1960 1970 – Mouvement écologiste ? Nouvelle gauche ? Contre-culture ? Culture écologiste ?
1960 1970 – Mouvement écologiste ? Nouvelle gauche ? Contre-culture ? Culture écologiste ?
Depuis le dix-huitième siècle, la pensée occidentale s’est trouvée confrontée à un choix contradictoire entre deux façons de raisonner, deux positions, deux écoles différentes. La première préconise de libérer l’esprit humain du carcan mental dans lequel il s’est lui-même emprisonné, dans l’espoir de parvenir aux valeurs intrinsèques de l’ordre, aux fins dernières, au but ultime de la vie. C’est le côté critique des Lumières : la raison consacrée à la libération, à la transcendance…
Theodor Adorno et Max Horkheimer avaient bien compris que la dichotomie Homme/Nature et la lutte contre le vivant, symbolisé par « la Nature« , fondent l’impérialisme et ses avatars (condensé de La dialectique de la raison, 1944, par Donald Worster dans son introduction à Nature’s Economy : A History of Ecological Ideas, 1977)
Quelles manifestations de la nouvelle gauche ?
À la suite de Darwin (la sympathie naturelle) et de Kropotkine (L’Entr’aide), et bien avant le difficile réveil de la science officielle, la reconnaissance de la sensibilité et de l’intelligence des autres êtres vivants, et leur protection…
et, à peu près par ordre chronologique (à partir des années cinquante) :
Les Situationnistes,
les Anti-racistes (luttes pour l’égalité des droits civiques),
Les Pacifistes,
Les Provos,
Les Hippies,
Les Diggers,
Les Beatniks,
Les résistances des Peuples Autochtones (comme l’American Indian Movement),
Études et Chantiers,
L’Union Rempart,
Maisons Paysannes de France,
Nature et Progrès,
Les Kabouters,
Les féministes et les homosexuels en lutte *,
Les régionalistes (défenseurs des civilisations paysannes),
Après Hara-Kiri (dès 1960), Charlie Hebdo (1970 – 1981), celui de François Cavanna et du Professeur Choron (Georges Bernier), avec Fournier,
La Semaine de la Terre qui s’est prolongée dans les Amis de la Terre (jusqu’en 1974),
Le Courpatier,
Survivre et Vivre (au début),
Pollution Non et l’Agence de Presse Réhabilitation Écologique (APRE) qui, dès 1972, a longuement édité le précieux Bulletin de l’APRE et différentes versions de la revue Écologie (jusqu’en 1992)
La Gueule Ouverte, celle de Pierre Fournier (créée avec l’aide de Cavanna et de Choron),
L’Or Vert
Le Pont, revue d’écologie pratique
Le Sang Vert
La Vache Enragée
Le MAN (Mouvement pour l’Alternative Non-violente)
les luttes contre le système pollueur (insecticides, herbicides, agent orange, amiante…),
le combat pour l’agriculture biologique,
et tant de luttes et d’initiatives locales **…
Tous les éveils à la diversité, toutes les luttes complémentaires dressées contre la violence prédatrice et dominatrice… Tous et toutes convergeaient, recherchaient chez l’autre les complémentarités.
* Cependant, en juin 1972, mêlés à des PSU plus ou moins trotskystes, plus ou moins maoïstes, aussi sympathiques les uns que les autres, Françoise d’Eaubonne, avec ses amies féministes et le FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire), attaqueront une assemblée générale écologiste pour, dans une pantomime grand-guignolesque, permettre le déploiement de l’imposture personnalisée par Brice Lalonde, à savoir l’entrisme capitaliste.
** par exemple, les mobilisations successives pour la sauvegarde du patrimoine naturel et architectural de la cité médiévale de Saint Gengoux le National :
1960 2018 – Eau, têtes de bassin versant, biodiversité, patrimoine, etc., plus de 50 ans d’une destruction exemplaire du bien commun
https://planetaryecology.com/eau-patrimoines-biodiversite-et-climat-en-france/
Le progrès par « la croissance marchande » vu par Ron Cobb en 1968
https://www.worthpoint.com/worthopedia/ron-cobb-original-comic-art-1967-1923826670
« (…) Vers la fin des années soixante, avec le début de la révolution pacifiste et les mouvements de protestations étudiants contre la violence en général et la guerre du Vietnam en particulier, l’affrontement idéologique entre la droite et la gauche s’était intensifié en Europe de l’Ouest et aux États-Unis. L’immense majorité des citoyens engagés dans les mouvements sociaux de gauche recouraient à des formes non violente de contestation. Manifestations, actes de désobéissance civique et, surtout, débats animés. (…) », Les armées secrètes de l’OTAN, Daniele Ganzer, éditions Demi-Lune 2005.
Pourtant, la mémoire du plus important mouvement social et culturel contemporain semble avoir été effacée. En France, bien sûr, mais pas seulement. On voit maintenant prospérer des confusions étonnantes avec les gauchismes inspirés (!) par les totalitarismes sortis tout armés du bolchevisme. Certains osent même prétendre que le maoïsme aurait été une référence pour le mouvement ! C’est particulièrement ridicule, surtout pour la nouvelle gauche écologiste qui savait déjà que le maoïsme était un cauchemar totalitaire au moins aussi terrible que ceux qui avaient précédé. C’est, enfin, ignorer que la nouvelle gauche rejetait toute construction de pouvoir – une base de la contre-culture. Pourvu que l’on se penche sur cette effervescence, on en est encore impressionné :
« (…) It was about how we are all in this together. It was about resisting the status quo and fighting tyrannical corporate/political power and it was about opening your consciousness and seeing new possibilities of how we can all live with something resembling actual respect for the planet, for alternative cultures, for each other. » (The hippies were right all along — we knew that, Mark Morford 2007, SFGATE).
