout en réduisant les impacts sur l’environnement en proportion de l’effacement des limites du système roue-rail.


L’Aérotrain :
– était libéré de la plupart des frictions (excepté l’air), de maintes contraintes mécaniques et de la transmission à la voie des efforts de traction et de freinage,
– il pouvait donc être léger, tout comme sa substructure,
– n’imprimant à la voie aucun effort, ne transmettant aucune vibration, il n’avait aucun besoin d’un ballast; donc aucun besoin d’arroser la voie de polluants pour éviter que la vie ne s’y installe,
– le rail central sur lequel il glissait complétait l’innovation en supprimant les problèmes de suspension, de stabilité et tout risque de déraillement (principale difficulté du système roue-rail),
– avec une charge répartie par le coussin d’air sur la totalité de la surface – comme en lévitation,
– était à l’aise sur les pentes,
– réactif à l’accélération comme au freinage,
– souple d‘utilisation sur toutes les distances (« (…) l’exploitation d’une ligne d’Aérotrain reposait sur le principe fondamental de la très grande fréquence des départs, dans le but d’affranchir l’usager de toute consultation d’horaire » *),
– porté par des viaducs simples de construction, s’adaptant au relief et d’entretien facile,
– ne nécessitait ni déblais ni remblais,
– économe de l’espace rural comme de l’espace urbain,
– capable de serpenter entre les obstacles et les espaces à protéger,
Les différentes formules de l’Aérotrain étaient bien parties pour bouleverser les transports en soulageant les budgets publics et les écosystèmes. Jean Detton – « à lui tout seul « INTERNET avant INTERNET », la « boîte aux lettres et aux idées» de la France et de l’Europe« (Christian Bertaux,
http://www.bertaux-glah.fr/clastres.php) – en était convaincu.
* Les coulisses du TGV – l’Aérotrain, 2ème partie, Connaissance du rail n°133

Avec une très faible emprise au sol et traversables par tous, aériennes, les lignes de l’Aérotrain ne nécessitaient pas les expropriations accompagnant le développement des autres transports terrestres. L’exact contraire des bouleversements du foncier et du saccage des campagnes sous les couloirs de la mort grillagés* imposés par les infrastructures pharaoniques du TGV. Les lignes n’étaient un obstacle pour personne, même pour les plus grosses machines agricoles. Elles ne fragmentaient ni les propriétés ni les écosystèmes en portions isolées comme le font aussi les autoroutes – cause de réduction de la biodiversité. Indice de leurs très grande avance sur leurs concurrents des autres modes de transport, les créateurs de l’Aérotrain voulaient éviter les ruptures : rupture des propriétés, rupture des activités, rupture écologique… « L’insertion dans le paysage » et la traversabilité n’étaient pas étrangers au choix et aux dimensions du viaduc. Initialement, celui-ci avait été créé par souci de sécurité, pour éviter toute rencontre fâcheuse avec des arbres tombés et des animaux (donc pas de couloirs de la mort comme avec le TGV). Même en faisant abstraction des capacités de vitesse de l’Aérotrain, toutes ces qualités auraient dû suffire à l’imposer à la place des trains circulant au sol sur des montagnes de ferraille, de ballast et de béton. Mais le petit monde des affaires et du pouvoir n’était pas aux postes de commande pour se soucier du bien commun. Côté SNCF et culture des technologies dures indifférente à la biosphère, l’incompréhension a été si grande qu’elle s’affiche encore, bien sûr en oubliant la débauche de matière accompagnant le TGV : « Suspendre l’Aérotrain à dix mètres de hauteur ? On imagine la discrète jubilation des ingénieurs de la SNCF : Aérotrain = béton.« , D’où viens-tu TGV ?, par Jean-François Picard et Alain Beltran, novembre 1994. Inutile de parler à ces gens de la responsabilité du ferroviaire dans l’artificialisation de la biosphère, et des bénéfices pour la biodiversité et le climat d’un choix du coussin d’air sur viaduc !
