Un petit bout de chemin alternatif, et puis… plus rien


Un petit bout de chemin alternatif,

et puis… plus rien

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Capitalisme : la grande offensive

Un nouveau mouvement social

Faire taire les rossignols

Tous ces effondrements qui étaient évitables

Alerte rouge et… Rien, ou presque

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« Lentement, la conscience humaine progresse : chaque personne un tant soit peu rationnelle sait aujourd’hui qu’il faut instaurer un rapport neuf avec la nature, qui ne soit pas l’ancien productivisme prométhéen, ni une religion de la Terre ; chacun sait qu’il faut redéfinir la place des hommes et des femmes dans leur milieu naturel, comme partenaires et non comme prédateurs ; chacun sait désormais qu’il faut conclure une nouvelle alliance du vivant.« 

Pas mal ! C’est paru le 23 août 2020 en introduction d’un dossier d’inspiration écologiste. C’est de qui ? De Laurent Joffrin, le produit de la Fondation Saint-Simon formée par les promoteurs de la globalisation* sur les ruines de la nouvelle gauche – le mouvement révolutionnaire des années 1960/70. Joffrin, l’un des acteurs de l’opération propagandiste ultra-libérale Vive la Crise en 1984, un des soutiens les plus actifs de « l’ancien productivisme prométhéen« .

* en particulier, la « Deuxième Gauche » socialiste

https://www.liberation.fr/terre/2020/08/23/de-nouveaux-possibles_1797523

Bonne droite conservatrice (mais pas du vivant !), extrême droite, socialistes, anciens gauchistes (enfin, prétendus tels – comme les « socialistes« ), environnementalistes plus ou moins verts, catholiques, économistes, gestionnaires, patrons… ils sont tous devenus écologistes ! Surtout ceux qui n’ont pas peu contribué à étouffer le mouvement social des années 1960/70. Également les descendants des exécutants de cette malfaisance absolue : l’extinction des alertes et des alternatives au système mortifère. Enfin, devenus écologistes, est tout à fait relatif… Dans les années 2020, ils commencent enfin à découvrir les complémentarités et les interdépendances, et l’on peut entendre des phrases fortes, comme « l’économie est dépendante de la nature » (quelle découverte !). En 2022, la Banque Mondiale a estimé que « plus de la moitié du PIB mondial dépend de la nature » *. Une « plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques » (IPBES) a été créée pour analyser les relations entre les différents effondrements générés par les pilotes du capitalisme. En décembre 2024, elle vient de pondre un «résumé pour les décideurs» pour qu’ils épargnent davantage les « services écosystémiques » utiles à la croissance marchande. Dans leur culture amputée de l’essentiel, comme avant avec les anthropocentristes et les utilitaristes, la vie n’a d’importance que si elle sert à produire de l’argent et du pouvoir. 50 ans après, on est toujours bien loin de l’éveil sensible – l’écologisation – que voulaient promouvoir les écologistes.

* La biodiversité, cette urgence économique et menace qui plane sur PIB (https://www.challenges.fr/entreprise/green-economie/la-biodiversite-cette-urgence-economique-et-menace-qui-plane-sur-pib_847417)

A “Silent Spring” for the Financial System? (https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/wp826.pdf)

Mais, revenons un peu en arrière…

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Capitalisme : la grande offensive

Dans les années cinquante et, surtout, dès le début des années soixante, a fleuri une conscience aiguë des dégâts considérables accompagnant l’industrialisation forcenée et l’extension du domaine de la marchandise. Sous le couvert des promesses martelées par la propagande du « progrès« , il se passait quelque chose d’extraordinairement pervers et dangereux qui était encore amplifié par l’explosion démographique. C’était à la mi-temps des « trente glorieuses« . Des « glorieuses » catastrophiques pour la plupart et pour l’avenir, car la prospérité d’une minorité ne provenait que d’un renforcement sans précédent de l’exploitation des hommes et de « la nature » (c’est le même processus, et les écologistes des années soixante le comprenaient bien ainsi).

Alors, la domination capitaliste s’était déjà radicalisée en un système aux ambitions planétaires. Ici même, au détriment de la majeure partie des populations et du pays, elle organisait une économie de guerre pour soutenir son expansionnisme. C’était le premier choc planétaire du dernier né des totalitarismes : la globalisation du capitalisme désignée depuis par le terme équivoque de « mondialisation« . Ses promoteurs se partageaient entre « planificateurs » et « néo-libéraux« . Ils lançaient une intensification à outrance de toutes les formes d’exploitation – de prédation – planifiées et libérées des régulations culturelles, sociales, politiques et écologiques. « Libérées » des interrelations qui construisent le vivant et le complexifient. « Libérées » du vivant pour mieux le saigner. Déjà, dans les campagnes, sous couvert de rationalisation et de modernisation, la « révolution verte » dévastait les civilisations paysannes, leurs sols et leurs écosystèmes. Elle décomplexifiait pour réaliser la spoliation totale inscrite dans les plans technocratiques Pinay-Pompidou-Rueff-Armand du début de la 5ème République. Une bien curieuse « république » !


manif à vélo aux Champs Élysées en 1972

La violence de l’agression était telle que la nuisibilité du couple production/surconsommation et technologies dures – celles, boulimiques d’énergies, de matières et de vies, qui broient et polluent tout autour d’elles – était évidente. Pour les plus attentifs, la poursuite de l’expansion était devenue intolérable : elle menaçait la survie à court terme. Toutes les observations concordaient : avec l’expansion (l’injonction de l’époque) et les mirages du niveau de vie et du pouvoir d’achat, l’amélioration des conditions de vie avait divorcé d’avec le bien commun, et même d’avec le simple respect de la vie. Traîtreusement associées à l’idée de liberté, avec le libéralisme détourné, ces illusions étaient répandues pour individualiser en éloignant la plupart de l’intelligence du bien commun. On y retrouvait la propagande à la Bernays* qui inspirait les différentes formes de la guerre culturelle réactionnaire : la bataille pour conquérir l’esprit des hommes de la jeune CIA – une récupération du gramscisme par le capitalisme.

* À l’origine des fausses nouvelles, l’influence méconnue d’Edward Bernays

https://www.franceculture.fr/societe/a-l-origine-des-fausses-nouvelles-l-influence-meconnue-d-edward-bernays

Une décroissance prodigieuse du vivant et du bien vivre s’étendait à toute la planète. Les formes de vie les plus complexes en étaient menacées et cela ne concernait pas seulement quelques espèces, mais des ensembles vivants complets, des écosystèmes avec tous leurs acteurs, hommes inclus. La domination capitaliste avait commencé à déconstruire l’oeuvre de l’évolution !

Incroyablement, il faudra attendre le début des années 2000 pour que d’autres que les écologistes du mouvement d‘origine – et les organisateurs du désastre – identifient le phénomène ! Cela n’est qu’alors que les outils statistiques mettront en évidence « la Grande Accélération » de l’exploitation et, parallèlement, des destructions :

Planetary dashboard shows “Great Acceleration” in human activity since 1950

http://www.igbp.net/news/pressreleases/pressreleases/planetarydashboardshowsgreataccelerationinhumanactivitysince1950.5.950c2fa1495db7081eb42.html

…De la supériorité de l’intelligence sensible sur « la méthode scientifique » et ses interminables études statistiques.

Mais, curieusement, les scientifiques officiels d’aujourd’hui n’évoquent même pas les écologistes qui les ont précédés de cent coudées. La lacune est énorme, car la mise en échec de ce mouvement social a énormément compté dans l’amplification de « la Grande Accélération« . Mais, justement, cet oubli dit beaucoup sur la permanence des forces à l’ouvrage.

Pourtant, quelques dizaines d’années en arrière…

Le plus stupéfiant était l’origine de l’agression. La catastrophe en progression donnait la mesure exacte de l’anomalie qui l’engendrait. Elle était le fait d’une partie de la vie elle-même, mieux encore : d’une toute petite partie prétendument consciente de son existence et savante. Oh, pas l’Homme ou les hommes, comme l’insinue la perfide expression « anthropocène » ! Non… Juste quelques partis de drogués à « l’expansion » et à la capitalisation généralisée, des prédateurs-accapareurs-spéculateurs ayant rompu les relations essentielles avec le monde.