Pour que la désinformation soit complète, on entend maintenant susurrer que la nouvelle gauche se serait « institutionnalisée » à partir des années 1970, rentrant dans les rangs uniformes et cadencés de la Gauche – qui, d’ailleurs, n’était plus à gauche. Sauf que ceux qui sont tombés du côté des notaires, comme le leur avait prédit Marcel Jouhandeau, n’avaient fait que simuler, ou n’avaient jamais vraiment pris conscience. Leur déliquescence n’engage en rien le mouvement.
La confusion est aussi entretenue avec un fugitif et confidentiel courant politicien des années cinquante, voire avec la « deuxième gauche« réformiste préparant la conversion au capitalisme; « deuxième gauche« qui, évidemment, lui était viscéralement hostile. C’est au point que ceux qui connaissent son nom le plus commun – la nouvelle gauche (new left) – sont devenus rares.
Il n’est pas inutile de se demander combien il a fallu consacrer d’argent, de temps et d’ingéniosité pernicieuse pour réussir cet escamotage. Et combien de complicités toujours actives et récompensées pour maintenir la chape de silence ? Beaucoup, assurément, comme l’avouait déjà Edward Bernays dès les premières pages de Propaganda en 1928 : « Un effort immense s’exerce donc en permanence pour capter les esprits (…) » :
À l’origine des fausses nouvelles, l’influence méconnue d’Edward Bernays
un exemple de désinformation :
La nouvelle gauche vue par Politique Hebdo (en mai 1973)
Politique Hebdo était un journal entièrement fait par des gauchistes (surtout maoïstes) qui agressaient grossièrement ou infiltraient toutes les réunions des écologistes et qui, un an plus tard, allaient aider de manière spectaculaire à leur élimination (à l’occasion de la « Campagne Dumont« ). Louis-Jean Calvet ne fait pas exception. Il entretient la confusion entre la nouvelle gauche et les gauchistes (en particulier, avec les maoïstes) :
« (…) cette nouvelle gauche (ou ces gauchistes, comme on dit plus volontiers en France) dans laquelle Marcuse voit l’avenir de la révolution (…) »
D’où sortait-il celui-là pour dire de pareilles énormités ? L’auteur, Louis-Jean Calvet, était un ex de la Sorbonne en 68. Il devait, donc, parfaitement connaître ceux qui, précisément, ont tout fait pour couper les ailes de la nouvelle gauche et l’effacer. C’est pourquoi il pouvait publier dans Politique Hebdo. Il faisait même partie de la rédaction – comme Pierre Clermont, alias Sabadel, qui, lui aussi, complotait contre les écologistes. Son propos peut, donc, difficilement être attribué à l’ignorance.
Nous le verrons, Pierre Fournier lui avait répondu d’avance en clarifiant d’une formule les positions opposées des gauchistes et de la nouvelle gauche. Alors, le confusionnisme de Calvet, était-ce embrouillement d’un militant égaré ou malhonnêteté manipulatrice visant à parfaire le remplacement des uns par les autres ? Entre autres mauvaises actions de ses amis, Calvet ne devait pas ignorer la très spectaculaire agression des écologistes du 23 juin 1972, lors d’une très originale AG des Amis de la Terre, dans le Studio de danse Morin. En tout cas, l’équipe de Politique Hebdo était parfaitement au courant; donc, Calvet ne pouvait pas ne pas l’être. Mais peut-être y était-il lui-même, et ce papier de Politique-Hebdo était-il une perfidie supplémentaire pensée pour enfoncer davantage la nouvelle gauche écologiste…
La suite du texte entretient la confusion la plus profonde en attribuant aux « radicaux » (donc à la nouvelle gauche) des dérèglements spécifiques aux gauchistes germanopratins (la « pétrification du marxisme« ) et aux super-machos qui abondaient dans ce milieu, tel « l’abaissement » (plutôt l’avilissement) de la sexualité – paradoxalement, Hocquenghem en a su quelque chose.
La connaissance de la suite des évènements éclaire l’objectif de Politique-Hebdo. En effet, un an plus tard, ce journal contribuera à l’élimination de la nouvelle gauche écologiste, et à son remplacement par des personnages et des simulations en complète rupture avec sa culture. Derrière les simagrées, Politique Hebdo était un outil de la réaction anti-écologiste.
Suprême habileté, les photos qui illustrent l’article montrent des manifestations inspirées par le mouvement hippie, une composante de la nouvelle gauche. L’inverse – en tout – du gauchisme !
Comme nous, Pierre Fournier et ses amis avaient été agressés maintes fois par des gauchistes. Fournier avait prévenu : « Mai 68, c’était Marcuse. Ces connards ont cru que c’était Lénine » (Concierges de tous les pays, unissez-vous, Charlie Hebdo n° 28, 31 mai 1971). Confronté aux agressions venues de tous côtés, Fournier avait deviné la stratégie : « Il y a deux ans, « la pollution » faisait bien rigoler les professionnels de l’agitation politique, et Charlie Hebdo faisait bien rigoler les « spécialistes de l’environnement ». Maintenant, les uns et les autres se sentent dépassés sur leur gauche et ne songent plus qu’à récupérer le truc » (Industries, pollutions et lutte écologique). En effet ! Dommage que Fournier n’ait pas plus communiqué là-dessus. Et, surtout, qu’il ait disparu si vite.