* où tout animal « égaré » – plus précisément : piégé – est abattu. https://www.rtl.be/info/vous/temoignages/-on-a-du-faire-demi-tour-un-train-thalys-heurte-un-animal-a-tournai-et-perturbe-l-ensemble-du-reseau-1392874.aspx
Thalys. Chaos dans les gares après le heurt d’un animal, un samedi qui s’annonce encore compliqué
Avec l’intensification du changement climatique et la multiplication des canicules, la déformation des rails oblige de plus en plus souvent à ralentir les trains rapides pour éviter les déraillements. Même les feuilles tombées en automne peuvent perturber le trafic ! Cela souligne encore plus l’erreur de l’abandon du coussin d’air et du rail central de l’Aérotrain !
En attendant un développement à plus grande échelle et l’électrification programmée, des motrices de l’Aérotrain étaient encore thermiques en 1974 (à gaz) – mais pas toutes. Cela inspire les dénigrements forcés qui vont toujours bon train pour refaire l’histoire.
Les innovations trop en avance – L’aérotrain (https://www.youtube.com/watch?v=c6CAOQRmFa4) Un florilège de désinformations. Par exemple : « Inutile de construire à grands frais un nouveau réseau, le TGV peut circuler sur les rails existants ». « Et, autre atout du TGV, il roule déjà électrique, alors que les prototypes de l’Aérotrain brûlaient encore du carburant« . Plus c’est gros…
Oubliant le poids du TGV, les contraintes auxquelles il soumet ses roues et sa voie, son bruit de roulement et les vibrations transmises au sol qui font fuir les animaux à plus de 500 mètres, il est encore répandu que les turbines d’essais de l’Aérotrain étaient assourdissantes. C’est d’autant plus étonnant que la société Bertin était experte en matière de dispositifs anti-bruit. C’est encore étonnant parce que la SNCF avait suivi l’exemple de l’Aérotrain en équipant son TGV d‘une turbine à gaz (plus gourmande). Son nom était Turbotrain à Grande Vitesse (Julien Blain, Les coulisses du TGV – En passant par la turbine, Connaissance du Rail n°134, avril 1992). L’adoption de ces turbines par la SNCF n’était pas tout à fait due au hasard. En 1964, après plus de six mois d‘échanges avec la société Bertin, la compagnie nationale avait refusé de collaborer à la mise au point de l’Aérotrain à cause du choix, transitoire, de… la turbine à gaz. Parce que Jean Bertin l’avait emprunté à l’aéronautique, la SNCF ne lui trouvait que des défauts ; comme au coussin d’air – avant de s’en emparer dès l’année suivante ! « (…) Comment ne pas voir dans les démarches de M. Bertin auprès de la SNCF, pour l’intéresser à son projet, l’origine de l’affectation ultérieure de la turbine aéronautique à la traction ferroviaire ?« , Les coulisses du TGV – En passant par la turbine, Connaissance Du Rail n°134, page 7. Poussant toujours plus loin l’imitation, c’est grâce à la turbine à gaz empruntée à l’Aérotrain que « la ligne du TGV Sud-Est a été construite à l’économie » et dans la précipitation pour contrer le projet d’Aérotrain et pouvoir présenter au gouvernement « un devis inférieur à celui de la construction d’une ligne d’Aérotrain« . D’autres démonstrations perfides ont encore été menées ; par exemple « sur la voie ferrée parallèle à la future ligne d’Aérotrain Paris – Orléans » (CDR ibidem). Enfin, à l’époque du sabotage de l’Aérotrain par un État déjà dirigé par les lobbies des technologies dures et des plus juteux profits, il y avait déjà 5 ans qu’existait l’Aérotrain prototype S44 à moteur linéaire ! Le préféré de Jean Bertin.