Ils sont en guerre contre tout le reste, y compris les autres hommes – « guerre économique« , selon leurs propres termes. La vie, le phénomène le plus inventif, le summum de l’organisation dans l’univers connu, avait produit une mutation nuisible pour elle-même. Au sein de notre espèce, dans ce que nous croyions être notre propre société, nous observions des fonctionnements de plus en plus aberrants ; la dynamique d’un système qui allait exactement à l’inverse du sens de la vie et de la communauté sociale, à l’inverse du sens de la santé de l’ensemble comme de chacune de ses parties, puisqu’elle les détruisait.

Le diagnostic fut d’autant plus rapide que beaucoup de victimes et d’observateurs avaient déjà fait le plus gros du travail d’analyse : la cause du désastre était et demeure la civilisation matérialiste censée « libérer l’Homme du travail et des contraintes de la Nature« , et assurer la paix et la prospérité. Les émules de Bernays appelaient ça le progrès. Cette abstraction était bonne à tout, surtout à maquiller l’exploitation à mort des autres hommes, des autres êtres et de l’habitat commun. Pour les écologistes, les objectifs déclarés ne suffisaient pas à dissimuler une prise de pouvoir et une dépossession sans équivalent. Avec une charge positive maximale, débarrassé de tout souci des conséquences, le progrès était confondu avec la faisabilité technique : la plupart ne se demandaient plus s’il était bon de faire, mais seulement si c’était possible. C’était une escroquerie historique qui ne réussissait même pas à dissimuler sa nuisibilité. Pourtant, cela n’était pas clair pour tout le monde. Ainsi, dans l’espace syndical et politique, aucune parole critique n’était prononcée. Ceux qui prétendaient représenter l’intérêt commun ne respectaient pas leurs engagements. La gauche chantait même en choeur les hymnes au progrès et à « la croissance« ; idoles promettant la félicité pour après, toujours après – après la destruction en cours.

Comment cela était-il arrivé ?

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Un nouveau mouvement social

Traumatisés par la puissance de l’agression, nous étions nombreux à prendre d’autant plus conscience des différences fondamentales entre la culture sensible et ouverte sur la vie, notre culture naturelle, celle qui nous est inspirée par la vie, et la culture du système qui promettait la désolation à toute la planète en confisquant et détruisant tous les biens communs – tous.


Lever de Terre en décembre 1968
Alors, sur cette planète, il y avait encore des forêts primaires, mais la mort de la nouvelle gauche écologiste était déjà programmée

« Quand on nous annonce que les Blancs veulent prendre notre terre, nous ne trouvons pas de réponse parce que notre coeur se glace. Quand nous apprenons qu’ils voudraient faire couler vers le Couchant des rivières qui ont toujours poussé leurs eaux vers le soleil levant, nous ne savons pas quoi dire parce que notre coeur devient lourd comme une pierre. Il pèse sur notre poitrine et empêche les mots de monter à nos lèvres (…) » (1).

Comme les hommes de la terre connus de Bernard Clavel, nous étions frappés de stupeur par la découverte des projets des hommes de la croissance et du profit. Leur cupidité destructrice révélait un handicap culturel premier : l’incompréhension des relations les unissant aux autres.

Nous n’avions pas couru les forêts tout notre âge. Aucun initié ne nous avait appris le monde et la sagesse des anciens. Mais nous ne nous placions pas au centre du monde comme l’orthodoxie anthropocentriste et capitaliste avait tenté de nous l’inculquer. C’est l’indignation et la colère qui nous animaient et nous guidaient. Instruits par cette sensibilité, par la curiosité pour la vie alentour, par l’étude et le vécu de l’écologie, nous développions des perspectives radicalement décalées par rapport aux croyances et aux structures dominantes. La libération de ces jougs nous permettait d’écouter au dedans de nous, dans nos sensations et nos émotions, et d’interpréter les signes de la vie. Ceux-ci nous disaient que le sens risquait d’être perdu à tout jamais et qu’il y avait grande urgence.

affiche de la Semaine de la Terre, avril mai 1971

Depuis, il est devenu de bon ton de se réclamer de grands auteurs, découvreurs, professeurs. La plupart d’entre nous ne connaissaient même pas leur existence, ou ne les avaient pas lus. Enfin, pas ceux qui sont généralement cités. Nous n’étions pas les enfants d’une « élite » intellectuelle, et encore moins de penseurs installés qui, d’ailleurs, sont arrivés après la bataille (ils n’avaient pas encore reçu commande). Nous n’avions aucun besoin de chaperons ! C’est que, comme l’a remarqué Guy Debord et les situationnistes, les idées qui leur sont maintenant attribuées étaient dans toutes les têtes – enfin presque – avant même qu’ils n’apprennent leur existence. Ainsi pour la culture libertaire et la Coopération depuis très longtemps. L’intentionnalité de cette obsession de guides qui s’imposent à tous se trahit par son oubli complet du mouvement social. Cette recherche n’est dictée que par le projet d’effacer la capacité collective et les développements antérieurs pour tenter de relégitimer la domination. Car, pour celle-ci, le message véhiculé importe moins que la reconduction d’une « élite » qui consacre le principe de domination. Là est le message. Or, c’est en nous que nous puisions l’essentiel. Car, ce qui nous distinguait et constituait justement notre chance, c’est de n’avoir pas, ou peu, été formatés par une éducation fermée, par un conditionnement – surtout un conditionnement à la soumission, par l’une des idéologies théorisant la lutte contre le vivant comme moyen premier de l’émancipation (!). Nous n’avions pas été pollués par la propagande subliminale. Nous n’avions pas de réponses toutes faites. Mais nous avions beaucoup de questions. S’il en avait été autrement, il n’y aurait pas eu d’alternatifs (capables de voir et d’analyser les égarements et d’imaginer des solutions) ! Bien sûr, nous avions capté l’information transmise par ceux qui nous avaient précédés. Mais de façon choisie. Dans le chaos des messages, nous étions guidés par la sensibilité, par l’émotion, par l’intelligence sensible et ouverte. Par le corps révolté devant les agressions commises sur la vie. Par ce que la vie exprimait en nous et autour de nous. La prise de conscience est une dynamique de l’intelligence collective une écologisation.

1974 – Écologiser la politique ?, par ACG

C’est bien cette sensibilité ouverte sur la vie, cette intelligence collective, que la machinerie de la propagande capitaliste s’est ingéniée à polluer et à refermer.

Malgré tout, nous avions encore des années et des années de travail devant nous pour nous débarrasser des restes de cette culture artificielle qui nous avait été inculquée à l’école, mais il était déjà parfaitement clair que les concepts et les pratiques mis en avant par le système dominant (liberté, démocratie, progrès, richesse, expansion, développement, compétence, responsabilité, etc.) étaient totalement faussés.

Alors, le seul spectacle des dégâts et des malheurs sans précédents provoqués par l’intensification et l’amplification de la prédation – par ce capitalisme en voie de libéralisation planétaire – suffisait à nous éclairer. En observant les dégradations d’ici, nous ressentions la progression des destructions planétaires. En écoutant les cris venus des forêts d’Amazonie, d’Afrique, de Papouasie, nous entrevoyions le profil du nouveau totalitarisme (2). Pierre Fournier dénonçait la technostructure qu’il « soupçonne d’oeuvrer sournoisement à la mise en place d’un « totalitarisme », d’un nouveau « fascisme » » (Fournier précurseur de l’écologie, page 92). L’horreur de la révélation, donc le constat de l’égarement des structures dirigeantes et de leur culture, stimulait l’analyse du mensonge et de la folie des dominants flattant les aspirations au mieux vivre, tout en développant la dépendance, la servitude et la dévastation. Ainsi est né le mouvement – déjà alternatif – au sein même du peuple : ouvriers, employés, paysans, artisans, étudiants, chômeurs, appelés du contingent, retraités, gens d’ici et d’ailleurs, toutes histoires confondues, industrialisés et peuples autochtones… donc parmi les victimes, et non pas parmi les oisifs et les nantis, ou une intelligentsia intégrée au système dominant, comme la désinformation le prétend aujourd’hui. Il s’agissait de révolution, pas de réformisme. J’étais moi-même employé au bas de la fameuse échelle hiérarchique, avec un salaire plus que modeste. Ce premier mouvement social de conscience holiste et conviviale délivrait un message plus clair et plus complet que celui des lanceurs d’alerte isolés qui confirmaient toutes les craintes, mais qui étaient restés dans le giron du système et n’avaient pu s’émanciper de sa culture dominatrice, tels Roger Heim et Jean Dorst (pour la France).