Le grand mouvement foisonnant des années 1950/60 et 70 est maintenant si peu connu que, influencés par la propagande de Politique Hebdo et de tant d’autres, beaucoup y mêlent les gauchismes et croient que le mouvement s’est éteint naturellement. La nouvelle gauche, puisque c’est l’appellation que l’on utilisait à l’époque en englobant l’ensemble des courants, n’est pas morte d’épuisement. La nouvelle gauche ne s’est pas éteinte parce que sa culture, la « contre-culture« , était dépassée (elle avait malheureusement raison quant à la puissance destructrice du néo-capitalisme, raison aussi sur la nécessité vitale de changer de civilisation). Son effondrement n’a pas été l’aboutissement d’un processus naturel, comme une extinction faute de militants, d’inspiration, d’enthousiasmes, d’idées et de révoltes. Et rien, dans ce mouvement, comme d’autres affectent de le croire, ne prédisposait aux dégénérescences déplorées depuis. Bien au contraire. D’autant que tout va de mal en pis et que les pires cauchemars des écologistes ont été réalisés – plus un paquet d’autres horreurs que nous n’avions pas osé imaginer – par ceux qui les ont éliminés, et que rien n’annonce un sursaut salvateur.
L’extinction de la nouvelle gauche ne doit rien à la prétendue force du capitalisme qui aurait été capable, par son seul dynamisme adaptatif, de phagocyter les oppositions les plus radicales par « endogénéisation » (thèse de Boltanski-Chiapello dans Le nouvel esprit du capitalisme) ! Tout dépend évidemment de ce que l’on entend par « oppositions radicales« . Pour penser ainsi, il faut s’être arrêté aux syndicats et aux gauchismes, qui relèvent en effet de la même culture impérialiste que le capitalisme. Car, quant à endogénéiser la culture écologiste et conviviale, ou culture du vivant, alternative au capitalisme par essence, celle qui inspirait la counter-culture et animait la nouvelle gauche alternative, impossible ! Elle est l’exact contraire de l’esprit du capitalisme… À moins de confondre avec les faux-semblants électoralistes verts* produits par l’oligarchie** pour, justement, créer l’illusion d’une continuité et d’une endogénéisation afin de mystifier, capter et démotiver les nouvelles énergies. Mais, là encore, il faut faire assaut de mauvaise foi, ou d’inculture, car la nouvelle gauche mettait en garde contre l’électoralisme, sa désinformation et son instrumentalisation des citoyens, ses « choix » truqués dès l’origine, et sa reproduction sournoise de la domination, etc. La nouvelle gauche et, surtout, les écologistes, misaient tout sur la libre circulation de l’information, l’évolution culturelle, la prise de conscience des relations aux autres et à l’ensemble, et l’auto-régulation (comme dans le vivant !), donc sur une écologisation et la réalisation d’une démocratie du bien commun. Le grand renversement de civilisation pouvait être réalisé par l’évolution des représentations, donc des motivations, donc des modes de vie, etc. C’est, en quelque sorte, par instillation et percolation de la nouvelle conscience dans toute la société que des changements auraient été obtenus – comme le pensaient les coopérateurs depuis le XIXème siècle. Comme en donnaient l’exemple les coopérateurs restés fidèles au mouvement historique anti-capitaliste né au XIXème siècle.
* En France, l’électoralisme a été réintroduit par un chantage initial de René Dumont (lourdement soutenu par la « deuxième gauche » mendésiste) : « Je ne serais porte-parole des écologistes que si nous nous maintenons jusqu’à l’élection« . C’est ce qui a porté le coup de grâce à un mouvement déjà affaibli (en 1974) par d’incessantes manipulations.
** …par l’oligarchie, via la social-démocratie dont faisait partie la « deuxième gauche » (discrètement, Dumont en était).
S’agit-il d’une nouvelle démonstration d’ignorance de l’existence même de la nouvelle gauche écologiste, ou d’un nouvel effort pour mieux l’effacer ?
« (…) On attribue à Tacite cet aphorisme : « Ils créèrent un désert qu’ils baptisèrent la Paix. » Cette phrase convient bien aux architectes de la violence structurelle : en matière intellectuelle, leur tour de passe-passe préféré consiste à gommer l’histoire. Le refus de l’histoire ou sa distorsion participent au processus désocialisant indispensable pour générer une lecture hégémonique des événements et de leurs causes. Le révisionnisme rudimentaire, qui consiste à nier purement et simplement l’existence d’un événement, reste possible mais n’est ni très persuasif ni très efficace dans les allées du pouvoir. Gommer l’histoire est une opération subtile qui avance à petits pas : il s’agit d’effacer des liens de cause à effet à travers l’espace et le temps. Elle a dans son camp l’oubli, processus naturel, biologique (…) ».
Paul Farmer La violence structurelle.