Par-dessus tout, les dénigreurs oublient systématiquement de prendre en considération l’ensemble du système Aérotrain qui était fort économe en infrastructures et en entretiens, donc en matières et en énergie. L’exact contraire du futur TGV qui nécessite une considérable mobilisation de moyens. Cela n’endigue pas la désinformation qui courre depuis l’époque, obligeamment relayée par certains « grands medias« . Ainsi, même une journaliste d’investigation, collaboratrice d’enquêtes fouillées, s’est laissée envoûter par les joueurs de flûte de la propagande ferroviaire. Tout esprit critique aboli, elle a même rapporté que l’Aérotrain avait été sujet à « des déraillements » dès les premiers essais. « Des déraillements » avec un véhicule glissant en enserrant un rail central haut de 90cm ! Elle n’oublie pas non plus de rapporter que « la construction de milliers de kilomètres de voies » (?) aurait été « trop cher« , et que le ferroviaire à grande vitesse est « une solution économique » – juste avant d’évoquer les mutations ultérieures de la SNCF sous l’énormité des coûts du TGV** ! Et d’ajouter encore que l’Aérotrain aurait été « trop complexe » et d’une « extrême fragilité« , défauts qui s’appliquent exactement au système roue-rail à grande vitesse du TGV, et sont cause de son gaspillage d’énergie, de matière et d’espace.
* L’aventure du TGV, Martine Orange, dans Histoire secrète de la Ve République, La découverte 2006.
** Une dizaine d’années plus tard, elle critiquera « la politique hors de prix du tout TGV » en rappelant que la SNCF s’est surendettée dès la construction des premières lignes.


l’Aérotrain Tridim
Pour faire bonne mesure, Wikipedia insinue qu’une politique d’économies d’énergie* aurait eu raison de l’Aérotrain. Et d’ajouter que « le projet d’aérotrain a été abandonné en 1974, à la suite du Premier choc pétrolier de 1973« . Ben voyons ! Pour un peu, les décideurs et les promoteurs du Turbotrain se seraient revendiqués d’une « transition écologique » ! Tandis que les boulimiques transports maritime, aérien et routier étaient en plein essor ; et sans oublier les grandes délocalisations industrielles qui commençaient dans ce milieu des années 1970, avec pour seul souci le « taux de profit » maximal. Là, on se souciait peu de la consommation d’énergie. Mais, qu’importe, puisqu’il était déjà évident que le TGV-Turbotrain s’annonçait beaucoup plus gros consommateur d’énergie et destructeur d’espace que les différentes formules de l’Aérotrain. Brillante politique reposant essentiellement sur l’occultation des conséquences et un torrent de mensonges. Bernays toujours.
* à l’époque du Tout électrique, Tout nucléaire !
Évidemment, du point de vue du PNB et des stratégies de conquête des profits, les avantages des Aérotrains faisaient figure de fautes de goût. Entre autres mauvaises raisons, les besoins relativement modestes du système n’étaient-ils pas insuffisants pour contribuer à justifier le « tout électrique, tout nucléaire » décrété par les mains invisibles du capitalisme ? On ne peut s’empêcher d’y penser pour les entreprises qui se partagent entre TGV et nucléaire, par exemple, le groupe Empain-Schneider qui détenait Creusot-Loire – une puissance industrielle qui produit des rails, des bogies, les roues de haute technologie qui doivent être changées au plus tous les deux ans. Une puissance intimement lié à Giscard d’Estaing. On pense aussi aux entreprises qui extraient, excavent, bétonnent, bitument, etc. *. Car, pourquoi des grands programmes qui se soldent par des échecs ou des développements destructeurs et dispendieux, sinon pour la religion de la croissance marchande et ses petits à-côtés ? « Les grands projets scientifiques ou militaires ne sont (…) que des procédés de convenance qui permettent de dépenser de l’argent. Tant que l’objectif est de dilapider les fonds publics et non de donner naissance à des produits de bonne qualité, le cercle infernal de ces échecs technologiques est voué à perdurer« , Impure Science: Fraud, Compromise, and Political Influence in Scientific Research, Robert Bell, John Wiley & Sons 1992.
Une analyse qui va comme un gant au TGV et à tout ce qui l’entoure.