« (…) Il n’y avait pas de comité organisateur, il n’y avait pas de slogans clairement établis, il y avait la libre parole, la libre-pensée, nous étions tous dans le même groupe, tous unis, une unification qui n’était pas programmée, l’essentiel c’était le mouvement… (…) », Pierre Merejkowsky, film Il était une fois l’écologie, 2010.

Des gens qui n’ont pas participé à ce mouvement, ou s’y sont opposés, ou qui n’ont pas connu l’époque, prétendent depuis en écrire l’histoire. Toujours, ils s’efforcent de dissimuler la révolte et le mouvement social derrière un brouillard d’intellectuels (comme ils disent) qui ne l’ont pas inspiré, ou qui lui doivent leurs idées, ou mieux encore : qui étaient ses meilleurs ennemis – tel un Denis de Rougemont (homme de main des frères Dulles de sinistre mémoire) devenu un « penseur de l’écologie » depuis sa mort ! Évidemment, révélant ainsi son origine, cette réduction falsificatrice est largement distribuée – en complément de la censure toujours appliquée aux alternatifs. Elle est devenue parole d’évangile dans l’université française.


Meet ‘The Brothers’ Who Shaped U.S. Policy, Inside And Out
https://www.npr.org/2013/10/16/234752747/meet-the-brothers-who-shaped-u-s-policy-inside-and-out?t=1593707412502

CIA. Une histoire politique de 1947 à nos jours

https://books.google.fr/books?id=DKNSCwAAQBAJ&pg=PT63&lpg=PT63&dq=les+fr%C3%A8res+dulles&source=bl&ots=sJ89zGUoZa&sig=ACfU3U2V-jqZXrh79S_Xy4JUVZtVfv5j6g&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjNyZKsta_qAhUL2BoKHW0nATE4ChDoATAEegQIBxAB#v=onepage&q=les%20fr%C3%A8res%20dulles&f=false

Mais, au contraire des clichés récupérateurs qui mettent une personne seule en scène, et surtout quelques « intellectuels » estampillés par le système dominant, l’histoire du mouvement écologiste et de sa philosophie politique est, comme toute manifestation du vivant, une œuvre collective de longue haleine. Rien que pour la période contemporaine, elle a d’abord été marquée par plusieurs mouvements qui, depuis le début des années soixante et même avant, nous avaient ouvert la voie. Provos, Situationnistes, Kabouters, Beatniks, Hippies, le 68 libertaire et déjà écologiste, etc., les luttes contre les discriminations, la nouvelle émergence des révoltes autochtones (par exemple : l’American Indian Movement), les courants les plus originaux des sixties et des seventies – que l’on rassemble commodément sous l’appellation nouvelle gauche (3) – s’étaient soulevés contre l’intensification du capitalisme. Nous ignorions comment celle-ci était arrivée, et nous ne réagissions, donc, qu’aux destructions déjà patentes ; mais nous percevions une menace immense et ressentions une urgence qui nous poussait à nous engager totalement *. L’opération était parfaitement construite et menée par les familles de la domination et les technocraties nationales. Pour simplifier, on peut indiquer la conférence de Bretton Wood (1944) comme point de départ. Là, pour ouvrir de nouveaux marchés aux industries de l’armement avides de poursuivre leurs juteuses affaires après la guerre, ont été créés des organismes internationaux de conquête : la Banque Mondiale, le FMI, l’OCDE et toute la kyrielle des institutions internationales de « développement« ), sans omettre le fameux « Plan Marshall » et ses nombreuses succursales occultes. Entre beaucoup d’autres déstructurations, la destruction du vivant sous l’industrialisation à outrance de l’agriculture, la conduite à la faillite et à la désocialisation de la plupart des paysans, des artisans et des petits commerçants, l’expansion des banlieues sordides et le chômage de masse aussi, viennent de là. Et c’est de là que venait notre colère.

* Nous disions : prise de conscience. Une cinquantaine d’années plus tard, certains parleront d’éco-anxiété et de « solastalgie » (sic), comme si le phénomène était nouveau. Comme s’il fallait en faire une pathologie et l’apaiser avec des traitements médicamenteux ! Ignorance ou nouvelle manière de refouler encore la mémoire de la grande émotion des années soixante et de ses mouvements ?


performance de la Semaine de la Terre devant la Bourse de Paris (mai 1971)


Pour autant, je n’oublie pas l’immense contribution d’une Rachel Louise Carson (Printemps silencieux, 1962), ni n’oublie Jean Giono et Claude Levi-Strauss, ni ne minimise Marcuse et les autres critiques de l’École de Francfort, mais je ne les avais pas encore lus. Pas davantage lus Robert Hainard, Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, souvent complaisamment cités, mais avec lesquels nous n’avions aucun contact (4). Je n’oublie pas non plus le décryptage du technocratisme, d’autant plus efficace qu’il était traité avec humour, par Jacques Rouxel avec ses Shadoks (1968). Le mouvement qui nous emportait était si vaste, si foisonnant que nous ne pouvions en connaître qu’une petite partie. Nous, nous étions essentiellement nourris de l’observation de la biosphère (Roger Heim, Jean Dorst…), et de notre propre observation de la dégradation autour de nous.


la défense des patrimoines ruraux menacés par la colonisation industrielle des campagnes faisait partie du mouvement écologiste

Aline et Raymond Bayard, de Maisons Paysannes, alertent contre les manoeuvres anti-écologistes

https://planetaryecology.com/decembre-1974-aline-et-raymond-bayard-de-maisons-paysannes-alertent-contre-les-manoeuvres-anti-ecologistes/