Philadelphia, Earth Day 1970
« Depuis le dix-huitième siècle, la pensée occidentale s’est trouvée confrontée à un choix contradictoire entre deux façons de raisonner, deux positions, deux écoles différentes. La première préconise de libérer l’esprit humain du carcan mental dans lequel il s’est lui-même emprisonné, dans l’espoir de parvenir aux valeurs intrinsèques de l’ordre, aux fins dernières, au but ultime de la vie. C’est le côté critique des Lumières : la raison consacrée à la libération, à la transcendance. Sur le rivage opposé de cette dialectique, on trouve la deuxième école, qui propose une domination de la nature. Cette dernière position, devenue la branche la plus active de l’héritage des Lumières, présuppose une désacralisation du monde, une réduction quantitative et mécaniste de l’univers en une masse informe d’objets hétéroclites. La raison devient un simple instrument au service des moyens et non des fins. Cette façon de voir conduit à l’aliénation spirituelle de l’homme, à sa coupure d’avec la nature, puis à l’industrialisation et à la mercantilisation du monde vivant. Toute l’histoire de la science ainsi que toutes les autres dimensions de la vie intellectuelle depuis le dix-huitième siècle sont empreintes de cette dialectique«
« Aujourd’hui, au moment où l’Utopie de Bacon, la « domination de la nature dans la pratique », est réalisée à une échelle tellurique, l’essence de la contrainte qu’il attribuait à la nature non dominée apparaît clairement. C’était la domination elle-même. Et le savoir, dans lequel Bacon voyait la « supériorité de l’homme », peut désormais entreprendre de la détruire. Mais en regard d’une telle possibilité, la Raison, au service du présent, devient une imposture totale pour les masses » car « Toute tentative ayant pour but de briser la contrainte exercée par la nature en brisant cette nature n’aboutit qu’à une soumission plus grande au joug de celle-ci«
Donald Worster (Nature’s Economy : A History of Ecological Ideas, 1977) inspiré par « La dialectique de la raison de Theodor Adorno et Max Horkheimer.
La culture que portait le mouvement écologiste – ou nouvelle gauche -, celle souvent désignée comme contre-culture qui a parcouru le monde dans les années soixante et soixante-dix, est celle esquissée par les philosophes de l’École de Francfort : celle du « côté critique des Lumières : la raison consacrée à la libération, à la transcendance ». Elle est la culture (l’ensemble des références) exactement contraire à la culture dominante. Cette dernière, qui est plus précisément la culture spécifique de la domination, est mécaniste, productiviste et purement impérialiste. C’est une culture de conquête, une culture de guerre qui soumet les hommes à toutes les formes de domination, la culture du chaos et de la mise à mort de la biosphère. Elle se définit elle-même comme anti-nature, ce qui dit tout.
Sur l’autre rive, la culture écologiste est essentiellement holistique, comme le vivant, comme toute chose. Elle ouvre à la compréhension des complémentarités et des interdépendances. Elle est la culture du bien commun et de l’émancipation – les deux étant bien compris comme complémentaires, l’un se nourrissant de l’autre. Elle est la culture du collectif – de l’intelligence collective -, parce que la culture des interrelations, du sens des interrelations, quand la culture dominante les minimise ou les instrumentalise pour réduire au maximum l’intelligence collective et la démocratie.
Avant de lire Piotr Kropotkine, Michel Bakounine, Élisée Reclus, Theodor Adorno et Max Horkheimer, Henri Laborit, Claude Levi-Strauss, Lynn Margulis et Dorion Sagan, etc., bien avant, nous voyions bien la finalité du dogme de la compétition qui nous était imposé sous prétexte de « loi de la nature » : conforter les dominations coupables des destructions écologiques et sociales. Et nous comprenions que la coopération est une dynamique essentielle du vivant; sans doute la plus importante. L’ouverture sur les autres, l’écoute et l’observation avaient suffi à nous l’apprendre. Sans le savoir, nous étions dans les pas de celui qui parlait de « l’instinct communautaire » étendu à toutes les créatures, Aldo Leopold (1887 – 1948), et de beaucoup d’autres prédécesseurs. Mais nous savions que nous n’étions pas en phase avec la version quantitative de l’écologie privilégiée par le système capitaliste et son économie productiviste. A la différence des conditionnés par l’enseignement de la culture dominante, nous n’identifiions pas « loi de la jungle » et « nature« . Dans le vivant, nous admirions surtout la construction associative et symbiotique. Arcadienne, ou écologiste et conviviale, cette culture s’était épanouie avec la prise de conscience et l’alerte écologistes. Elle a été fondatrice de la plupart des courants de la nouvelle gauche (Provo, Beatnik, Hippie, féminisme, régionalisme, mouvements des Peuples Autochtones, pacifisme, écologisme bien sûr, etc.). La culture écologiste arcadienne a été baptisée contre-culture (Theodore Roszak 1969), mais, à la différence de la culture dominante, elle n’est pas une culture d’opposition, une culture anti, une culture fondée sur ce à quoi elle s’oppose. Au contraire, elle est la culture des interrelations et des rapprochements, la culture de l’empathie.
Cette intelligence sensible nous est naturelle. Elle est développée par le vivant (par « la nature« ), sans rupture d’aucune sorte entre « nature » et « culture » – comme Darwin lui-même le concevait. Elle est le guide de l’ouverture au monde, de la bonne intelligence et de la paix. C’est donc elle qui structurait la philosophie politique des écologistes, se traduisant par la compréhension de la complémentarité et de l’interdépendance entre tous dans la biosphère, le besoin de la libre circulation de l’information, le refus des hiérarchies du pouvoir capitalisé au détriment des individus et de la communauté, et… une nouvelle lecture de la démocratie.
Cela faisait la différence avec les autres, tous les autres ! Même avec les « protecteurs de la nature » qui nous entouraient. Curieusement, ceux-là étaient restés très attachés aux conformismes dominants et les reproduisaient sans gêne aucune. De même avec les méthodes ! Ils seront les premiers à entraver l’essor de l’écologisme et pactiseront avec tous ses ennemis, y compris avec les adorateurs de Mao Tsé-Toung (bons bourgeois avant tout). Car, nous tous de la nouvelle gauche qui croyions pouvoir entraîner, convaincre de changer, stimuler… c’est nous qui avons été balayés. Et de quelle façon !