* Comme on vient de le voir, les rails représentent un gros marché. Or, en 1974, le patron du CNPF était un dirigeant de la très puissante Union des Industries Métallurgiques et Minières (UIMM) : François Ceyrac. Héritière du Comité des Forges (de Schneider et Wendel), l’UIMM est la formation patronale dont les « caisses noires » richement approvisionnées seront découvertes en septembre 2007 après des retraits en liquide totalisant, selon les sources, entre 17 et 19 millions d’euros en sept ans. Ce pactole avait été constitué sous l’autorité de François Ceyrac, comme par hasard au lendemain de 68 – dont une caisse de solidarité anti-grève (« Epim« ). Il existait à l’époque du sabotage de l’Aérotrain.
À peine en fonction, le nouveau président de la République et – entre autres lobbies très intéressés par le coûteux système ferroviaire – le monopole SNCF ont, d’un oukase, anéanti une quinzaine d’années de recherches, de développements en cours* et de perspectives aussi séduisantes qu’économes. Cela pour favoriser un projet qui, alors, n’en était encore qu’au stade des études. La jugeote et la sensibilité d’une motrice de TGV. Mais ils n’étaient pas là pour se soucier du bien commun. En un instant, ils ont mis beaucoup de compétences rares en grande difficulté **, et interdit des développements bénéfiques à faible impact sur les campagnes et l’habitat – même en comparaison des trains classiques toujours collés au sol, donc destructeurs et fragiles. Rien qu’en France, l’oukase de Giscard et des amoureux de la grande vitesse au ras des pâquerettes ont condamné à la destruction des centaines de kilomètres carrés d’espaces cultivés ou encore préservés ***. Peu le disent, la technologie ferroviaire la plus rigide, la plus dure, la plus lourde qui soit, a coûté un prodigieux anéantissement de vies. La précipitation trahit la volonté de nuisance des lobbies protectionnistes contrôlant l’appareil d‘Etat, et l’importance du butin convoité. Sous le maniérisme de la « démocratie libérale avancée » (!), l’élimination pure et simple de l’option qui rencontrait partout le plus de succès illustre la corruption et le césarisme des décideurs, et leur niveau d’affolement devant l’affirmation d’une meilleure technologie. Exactement comme avec le mouvement écologiste qui les avait fait trembler et qu’ils avaient déjà presque éliminé. Un sabotage d‘État ! Et pourquoi ? Parce que cela n’est que le sabotage des alertes et des alternatives, le sabotage du moins gourmand, du meilleur, du mieux adapté, etc., qui permet le succès des politiques prédatrices et des technologies dures, toutes mortifères – celles qui assurent la permanence des dominations et la croissance des fortunes.
* dont le contrat de l’Aérotrain Cergy Pontoise – La Défense qui venait d’être signé.
** Jean Bertin est mort peu après, à 58 ans, d’un cancer foudroyant au cerveau.
L’homme qui avait un train d’avance https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/l-homme-qui-avait-un-train-d-avance-plus-rapide-que-le-premier-tgv-03-09-2016-6090169.php
*** Moyenne de 10 hectares par kilomètre pour la seule voie. Sans compter la zone d’impact des vibrations qui bouleverse toute vie jusqu’à plus de 500 mètres de la voie.
Ainsi, très loin de l’image positive du progrès, qui lui est attribuée, le TGV privilégié est vorace en tous domaines, surtout du fait de son pesantissime réseau spécifique encore dissimulé au moment du « choix » de juillet 1974. Bouleversement du foncier, remembrements, terres agricoles stérilisées, écosystèmes détruits ou découpés en portions isolées, terrassements massifs, granulats arrachés partout entre montagnes et rivages, surveillance constante des voies, change permanent des matériels et des matériaux, finances publiques prodiguées sans compter, coût énergétique global, etc. Si cher TGV que le reste du réseau sera négligé et même les trains de nuit supprimés :
« Cet appauvrissement des relations sous-tend un aménagement du territoire qui est contraire à ce que l’on serait en droit d’attendre d’un service public tel qu’il est revendiqué ces jours-ci (…) Ces suppressions qui, vues de Paris ou de Marseille, pourraient paraître anecdotiques instaurent un diktat ferroviaire que l’on pourrait résumer ainsi : « Le TGV Méditerranée vous permettra de vous déplacer rapidement, mais seulement à certaines heures et sur certaines relations » (…) », Thierry Levy, Effets pervers du TGV Méditerranée, Libération du 19 juin 2001.