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Faire taire les rossignols

Dans les années soixante, la guerre du Vietnam semblait concentrer toutes les horreurs du nouveau système exploiteur en expansion, car à la guerre conventionnelle, déjà lourdement destructrice, s’ajoutait une dévastation systématique des écosystèmes denses sous le napalm et les défoliants. On dénonçait la société de consommation copiée sur l’American Way of Life vanté par la propagande capitaliste, les faux besoins, l’aliénation, les gaspillages, les pollutions, les destructions, les ethnocides, le massacre généralisé, et les mythes qui les font prospérer. Et l’on proposait d’autres modes de vie ; ou plutôt : contre l’assujettissement à l’avoir et contre la politique tombée d’en haut comme une pollution poisseuse sur la démocratie, nous recherchions et expérimentions des façons d’être créatives, sociales et plaisantes, et la restauration du politique impliquant chacun en coopération avec tous. Les courants alternatifs étaient l’expression d’une prise de conscience des limites personnelles, sociales et écologiques, que les fables du progrès et de la croissance avaient niées. Ils étaient inspirés par la culture écologiste qui, à la différence de la culture du matérialisme capitaliste, remonte à la nuit des temps. Nous étions loin d’exprimer clairement la philosophie politique qui nous était inspirée par la vie, par la connexion avec la Terre Mère, par le vivant, mais nous savions que le paradigme écologiste est fondamentalement différent – contraire, comme dans contre-culture – du paradigme du système destructeur des personnes, des sociétés et de la biosphère. Il s’agit d’une lecture du monde et de notre vie qui n’est pas polluée par les névroses et les stratégies de pouvoir, une lecture fondamentalement différente. Nous soulignions déjà l’importance de la reconnaissance de la diversité (biologique, culturelle, sociale…), de l’interdépendance et de la complémentarité ; par conséquent, de la faculté d’auto-création et d’auto-régulation, cela à tous les niveaux d’organisation, de la bactérie à la biosphère. Tout naturellement, notre voie politique était celle de l’entraide, de la coopération, de la démocratie directe entre acteurs informés en interaction *. Nous dénoncions, donc, la domination et toute capitalisation et hiérarchisation de pouvoir comme une agression contre la vie. Nous étions donc naturellement en plein accord avec les féministes (comme avec les antiracistes, les anticolonialistes, etc.). Nous en étions… enfin, jusqu’à ce que la féministe Françoise d’Eaubonne et son groupe (le FHAR : Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) nous agresse grossièrement (en juin 1972) pour supporter les infiltrés du capitalisme (tel Lalonde). Qui plus est, ceux-là étaient des phallocrates notoires dont le casier ne cessera de s’alourdir. Nous qui dénoncions la domination et toute capitalisation et hiérarchisation de pouvoir, nous avons été gâtés ! Comprenant un fort contingent de germanopratines distinguées, ces curieuses féministes ont ainsi, d’un coup, anéanti la dynamique tissée de révoltes communes, de sympathies naturelles et de partage ! Et elles ont entraîné toutes les autres qui ne pouvaient savoir **. On voit là que, loin d’avoir été épargné par la manipulation, le mouvement féministe a lui aussi été détourné et corrompu. Cela a été un coup de maître des réactionnaires, et un coup fatal pour la nouvelle gauche. Évidemment. Comme nous l’apprendrons plus tard, grâce aux témoignages des manipulateurs eux-mêmes, c’est bien l’ensemble du mouvement de résistance à la domination capitaliste qui était visé. Ainsi a été provoqué l’effondrement culturel « utile à la croissance marchande » (dixit Michel Rocard 1974).

* Les COOP et le Mouvement Coopératif rejettent le bio, en s’effondrant sous l’entrisme capitaliste

** Depuis, avec le grand bal des agressions sexuelles ouvert par quelques-uns des tristes personnages croisés entre 68 et 1974, j’ai eu maintes occasions de repenser à leurs brillantes actions et aux nombreux soutiens dont ils ont bénéficié.

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Joan Baez We shall overcome
http://www.youtube.com/watch?v=RkNsEH1GD7Q&feature=related

The Moody Blues Nights of white satin
http://www.youtube.com/watch?v=9muzyOd4Lh8&feature=related

Cat Steven Where Do The Children Play
https://www.youtube.com/watch?v=nBCJhNiKhFE

Neil Young Heart of gold
https://www.youtube.com/watch?v=WZn9QZykx10

François Béranger – Tranche de vie

« On ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance » est resté un des slogans les plus connus de 68.

Nous exprimions une révolte et des projets comparables à ceux des indignés d’Espagne qui, en 2011, allaient encore se réclamer de la contre-culture. Nous étions de purs dissidents. Nous savions donc très bien dans quel sens nous voulions aller ; d’autant que, comme tout le monde, nous avions depuis longtemps beaucoup d’indicateurs du désastre planétaire sous le nez.

Évidemment, la culture écologiste et le projet de changement de civilisation étaient beaucoup trop pour le système dominant. Trop ancrés dans le vivant que les capitalistes convoitaient comme une mine de « ressources« , trop renversants, trop révolutionnaires. Trop incompatibles, par nature, avec la prédation sans frein programmée.

Il fallait faire taire les rossignols (Aragon) et empoisonner les lucioles (Pasolini), tous ces lanceurs d’alerte, ces veilleurs critiques avancés en éclaireurs, ces poètes qui entretenaient les aspirations immémoriales à l’émancipation des jougs hiérarchiques, à l’égalité, à l’entraide, à l’auto-organisation libératrice, à la démocratie en pratique quotidienne (5). Et il fallait faire vite, avant qu’ils ne fassent alliance avec les mouvements plus anciens de la résistance et de l’alternative à l’exploitation (tel le Mouvement Coopératif) !

Alors, le nouveau système totalitaire organisa l’étouffement des différents courants du mouvement en noyant leurs acteurs sous les infiltrés. Même traitement massif pour leurs analyses, leurs informations et propositions submergées sous un redoublement de la propagande et quelques autres manipulations encore méconnues aujourd’hui, pour remplacer la compréhension de la complémentarité des uns et des autres par les conditionnements à la lutte de chacun contre tous. « Nouveau système« … enfin, pas exactement puisque, depuis les années vingt avec Walter Lippmann et Edward Bernays – pour les plus connus des théoriciens de la manipulation de masse – la désinformation et la stimulation des tentations de la consommation avaient déjà largement aliéné en détournant les attentions et les motivations. Pasolini l’avait déjà pressenti : « (…) Quand il ne restera plus rien du monde classique, quand tous les paysans et les artisans seront morts, quand l’industrie aura fait tourner sans répit le cycle de la production et de la consommation, alors notre histoire sera finie.« , La Rabbia, 1963. Moins de 10 ans après, nous étions entourés de lobbies affairés et de leurs agents d’influence infiltrés, tandis que les supermarchés poussaient comme des champignons.

La vague de conscience déclenchée au début des années soixante n’a duré qu’une quinzaine d’années. Nous avions légèrement sous-estimé la réactivité et la capacité d’adaptation du monstre – et sa susceptibilité ! À dire vrai, nous ignorions surtout la majeure partie de ses stratégies. Et pour cause, nous ne savions même pas comment il était constitué. Nous ne savions rien des réseaux mondiaux du capitalisme, de la poussée néo-libérale, des manoeuvres d’infiltration, de contournement, d’étouffement des expressions non conformes à la règle de la domination, de substitution aux expressions sociales et politiques, etc. D’ailleurs, une quarantaine d’années plus tard, nous en sommes encore au stade de la découverte de l’étendue de cette machine de guerre, de ses stratégies et de ses ramifications. C’est donc dans une complète ignorance que nous allions expérimenter leur efficacité. Cela fut rapide.

Dès Jeunes et Nature, les conférences-débats écologistes que j’espérais développer furent sabotées – le mot n’est pas trop fort. En s’extrayant de l’influence de Jeunes et Nature, la Semaine de la Terre échappa à peu près aux manipulations, mais l’information fut récupérée et détournée (même Fournier et Charlie-Hebdo ont été instrumentalisés à cette occasion). L’alerte contre les emballages jetables fut entravée (en 71). Et le reste à l’avenant. C’est que, à partir de 1968 qui a fait si peur aux exploiteurs, comme les autres courants de la nouvelle gauche, les écologistes ont été ciblés par un feu roulant de manipulations, pour les affaiblir et les effacer, puis les remplacer par des faux-semblants.

Au total, si le flot des contestations a vraiment fait évoluer quelque chose, ce sont surtout les techniques de la récupération/manipulation, de l’effacement et du détournement des mouvements sociaux, de l’asservissement et de l’exploitation – d’ailleurs avec l’aide très professionnelle de simili-révoltés n’ayant, quoiqu’il ait pu en sembler aux inattentifs, jamais rompu avec la domination, ni avec ses intérêts (6). C’est tout particulièrement pour surveiller les écologistes, pour les contrôler et les annihiler que le réseau Diogène (bientôt Ecoropa), « le collège invisible de l’écologisme« , a été constitué sitôt après 68 par Denis de Rougemont. « Invisible » en effet ! Bien que côtoyant plusieurs de ses activistes infiltrés, les écologistes qui animaient le mouvement ignoraient tout de cette formation. Un parfait réseau stay-behind, sorte de Loge P2 pour l’écologisme, pensé, fabriqué par le Congrès pour la Liberté de la Culture, ou son rejeton : l’Association Internationale pour la liberté de la Culture, AILC*. Beaucoup plus tard, l’un de ses premiers agents d’infiltration (à Jeunes et Nature et Charlie-Hebdo, entre autres), aura l’humour de l’appeler « club européen des têtes pensantes de l’écologie« , ce qui, hormis la fatuité, révèle l’étendue de la zone de nuisance de la chose.