Hervé le Nestour
Que croyez-vous que vous raconte
Hervé le Nestour, l’un des lanceurs de l’alerte écologiste
La mémoire effacée des écologistes
Quand nous avons enfin réussi à lancer un mouvement écologiste en France – bien après les courants de même sensibilité aux Pays-Bas et en Amérique du Nord -, nous n’avions donc pas lu Adorno et Horkheimer. Ni Marcuse, ni beaucoup d’autres auxquels les fantaisistes de l’exégèse attribuent la paternité de la nouvelle gauche écologiste. Soutenu par l’observation des écosystèmes et l’amour du vivant, notre engagement venait du plus profond. Il venait du choc de la révélation et de la révolte devant les destructions perpétrées par le système capitaliste dont nous ne savions pas encore qu’il était lancé dans une nouvelle conquête mondiale (la mondialisation, ou globalisation). Tout juste comprenions-nous qu’une spirale infernale avait été amorcée et, d’ailleurs, qu’elle ne se limitait pas au capitalisme, tel qu’il est généralement compris. Ainsi, le peu d’information qui nous était venu de la Chine sous les maoïstes, en particulier la guerre contre les oiseaux (« campagne des quatre nuisibles »), nous avait appris la stupidité et l’absolue nuisibilité de cet autre système. Comme de tout système totalitaire.
Guerre contre les « nuisibles » en Chine à la fin des années cinquante. Ici, le massacre des moineaux qui, à lui seul, a tout dit du maoïsme.
En parallèle, après les « cent fleurs« , pendant « le grand bond en avant« , et avant la « révolution culturelle« , des millions de bipèdes sont traités de façon équivalente. Exploitation et domination s’appliquent à tous les vivants. Régression culturelle radicale et réification générale.
Quant à la voie philosophico-politique que nous proposions en même temps que nous la découvrions, elle n’était dictée par aucun gourou. Elle était simplement inspirée par notre être ouvert au monde, par notre sensibilité en interaction avec les autres vivants et l’ensemble qu’ils constituent. Elle était inspirée par la compréhension et le sens des interrelations. Ce que chacun peut ressentir et comprendre s’il n’est pas bouché à l’émeri par une idéologie totalitaire ou un appétit de puissance.
Murray Bookchin, un de la nouvelle gauche écologiste
À propos de la nouvelle gauche écologiste, Bernard Charbonneau écrivait :
« (…) il s’agit bien d’une critique et d’une opposition au monde où nous vivons. Ses thèmes (critique de la croissance, de la production, etc.) sont neufs par rapport aux thèmes traditionnels de la droite et de la vieille gauche (n’étaient-ce les oeuvres de quelques isolés sans audience qui ont mis en cause la société industrielle dès avant la guerre). A ses débuts, surtout après Mai 68, ce mouvement a été le fait de personnes marginales, comme Fournier, de groupes de jeunes et de quelques sociétés (Maisons Paysannes de France, Nature et Progrès, etc.), réagissant spontanément à la pression grandissante de la croissance industrielle. Nouveauté des thèmes, marginalité, spontanéité du mouvement, ce sont là les signes d’une véritable révolution (rupture dans l’évolution) en gestation.«
https://planetaryecology.com/1974-07-le-mouvement-ecologiste-mise-en-question-ou-raison-sociale/
Charbonneau datait le début de la dégradation du mouvement : très vite après Mai 68, ce mouvement est devenu l’expression de cette même société qu’il critiquait et entend changer« . Mais il se trompait de diagnostic. Cela n’est pas le mouvement qui dégénérait, ce sont des actions extérieures qui l’entravaient, le colonisaient et en dégradaient l’image. Justement, quand Bernard Charbonneau tentait de comprendre, Maisons Paysannes de France, un autre courant de la nouvelle gauche écologiste cité par Charbonneau, était aussi en difficulté. L’association s’inscrivait dans le même mouvement depuis 1966, mais était également menacée par l’offensive récupératrice dirigée par « la caste dirigeante » dénoncée par Charbonneau :
« Nous sommes en pleine action écologique et nous continuons (…) dans le vrai mouvement écologique qui, lui, n’a pas besoin de grand chef. » Aline Bayard, décembre 1974.
Lettre d’Aline Bayard de Maisons Paysannes
https://planetaryecology.com/1974-12-lettre-daline-bayard/
On retrouve trace des mêmes malfaisances à petite échelle. Ainsi dans cette petite cité historique où la mobilisation pour le bien commun qui s’était manifestée dès les années soixante a été complètement ruinée – comme partout ailleurs :
1960 2018 – Eau, têtes de bassin versant, biodiversité, patrimoine, etc., plus de 50 ans d’une destruction exemplaire du bien commun
https://planetaryecology.com/eau-patrimoines-biodiversite-et-climat-en-france/
Depuis l’immédiat « après 68« , en réaction à l’émergence des années soixante, la propagande nous abreuve de culture impérialiste (croissance, compétition, capitalisation des pouvoirs d’être et d’agir confisqués, performance, productivité, mépris des autres hommes et des autres êtres, ignorance des interrelations et des ensembles, des écosystèmes, instrumentalisations multiples, réification, etc.) avec encore plus de force qu’auparavant, au point que beaucoup en sont complètement désorientés. D’autant que l’étiquette « écologie » a été récupérée par le système dominant et est souvent utilisée dans un cadre impérialiste. Et, parallèlement, la censure – surtout en France – est complète sur la « contre-culture » arcadienne, culture commune du bien commun, sur le mouvement écologiste de la nouvelle gauche, et leur histoire.