« (…) si l’on veut économiser du temps actif, aucun bolide ne rivalisera jamais avec un confortable train de nuit« , Pendulaire, aérotrain… la fin de l’aberration TGV ?,
Imposer le vorace TGV contre les Aérotrains, c’était choisir d’augmenter les consommations et les destructions quand elles étaient évitables techniquement (Rocard 1974) *. Comme Robert Bell allait l’analyser, les nouveaux gestionnaires (sic) ont choisi la voie des gaspillages les plus lucratifs, les fruits les plus juteux pour eux et leurs commanditaires. Les technologies les plus dures, celles qui mobilisent le plus de matière, d’espace et d’énergie. Comme d’habitude.
* « Très Grand Void », « (…) à l’impressionnant réseau TGV correspond l’énorme trou dans les finances des chemins de fer (…) Les vraies horreurs des finances sont cachées dans une autre entreprise : Réseau Ferré de France créée pour sauver la SNCF qui était au bord du gouffre à cause des dizaines de milliards consacrés au réseau TGV (…) », Avec le TGV, l’endettement à grande vitesse, The Economist juin 2001. C’était déjà évident plus d’une vingtaine d’années auparavant, quand Jean Dupuy, un directeur de la SNCF, prétendait que l’Aérotrain « coûtait cher » parce qu’il était « horriblement gaspilleur d’énergie » !
LGV-EST: construction de la ligne à grande vitesse
Boulimique le TGV ? Encore en 2018, avec la gare TGV de Montpellier-Sud-de-France, défileront les dizaines de millions d’euros (135) pour faire une station hors de la ville et des réseaux de transports établis. Jean Dupuy, le visionnaire que l’on vient de croiser, avait cru bon ajouter : « N’importe quel TGV savait mieux résoudre le problème de la pénétration dans les villes. Imaginez un Aérotrain avec ses turbosoufflantes débarquant place de la Concorde…! » Quelle puissance d‘analyse ! Après l’invention des gares TGV au milieu de nulle part, on apprécie. Cependant, pour tenter de justifier l’implantation en rase campagne, la SNCF s’appliquera ensuite à vanter le contraire de ses premières démonstrations… « (…) Le TGV va contribuer à affiner le vieil outil ferroviaire. Son nouveau mot d’ordre est l’intermodalité, c’est-à-dire le rapprochement des moyens de communication : air, fer, route. C’est ainsi que l’on installe de nouveaux complexes dans les aéroports, à Roissy ou à Satolas, près de Lyon. L’intermodalité a paradoxalement deux effets. D’abord, pousser les nouvelles gares hors de la ville. La grande vitesse exige des bâtiments adaptés aux lignes rapides qui ignorent les centres encombrés (…) » *. Donc, une « intermodalité » surtout imposée par la grande inertie du trop lourd TGV – contrairement à la maniabilité que l’aérotrain avait démontrée. Magique intermodalité qui fait de ce train un allié du système automobile. Désertées par la vie, comme les hangars de pleins champs de la grande distribution, les « gares betteraves » ajoutent surtout à la dispersion urbaine en stimulant l’usage de la voiture individuelle, quand elles n’obligent pas à d’interminables voyages en cars avec signalisation et correspondances aléatoires.
* Emmanuel de Roux, Le retour en gares, Le Monde 2, 23 juin 2007.