* héritière du CCF (Congrès pour la Liberté de la Culture) dirigé par Denis de Rougemont qui y avait été installé par Allen Dulles.

Raymond Aron et Suzanne, Josselson et Rougemont

Une fois étouffés les grands mouvements de l’alerte, de la critique et de la proposition, le système n’a retenu que la frayeur qu’il avait éprouvée. Il y a bien eu quelques aménagements, et même de récentes évolutions sympathiques exhumées de ces années-là (7), mais rien n’a changé quant aux orientations essentielles. Strictement rien, d’où l’effondrement généralisé. Ce qui, à posteriori, démontre l’efficacité du sabotage des mouvements de l’alerte et de l’émancipation (la nouvelle gauche) et de leur remplacement par les fausses gauches.

Au moins à partir des années 1990, même Cavanna – un vrai de la nouvelle gauche – a été censuré. Et Choron ! Eux qui avaient traversé les années soixante en remuant tout sur leur passage. Et en donnant la parole à l’alerte écologiste, avec Pierre Fournier qu’ils ont accueilli et aidé. Cela ne les a pas protégés des menées de Philippe Val et confrères qui les ont trompés et spoliés pour lancer une copie dévoyée, émasculée de l’essentiel, du Charlie Hebdo d’origine. Et, comme par hasard, cela a été fait au début des années 1990, c’est-à-dire en pleine opération propagandiste anti-écologiste, avec Minc, Ferry, Actuel, l’Appel de Heidelberg et une pléiade d’autres vedettes…

https://planetaryecology.com/1991-la-deuxieme-manche/

Comment croire que ceci est étranger à cela ? Surtout en fonction des antécédents. Comment le croire avec ce Charlie qui « n’a plus grand-chose à voir avec celui de ses fondateurs » – comme, heureusement, beaucoup en ont fait le constat. Après les années 80 du triomphe de la globalisation au forceps, il fallait faire taire cette nouvelle gauche qui semblait réémerger (surtout l’écologiste !). La pâle copie de Charlie Hebdo y a contribué. C’est pour cela que Georges Bernier (le Professeur Choron) a été spolié et proscrit. Il en est mort. Pour cela que François Cavanna a été dépossédé, réduit à l’impuissance et humilié *. C’est ce qui a fait fuir Delfeil de Ton.

Comme tout cela est ressemblant avec le traitement infligé aux écologistes, et à beaucoup d’autres, dès le début des années 1970 !

* Cavanna qui, en plus, avait eu le mauvais goût d’écrire dans Écologie hebdo (1972 – 1992), l’oublié. Les articles parus sont rassemblés dans La belle fille sur le tas d’ordures, édit. L’Archipel 1991.

Cavanna, jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai, documentaire de Denis et Nina Robert, 2014.

Présentation et critique dans :

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Tous ces effondrements qui étaient évitables

Aujourd’hui, après un défilé de gouvernements au service de tous, mais pratiquant consciencieusement la politique du pire, la situation est à la hauteur de ce que redoutaient les écologistes d’hier. Partout, des fanatiques avides et sans l’ombre d’une culture écologique, purs rejetons de la culture dominante, obnubilés par les seuls chiffres de leur économisme oublieux du vivant, s’attaquent à la biosphère avec les moyens surpuissants procurés par la concentration capitaliste du pouvoir et de l’argent – les produits de la spoliation des biens communs. Plus ils tirent profit du saccage, et plus ils l’accroissent. Du fait de l’augmentation en nombre et en étendue des agressions, et de leur synergie, encore amplifiée par la poursuite de la croissance démographique, avec pour effet symétrique l’affaiblissement de la biosphère à tous ses niveaux d’organisation*, l’espérance de vie des formes les plus évoluées est menacée à très court terme par l’emballement des processus mortifères.

* « Si l’on ne comprend pas qu’un comportement humain, par exemple, n’est que ce que l’on peut observer au niveau macroscopique de nombreux autres processus qui ont lieu simultanément dans de multiples niveaux sous-jacents (et influencés par de multiples niveaux sus-jacent), on aura toujours une compréhension superficielle et partielle de ce qui se déroule devant nos yeux« , Henri Laborit, La nouvelle grille 1974, Henri Laborit : l’information
dans le corps humain et le corps social
, Cairn.info

Le tournant des années soixante-dix/quatre-vingt a été marqué par un événement dramatique d’ampleur planétaire : les capacités de régénération de la vie terrestre ont été dépassées à ce moment. Autrement dit, à bout de résistance, la biosphère a basculé vers la mort. C’est dans une inconscience grandissante que le point de rupture a été franchi. Pourtant, les manifestations annonciatrices du phénomène étaient visibles partout depuis longtemps, ne serait-ce que l’explosion de la laideur – celle-ci étant proportionnelle à la destruction écologique et sociale. C’est, d’ailleurs, la perception du phénomène qui avait fait, partout, lever le mouvement écologiste et l’ensemble de la nouvelle gauche (8). Sans que nous comprenions bien d’où venait le péril, c’est la mutation qui commençait à produire les destructions massives que nous avons peine à dénombrer aujourd’hui, qui nous a poussés à donner l’alarme et à chercher les explications et les alternatives. Malheureusement l’écologisation a été stoppée net…

On estime couramment que la crise biosphérique créée par la civilisation industrielle et le capitalisme de « conquête des marchés » fait actuellement disparaître 100 espèces par jour, sans aucune compensation à la mesure du phénomène. Même dans nos campagnes, la biodiversité a été laminée. Quand on réalise que la planète d’il y a 50 ans seulement pourrait presque passer pour un paradis en comparaison avec le désastre écologique et social actuel…

Tracking the ecological overshoot of the human economy

<a href= »http://www.globalrestorationnetwork.org/degredation/« >http://www.globalrestorationnetwork.org/degredation/</a>

On ne pourrait plus, comme Doisneau, photographier des moineaux récoltant les insectes collés au-devant des locomotives !

Fin des années soixante-dix, début des années quatre-vingt… Pour comble, le basculement s’est opéré au moment même où les mouvements proposant les adaptations indispensables pour sauver la planète étaient étouffés par la réaction, dans la confusion des valeurs et des identités. Depuis, l’humanité a perdu le temps de deux générations. Beaucoup plus, en fait, car si la dynamique critique et alternative lancée dans les années soixante avait pu faire espérer un changement radical et l’amorce d’une restauration sociale et écologique, c’est son effondrement qui a permis le développement d’une dynamique de destruction plus puissante que tout ce qui avait précédé. Celle-ci fut d’autant plus puissante, justement, que l’espoir et l’enthousiasme, donc la capacité de résistance et de création, ont été assassinés avec les mouvements alternatifs. Le seuil critique a été franchi d’un coeur léger en plein essor de « l’ultra-libéralisme« , ou « mondialisation« , exactement quand les technologies les plus dures ont été lourdement subventionnées par le détournement des fonds publics (par exemple la grande pêche industrielle). Depuis, l’accélération des processus de destruction est continue. Nous sommes en chute libre, tout bonnement.

En pleine délitescence des systèmes vivants, les dominants nous emportent, pied au plancher, vers le bouquet final.

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Alerte rouge et… Rien, ou presque

« La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine et le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier », alerte le rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), dont le résumé a été approuvé début mai à Paris (mai 2019).

https://www.revue-ein.com/actualite/alerte-rouge-sur-l-effondrement-de-la-biodiversite

1960 2018 – Eau, patrimoines, biodiversité et climat, 50 ans d’une destruction exemplaire du bien commun

Suite à cet effondrement provoqué, Il y a eu recul critique et déconscientisation, et le phénomène est vraisemblablement d’autant plus marqué que les pertes de vie – de vies – sont si considérables que les craintes des lanceurs de l’alerte écologiste – ces « catastrophistes » longtemps dénoncés – ont été dépassées. Il y a eu habituation à l’insociabilité, aux dégradations, aux escroqueries en tous genres, à une vie en réduction, avec moins de vie autour, beaucoup, beaucoup moins de vies.