C’est seulement la longue expérience et le rapprochement de faits et de déclarations méconnus qui trahissent la mobilisation des tenants de « la croissance marchande« . Une mobilisation aussi massive et agressive que restée discrète. C’est Michel Rocard, enfin le Bureau National du PSU qui nous en a fait l’aveu imprudent au début de l’année 1974.
Cela n’est pas trop s’avancer que de dire que la nouvelle gauche écologiste, dès ses premiers pas, doit ses nombreuses infortunes aux actions des forces réactionnaires qui avaient été effrayées par la profondeur des remises en cause agitées dans les années cinquante-soixante. Très tôt, tout a été mis en œuvre pour affaiblir et effacer le mouvement de l’émancipation soulevé contre les destructions et l’aliénation générées par le système marchand (ici même : par le remembrement destructeur des campagnes et de la paysannerie, et par le développement de la « grande distribution« ). La proposition de retrouver le sens du bien commun en cultivant les relations de bonne intelligence avec le vivant devait rester confidentielle, et, surtout, ne plus être portée par des gens trop enclins à étendre les remises en cause à la structure même des dominations mortifères.
Alain-Claude Galtié
adresse mail : <restaurplanet@gmail.com>
sur l’écologisme et la culture arcadienne :
Les pionniers de l’écologie (titre originel : Nature’s Economy),
Donald Worster, éditions Sang de la Terre 1992.
Theodore Roszak
Un compagnon de route avec lequel le mouvement écologiste français – partie de la nouvelle gauche – avait beaucoup de points d’entente
Theodore Roszak, théoricien de la contre-culture
(…) En 1967, il parcourt les campus universitaires en effervescence et écrit des articles pour le journal The Nation. De cette observation naît la certitude que le slogan « Sexe, drogue et rock’n’roll » cache d’autres aspirations philosophiques et sociales. Ce qui ne l’empêchera pas de critiquer l’usage de psychotropes dans Vers une contre-culture.
Après la parution de ce livre fondateur, qui appelait à « une révolution psychique », et finaliste du prestigieux National Book Award, il continue d’explorer ce qu’il nomme « le droit souverain qu’a chacun de nous à se découvrir soi-même « , qui le mène à effectuer un travail pionnier sur le lien entre l’écologie et le bien-être personnel, avec L’Homme Planète (Stock, 1980). Cet optimiste n’a pas cessé de croire que le salut viendrait des baby-boomers : vingt-neuf ans après Vers une contre-culture, il écrit un autre manifeste pour cette génération – non traduit en France : The Making of an Elder Culture, (« Vers une culture des seniors »). Il y affirme sa conviction que les idéaux des années 1960 pousseront les anciens jeunes gens en révolte à changer le monde à l’orée du troisième âge. (…)
http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2011/07/23/theodore-roszak-theoricien-de-la-contre-culture_1552107_3382.html
Diggers : un courant de la New Left américaine trente ans après
« Peter Berg, tête pensante du groupe, a évolué vers la défense de l’environnement. En 1966-67, à la différence des hippies de San Francisco, ils étaient des contestataires révolutionnaires. Ils ont disparu dans la nature quand plus rien n’y était possible, fondé des communautés, pris un nouveau départ dans l’écologie radicale. Trente ans plus tard, les Diggers n’ont pas abandonné leurs rêves américains… (…) » Edouard Waintrop,
http://www.liberation.fr/culture/2000/12/27/le-hun-ecolo-de-san-francisco_349166
… »à la différence des hippies« . Voilà bien un commentaire typique de l’ignorance crasse répandue en France – ignorance soigneusement entretenue – sur l’essence révolutionnaire du mouvement hippie (comme des Provos, des Kabouters, des Beatniks, des Écologistes, même celui des Peuples Autochtones*, etc.), enfin de tous les courants qui ont constitué la nouvelle gauche des années 1960/70. Un caractère authentique, en rupture totale avec la culture impérialiste (domination sur les hommes comme sur « la nature« ), à la différence de la revendication « révolutionnaire » des gauchismes ancrés dans cette culture dominatrice.
* Pour avoir osé souligner le grand intérêt des cultures des peuples autochtones, cultures immémoriales inspirées par le vivant, une maison d’édition, à l’évidence ni anarchiste, ni écologiste comme elle prétendait l’être, mais gauchiste de bonne tradition totalitaire, m’a intimé l’ordre de retirer « ça » sous peine de censure et d’exclusion. Elle ne blaguait pas, j’ai pu le vérifier sitôt après : le texte d’introduction à un livre en projet, texte qui m’avait été commandé, a été jeté à la poubelle. La censure et l’exclusion sont, en effet, des pratiques habituelles des structures auxquelles participe ce nid de censeurs. Involontairement, ces gens révélaient leur inculture et leur extériorité au mouvement dont ils se réclamaient : les mouvements des peuples autochtones enrichissaient la nouvelle gauche mondiale des années 1960/70. L’incident date des années 2000. Depuis, d’autres expériences tout aussi heureuses sont venues confirmer le constat. Aspect positif de ces aventures : elles ont démontré la permanence de la falsification culturelle commencée il y a quelques dizaines d’années.
Il est vrai que la réduction de l’écologisme à la « défense de l’environnement » est déjà révélatrice d’une certaine insuffisance !