En juillet 1974, Valéry Giscard d’Estaing a fait ainsi une brillante démonstration de l’incapacité structurelle du processus électoral et de l’État de droit à défendre l’intérêt général contre les coalitions d’intérêts saccageurs du bien commun. Un critère pour bien apprécier la qualité d’un système qui invoque d’autant plus la démocratie qu’elle est détournée par ses ennemis. Une nouvelle démonstration à l’appui de la dénonciation de l’électoralisme et de la capitalisation du pouvoir. Mais quelle tristesse ! Comme avec la ruine des campagnes sous la politique « agricole » des « prix bas » et des subventions orientées. Comme avec les biocides* « agricoles » des industries de guerre recyclées épandus en abondance (également sur les voies SNCF pour entretenir les remblais). Comme avec la libéralisation de la grande distribution et la multiplication des grandes surfaces contre les artisans et les commerces familiaux et coopératifs. Comme avec la priorité à l’automobile en propriété individuelle contre les transports collectifs. Comme avec les autoroutes ouvertes à marche forcée dans les campagnes. Comme avec le « tout jetable » répandu partout. Comme avec le « tout-nucléaire« . Comme avec les essais nucléaires. Comme avec beaucoup d’autres « choix » de civilisation qui, avec la contribution de la caste dirigeante unanime, allaient être imposés avec un total mépris du vivant. « Choix » dont nous supportons maintenant les conséquences pour très longtemps. « Un premier constat s’impose : le fonctionnement de l’économie, et singulièrement celui du capitalisme moderne industriel hérité du XIXème siècle, repose le plus souvent sur la triche. L’embrouille, l’escroquerie, l’arnaque, ou le trafic d’influence… en résumé le simple et habile contournement de la loi.« , Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, Benoît Collombat, David Servenay, Frédéric Charpier, Erwan Seznec, Martine Orange **, La Découverte 2014, page 13.
* Biocides et non pas « pesticides » ou « produits phytosanitaires« , termes choisis pour laisser entendre qu’il s’agit de lutte contre des « pestes » et de santé des végétaux ; ce qui permet d’évacuer la nocivité des produits et la question de l’origine des « pestes« , par exemple la monoculture. De taire aussi l’information sur les autres méthodes culturales.
** Il est amusant de retrouver Martine Orange dans cette dénonciation fouillée des triches du capitalisme industriel, elle qui, pour valoriser le TGV, avait fidèlement rapporté les désinformations sur l’Aérotrain, dans L’aventure du TGV, chapitre de Histoire secrète de la Ve République.
Avec cette technologie dure d’entre les technologies dures, les semeurs de confusion ne manquent pas. René Dumont une nouvelle fois, une fédération d’usagers des transports (FNAUT), et encore des protecteurs de la nature à contre-emploi (FRAPNA) qui n’ont pas négligé leur soutien en prétendant que le TGV nous épargnerait des autoroutes ! Aveuglement total sur le bolide au ras du sol et ses impacts. Entre autres sources : Relevé provisoire de nos griefs contre le despotisme de la vitesse, Éditions de l’Encyclopédie des nuisances 1991. Même constat avec, plus récemment encore, un « Shift Project » qui propose de « décarboner l’Europe » en ne voulant rien changer au gaspillage et au désastre écologique du ferroviaire à grande vitesse : « Tripler le réseau des trains à grande vitesse »… Aucune évocation d’une sortie du système roue-rail, déblais, remblais, ballast, biocides et autres chimies. Ces décarboneurs semblent n’avoir pas encore découvert le coussin d’air et les viaducs ! Décarboner, mais pas trop, et pas au détriment de la croissance marchande !
Pour la SNCF dont la responsabilité est maintenant généralement reconnue, le problème est, si cela se peut, plus troublant encore. Surtout sachant qu’un « comité de surveillance de l’Aérotrain » avait été créé au sein de la SNCF dès 1965 – comme un service d’espionnage industriel ! La SNCF n’était-elle pas un service public ? Elle aurait, donc, dû être au service de l’intérêt général, soucieuse de ne nuire en rien, mais au contraire animée par l’esprit de complémentarité, de coopération, d’économie aussi. Elle aurait dû reconnaître la valeur de la nouvelle technologie autrement qu’en lui empruntant pour mieux la couler. Mais, ses dirigeants avaient choisi la guerre commerciale ; une guerre avec ses coups bas, ses sabotages, ses violations de la prétendue chevalerie du capitalisme (la célèbre libre concurrence où le meilleur gagne). Pour se comporter comme une coalition d’intérêts en lutte contre des ennemis jurés, ils étaient déjà complètement sortis des rails ! Rivalité, concurrence déloyale et lobbying, brutalité, dissociation, logique du tout ou rien… Le service public avait été effacé par une dérive monopolistique qui, désormais, sapait les améliorations qu’un peu, rien qu’un peu d’intelligence de la complémentarité aurait pu développer !