Ron Cobb années 1970

On s’étonne parfois que les nouvelles générations semblent si peu critiques. Mais peuvent-elles avoir le même recul par rapport à la destruction de ce qu’elles ont peu ou pas connu ? En France particulièrement, elles n’ont pas vécu la phase la plus dure des grands bouleversements économiques, sociaux et écologiques, sans aucun doute les années soixante où nous avons vu s’esquisser le monde immonde taillé à grands coups de déstructurations économiques, écologiques et sociales par les partis de la guerre contre la vie ; partis imbibés de culture anti-nature. Peut-être sont-elles moins indifférentes qu’accablées par le cauchemar qu’elles découvrent, et démoralisées par la certitude de son aggravation. Comme la plupart d’entre nous, d’ailleurs. Mais, fi des détournements d’attention sur ceux qui n’en peuvent mais, les premiers responsables ne sont pas les derniers venus !

Une meilleure piste s’ouvre quand on se demande si, en dépit de son abondance, l’information sur les crises planétaires est vraiment connue de tous ? Étrangement, non. Beaucoup ne la connaissent pas. Ils sont vides d’information ayant du sens au milieu d’un brouhaha d’informations sans queue ni tête, et refusent de la connaître quand on la leur présente. Surtout ceux qui se pensent autorisés à dominer les autres et à « gérer » leurs affaires. Le choc est trop fort. L’information leur fait peur. Elle dérange trop leurs habitudes pour provoquer chez eux autre chose qu’une plus grande fermeture.

Hara Kiri 1969

Entre toutes, une chose a beaucoup changée par rapport aux années soixante et soixante-dix. Cette chose, c’est le développement du sentiment d’impuissance devant le monstre. Les mouvements d’hier étaient pénétrés de la conviction qu’ils allaient réussir à changer la civilisation. Leur effondrement a été suivi d’une dépression collective dont l’onde de choc nous parcoure encore. Trop d’efforts gâchés, trop de déceptions, trop de trahisons, trop de « gagneurs » triomphant contre le bien commun. Autant le peuple des années cinquante, soixante et soixante-dix était encore assez fort, assez disponible ; libre et capable de s’exprimer pour croire en ses capacités d’influer sur la marche de la civilisation. Autant les masses d’aujourd’hui, plus entravées et dépendantes que jamais dans les rets de la consommation et du capitalisme ultra, ne croient plus en rien, surtout plus en elles-mêmes. C’est ce qui fait la force du système destructeur. Le seul à garder le moral !

En même temps, il y a, à nouveau, beaucoup de projets et de développements alternatifs. Et toujours des luttes contre les « grands projets inutiles » – contre les nuisibles aussi. Beaucoup de bonnes volontés sont mobilisées. Mais tout est dispersé, donc extrêmement vulnérable aux manipulations qui se poursuivent. Surtout du fait de l’ignorance de celles-ci, il manque une cohérence et une solidarité. Ce sont celles de la contre-culture et du projet partagés que développent ensemble la connaissance sensible du vivant et la celle de l’histoire de la domination contemporaine.

Alain-Claude Galtié 2014, complété en 2020


Notes

(1) Toute cette malveillance, ces projets diaboliques remuent notre passé au fond de nous et font renaître les visages disparus. Ils tirent des profondeurs de la nuit éternelle des êtres de notre sang morts depuis des éternités et qui se lèvent pour crier de douleur. Leur souvenir s’est perpétué jusqu’à nous par la volonté des gens de notre race qui ont admiré leur savoir et se sont transmis leur histoire de génération en génération.

Nos pères qui les tenaient de leurs pères nous ont appris l’essentiel de ce que notre peuple ne doit jamais oublier, s’il ne veut pas mourir. Ils nous ont appris que la terre est notre mère et que nous n’avons aucun droit sur elle. Si le maître de la vie nous a fait naître sur cette terre, personne n’est en droit de nous en chasser. Lui seul le pourrait mais ne le veut pas. Notre mère est immense et notre amour pour elle est à la mesure de son immensité. Et nous serions condamné à mourir de honte jusqu’au dernier si nous acceptions l’idée de vendre notre mère (…) »

Maudits sauvages (6ème partie du Royaume du Nord), Bernard Clavel, J’ai Lu.

Certains professent doctement que nous ne sommes plus de « la Nature« , voire que nous ne l’avons jamais été. George Perkins Marsh était de ceux-là : « he (the man) is not of her, that he is of more exalted parentage and belongs to a higher order of existences than those born of her womb and submissive to her dictats. » (Man and nature). Que Marsh ait été un oligarque du XIXème n’explique pas grand-chose. Bien que contemporain, il était très éloigné de Pierre Kropotkine, le « prince anarchiste » écologiste ! Un bon siècle plus tard, d’autres – surtout en France – creusent encore la même ornière en réensemençant toujours l’opposition « nature« – »culture » et la figure majestueuse de « l’Homme« . Projetant sur les autres leur déficience sensible, mais n’oubliant pas de perpétuer le conditionnement à la dissociation du vivant en parties incompatibles, certains prétendent que « la nature » est devenue une abstraction pour nous, qu’elle ne serait « plus de l’ordre du sensible« , que « nous sommes en effet incapables de percevoir par nos sens les grandes dégradations que nous lui infligeons« , que « nous n’y accédons qu’à travers la médiation scientifique, des équations ou des rapports d’experts » (Dominique Bourg)…

Exactement au contraire de ces analyses élitistes, le mouvement écologiste est né d’une violente émotion, et la « médiation scientifique » n’a servi qu’à confirmer ce que nous ressentions intimement en observant notre environnement. Car n’en déplaise aux révisionnistes, l’écologisme était un mouvement social.

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(2) Bolsonaro n’était pas encore adolescent que les bruits des horreurs commises en Amazonie nous faisait dresser les cheveux sur la tête !

AMAZONIE

Hervé LE NESTOUR 1967

Vous qui de la forêt ne connaissez que chêne, hêtre, saule ou sapin

Châtaigner, orme ou frêne, bouleau, cèdre ou pin

Jamais vous ne saurez l’océan de forêt de l’Amazonie

Pourtant déjà la hache, déjà la cognée

En tache comme une lèpre l’ont rognée

Plutôt que la terre du riche partager

On envoie le pauvre ronger la forêt

Et vous qui de rivières ne connaissez que Seine, Rhône, Garonne ou Rhin

Loire, Dordogne, Saône, fleuves par trop sereins

Chacun d’eux se perdrait ? ensemble se noieraient dans l’Amazonie

Pourtant le Putumayo, l’Ucayali

Xingu, Tapajoz, Madeira

Javari, Vaupes, Urubamba, Jurua

Bientôt seront aussi souillés que ceux-là

Et vous qui oubliez vos peuples que l’on force à perdre leur élan

Basques, Bretons ou Corses, Gitans ou Catalans

On ne vous pas dit les peuples anéantis de l’Amazonie

Guato, Bakairi, Kayainawa

Monde, Kurina, Oti, Poyanara

Wari, Moyuruna, Ofayé

Et comme eux tant d’autres dans l’oubli noyés

Vous qui de l’Amazonie ne savez qu’Amazone vous qui ne savez rien

Sachez qu’on y massacre arbres, fleuves, indiens

Le meurtre est quotidien, il ne restera rien de l’Amazonie.

Comme Hervé écrivait son indignation, Claudia Andujar n’allait pas tarder à se rapprocher des Yanomanis

Une cinquantaine d’années plus tard, le jeune Bolsonaro devenait une menace pour les populations autochtones, pour leurs écosystèmes, pour le monde entier.

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(3) « New left : nouvelle gauche« … Hors du contexte de l’époque, où gauche pouvait avoir encore une signification, cette appellation peut sembler bizarre, voire complètement déplacée, tant la gauche a été falsifiée. C’est pourquoi je la précise en ajoutant « écologiste« , pour éviter toute ambiguïté avec les appellations partisanes et les tentatives de récupération, toutes viscéralement hostiles aux alertes et aux alternatives ; et souvent à l’esprit même de la gauche d’autrefois.