Ce jugement à l’emporte-pièce sur le mouvement Hippie ressemble beaucoup à l’exclamation aussi méprisante que mensongère du réalisateur du film Tous au Larzac lors d’une interview sur France Inter en 2011 :
« Les hippies, les chèvres, les communautés, tout ça, c’était des conneries. (…) On a fabriqué une image négative qui fonctionne encore aujourd’hui (…) Ya des gens qui croient encore aujourd’hui que c’était des histoires de hippies !«
http://www.planetaryecology.com/index.php/93-a-propos-de-la-lutte-pour-la-sauvegarde-du-larzac
On se croirait encore au bon temps de l’agression de Pierre Vernant en 1973 : La multiplication des revues écologiques – UN POINT DE VUE REACTIONNAIRE. Ben oui, on y est toujours, et avec les mêmes qui, en plus, ont fait des petits !
Un autre film exemplaire du confusionnisme entretenu entre la nouvelle gauche des années soixante et le gauchisme nous a été fourni par Olivier Assayas avec Après mai (en 2013 !) :
Le film est long, long, long et on s’en rend compte en cherchant à comprendre ce qui rattache les juvéniles héros à Mai et aux grands mouvements des années soixante et soixante-dix.
Certes, les filles sont nombreuses à porter des robes longues inspirées de la culture hippie, on voit des journaux et des affiches gauchistes, on entend parler de Max Stirner mais on n’a pas le temps de se réveiller et d’en comprendre le sens, on voit une caricature de manif, on capte quelques bribes alternatives perdues au milieu de slogans simplistes, il y a même un zeste d’antinucléaire, une timide évocation du féminisme, et le livre de Simon Leys, Les habits neufs du président Mao, qui, heureusement, captive un peu le personnage principal… Mais, comme ces jeunes qui ne savent que faire et grappillent de tous côtés en se laissant porter par le premier courant d’air, on flotte on ne sait où en ne trouvant rien de consistant à se mettre sous la dent.
Il y a de la violence aussi soudaine que gratuite qui succède à des longueurs apathiques, sans transition, des filles et des garçons qui se jettent les uns sur les autres, sans motivation, sans gaîté, des fumées et des cocktails bizarres qui circulent pour meubler le temps, jusqu’à la déglingue, de l’ennui, beaucoup beaucoup d’ennui dans cette petite société triste, et guère de cet enthousiasme militant pourtant courant à l’époque. Et puis, il y a la remarquable aisance économique où tous ces jeunes semblent évoluer. A contempler les intérieurs luxueux où gîtent les uns et les autres, on devine vite qu’ils sont tous très éloignés des prolétaires dont ils parlent beaucoup en s’extasiant.
Durant les années évoquées par le film, j’ai croisé quelques garçons et filles comme ceux-là. Aussi inconsistants, aussi fluctuants, aussi adeptes de la fumette avec gros dégâts apparents. Effectuant un salto complet par rapport à leur chère lutte des classes, presque tous sont retournés en courant vers l’argent de la famille, la carrière et le pouvoir servis sur un plateau (par exemple : Jean-François Bizot, Brice Lalonde, Jean-Louis Borloo…). Non sans avoir trahi et planté des couteaux dans le dos de ceux qui les avaient accueillis dans un mouvement ou un autre. Ce sont des jeunes mous de ce modèle qui ont servi de troupe manipulable à volonté aux tueurs de la nouvelle gauche alternative. A cet égard, le livre de Lison de Caunes, Les jours d’après (1980), complète parfaitement le film de Assayas.
Apparemment, ils servent encore à cela.
A la réflexion, ce film est beaucoup plus important qu’il n’y paraît au premier abord : il fournit des explications sur les causes de la déliquescence continue que nous vivons depuis. Oui, en fait, comme documentaire, le film est bon et, s’il paraît profondément ennuyeux, c’est parce qu’il est fidèle à l’histoire de beaucoup de ces révolutionnaires d’opérette qui, après avoir, par intérêt ou par ignorance, étouffé le mouvement de ces années-là, encombrent encore aujourd’hui.
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Toujours à lire et à relire :
Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, Guy Hocquenghem, Albin Michel, 1985
« votre réseau contrôle toutes les voies d’accès et refoule les nouveaux, le style que vous imprimez au pouvoir intellectuel que vous exercez enterre tout possible et tout futur. Du haut de la pyramide, amoncellement d’escroqueries et d’impudences, vous déclarez froidement, en écartant ceux qui voudraient regarder par eux-mêmes qu’il n’y a rien à voir et que le morne désert s’étend à l’infini«
« Par le reniement au carré, au cube, vous avez édifié une pyramide d’abjurations, sur laquelle vous vous êtes haussés vers le pouvoir et l’argent«
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un autre bouquin qui n’est pas mal non plus, dans le genre document au premier degré :
Les jours d’après, Lison de Caunes, Jean-Claude Lattès 1980
Lalonde, le sombre héros qui hante tout le livre pourrait figurer dans le film, comme Borloo dont il est ami d’ailleurs, et comme lui il encombre encore avec la bénédiction de la mégamachine capitaliste. Mais, à la différence de Borloo qui était inconnu de Guy Hocquenghem, celui-ci est épinglé sur le tableau de déshonneur de ceux qui sont passés du col Mao au Rotary
On comprend parfaitement les mauvaises raisons de la falsification culturelle et historique, à savoir la censure continue et tous les procédés d’exclusion appliqués à la culture écologiste arcadienne et à ses représentants. D’ailleurs, les fondateurs du néo-conservatisme et beaucoup d’anti-écologistes (désormais reconnus comme néo-cons) l’ont expliqué et répété : cette façon de voir le monde est très dangereuse pour le système capitaliste. Cela venait contrarier la conquête de l’esprit des hommes pour les assujettir aux lois de l’ordre anti-nature en plein effort de globalisation. En effet ! Max Horkheimer et Theodor Adorno l’ont démontré, et les faits le prouvent chaque jour par l’absurde, c’est cette ouverture au monde – évidemment ! – qui, en restaurant la conscience de l’organisation (l’économie) du vivant dans chaque tête, peut nous sauver du désastre ultra-capitaliste auxquels tous les impérialistes – fussent-ils « de gauche » et tout petits petits – contribuent.