Retour à la pesanteur
Plus grande évolution depuis la roue et le vol, elle a été effacée de la façon la plus perfide, la plus malhonnête. Mais ne serait-ce pas la norme ? Le coussin d’air était une véritable technologie douce. Elle résolvait maintes contraintes, permettait de réaliser autant d’économies, et changeait les perceptions et les perspectives. Elle bousculait trop. Intolérable pour les intérêts investis dans les technologies dures, leurs super-profits, et les mentalités que les unes et les autres avaient formatées et corrompues. Bernard Charbonneau l’avait bien analysé ainsi : « En dépit de la crise du pétrole et des difficultés, malgré les résistances et les hommes, « on passe à l’exécution pour le TGV » pour développer l’économie contre vents et marées », Le Feu Vert, Karthala 1980, page 41.
Toute ressemblance avec ce qui, dans le même temps, arrivait aux autres alternatives – y compris politiques – ne peut être fortuite. Le sabotage des Aérotrains est exemplaire du sabotage de toutes les alternatives à la croissance marchande et à son univers de culture impérialiste et de technologies dures.
Mouvement Coopératif infiltré et détourné, commerce coopératif et familial détruit par la grande distribution de la finance, nouvelle gauche noyautée et naufragée, comme toutes les alternatives culturelles et politiques, comme le féminisme sans le pouvoir capitalisé et ses « réussites », comme l’écologisation et son mouvement, comme toutes les ouvertures de l’intelligence sensible vis-à-vis des autres hommes, des autres êtres, du vivant dans son ensemble, etc.

le pendulaire Chartret à la fin des années cinquante
Le sacrifice des Pendulaires et plus encore des Aérotrains pour imposer un TGV ruineux en tous domaines illustre les multiples carences et handicaps de la perception et de la représentation dans un État contrôlé par les lobbies. Il nous a tous privés, en France et partout ailleurs, d’une amélioration qui aurait évité nombre des destructions, des pollutions, des extinctions et des gaspillages déplorés depuis – et une part du bouleversement climatique. Entre compréhension des complémentarités et des interdépendances, et culture coopérative, on voit là encore ce que la sensibilité ouverte sur le vivant aurait pu apporter. Mais cela n’est pas tout. Aux Aérotrains et aux Pendulaires, on peut ajouter les projets de dirigeables effacés simultanément (Orly-Le Bourget, Paris-Londres, projet Pégaze en haute altitude pour les télécommunications, etc.) *. Et encore cet autre épisode si ressemblant : dans cette première moitié des années 1970, l’élan des techniques solaires, éoliennes* et d‘économie d’énergie, de matières et de vies fut brisé par le « tout électrique, tout nucléaire » amorcé dès 1973. « Ne perdons pas notre temps avec le charbon, les énergies nouvelles et la conservation de l’énergie. Soyons sérieux, mettons tout de suite tout le paquet sur le nucléaire », Alexis Dejou, directeur délégué d’EDF, rapporté par Louis Puiseux qui commente : « Applaudissements sur les bancs communistes. Discrète satisfaction sur les bancs Creusot-Loire », Les bifurcations de la politique énergétique française depuis la guerre, Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, N. 4, 1982. « Discrète satisfaction sur les bancs Creusot-Loire » dont on a vu l’intérêt particulier dans le développement du TGV.
* que nous proposions à l’échelle locale, maîtrisés par les utilisateurs et les collectivités : revue Écologie octobre-novembre 1975, n°3, énergie solaire, revue Écologie avril-mai 1976, n°6, énergie éolienne. Le contraire des monstruosités capitalistiques développées depuis à grands renforts d’énergies fossiles.