Cette nouvelle gauche n’a évidemment aucun rapport avec un courant socialiste français de la fin des années cinquante (« Deuxième Gauche« ), d’ailleurs précédé par un « Mouvement Uni de la Nouvelle Gauche » (MUNG en 1957) qui n’était en rien un précurseur des alertes et des alternatives. Même mise en garde vis-à-vis de la réapparition d’une « Deuxième Gauche » à partir de 1977, comme pour combler le vide laissé par l’escamotage de la nouvelle gauche écologiste. Les acteurs de cette « Deuxième Gauche » renseignent sur sa valeur et son origine. On y trouvait Michel Rocard encore en vedette, Jacques Julliard l’anti-écologiste primaire, Edmond Maire, François Furet, Pierre Rosanvallon, Jacques Delors, des productivistes socialistes et communistes déjà assouplis par la tentation néo-libérale, etc. Tout cela était ardemment soutenu par le Nouvel Observateur, Le Monde, etc. Cette « Deuxième Gauche » réunissait donc une bonne partie de ceux qui venaient d’estourbir la nouvelle gauche des alertes et des alternatives. On y trouvait ceux qui ne juraient que par le nucléaire, le développement de « la croissance marchande«  *, et la concentration du capital par les trusts (en particulier chez les rocardiens). Rien d’étonnant à cela puisque la plupart de ces messieurs allaient accoucher la Fondation Saint-Simon ! Cette « Deuxième Gauche » n’était qu’une préparation à l’offensive des années 80. Plus caricaturale encore la « Nouvelle Gauche Libérale et Sociale » (!) conduite par Pierre Nora, Marcel Gauchet, Alain Finkielkraut, Luc Ferry et Alain Minc (évidemment), qui incarne la continuité entre le Congrès pour la Liberté de la Culture, l’engagement néoconservateur de Raymond Aron depuis 1969 au moins, les cercles des revues Contrepoint, Commentaire et Le Débat, la Fondation Saint-Simon, etc. « Nouvelle Gauche Libérale et Sociale« … Vu le pedigree des créateurs de l’appellation et leur implication, de bout en bout, dans le sabotage de la véritable nouvelle gauche, c’est ne pas s’aventurer beaucoup que de penser que cette NGLS a été mise sur le marché pour semer plus encore la confusion, tout en enfonçant définitivement l’original dans l’oubli.

* avec la « grande distribution » (sic) spéculant sur l’asservissement des producteurs et la ruine des écosystèmes.

« La Gauche » ayant dérivé loin du bien commun depuis longtemps (si longtemps !), avoir baptisé nouvelle gauche le nouveau mouvement d’essence écologiste et libertaire n’était pas seulement un peu équivoque, c’était très insuffisant pour exprimer le souci du bien commun planétaire propre à la nouvelle gauche, son inspiration écologiste et son ambition de restaurer la démocratie.

La nouvelle gauche d’ici correspondait à la « new left » anglo-saxonne (c’est la même émergence écologiste, la même révolte profonde devant la même agression). Le même mouvement.

Depuis, les propagandistes de telle ou telle tendance du système dominant se sont déchaînés pour décrédibiliser le mouvement social des années soixante soixante-dix. Les caricatures folkloriques, aisées avec un mouvement si imaginatif et haut en couleur, sont toutes destinées à masquer la pensée critique radicale et le projet d’une autre civilisation sous la fumée des joints. Hypocrisie, d’ailleurs, car les falsificateurs n’ont été pas les derniers à aspirer goulûment celle-ci, tandis que les alternatifs étaient bien davantage portés sur la philosophie politique et la résistance au nouveau totalitarisme mondial.

Quelques sources :
sur le mouvement PROVO
http://www.rock6070.com/forum/viewtopic.php?f=5&t=8371
http://fr.wikipedia.org/wiki/Provo_(mouvement)

Gary Snyder

<a href= »http://www.poetryfoundation.org/bio/gary-snyder« >http://www.poetryfoundation.org/bio/gary-snyder</a>

<a href= »http://anarchiststudies.org/node/496« >http://anarchiststudies.org/node/496</a>

Snyder, Ginsberg et le boudhisme

<a href= »http://www.shambhalasun.com/index.php?option=com_content&task=view&id=3254&Itemid=244« >http://www.shambhalasun.com/index.php?option=com_content&task=view&id=3254&Itemid=244</a>

L’écologie profonde

<a href= »http://en.wikipedia.org/wiki/Deep_ecology »>http://en.wikipedia.org/wiki/Deep_ecology</a>

Beat Generation

<a href= »http://www.scoop.it/t/la-beat-generation?page=3« >http://www.scoop.it/t/la-beat-generation?page=3</a>

Beatnik

<a href= »http://www.online-literature.com/periods/beat.php« >http://www.online-literature.com/periods/beat.php</a>

<a href= »http://paris70.free.fr/beatniks.htm« >http://paris70.free.fr/beatniks.htm</a>

Hippie

<a href= »http://en.wikipedia.org/wiki/Hippie« >http://en.wikipedia.org/wiki/Hippie</a>

American Indian Movement

https://www.youtube.com/watch?v=BlKc19OUR54

https://en.wikipedia.org/wiki/Occupation_of_Alcatraz

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(4) …aucun contact, et pour cause ! Hainard et Ellul (et le doute subsiste pour Charbonneau) intriguaient contre la nouvelle gauche écologiste sous la houlette de l’agent de la conquête capitaliste (bientôt mondialisation) : Denis de Rougemont. Celui-ci avait été sélectionné par Allen Dulles lui-même ! Aucune confusion n’est donc possible : même si certains, tel Charbonneau, ont été abusés, ils se sont tous ralliés au camp d’en face, celui de « la croissance marchande » qui a fini par étouffer tous les courants de l’alerte et des alternatives ! Comme planifié, par exemple, par un Raymond Aron dès 69. À l’exception de Charbonneau qui est un cas très particulier, vouloir apparenter ces personnages au mouvement écologiste est plus que suspect. C’est poursuivre le travail de sape idéologique lancé par les néo-conservateurs dans la seconde partie des années soixante.

Et nous n’avions pas encore lu Theodor Adorno et Max Horkheimer :

« Le pouvoir du système sur les hommes augmente à mesure qu’il les éloigne de l’emprise de la nature« 

« Toute tentative ayant pour but de briser la contrainte exercée par la nature en brisant cette nature n’aboutit qu’à une soumission plus grande au joug de celle-ci« 

« Aujourd’hui, au moment où l’Utopie de Bacon, la « domination de la nature dans la pratique« , est réalisée à une échelle tellurique, l’essence de la contrainte qu’il attribuait à la nature non dominée apparaît clairement. C’était la domination elle-même. Et le savoir, dans lequel Bacon voyait la « supériorité de l’homme », peut désormais entreprendre de la détruire. Mais en regard d’une telle possibilité, la Raison, au service du présent, devient une imposture totale pour les masses« 

La dialectique de la raison, première publication en 1943, traduction française Gallimard 1974)

La correspondance avec le sens de l’alerte écologiste et de sa philosophie politique est troublante. Elle s’explique naturellement par les retrouvailles avec la culture du bien commun et de l’émancipation auxquelles conduisaient les révoltes des uns et des autres.

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(5)

Tout le ciel cette nuit proclame
L’hécatombe des rossignols
Mais que sait l’univers du drame

Louis Aragon, Les poètes

(…) Au début des années 60, à cause de la pollution atmosphérique et, surtout, à la campagne, à cause de la pollution des eaux (fleuves d’azur et canaux transparents), les lucioles ont commencé à disparaître.

Le phénomène a été fulminant, foudroyant. Au bout de quelques années, c’en était fini des lucioles. (Elles sont aujourd’hui un souvenir quelque peu poignant du passé : qu’un vieil homme s’en souvienne, il ne peut se retrouver tel qu’en sa jeunesse dans les jeunes d’aujourd’hui, et ne peut donc plus avoir les beaux regrets d’autrefois).