Le conglomérat des ennemis de l’ouverture culturelle permettant d’approcher les « valeurs intrinsèques de l’ordre, (les) fins dernières, (le) but ultime de la vie » joue depuis trop longtemps aux apprentis sorciers (1). D’innombrables extinctions de vies plus tard, directes ou indirectes, on ne compte plus les conséquences de leurs mauvaises actions. Elles sont si nombreuses et si graves qu’eux-mêmes en sont venus à les déplorer, mais toujours sans reconnaître qu’ils en sont à l’origine.
(1) Parmi eux, les plus surprenants, les plus compliqués, les plus efficaces supplétifs du système parce que nous avons mis trop longtemps à comprendre qu’ils n’étaient que des Tartuffe, sont ceux que Guy Hocquenghem a épinglés dans Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary
CHRONOLOGIE DIGGERS
www.freakencesixties.yi.org/Emmett%252520Grogan.bmp&w=280&h=361&ei=CCZUUrnMHoaU0AW5jIGYBQ&zoom=1&iact=hc&vpx=1607&vpy=150&dur=1231&hovh=255&hovw=198&tx=104&ty=161&page=1&tbnh=145&tbnw=112&start=0&ndsp=57&ved=1t:429,r:10,s:0,i:112
les écrits de Ivan Illich reflètent l’esprit de la nouvelle gauche
La convivialité, Ivan Illich, Seuil 1973
Énergie et équité, Ivan Illich, Le Seuil 1973.
Dans le miroir du passé. Conférences et discours, 1978-1990, Ivan Illich, Descartes & Cie.
En dépit de sa notoriété, en digne représentant de la nouvelle gauche, Illich n’a pas échappé à la censure. Ainsi, après s’être longuement régalé en publiant ses livres à succès, Le Seuil lui a claqué la porte au nez ! C’est Éric Aeschimann, dans le Cahier de L’Obs du 17 au 28 septembre 2020 (2020 !), qui enfin nous apprend cet épisode révélateur :
Dans les années 1980, lors d’un comité éditorial des éditions du Seuil, un de ses membres éminents (Michel Winock) aurait lancé : « Illich, c’est has been ». Et le dernier manuscrit présenté par celui qui était un auteur vedette de la maison a été refusé.
Il est intéressant que les noms de ceux auxquels nous devons les effondrements enfin constatés commencent à sortir. Et dans Le Nouvel Obs, qui plus est !
Le cri du coeur de Michel Winock traduit bien le sentiment de ces gens qui n’avaient été « de gauche » que pour mieux tromper, étouffer le développement d’une sensibilité politique embrassant le vivant pour retrouver le sens du bien commun et de la démocratie (la nouvelle gauche), éteindre toutes les alertes, refouler les alternatives, afin de conforter le système installé par l’oligarchie capitaliste (la globalisation). Même le spectacle de la destruction du vivant par leur système chéri de la croissance marchande n’éveillaient rien en eux.
Michel Winock… se souvenir de ce nom. Comme par hasard, ce monsieur est « historien spécialiste de la république française » et « professeur émérite à Sciences Po« .
Éric Aeschimann y voit « un indice affligeant du virage de la gauche intellectuelle dans les années 1980, qui n’hésita pas à faire taire l’une de ses plus grandes voix parce qu’elle n’était plus à la mode (…) »
C’est, en effet, affligeant, et d’autant plus affligeant que Illich n’est qu’une des nombreuses voix condamnées au silence ! Mais, pas plus que les autres, Ivan Illich n’était proche de « la gauche« . Il était de la nouvelle gauche, celle – non électoraliste – des hippies, des provos, des écologistes, des situationnistes, des féministes, des beatniks, des anti-racistes, des pacifistes, des peuples autochtones, etc. Celle de l’autre culture. Celle des alertes et des alternatives au système mortifère développé par le néo-capitalisme. Celle de la coopération et de la démocratie régénérée. Celle de l’enthousiasme et de l’espoir de pouvoir éviter les effondrements d’aujourd’hui. Celle qui pensait pouvoir changer la civilisation par l’ouverture sensible et culturelle, par la prise de conscience et l’évolution des motivations.
Quant à « la gauche« , depuis les années 1960 elle n’avait fait que semblant de s’intéresser au mouvement et à Illich, juste assez pour les tromper et les étouffer. Illich a été abusé comme les autres. Rocard et ses amis du PSU, Rosanvallon, Viveret et Attali (cité aussi par Éric Aeschimann) étaient de cette « gauche » manipulatrice* qui avançait sur un confortable lit de lobbies – en particulier ceux de la « grande distribution » et du nucléaire, tout en fricotant avec les agents de la mondialisation en marche (d’où l’accouchement de la Fondation Saint-Simon après beaucoup d’autres cénacles plus obscurs les uns que les autres).
* la « deuxième gauche » dont même Aeschimann reconnaît le ralliement « au « réalisme », aux lois du marché, aux gagnants«
https://planetaryecology.com/histoire-contemporaine-une-memoire-du-mouvement-ecologiste-3/