Agriculture bio, coopératives, technologies douces, ou de bien moindre impact par rapport à ce que le patronat le plus rétrograde était en train d’imposer, relations détendues avec la biosphère, culture du bien-vivre contre société de consommation, etc., techniques et façons d’être conviviales qui accompagnaient l’écologisation et auraient pu changer beaucoup. Toutes ont été sabordées. On réalise mieux pourquoi il y a eu une telle mobilisation pour effacer les écologistes et les remplacer par les ersatz environnementalistes connectés au capitalisme. Presque simultanément, il a été mis fin aux innovations technologiques douces et au mouvement écologiste. À l’inverse, tout ce qui coûtait cher et détruisait massivement le bien commun a été privilégié. Il fallait être « sérieux » et faire place nette à la croissance marchande génératrice des effondrements d’aujourd’hui. Fin de la période enthousiaste et imaginative, et début du règne des prédateurs-gagneurs. Sinistre année 1974 !
* Le poids du profit
37 ans plus tard, en 2007, sous le label du « Grenelle de l’environnement » à l’initiative de la Fondation Nicolas Hulot, un texte de loi d’orientation présenté par une vieille connaissance : le ministre de l’Écologie Jean-Louis Borloo. L’ex-pèlerin du maoïsme qui a conduit les affaires de Bernard Tapie avant de contribuer à la fondation de Génération Écologie , annoncera triomphalement « La réalisation de 2.000 km de lignes ferroviaires nouvelles à grande vitesse« . On apprécie la « loi d’orientation » utilisée pour ça… Toujours en plein progrès côté profits des lobbies et destruction de la biosphère ! Un nouveau symptôme de la complaisance de l’environnementalisme pour la croissance marchande. Avec le système TGV déroulé sur toute la planète par les lobbies et leurs obligés, combien de saccages qui devaient être épargnés ? Combien de victimes ?
* encore cette fameuse « génération« !
Tout ce qu’ils nous ont fait rater !
Entre-temps, le 17 juillet 1991, le prototype de l’Aérotrain à moteur linéaire (le S44 de 1969) a été brûlé à Gometz-la-Ville. Puis, le 22 mars 1992, alors qu’une exploitation touristique allait être lancée, un incendie allumé par des mains expertes détruit l’Aérotrain I80 à Chevilly (Loiret). Curieusement, l’enquête n’a pas abouti et a été abandonnée. Il s’agissait là de l’Aérotrain I80 dont une variante avait battu le record de vitesse sur rail en mars 1974 : 430,2 kmh. Sur une voie de 17km seulement, donc avec distance d’accélération, plus distance de freinage plus distance de sécurité ! Cette performance permet d‘apprécier la différence avec le balourd TGV qui, en freinage d’urgence, a besoin d’environ 3 Km pour passer de 300km/h à zéro.


On remarque que la destruction des Aérotrains a eu lieu à une époque où les opposants au TGV étaient harcelés et poursuivis (ci-dessus l’exemple de Mariette Cuvellier). En tous domaines, les saboteurs du bien commun ont de la suite dans les idées. Et des moyens.
Et pendant ce temps, la vie qui s’éteint.
ACG
Doc
Non, le train n’est pas écologique
https://greenwashingeconomy.com/non-le-train-nest-pas-ecologique/#
Marcel Georges, Roland et Linda en aérotrain (1970)
Parmi les inventions qui ont été expérimentées mais jamais commercialisées se trouve l’aérotrain. Celui conçu par l’ingénieur Jean Bertin fut expérimenté dans les années 1960 avant d’être abandonné en 1977. Entre temps des prototypes furent mis au point et une ligne expérimentale de 18 km construite. Le TGV supplanta le projet de l’aérotrain.
Sur les brocantes on trouve parfois de petits ouvrages amusants comme celui de Marcel Georges Roland et Linda en aérotrain publié dans la collection « Premières Aventures » en 1970 par Dargaud. Deux enfants tentent l’aventure de l’aérotrain sur fond d’enquête « policière ».
C’est l’occasion de voir ce train pas comme les autres en images vintage:
https://archeosf.blogspot.com/2012/05/marcel-georges-roland-et-linda-en.html
Demain, l’aérotrain…

le Maglev chinois

le Tracked Air Cushion Vehicle TACV français (au Brésil)