Ce «quelque chose» survenu il y a une dizaine d’années, je l’appellerai donc «disparition des lucioles». (…)

Le vide du pouvoir en Italie, Pier Paolo Pasolini 1975 (peu avant qu’il soit assassiné dans l’Italie entièrement sous contrôle entre Gladio, Mafia réactivée par les Alliés pour aider à « la libération« , Loge Propaganda due, Congresso per la libertà della cultura).

http://www.franceinter.fr/em/rendezvousavecx/101679

Empoisonnées, écrasées, les lucioles autrefois si nombreuses ont été reléguées aux confins du perceptible par les projecteurs du totalitarisme anti-nature. Comme les résistants et les alternatifs l’ont été par les capitalistes néo-cons et leurs prédécesseurs.

Les Poètes (Jean Ferrat)

http://www.youtube.com/watch?v=1R1_VvDhwBw

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(6) Précisément ceux-là auxquels leurs alter ego en art du reniement et carriérisme émollient nichés dans les media attribuent tout le mouvement social de l’époque, ce qui s’en est suivi, et – allez, ne soyons pas avares ! – tout ce qui a précédé. Pour ce faire, le 68 français est couramment utilisé pour dissimuler l’étendue, la profondeur et la durée de la remise en cause en France comme ailleurs. Mais ce 68-là est si défiguré qu’on ne reconnaît pas le mouvement qui a commencé à parcourir le monde dans les années soixante, voire cinquante. Et pour cause : il est couramment réduit à des courants estudiantins souvent parfumés d’un zeste de cette « liberté libérale » qui allait faire carrière, tout en étant pilotés par les zélateurs des communismes totalitaires. En guise de mouvement alternatif, on fait mieux ! Même un esprit aussi fin que Pierre Bourdieu a réduit 68 et la nouvelle gauche au gauchisme d’étudiants en revendication de statut liée à une origine sociale élevée. D’où vient un tel aveuglement ? Les maoïstes étaient parmi les plus motivés pour participer à la dérive*. Bons élèves de l’entrisme trotskiste, ils ont débarqué en rangs serrés chez les écologistes. Parfaitement assimilables par le capitalisme, ces totalitaires-là ont relayé avec zèle et savoir-faire les efforts des officines de celui-ci, tel le Congrès pour la Liberté de la Culture de Denis de Rougemont. C’est ensemble qu’ils ont étouffé et détourné tout ce qui bougeait, imaginait et proposait à l’époque.

* Entre autres qualités remarquables, Dumont lui-même en était !

Ce qui faisait rêver nombre de ceux qui ont infiltré le mouvement écologiste

Bourdieu n’a pas été le seul à se laisser tournebouler par les gauchistes. Ainsi voit-on partout prospérer cette déformation qui continue d’alimenter l’imposture. Par exemple : « (…) l’émergence de mouvements dénommés New Left (Nouvelle Gauche) dans les pays anglo-saxons, et désignés sous le terme de gauchisme ou extrême gauche en France et dans les pays européens. » Et, hop !, tout le mouvement profondément révolutionnaire et sa contre-culture alternative, qui portaient, non pas un fantasme de « prise du pouvoir« , mais le projet convivial d’un changement de civilisation, sont gommés d’un coup, remplacés par un carnaval de seconds couteaux du capitalisme ! Cette affirmation originale figure dès le début (page 20) d’un livre de Yaïr Auron : Les juifs d’extrême gauche en Mai 68 (Albin Michel 1998). Confusion totale ou poursuite de la manipulation ?

Et les autres ? Ceux qui n’étaient ni étudiants ni sortis de la cuisse de Jupiter ? Ceux qui n’étaient pas des gauchistes, des mécanistes obnubilés par le pouvoir – précisément : par la capitalisation des pouvoirs confisqués ? Ne comptent pas. Abandonnés sans l’ombre d’un soutien, censurés à perpétuité, ils sont devenus invisibles*. N’ont même pas droit à une existence intellectuelle.

* D’autant plus que la plupart des contemporains ignorent cette censure.

Au-delà des acteurs du mouvement, l’objectif principal de cet oubli est toujours le même. Il s’agit toujours d’occulter la culture qui ne doit rien aux origines sociales ; au contraire : la culture induite par la reconnaissance du vivant (culture écologiste, culture conviviale, « culture arcadienne« ), donc celle qui est centrée sur le bien commun. Cette omission du sujet principal est-elle une simple étourderie ? Due au même conditionnement que celui des étudiants ciblés par Bourdieu ? Doit-on l’attribuer à autre chose ? Des intérêts partagés ? Une solidarité de classe ? Un projet ?

Toujours est-il que, en effet, les gauchistes vedettarisés étaient vraiment bouchés à l’émeri vis-à-vis de la crise écologique et des deux grandes contestations portées par le mouvement de ces années-là : l’analyse de la civilisation de consommation, de gaspillage et de pollution, et la critique de la société hiérarchique qui accompagnait l’aspiration à la restauration de la démocratie. C’est pour cela qu’ils avaient été choisis et qu’ils bénéficiaient de tant de soutiens. L’essentiel de leur modèle de civilisation ne différait guère de celui des capitalistes obnubilés par l’expansion : technologies dures, productivisme, intensification des flux de marchandises, et domination. Ce qu’ils ont défendu avec enthousiasme sitôt vautrés sur les strapontins du système, sous la protection de « Tonton« .

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(7) Par exemple, les bicyclettes en accès libre dans les villes. C’est une idée du mouvement Provo mise en pratique dès 1965 à Amsterdam : les « vélos blancs« . Suivant le même principe, les provos avaient aussi créé un réseau de véhicules électriques libres d’accès dans la ville. J’ai connu les derniers moments de cet excellent système à la fin des années 1970.

Provo a beaucoup inspiré le mouvement écologiste français. Les « manifs à vélo » des premières années 1970 en sont un effet, de même que les vélos de La Rochelle un peu plus tard.

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(8) On veillera à distinguer ce premier mouvement d’essence libertaire, holiste et communautaire, d’autres courants qui, depuis, se disent alternatifs tout en plagiant avec application les pires pratiques de la domination.

Sur le dépassement des capacités de régénération de la biosphère, voir sur Internet ou auprès du WWF le Rapport Planète Vivante 2004,

et Tracking the ecological overshoot of the human economy

<a href= »http://www.globalrestorationnetwork.org/degredation/« >http://www.globalrestorationnetwork.org/degredation/</a>

Juste une illustration : sur toute la planète, c’est une superficie de forêts primaires parfois équivalente à la moitié de la France qui disparaît maintenant chaque année, et une surface à peine moindre pour les terres cultivables, du fait de l’urbanisation, de la construction des réseaux pour automobiles et camions, et de la désertification résultant des mauvaises pratiques.

Mars 2021, entre déforestation et dégradation pernicieuse, la destruction du vivant ne cesse d’accélérer :

Une cartographie sans précédent révèle une perte de 220 millions d’hectares de forêts tropicales humides depuis 1990. « Les données satellites nous montrent que, entre 1990 et 2020, ce sont environ 7 millions d’hectares de forêt tropicale humide qui ont disparu en moyenne chaque année. Cela équivaut environ à la taille de l’Irlande, tous les ans »


Carte des forêts tropicales humides restantes en janvier 2020 (panneaux par continents) ©
Science Advances , Vancutsem et al. 2021.

Carte des forêts tropicales humides restantes en janvier 2020 (panneaux par continents) © Science Advances , Vancutsem et al. 2021.

https://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/communiques-de-presse/2021/perte-220-millions-hectares-de-forets-tropicales-humides?hash=b81786b6-bbd1-4cb6-8a0c-9c3e36e90ca7&utm_medium=social&utm_source=facebook

Les pertes en biomasse et en diversité sont massives. Les perturbations climatiques locales accroissent la dégradation (sécheresses et incendies) et entraînent des conséquences planétaires.

Long-term (1990–2019) monitoring of forest cover changes in the humid tropics

https://advances.sciencemag.org/content/7/10/eabe1603

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